- Remarque, je m'en fous du cinoche. Paris, c'est foutu depuis longtemps.
Il avait été coursier, poète, anar, journaliste, écrivain porno, amoureux. échoué dans ce quartier alors que ses humeurs le portaient plus vers le 13ème arrondissement (la construction des tours l'en avait chassé), il avait un peu tenté d'écrire un bouquin sur le quartier qui aurait pu s'appeler "La méprise de la Bastille" (Maleo adorait ce genre de jeux de mots). Il n'avait pas donné suite. Paris foutu, c'était sa rengaine.
- Faut être franc. Maintenant cette ville me dégoûte. J'ai plus le coeur à sortir. Je m'y retrouve plus. et puis, faut bien dire les choses : Paris, c'est Paris la nuit. Or, à l'âge que j'ai, tu vois, j'ai peur. Ne rigole pas. J'ai peur des loubards. des agressions.
Il avait été le copain de quelques poseurs de bombes, tenu de façon fort polémique une petite chronique de faits divers dans un journal mal-pensant. Maintenant, il était vieux, en général assez réac, sympathique.
- Quand tu seras très vieux, dit Jessica, définitivement catarrheux, perclus de rhumatisme et encore plus bougon que maintenant, tu te feras embaucher comme guide et tu expliqueras la ville aux jeunes générations. Tu feras ça très bien. Et je suis certaine que les vieilles dames nostalgiques t'écouteront avec beaucoup d'intérêt.
Jean-François Vilar Bastille tango (1986)