C'était longtemps avant la loi Neuwirth et, à plus forte raison, la loi Weil.
Une moitié de la classe ouvrière était en butte aux affres d'une grossesse qui ferait sombrer un foyer dans la pauvreté alors qu'une partie de la bourgeoisie subissait les persécutions libidineuses de l'autre. Et il fallait placer les bâtards en nourrice.
Une chanson de 1924 prend ce problème de société à bras le corps. Musique de Pierre Chagnon, paroles de Georgius, celui-ci ne l'a jamais enregistrée, peut-être vu l'énormité du sujet.
Heureusement, une réjouissante version de Michèle Bernard, enregistrée en 1983.
Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux
Donc, règne l'incertitude. Les médicastres nous veulent sous cloche, les patrons au boulot, le gouvernement obéissants et les cultureux cultivés.
Malgré un confinement soi-disant évité (et le couvre-feu à 18h, c'est du poulet ?) une partie non n égligeable de nos concitoyens a pris ses précautions en accumulant des victuailles ou l'inévitable PQ, élu marchandise de l'année.
Certes, on ne parle plus de génération B.O.F. (beurre, œufs, fromage) mais, une fois encore cette situation nous renvoie à quelques-unes des plus belles heures d'une histoire qui n'en manque pourtant pas.
Ça tombe bien, on nous communique ce morceau du fantaisiste Georgius. On va pas encore revenir sur sa si douce Occupation ni sur son manque évident de talent à la Série noire. Dans l'immédiat, ne boudons pas notre plaisir.
Elle a un stock (Pathé PA.1963) chanson d'actualité éditée le 30 Décembre 1940
Y'a pas, on est gâtés : pour célébrer la publication de George Orwell dans la prestigieuse Pléiade et le passage de ses droits d'auteur dans le domaine public (mais quels radins chez Gallimard) notre Big Brother au petit pied nous annoncerait ce soir un couvre-feu.
Passons sur les déplorables problèmes de traduction des écrits du camarade Blair, causés par des considérations purement mercantiles et intéressons-nous au casse-tête que vont renconter les Kommandantür du Gross Paris et des métropoles.
Rappelez-vous, au mois de mars, on nous a déjà fait le coup de "nous sommes en guerre". Et effectivement, on n'a pas été tout à fait déçus. En vrac, pénurie de vivres et de matériel, hausse des prix de certaines denrées menant à une forme de marché noir, sauf-conduit pour sortir de chez soi, passage à une "zone libre" distante de 100 kilomètres, occupation des rues par une armée de bleu vêtue, délation massive. Qui a dit que l'histoire ne se répétait point mais qu'elle bégayait, déjà?
Alors que sera notre vie en temps de couvre-feu ? La patrouille fera-t-elle d'abord preuve de pédagogie (novlangue usuelle) avant de tirer à vue ? Faudra-t-il aller au ravitaillement en rasant les murs ?
Voici donc et en avant-première, quelques recommandations aux noctambules prodiguées, en septembre 1940, par un artiste talentueux et drôlatique qui avait ses entrées chez les touristes régnant alors, j'ai nommé le très regretté Georges Guibourg dit Georgius.
PS : bien entendu, cet article n'est que le fruit d'un mauvais esprit, qui plus est nostalgique. Aller soupçonner que le pouvoir profiterait d'une épidémie pour accentuer le contrôle social, franchement, mon cher, vous êtes à la limite du complotisme ! Allez, rendez-vous ce soir à 20h au cirque politico-médiatique.
Enjuin 2012, à l'occasion de sa deuxième édition, la flambante neuve émission l'Herbe Tendre s'était penchée sur le thème des transports (amoureux, voitures, bateaux, vélos, charrettes...)
En juin 2018, ces feignasses de l'Herbe Tendre revisiteront ce même sujet.
Ce sera le lundi 4 juin à 17h30 sur les 92.2 deRadio Canal Sud.
À l'instar de ce film de René Clément (1946) dans lequel tous les cheminots sont beaux et résistants, nous reviendrons sur les mille et une manière de perturber un trafic fort encombré.
Et pour mieux embarquer, une fantaisie de Georgius, Ça c'est d'la bagnole, musique d'Henri Poussigue (1938).
En 1916, Charles Guibourg, alias Georgius actualise une chanson de boulevard, c'est à dire de cocu, en chanson de cape et d'épée, c'est à dire héroïque.
La musique est de Léo Guy. Une première version fut gravée en 1922, une autre, un peu moins sourde, plus audible, ci-dessous en 1934.
