Toulousains, toulousaines et autres humains, avez-vous ouï du sieur André Dusastre, grand chroniquer de la vie locale ? Si oui, ce message par nous reçu et que nous nous faisons une joie de relayer est fait pour vous.
Si quiconque a des infos, nous ferons aussi tôt passer au camarade Maxou (JF Heintzen).
Bonjour. Je découvre ce site par un heureux hasard, en grattant le web à
la traque de chansons, visiblement du genre de celles qui peuvent
vous intéresser. Je lis que vous êtes implanté à Toulouse, donc je
tente ma chance.
Je bosse depuis quelques décennies sur les complaintes
criminelles sur le territoire français. J'en ai déjà répertorié
plus de 1250 entre 1870 et 1940
(https://complaintes.criminocorpus.org/), et je viens de pondre un
pavé sur le sujet, Chanter le crime
(https://www.bleu-autour.com/produit/chanter-le-crime/), mais je
ne viens pas vers vous pour vendre ma soupe, c'est juste pour
situer mes centres d'intérêt.
Je traque depuis longtemps l'un des derniers chansonniers "de
rue" écrivant des chansons sur les crimes du moment, les chantant
et les vendant sous forme de feuilles ronéotypées. Il s'appelait
André Dusastre, mort en 1960 à Toulouse, son lieu d'origine. Il a
pas mal erré dans tout le sud-Ouest (Toulouse, Bordeaux,
Montpellier, Béziers, Perpignan, Montauban...) et a produit des
centaines de chansons, en grande partie perdues. Je vous joins un
article de Détective qui l'évoque en action dans les rues
de Toulouse en 1954, avec photos. Je peux vous faire passer aussi
des scans de quelques-unes de ses chansons (certaines sont à la
BNF, car il faisait le dépôt légal de certains de ses textes).
Évidemment je recherche des personnes ayant pu le connaître (ou
des collectionneurs de vieilleries musicales ayant des feuilles de
chansons de sa main), voire - miracle - contacter sa fille,
visiblement née après la guerre si l'on en croit l'article de Détective.
Habitant loin de votre sud-ouest, j'ai déjà
contacté des potes toulousains, dans le monde des musiques trad'
et populaires, j'ai eu un échange avec Claude Sicre, mais cela n'a
pas débouché. (Tu m'étonnes! Ndr) Si cela vous intéresse, d'une manière ou d'une autre, on peut en
discuter.
Merci de m'avoir lu.
On peut retrouver Maxousur France Musique à ce lienetà celui-ci. Et en supplément, une complainte drolatique sur un fait-divers qui ce coup là est un suicide. Le pendu de Maurice Mac Nab par Chantal Grimm.
Nuit de la Saint Sylvestre, 1994, état du Chiapas, situé au fin
fond du Mexique, en bas à gauche. Une armée de rebelles surgie de
la nuit s’empare des villes de San Cristobal de Las Casas,
Ocosingo, Las Margaritas et Altamirano. Après avoir réglé leurs
comptes aux prisons et polices locales, ils enfoncent les portes des
mairies pour brûler les titres de propriétés. Puis, ces indiens
zapatistes occupent les stations de radio et, entre deux communiqués
maison, y jouent une chanson de José de (Jésús
Núñez) Molina,
La Bomba (Allumons la mèche de la bombe, la situation
l’exige). La guerre est déclarée là où on ne l’attendait
pas¹.
José de Molina,
ménestrel des rues choisi pour mettre cette guerre en zizique, a
déjà une carrière de poil à gratter de la chanson mexicaine
derrière lui.
Né en 1938 à l’autre extrémité du pays, à Hermosillo, Sonora,
il en a gardé le goût de l’argot du Nord².
Dans la grande tradition des chanteurs itinérants, il exerce d’abord
divers boulots (paysan, ouvrier, vendeur ambulant, acteur) jusqu’en
1970 où il décide de devenir chanteur ambulant. Ensuite, tel un
Traven de la rengaine, Molina met sa biographie en scène tout en
brouillant les pistes.
Il dit avoir survécu au massacre de Tlatelolco, le 2 octobre 1968 à Mexico et à la manifestation sanglante du 10 juin 1971, dans la même ville. Prétend avoir eu des relations avec l’ACG, la guérilla de l’instituteur Genaro Vázquez Rojas (qui outre ses qualités de combattant était le sosie de Charles Bronson) au Guerrero, au début des années 1970. Et s’est retrouvé à pousser ses beuglantes dans les usines, aux piquets de grèves, dans les villages reculés et, dans les années 90, sur la grand-place du Zocalo de Mexico, tous les dimanches après-midi, devant un public de gueux lui réclamant ses « tubes » à cor et à cri entre deux sketches.
Pour
donner une idée de ces performances dominicales, il se lance
dans une diatribe contre les abus du clergé avant d’attaquer sa
salsa, Dialogo entre
el Papa y Jesucristo
dans lequel, miracle des miracles, le Christ apparaît au Vatican
pour engueuler la Pape au sujet de son niveau de vie. Au dernier
couplet, après que sa Sainteté ait
manifesté quelques regrets, le toubib appelé auprès de lui
diagnostique un délire dû à une forte fièvre qui envoie aussi sec
Monseigneur vers sa sépulture.
Puis, après avoir rappelé le
massacre des ouvriers agricoles de la noix de coco (Acapulco 1967) en
parallèle avec celui des syndicalistes paysans de l’OCSS à
Aguas Blancas (1995),
il exécute
son légendaire Corrido
a Ruben Jaramillo
(paysan et guérillero exécuté traîtreusement par l’armée avec
toute sa famille sur une pyramide aztèque en ruine). Puis, un salut
aux sans-abris du tremblement de terre de
1985, dont une bonne partie campe
encore dans les parcs vingt ans après, pour enchaîner sur la cumbia
Se acabo
(La
patience, c’est terminé)
reprise dans toutes les manifs du pays.
Un sketch sur les minables pelotant les femmes dans le métro (et
si je te mets la main aux couilles, crétin, tu vas aimer?)
et, sans autre
transition, sa fabuleuse Salsa
Roja, tropicale dont
les paroles méritent qu’on s’y arrête : Tu
fais semblant de me payer / je fais semblant de travailler. Tu fais
semblant de m’apprécier / je t’envoie te faire foutre. Patron,
on peut pas être amis / ni faire la paix. Ceci n’est pas un
baloche / c’est la lutte des classes.Une valse norteña
à l’accordéon pour ridiculiser les Charros,
syndicalistes officiels aux ordres du tout-puissant et indétrônable
Fidel Velázquez³,
mieux connu sous le sobriquet de « la Momie ».
Le tout accompagné
de sa guitare et d’une
bande enregistrée tout en demandant au public laquelle il souhaitait
entendre.
En conséquence, il
termine immanquablement
par La bomba,
citée plus haut. « Oh, non ! Vous faîtes chier, ils vont
encore me traiter
de terroriste et me foutre une
amende ! » Minaude-il
ravi.
Cabotin
sublime, Molina est
à mille lieux de la tradition des chansonniers
gauchistes pompeusement
ennuyeux. Ses
enregistrements alternent systématiquement musique
et discours incendiaires, descriptions d’un massacre rural, d’une
grève réprimée, de disparitions
d’activistes sans
dédaigner réaliser un disque de poèmes surréalistes au
passage. Comme
l’a dit Emma Goldman,
pas question de faire la révolution sans danser. Et
Molina mêle salsas, cumbias, valses à ses corridos à
ses complaintes.
Affirmant sut tous les tons
qu’un
gouvernement, autant de
gauche fut-il,devient fatalement
despotique et tyrannique, Molina
ne s’est jamais inscrit à aucun parti ou groupuscule.
Tâchant de survivre de sa musique,
il a enregistré une douzaine de disques entre 1971 et 1996. Il fut
un temps où on ne les trouvait qu’en cassettes sur les trottoirs
de la ville ou dans une librairie vieillotte de la rue Articulo
123, spécialisée en
pornographie et littérature semi-clandestine de guérilla. Ce
curieux commerce était situé dans un quartier encore populaire
jusqu’au années 2010, prisé par les indiens Zapotèques venus de
Oaxaca et les Espagnols de l’armée en déroute venus de 1939.
Il reste
un des chansonniers les plus populaires du
paysun
autre grand chanteur ambulant prolétaire,León Chavez Teixeiro.
Bien
entendu interdit de
radios et télévisions,
il bouffe de la vache enragée, particulièrement dans la décennie
1990 où ses amis lancent des appels aux
comités de quartier, syndicats indépendants, grévistes pour
l’inviter à se produire.
Le Mexique étant un pays civilisé où, avant de vous faire
disparaître ou de vous flinguer, on vous propose d’abord un
marché, cet irrécupérable s’est toujours vanté d’avoir refusé
toute offre de corruption. Ce qui ne lui a pas porté chance :
plusieurs fois tabassé ou mis à l’amende par la police, il est
enlevé en mai 1997, au cours de la visite du président Bill Clinton
à Mexico. On le retrouve dans un état si lamentable qu’il doit
être hospitalisé des mois durant. Ces séances de torture alliées
à un cancer détecté à ce moment n’ont certainement pas été
pour rien dans son suicide en 1998.
Dans une contrée où
Emiliano Zapata, criblé de balles en 1919, et Doroteo Arango, dit
Pancho Villa, tout aussi criblé de balles en 1923, cavalent encore,
quoi de plus naturel que les refrains de José de Molina soient
encore sur les lèvres des misérables ?
¹ N’exagérons
pas : les services de renseignements militaires s’attendaient
à un soulèvement et l’armée avait pris quelques précautions en
conséquence. L’amour entre différents corps répressifs étant
légendaire, ils ont simplement « oublié » de passer
l’information aux policiers et les ont abandonné à leur triste
sort.
² Desde buki jineteaba,
(cavalier dès l’enfance) chantait-il.
³ Chef
des syndicats dépendant du Parti
Révolutionnaire Institutionnel, 84 ans de
pouvoir. Le
Mexique est le pays surréaliste par excellence
(André breton).
Une plaisante émission, Toute une vie du 16 avril dernier, consacrée à la grande Fréhel née Marguerite Boulc'h en 1891. Même si on croit en savoir beaucoup sur une vie aussi riche que pathétique, certains épisodes restaient dans l'ombre.
Concernant sa période "orientale", Bertrand Tavernier avait brièvement glissé sa personne, jouée par Sandrine Desio, dans le film Capitaine Conan (1996) lors de l'occupation de la capitale bulgare.
Si ça ne veut pas marcher, il suffit de cliquer sur le lien.
C'était longtemps avant la loi Neuwirth et, à plus forte raison, la loi Weil.
Une moitié de la classe ouvrière était en butte aux affres d'une grossesse qui ferait sombrer un foyer dans la pauvreté alors qu'une partie de la bourgeoisie subissait les persécutions libidineuses de l'autre. Et il fallait placer les bâtards en nourrice.
Une chanson de 1924 prend ce problème de société à bras le corps. Musique de Pierre Chagnon, paroles de Georgius, celui-ci ne l'a jamais enregistrée, peut-être vu l'énormité du sujet.
Heureusement, une réjouissante version de Michèle Bernard, enregistrée en 1983.
Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux
On dirait que certains se réveillent. Non qu'on s'enthousiasme outre-mesure sur un mouvement naissant de théâtres occupés ou de sympathiques performances collectives dans des lieux publics (voir commentaire du post précédent) mais on ne pourrait que se réjouir si l'arrivée annoncée du printemps coïncidait avec la sortie d'une sombre léthargie. Mais nous ne sommes pas des plantigrades.