Patrick Walberg a commenté " c'est cette marge infime entre l'excessif et l'inadmissible qui lui confère tout son pouvoir hilarant". (cité par Jean-Louis Calvet dans Cent ans de chansons françaises).
Le succès fut considérable et poussa l'auteur à écrire environ 1500 chansons.
Sans compter quelques petits tracas de carrière qu'on vous a narré dans l'article consacré au monsieur (en lien ici sur son nom).
"Qu'on s'enivre avec du bon vin, comme on fait en quelque pays, cela est pardonnable jusqu'à un certain point. L'intempérant en est quitte pour un mal de tête léger et il se couche. Mais que le Parisien s'enivre avec un vin aigre, dur et détestable qui lui est versé à grand frais pour lui par les cabaretiers des guinguettes, cela n'est pas trop concevable."
La bière qu'on boit en Angleterre et en Hollande est une boisson salubre pour le peuple. Ici, rien de plus pernicieux que le vin dont le peuple se gorge. Il n'y a pas pour moi de plus grand objet d'étonnement dans toute la capitale que cette fureur du peuple pour boire un âpre vin dont il est impossible à une bouche un peu délicate de soutenir une cuillerée"
"L'usage du vin noircit la chair d'une nation, lui donne de la pétulance, l'anime hors de propos, la porte à la folie, lui ôte ce flegme, ce sang-froid, ce calme raisonnable que l'on remarque dans tous les pays du Nord."
Louis-Sébastien Mercier. Le tableau de Paris. 1788
Surnommé longtemps l'Amuseur public numéro un, cechanteur, comédien, compositeur, scénariste, romancier, homme de
théâtre, directeur de music-hall et parolier fut célébré par les surréalistes tout en étant un des chanteurs les plus
populaires d'entre les deux guerres.
Un de ses petits chef d’œuvre
Georges Auguste Charles Guibourg, de son vrai nom, est né en 1891 à Mantes-la- Ville et mort à Paris en 1970.
Il commence sa carrière en 1908,
en chantant des chansons dont il dira plus tard : "Ma vraie nature ne
s'était pas encore révélée et je pleurnichais ce répertoire pompier que
j'ai tant parodié par la suite. J'en sentais le ridicule, mais j'avais
la conviction que le public aimait ça" .Dont acte...
Au fur et à mesure des différents engagements avec des cabarets, il se met à écrire quelques chansons marrantes.
C'est en 1912 qu'il entame vraiment sa carrière de chansonnier. Au théâtre de la Gaîté-Montparnasse en remplaçant le rigolo de service, ses chansons plaisent tant que
le théâtre lui fait signer un contrat pour un an. Il y restera trois
ans. Durant cette période, il écrit des morceaux à la chaîne,
cinq par semaine en moyenne, s'associant à de nombreux compositeurs.
En 1916 il se met aux pièces de théâtre, qu'il joue ensuite avec sa troupe, Les Joyeux Compagnons.
En 1923, ses revues ont un vrai succès : il se provoque même une émeute à
l'Alcazar de Marseille, les locations ne pouvant satisfaire la demande.
Sa chanson la plus connue à l'époque est La plus bath des javas, géniale parodie des javas "réalistes" à la mode. Il continue à tourner, à monter des revues avec sa troupe, rebaptisée le Théâtre Chantant en 1926.
Mais le personnage a aussi des côtés quelque peu dégueulasses.
En 1927, il commettra une chanson antisémite interprétée par Fernandel La noce à Rebecca.
Entre 1941 et 1942, il sera directeur artistique de trois théâtres.
Sous l'Occupation, il créera une Association syndicale des auteurs et compositeurs professionnels pour laquelle il fera campagne dans Je suis partout* en compagnied'Alain Lambreaux** avec qui il montera une pièce nauséabonde sur StaviskyLes Pirates de Paris.
En 1945, il sera interdit de scène pendant un an par le Comité National d’Épuration du
Spectacle.
C'est pendant cette interdiction qu'il écrira plusieurs polars, assez médiocres, pour la Série Noire sous le pseudonyme de Jo Barnais.
Il aura laissé plus de 1500 chansons et une dizaine de romans.
* La rédaction ayant émigré à Siegmarinen, ce torchon sera rebaptisé "Je suis parti" à partir d'août 1944. ** Après vérification, il semble bien que cet Alain Lambreaux soit également Alain Laubreaux, critique et homme de théâtre, dont Robert Desnos s'était juré de faire la peau sous l'occupation. Il ne serait donc pas pour rien dans l'arrestation et la mort du poète surréaliste. La punaise, ira se faire dorer chez Franco avant de mourir dans son lit en 1968.