En attendant, une chanson du temps où les rues étaient peuplées de créatures non masquées et où on pouvait faire étape à l'abreuvoir du coin.
Non qu'on veuille magnifier un monde de misère et d'exploitation, mais il était naturel à certains des poètes de s'émerveiller de la rue parisienne en maniant la "langue verte".
C'est là qu'on retrouve ce bon vieux Mac Orlan avec une chanson posthume. Son poème, Les six éléments fut mis en musique sous le titre Les rues barrées (en voilà une idée qu'elle est bonne) par Monique Morelli et son complice, l"'accordéoniste Lino Léonardi en 1968.
Le 9 octobre 1981, Robert "les Gros sourcils" priva notre beau pays de l'outil qui, comme la Tour Eiffel ou le camembert, lui assurait une notoriété mondiale. Rassurez-vous, les socialos mettront vite en fonction des Quartiers d'isolement, des peines incompressibles et tout un attirail destiné à faire miroiter une mort lente aux voyous et autres malfaisants. Pour mémoire, le regretté Giscard d'Estaing doté "d'une aversion profonde à la peine de mort" avait fait raccourcir trois personnes et au moins quatre autres attendaient la visite matinale du coiffeur au 10 mai 1981.
Auparavant, l'immonde joujou des Deibler (bourreaux de père en fils de 1853 à 1939) avait excité les imaginaires, surtout lors d'une "Belle époque" où il s'agissait de vivre vite et de laisser un beau cadavre.
Anatole Deibler (400 exécutions au compteur) et deux apaches de la bande de Béthune dont il se chargea.
Rappel historique : dans un souci d'humanisme, d'égalité, de sérénité et d'abolition des privilèges (seule la noblesse avait alors droit à la décapitation) l'Assemblée nationale adopta la guillotine le 6 octobre 1791.
Contrairement à la légende, cette loi n'est pas l’œuvre de Joseph Ignace "appelez-moi docteur" Guillotin mais des députés Lepeltier et Saint Fargeau. Le bon docteur s'était contenté de suggérer pour accompagner les exécutions équitables un instrument déjà populaire dans les pays germaniques depuis le XVIème siècle, visant "à supprimer des souffrances inutiles".
Son engin fut rebaptisé du nom de son promoteur qui sera assez vite écœuré par l'utilisation industrielle qu'on lui trouvera. Contrairement à la légende, Guillotin mourut dans son lit à 75 ans.
Mais l'enthousiasme des patriotes se traduisait déjà en chansons, dont une qui dut ensuite inspirer le Père Léon, La guillotine permanente, tube de 1793, ici repris par Catherine Ribeiro dans un disque commémorant le bicentenaire de la Révolution.
L'image d'Épinal veut que la béquillarde ait tourné à plein rendement lors de la Terreur robespierriste. Certes, Samson (ça ne s'invente pas) exécuteur des basses œuvres n'a pas chômé, pas plus que les pauvres rémouleurs chargés d'aiguiser la bête. Mais, contrairement à bien d'autres symboles, la Restauration ne se débarrassa pas d'un engin si ingénieux et durant tout le XIXème, la bascule à Charlot ravagera le pays. A l'instar du bagne, on y passait pour un oui ou pour un non, en témoigne le fameux Derniers jours d'un condamné que Victor Hugo a mis trois années à oser signer de son vrai nom. C'était l'époque des complaintes criminelles.
Pour les grandes occasions, l'État préférait tout de même les canons chargés à la mitraille et la troupe qui chargeait pour calmer les ardeurs du populo.
Au tournant du siècle, vint la mode du voyou faubourien, mi-romantique, mi-épouvantail à bourgeois, qui trouva son accomplissement avec la figure de l'Apache* de la soi-disant Belle époque. Malgré l'opposition déclarée à la peine de mort du débonnaire président Armand Fallières, les exécutions en public restèrent encore le spectacle gratuit devant lequel on s'indignait, voire on se bastonnait avec les sergots (comme celle de Liabeuf en 1910) lorsqu'on ne se réjouissait pas du balcon en sablant le champagne.
C'était l'âge d'or des cabarets et des chants d'apaches. Devant un tel déferlement, on vous en pose deux, l'inévitable décrivant les derniers instants d'un voyou, écrite par Bruant, À la Roquette, ici par Bromure, des skins parisiens (2017).
On ne saurait oublier l'impeccable Jacques Marchais dans son anthologie On a chanté les voyousun de nos disques de chevet, qui chanta une chanson de Desforges et Gueteville, créée par Reschal au cabaret l'Horloge, les confidences ironiques d'un futur guillotiné : Monte à regret
Ce qui n'est par ailleurs qu'un autre nom de la Veuve ou la rue de Limoges qui va de la taule à la place fatale.
Mais les beaux jours s'enfuient et le spectacle des exécutions au petit jour devient pénible à un public avide de happy ends avec l'arrivée du cinématographe.
Ainsi, vu le flou, le photographe qui prit le document ci-dessus devait être quelque peu ému ou frigorifié à l'occasion de l'ultime exécution publique, celle d'Eugène Weidmann, à l'aube du 17 juin 1939.
Désormais, on planquera les assassinats légaux derrière de hauts murs et la peine de mort se trimballera une réputation de plus en plus honteuse même si elle eut et a encore de chauds partisans. De 1968 à 1978, elle sera encore prononcée trois à quatre fois par an aux assiettes.
Mais on trouvait alors peu d'amateurs pour la braver ouvertement. et quelques indécrottables réacs pour la célébrer. Les années 1970 sont plutôt au chagrin et à la pitié.
On terminera donc ce tour d'horizon incomplet par un sympathique chanteur de variétoche, Julien Clerc, qui met en musique une chanson de Jean-Loup Dabadie en 1980, L'assassin assassiné.
* À creuser aux rubriques "Cabaret" ou "Bandits bien aimés" sur ce même blogue.
Favre, Garnier,Trochu, Ferry et Thiers livrant Paris à Bismarck
Une chanson du XIXème siècle, amputée de son septième couplet et interprétée en reggae par P'tit Louis dans le disque accompagnant l'ouvrage sur les goualantes de ruesparu il y a deux ans chez l'Insomniaque.
Le passage entre parenthèse n'est pas repris ici.
Au vu des cinq premiers couplets, elle conserve quelque actualité.
Pour écouter ou télécharger, il suffit de clique sur ce lien.
V Car la police n'est plus abordable, elle a le droit mêm' de vous insulter. Si vous lui dites des choses désagréables, Elle se dépêch' vite de vous coffrer.
VI Parlons aussi de ces hommes politiques, Ces mannequins qui changent de parti, Qui pour de l'or trahissent la République, Ces gredins-là vendraient bien leur pays
(VII Des maréchaux tels que monsieur Bazaine*, Des généraux tels le Breton Trochu**, Et d'autres noms dont je me rappelle Qui pour de l'or à l'enn'mi se sont vendus.)
Cette chanson, en l'honneur des malfaiteurs qui l'interprétaient quand ils se réjouissaient, aurait été chantée pour la première fois au bal Colbus par les vidangeurs de la Vilette. D'après ceux-ci, c'est un des leurs collègues déporté à Cayenne en 1848 qui en serait l'auteur, lequel composa par la suite les deux dernières strophes suscitées par les événements de la guerre de 1870***.
La musique et les paroles de l'Or furent recueillies et arrangées par Gaston Blondelon et M. Marcel Labbé, l'affable éditeur bien connu, fit paraître cette chanson il y a moult années, avec six couplets au lieu de sept, le deuxième étant inédit.
Émile Chautard Goualantes de la Villette et d'ailleurs (l'insomniaque)
* Racaille militaire, maréchal d'empire. Rendit Metz aux Prussiens sans combattre en 1870 (Plutôt Guillaume que la République!).
** Racaille militaire, général très catholique. Livra Paris aux Prussiens en 1871 (Plutôt Bismarck que la Commune!)
*** Dont le dernier couplet "blanquiste" à la gloire de Raspail et Blanqui.
Puisqu'on en est réduits à regarder le monde de sa fenêtre ou de son balcon ou de son jardinet comme les chevaliers du Ni, autant partager quelques souvenirs décalés avec nos honorables lecteurs et lectrices. Les grandes batailles du passé était une émission de l'ORTF réalisée entre 1973 et 1978 par Henri de Turenne (Mazette ! Un ancêtre du maréchal éponyme ?) et Daniel Costelle, vulgarisateurs de l'histoire et bateleurs télévisuels.
Comme bon nombre de gosses de l'époque, on a regardé sans savoir que cette émission qui se baladait dans le monde entier nous en apprenait plus sur les années 70 que sur la vaine gloire militaire et son lot de boucheries.
Il n'y avait qu'à voir comment on recevait la télévision française en mettant les petits plats dans les grands en URSS (Poltava 1709) au Mexique (Tenochtitlan 1521) ou en Tunisie (Carthage -149 / -146. Aaah ce ministre de Bourguiba expliquant sans rire "nos ancêtres les Carthaginois" ! Impayable!)
Et puis, le 6 février 1976, on est tombé sur l'émission Paris 1871, la Semaine sanglante. On ne parlait guère de la Commune à l'époque, on n'en parle guère aujourd'hui et pourtant cet assaut du ciel a de quoi nous inspirer.
On était gamin et même si on a trouvé ça un peu bavard, on est resté captivé de bout en bout. Et quels que soient les défauts de la forme et du fond le sens de la dramaturgie qui faisait la réputation de la télévision française a joué à plein.
À la fin, après la scène fantaisiste de la dernière barricade (à partir de 49 minutes) on a pleuré. Salauds de Versaillais !
Maudits soient vos descendants !
En dessert, la chanson d'Alexis Bouvier et Joseph Darcier (1865) qui fut l'autre grande rengaine la la Commune, La Canaille. Ici par Rosalie Dubois.
Le 22 juin 2014, l'émission d'Hélène Hazéra rendait hommage à Pierre Mac Orlan.
En novembre 1951, Pierre Mac Orlan a enregistré sur Paris Inter une série d’émission avec Germaine Montero, un petit feuilleton mis en ondes par Albert Riera intitulé alors " La chanson de mes villes".
Chacune de ces sept émissions est consacrée à une ville que Mac Orlan a
fréquentée dans sa jeunesse, et se conclut avec la création d'une
chanson écrite par Mac Orlan, mise en musique par l'accordéoniste V. Marceau et le guitariste Henri Crolla.
Voici donc un abrégé de ces émissions où Mac Orlan commente et explique ses chansons, document à peu prés unique dans le domaine chansonnier.
Elles renvoient à la période juste avant la Grande Guerre, dont
le décor, la plupart du temps, a été englouti sous les bombes. Germaine
Montero les enregistra plus tard pour le disque, avec d'autres mais ici ces interprétations dépouillées* témoignent de la force d'émotion particulière du son radio
* Mélodies et paroles diffèrent souvent des versions habituelles.
S'il est un genre musical aujourd'hui considéré mineur et ghettoïsé dans des clubs de danse de quartier ou des croisières qui s'amusent, c'est bien la salsa.
Et pourtant, cette extension du son montuno caribéen, principalement créée par des musiciens portoricains ou cubains exilés à New York, fit les beaux jours du spanish Harlem des années 70 ou 80 (et les nôtres) permettant aux latinos d'exprimer leur mal de vivre ou leurs revendications avant de sombrer dans l'injonction "Hey moreno, montre-nous ta joie".
Rubén en 1976
Et s'il est un chanteur qui donna au genre ses lettres de noblesse et son message social, c'est bien le panaméen Rubén Blades.
Exilé au États-Unis à vingt ans, vivotant comme facteur, d'abord auteur de chansons doté d'un indéniable talent de conteur, il fut ensuite embauché comme chanteur dans l'orchestre de l'immense tromboniste Willie Colonen remplacement du portoricain Héctor Lavoe.
Rubén Blades va révolutionner la scène avec une chanson qui fut d'abord refusée par la maison de disque (7.20 minutes ! Trop long pour un 45 tour) avant de devenir l'hymne des quartiers hispanos puis celui des voyous d'Amérique latine : Pedro Navaja (Pedro la Lame).
Car le génie de cette chanson est de si bien manier images et plans de caméras explicites qu'elle en devient un court-métrage à elle seule et qu'aucune vidéo, surtout pas celle ci-dessous ne peut lui rendre justice.
L'histoire débute par une longue description d'une gouape de quartier, petit criminel inspiré sans le cacher du Mackie Messer de l'Opéra de quatre sous.
Après que le narrateur nous ai décrit son costume de pachuco, ses armes et sa dent en or, la caméra s'éloigne pour un plan large des rues.
On est en été, en plein après-midi, et à part cette voiture banalisée dont personne n'ignore que c'est la police, le quartier est désert.
Sauf cette prostituée qui fait des allers-retours au bar du coin en attendant désespérément d'harponner un micheton.
Et c'est là que notre Pedro Navaja a la plus mauvaise idée de sa courte vie : profiter de cette solitude pour trucider et dépouiller cette pauvre femme qui ne manque pourtant pas de ressources.
Les deux agonisent bientôt sur le trottoir et seul un ivrogne ramasse le couteau, le 38 spécial, les portefeuilles avant d'aller fignoler sa cuite un peu plus loin... comme dans un roman de Kafka !
La chanson se clôt sur trois minutes d'un refrain moqueur entonné par le poivrot "La vie est pleine de surprises" agrémenté de proverbes d'un Rubén Blades faussement moraliste ("Qui a vécu par l'épée, périt par l'épée", "Mauvais pêcheur qui a ramené un requin au lieu d'une sardine","Huit million de faits-divers à New York", etc.)
Sortie en 1978 sur le disque Siembra, cette salsa devient très vite LA salsa par excellence. À tel point que le label Fania ayant malencontreusement cédé les droits à des producteurs de nanars mexicains (voir ci-dessus) Rubén décide d'écrire une improbable suite à cette histoire.
Intitulée fort à propos Sorpresas (1985) on y retrouve le saoulard qui se fait braquer par un autre voyou (sobrement nommé "le Voleur") qui, stupéfait par son butin, se rend immédiatement sur les lieus du crime. Là-bas, c'est son tour de connaître une grande stupéfaction et un funeste sort.
Car Pedro Navaja, qui n'était évidemment que blessé, porte toujours deux poignards sur lui lorsqu'il sort bosser, au cas où...
Ayant soigneusement échangé les papiers d'identité, notre tueur reprend son existence non sans avoir nettoyé sa blessure à la gnôle et extrait la balle avec ses dents.
Un ultime flash radio nous apprend que le Voleur n'était autre que Alberto Aguacate alias “El Sala’o” et la prostituéeJosefina Wilson, en réalité un travesti sur lequel notre psychopathe de classe avait un contrat pour une raison indéterminée.
Cette suite resta longtemps la bande-son des transports en commun ou des ruelles de marché du sous-continent américain.
Outre un troisième opus, bien moins bon, centré sur le personnage de l'ivrogne, cette chanson aura inspiré deux films mexicains (médiocres), deux comédies musicales (La Verdadera Historia de Pedro Navaja et Pedro Navaja) deux séries télévisées (américaine et vénézuélienne) ainsi que des réponses ou allusions dans d'autres chansons de José fajardo, Yuri Buenaventura, Héctor Lavoe, los Van Van, Malanga, les Bad Street Boys, entre autres...
Jusqu'à notre tigre de Sainté, Nanard Lavilliers himself, en pleine crise salsera, qui y alla de son hommage sur son 33 tour O Gringo sorti en 1980.
Voici une chanteuse réaliste, gloire de l'entre-deux guerres, dont la spécialité était d'arracher des larmes au public tout en vivant une vie de joyeuse luronne. Du moins tant qu'elle l'a pu.
Née Berthe Faquet en 1885 à côté de Brest (ou, selon d'autres sources, dans le Lot-et-Garonne), fille d'un marin et d'une couturière, elle aurait été placée comme femme de chambre dès son enfance et aurait eu un gosse à 16 ans. Du moins, c'est ce qu'elle racontait à la presse. On sort les mouchoir.
Elle aurait fait ses débuts vers 1908 au Casino de Montmartre puis à celui de Montparnasse. En 1916, son premier succès est un morceau de Vincent Scotto, La tourneuse d'obus. Elle fait aussi des galas pour les poilus.
Enregistrement de 1913, Mon vieux pataud (Le Peltier, Valsien) ici avec des images du film Ni vu, ni connu ( Yves Robert, 1958 )
Sa grande renommée arrive au milieu des années 20 en devenant permanente du Caveau de la République et en passant régulièrement en direct sur les ondes de Radio Tour Eiffel. En 1928, c'est la gloire avec Les roses blanches (Pothier, Raiter) puis Le raccommodeur de faïence (Decoq, Soler) vendu à 200 000 exemplaires, fait incroyable vu le peu de radios et de gramophones existant alors, sans parler des disquaires.
Elle tourne alors avec Fred Gouin, le chanteur aux 450 78 tours, avec qui elle a une relation amoureuse passionnée et passablement arrosée.
Parfois comparée à la grande Fréhel, son répertoire, essentiellement éploré, prête aujourd'hui plutôt au sourire.
Elle est pourtant encore présente dans la mémoire collective avec (outre Les Roses) Ferme tes jolis yeux (en duo avec Gouin) La légende des flots bleus et ce chef d’œuvre du pathétique flamboyant qu'est Du gris (Bénech, Dumont, 1925) en général faussement attribué à... Fréhel !
Élue "chanteuse préférée des jeunes filles" en 1936, elle se réfugie à Marseille en 1940. Elle y meurt l'année suivante rongée par le vin et la misère. Sa maison de disque se contentera de financer les obsèques au cimetière Saint-Pierre. Et un Fred Gouin inconsolable d'aller déposer sur sa tombe une immense gerbe de roses blanches.
Le plus étonnant est que ses enregistrements remastérisés continuent à se vendre tout à fait honorablement.
Francis Lemarque, Nathan Korb de son nom, écrivit Rue de Lappe en 1951 en hommage tant au quartier qui avait hébergé sa famille d'émigrants qu'à l'ambiance et l'histoire de celui-ci.
Peuplé de bistrots auvergnats, berceau du bal musette résultant de la rencontre de ceux-ci avec des arrivants Italiens et de la Miteleuropa, ce carrefour de La Bastille fut siège des nuits parisiennes pour prolos avec son désormais légendaire cortège d'apaches et de prostituées. Tout comme à Montmartre, ces spectacles assez peu familiaux attiraient également le bourgeois cherchant à s'encanailler.
Le piquant est qu'on n'avait pas attendu le triomphe d'Airbnb pour mettre l'exotisme crapuleux en scène. Dès l'entre-deux guerre, de faux bals d'apaches existaient avec tirs de brownings (de la manufacture de St Étienne) bidons destinés à foutre le frisson au touriste. Mouloudji fut donc chargé de mettre en chanson cette agitation nocturne disparue de ce faubourg aujourd'hui symbole d'une bourgeoisie triomphante.
Mais les années 1930 et leur développement des transports en commun furent surtout celles du triomphe des guinguettes de bord de Marne.
Ces coins de campagnes constituèrent un réservoir de parisiens souhaitant respirer un peu. Apparaissant dans de nombreux films, ce fut le cadre du premier court-métrage de Marcel Carné, Nogent, Eldorado du dimanche (1929)
Quatorze minutes bucoliques d'un monde d'avant la crise et les congés payés au son de l'inévitable accordéon.
La complainte des infidèles demeure une des chansons les plus notables de Marcel Mouloudji.
On sait assez peu que cette complainte fut écrite et interprétée pour un film de Carlo Rim et de 1951, La Maison Bonnadieu, (1951), de Carlo Rim, dans lequel on retrouve Bernard Blier,
Danielle Darrieux, Françoise Arnoul, Michel François ou Yves Deniaud.
Ce qui est remarquable, c'est que comme quelques autres réalisateurs (Jean Boyer, par exemple) , le mésestimé Carlo Rim écrivait lui-même les chansons de ses films. La musique est de l'excellent Georges Van Parys, compositeur drôlatique qui de La femme et le pantin de Baroncelli (1929) à Elle boit pas , elle fume pas, elle drague pas, mais... elle cause d'Audiard (1970) fut un des compositeurs les plus prolifiques de l'histoire du cinéma français avec une centaine de films au compteur. Il fallait un talent certain pour arriver à accorder ces paroles avec la musique (igno-mi-nieu-sement...)
Le film étant une comédie basée sur une suite de variations d'infidélités conjugale, la scène dans laquelle apparaît cette Complainte des infidèles est l'occasion de retrouver notre Marcel en chanteur des rues prophétique.
On sait généralement que les GARI (Groupes d'Action Révolutionnaires Internationalistes), coordination de groupes anarchistes et autonomes, ont été actifs entre 1974 et 1975. Que, formés pour voler au secours des membres du MIL, arrêtés par la police de Franco, ils se sont déchaînés après l'exécution de Salvador Puig Antich.
Outre leur action la plus connue, l'enlèvement du banquier Baltasar Suarez, pour sauver la peau du camarade Oriol Solé Sugranyes et d'autres révoltés en instance de jugement, on sait moins que la coordination mena plus de 25 sabotages par bombes ou incendies d'une belle efficacité sans faire la moindre victime (exceptés les 6 blessés légers du consulat de Toulouse du 28 juillet 1974, les flics ayant eu l'idée stupide de manipuler le colis piégé. Les pompiers touchés reçurent une caisse de champagne) ainsi qu'une série de braquages destinés à se procurer les fonds nécessaires aux actions.
Qu'après leur auto-dissolution, leurs nombreux descendants ont continué les actions : le GAROT (Groupe d'Action Révolutionnaire Occasionnellement Terroriste), les GAI ( Groupes Autonomes Internationalistes ou d'Intervention selon le moment), GEAI (Groupe d’Entraide Anarchiste Internationaliste), PTT (Pouvoir Total aux Travailleurs), TDC (Trou Du Cul) etc.
Extrait du Dossier GARI, planche 7 (qu'on peut mieux lire en cliquant dessus) L'intégrale est à cette adresse et en désordre (ce qui leur va très bien).
On sait peu qu'au milieu de cette frénétique agitation, des GARI trouvèrent le temps d'éditer un 45 tour dont la vente fut destinée à la solidarité avec les emprisonnés. Entre autre attentats, ce quatre titres fut un enregistrement de l'anarchiste Mario Ines Torres, arrêté à Toulouse le 14 septembre 1974, qui y chantait en Face A le traditionnel de la révolution mexicaine Carabina 30/30 et Preguntitas sobre dios (d'Atahualpa Yupanqui). En Face BÀ Ménilmontant et Aux Batignolles d'Aristide Bruant.
Là où ça devient croquignole, c'est que, d'après certain protagoniste, ces morceaux furent enregistrés à la prison de la Santé avec un dictaphone et une guitare artisanale fabriquée de bric et de broc. On comprend mieux pourquoi ça dérape par endroits.
Nous sommes donc heureux de vous faire partager le souvenir de cette belle aventure. Suffit de cliquer sur les liens contenus dans les Faces pour écouter ou télécharger le 45 tour oublié.
Pour ceusses que ça intéresse plus en détail quelques bouquins sur le sujet:
- Les GARI (Groupes d'Action Révolutionnaires Internationalistes) - 1974, la solidarité en actes, par Tiburcio Ariza et François Coudray Éditions du CRAS, mars 2013
- De mémoire (3) - La courte saison des GARI : Toulouse 1974, de Jean-Marc Rouillan, Agone, 2011.
-Le pari de l'autonomie : récits de lutte dans l’Espagne des années 70, ouvrage collectif Éditions du Soufflet, 2018.
Le camarade Vlad nous signale une fort plaisante émission de Jean Lebrun, la Fabrique de l'Histoire du 28 mars (cliquer là), avec Jean-François Heintzen en invité.
On y apprend que les chansonniers de rues sur "papier timbré", qui obéissaient à quelques règles précises, connurent leur heure de gloire au XIX ème siècle pour sévir jusqu'au procès d'Oradour-sur-Glane.
Les complaintes criminelles pouvaient compter des dizaines de couplets.
Chantées sur des timbres connus de tous, leur écho se prolongea très
loin dans le temps. Ni l’apparition des journaux populaires à bas prix
ni la Grande Guerre n’en vinrent à bout. Il fallut la victoire de la
radio, actée pendant la Deuxième Guerre, pour qu’elles soient renvoyées
au silence.
Approchez, approchez eu ouvrez grand vos esgourdes ! La complainte du bon pasteur, géniale parodie écrite par Albert Vidalie et chantée par Germaine Montéro.
Une série d’images prises depuis un téléphone portable navigue sur la
Toile des affects. On y voit une « ZAD » du pauvre bâtie à la va-vite
sur un rond-point haut-savoyard, une baraque en flammes et des forces du
désordre faisant cordon autour de femmes et d’hommes occupant les lieux
et dansant en nombre sur la chanson La Foule d’Édith Piaf. À les
regarder, ces images, on comprend l’essentiel d’un incroyable défi :
détruisez, nous reconstruirons ailleurs. C’est l’expression même d’une
authentique puissance fondée sur une claire conscience des fraternités
et des connivences qui s’arriment depuis trois mois à ces éclats de
fugue en jaune majeur que sont les ronds-points, les dérives en zone
dangereuse, les coups de main échangés, les histoires partagées, les
traverses empruntées, la vie réinventée.
Ainsi débute ce long article signé Freddy Gomez qu'on vous encourage à lire en cliquant sur le lien.
Peu importe que l'on partage ou pas toute l'analyse avec l'ex-directeur de publication de l'excellente revue À contretemps (en particulier sa classification bien trop simpliste d'un certain milieu),on lit son élégante prose avec profit. La vidéo tournée à Margencel (Hte-Savoie) à l'aube du 19 décembre sur la RD 1005
Autres extraits grappillés :
C’est encore ce murmure que des « intellectuels » atones, puis
désemparés, se sont tardivement mis en tête d’interpréter, ou de
sur-interpréter, à partir de leur savoir théorique et des quelques
critères – historiques et sociologiques – qu’il leur confère. Jacquerie,
fronde, charivari, mais qu’est-ce ? Peuple, pas peuple, quart de
peuple, plèbe, tiers de plèbe, comment dire ? 1789, 1830, 1848, quelle
filiation ? Gauche, droite, ultragauche, ultradroite, d’où ça vient et
où ça va tout ça ? Ils ont débattu, les intellectuels. Ils sont payés
pour ça – pas cher, parfois, mais peu importe. Ils sont payés pour
construire une vérité ou la déconstruire, ce qui somme toute revient au
même.
(...)
Ce n’est pas rien, trois mois, après des décennies d’humiliation
sociale, de traque aux pauvres, d’insultes répétées, de silences
impuissants. C’est plus qu’un réveil ; ça ressemble à une sécession.(...)
Afin d'illustrer le propos, revoici le camarade D1ST1 qui, comme nous tous, à Toulouse comme ailleurs, ne veut désespérément pas rentrer à la maison mais rester encore dans la rue avec les autres.
Le bouillant Marcel Azzola, décédé le 21 janvier 2019, raconte ici le déroulement des six minutes fatidiques de cet enregistrement qui rendit immortelle une certaine préfecture de Haut-Saône.
On en avait causé là dans le temps.
Accompagné d'un radio-trottoir du 14 décembre 1968 basé sur les réactions des vésuliens et vésuliennes, maire et syndicat d'initiative inclus.
On avouera ne pas avoir effectué le pèlerinage sur la fabuleuse table d'orientation ultra-moderne.
À l'origine, un air qui fit les beaux jours des goguettes du XIXème siècle, ces ancêtres des café-concerts, puis des cabarets et précurseurs au sein desquels des chansonniers chroniquaient la vie sociale.
On en a passé une version par Armand Mestral, datant du Siège de Paris, en août 2015
Autre exemple d'un des multiples recyclages de la même mélodie, La complainte du Charlot de La Courtille par Nenesse et Totor, extrait du cd Goualantes de la Vilette et d'ailleurs (l'Insomniaque).
Or, un docte lecteur, Michel Davesnes, nous a récemment signalé : L'air qui sert de support à cette chanson a beaucoup servi, semble-t-il.
Au départ, il s'agit de "Te souviens-tu*", qui illustre l'épopée
napoléonienne. Plus proche de nous, l'air a été repris du côté de
Charleroi, en Belgique, et ça a donné "Lolote", chantée ici par le grand
Julos Beaucarne.
Cette gaillarde interprétation, issue d'un traditionnel wallon, nous a tellement réjouie qu'on vous en donne une transcription :
Au bour del Sambre et pierdu din l'fumière
Voyez Couillet eyet s'clotchi crayeu
C'est là que d'meure em' matante Dorothée
L'veuve dem' mononq Adrien du Crosteu.
A s'nieuve méson nos avons fait ribote
Diminche passé tout in pindant l'cramya.
Pou l'premier coup c'est là qu'dj'ai vu Lolotte
Ri qu'd'y pinser sintez comme em cœur bat (bis)
Gniavet drolà les pu gaies du villadge
In fait d'coumères on n'avou qu'à schwési
On a r'ciné à l'omb' padzou l'fouilladge
Au mitan d'ell' cour padzou l'gros cherigi
Em bonne matante a d'ell bière in bouteye
C'n'est nin l'faro qu'est jamais si bon qu'ça.
Din s'chique Lolotte aste si bi vermeille
Ri qu'd'y pinser sintez comme em cœur bat (bis)
Y dalet mieux, les pinses s'tintent rimplies
Djan l'blanchisseu tinguelle es violon
Y dit z'éfants nos avons çi des filles
Qui n'demandes fonk qu'a danser l'rigodon
Mais qué plési, qué Lolotte est contenne
Après l'quadrille on boute en' mazurka.
Dj'ai triané in serrant s'main dins l'mienne...
Ri qu'd'y pinser sintez comme em cœur bat (bis)
V'là l'swer venu pour dinser chacun s'presse
El violonneux raclout aveuc ardeur
L'bière comme l'amour vos faisou tourner l'tiesse
Vin nom d'en chique dji nadjou din l'bonheur
Mais l'pa Lolotte in viyant qu'dji l'imbrasse
D'un coup d'chabot m'fait plondgi din l'puria. El coumère s'inceurt eyet mi dji m'ramasse
Ciel qué coup d'pid sintez comme em cœur bat (bis)
Dji m'sovéré du cramia d'em matante
Dji crwé bi qu'jai l' croupion mitant desmis
Dji prind des bains à l'vapeur d'yau boullante
Grignant des dints tous les coups qu'dji m'achi
Mais quind j'devrou s'quetter m'dernière culotte
Pour m'apougny aveu s'man eyet s'pa. Putot mori que d'véqui sin Lolotte
Ri qu'd'y pinser sintez comme em cœur bat (bis)
* Te souviens-tu ? est effectivement une chanson de nostalgie napoléonienne datant de l'immédiate Restauration. Paroles Émile Debraux, musique Joseph-Denis Doche
Depuis que les villes existent, elles ont eu à résoudre le problème des déchets qui y sont générés.
Les chiffonniers ont effectué cette besogne depuis des siècles pour la ville de Paris. Leur utilité fut reconnue par les
lieutenants puis les préfectures de Police qui leur accordèrent un statut spécial. On leur attribuait donc un crochet, une hotte, un secteur et une plaque. Outre rendre quelques menus services à la flicaille, ils effectuaient ce que
l'on appelle aujourd'hui le tri sélectif. Bon nombre de livres
anciens proviennent des chiffons
sélectionnés chaque matin par ces chiffonniers qui permettaient le recyclage des matériaux.
Quand, en 1832, la municipalité de Paris, réduisit le secteur des biffins pour
en confier une partie à une première société de ramassage, il en résulta une émeute de plus de deux milles hommes armés de crochets.
Pour sa part, le terme Biffin viendrait de la médiévale biffe (étoffe sans valeur) et désigna donc, naturellement, les chiffonniers.
Par extension, au XIXème siècle, les snobinards de la cavalerie baptisèrent ainsi des fantassins dépenaillés et portant sac au dos.
Comme tous les métiers de rue, ils furent mis en chanson. La java des crochets de Willemetz, Pothier et Moretti enregistrée le 2 Avril 1932 par Marie Dubas en est un exemple. Cette rengaine un tant soit peu démagogue, nous rappelle, au troisième couplet, que le populisme politique, dont les pisse-copies en manque d'imaginaire nous rebattent les oreilles, ne date pas d'hier.
Dans une qualité supérieure, Le vin des chiffonniers, de Baudelaire, extrait des Fleurs du mal, ici chanté par Georges Chelon.
Un héros déchu de la Grande armée y est devenu chiffonnier par circonstance et mouchard de la police par nécessité...
Revenons sur le cas d'une chanson évoquée ici dans la version de Cher, de 1966.
En 1959, Georges Moustaki écrivit les paroles d'une chanson pour Édith Piaf, l'inoubliable musique en étant de Marguerite Monnot.
Succès foudroyant : grâce à cette histoire mélodramatique de la sempiternelle péripatéticienne au grand cœur accueillant un richard aux amours désespérés, la Môme vend 400 000 disques place la rengaine dans les hits parades de 11 pays.
Parmi moult reprises, celle de de la chanteuse hollandaise Corry Brokken créa de beaux remous. Dans le royaume batave de 1960, on se devait de ne pas évoquer la prostitution au pays d'Amsterdam et de Rotterdam.
Hypocrisie calviniste, quand tu nous tiens...
Un autre version fort populaire, fut celle de la rouge (dans les deux sens du terme) italienne Maria Ilva Bocalti, "Milva", chantée ici en duo avec l'auteur au piano, en 1983.