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lundi 25 mars 2024

Un an déjà !

 


Communiqué n°7 : Un an après

Le 25 mars à Sainte-Soline ne sera jamais un anniversaire que l’on célèbre. Loin d’une victoire politique, cette date rappelle plutôt le carnage que l’Etat français a perpétré à l’encontre de celles et ceux qui avaient fait le choix de lutter. 
 
Mais certains récents événements nous ont permis de nous réjouir et de fêter ça ensemble. Le S, après un échec d’opération due à une infection en octobre dernier, a été de nouveau opéré. L’objectif de l’opération (cranioplastie) était de reconstituer la boite crânienne percutée par la grenade.
 
Tout s’est bien déroulé et le S a de nouveau un crâne opérationnel ! C’est une étape-clé dans son processus de reconstruction qui a été franchie. Il continue à récupérer chaque jour des aptitudes, au prix d’efforts de rééducation importants. De lourdes séquelles persistent, mais sa détermination et la solidarité qui la nourrit nous renforce dans ce qu’on a défendu depuis le début : le refus de s’écraser. Preuve s’il en fallait qu’il ne faut jamais rien lâcher, quelle que soit la force des puissants. En être ici un an après la tentative de meurtre, ça donne l’impression de sortir vainqueur d’une défaite !
    
À l’heure des bilans, que tirer de Sainte-Soline ? La manifestation du 25 mars 2023 a été l’occasion pour nombre d’entre nous de participer à un élan collectif puissant autour du refus en acte de céder, ne serait-ce qu’un pouce de terrain, aux intérêts capitalistes, ici contre un projet d’accaparement de l’eau au profit d’une industrie agraire faiseuse de cancers, de pauvres et de sécheresses. Tandis que certaines fractions politiques ont fait de la lutte contre les grands projets un programme à long terme pour la constitution d’un camp social-démocrate que nous gerbons, nous y avons participé principalement pour ce que ce moment représentait : une reprise d’initiative en faveur de la force collective. 
 
En effet, fort du succès de la première manifestation, le deuxième acte de Sainte-Soline avait la particularité de faire écho à ce qu’il se passait dans la rue alors. Le mouvement contre la réforme des retraites avait connu un regain d’intensité après le 49.3 et les manifestations de rue, inondées de gaz lacrymogènes, s’échappaient peu à peu du nuage soporifique que les directions syndicales avaient installé depuis le mois de janvier. 
Sainte-Soline s’est transformé en enjeu symbolique et un symbole se défend souvent au canon. L’Etat ne voulait pas perdre la bassine, parce qu’il ne voulait pas perdre la face. S’en est suivie la démonstration d’un corps militaire surarmé, qui avait pour instruction de mutiler les corps et les esprits, dans un affrontement asymétrique, en rase campagne, depuis une position en hauteur. Notre camarade a échappé à la mort grâce à la détermination de celles et ceux qui l’ont protégé et soigné, sous le regard goguenard des militaires. Nous n’oublierons pas.
 
Depuis mars 2023, rien n’a cessé. Les démonstrations de force se sont succédé. Tout est symbole. L’Etat impose la terreur partout où il passe et convoque le pire pour nous convaincre de lui laisser le champ libre. Nous ne pourrons pas ici énumérer toutes les personnes, dans les cités ouvrières principalement, à qui la police a enlevé la vie depuis mars 2023. Les révoltes après l’assassinat à bout portant de Nahel ont reçu comme réponse immédiate la puissance de feu des équipes tactiques de la flicaille. Au lendemain des assauts des jeunes prolétaires contre les blindés et les fusils à pompe, l’Etat n’avait qu’un mot à la bouche : la discipline contre les prolétaires, jeunes et moins jeunes. Il veut une population aux ordres, pour que la classe se tienne sage. Il ne parle que de guerre prochaine et de sécurité, à grand renfort de coups de communication patriotiques, de financement du SNU et de répression tous azimuts. À entendre ses représentants, échapper au destin funèbre dont nous sommes témoins en plusieurs endroits du monde ne tiendrait qu’à notre soumission aux ordres.
 
Aujourd’hui, difficile de parler de la terreur d’Etat sans évoquer le massacre au grand jour des Palestiniens par l’Etat israélien. Pour rédiger ce communiqué, nous avons beaucoup discuté de la manière, et même de la pertinence, de lier dans un seul texte, un retour sur Sainte-Soline avec la colère sourde qui nous tient quand nous portons notre regard sur cet épisode et sur d’autres, constitutifs d’une situation internationale terrifiante. 
Il ne s’agit pas de comparer ces situations pour produire des équivalences, mais d’essayer de les lire à partir d’une même lunette, celle de la gestion prévisionnelle de notre répression. Le génocide des Palestiniens de Gaza signale aux prolétaires du monde entier ce que les gouvernants sont capables de faire, en chœur, pour le maintien de leur classe. C’est une blessure mondiale qui nous renvoie à notre impuissance.
 
Voilà le sale boulot des Etats : ils savent que, par leurs ravages et leurs carnages, ils produisent des traumatismes et s’en frottent les mains. Ils nous veulent saisis d’effroi et savent profiter de ce moment pour avancer encore, toujours plus, pour leur profit et vers notre écrasement. 
 
Mais ce monde n’est pas réductible à leurs calculs glacés. Nous qui sommes des milliards, nous les exploités, avons aussi un langage qui nous est propre et s’invente au gré des luttes. Il parle de solidarité, de force collective et de victoires, y compris dans les moments les plus sombres de leur Histoire comme aujourd’hui. Il permet aussi de désigner un horizon : celui d’une révolution mondiale, seule visée suffisamment ambitieuse pour gagner la puissance de libération nécessaire à la mise en PLS de ce monde de merde !
 
On ne lâchera pas l’affaire. 
 
Les camarades du S
 
PS : 
Après les épreuves traversées, nous souhaitons produire un bilan des Camarades du S pour paver le chemin de la résistance aux répressions qui jalonneront nos luttes. Pour y parvenir, nous serions intéressés par des retours critiques de la part de ceux et celles qui ont suivi et participé, de près ou de loin, à cette initiative. 
Vous pouvez envoyer tout témoignage, texte, réflexion ou analyse en ce sens à l’adresse      « s.informations@proton.me ».


lundi 14 décembre 2020

25 septembre 1985, terrorisme d'État à Bayonne

 

Les chiens galeux (1986)

L'Italie des mal nommées "années de plomb" n'a pas le monopole des manipulations barbouzardes, des attentats massacres ou de la stratégie de la tension. Pas plus que l'Irlande du Nord, d'ailleurs.
À l'aube des années 1980, le Pays Basque est en guerre : outre les conflits ouvriers dus à la restructuration, la vague antimilitariste et les bastons antinucléaire, on trouve sur ce territoire trois organisations armées (ETA militaire, ETA politico-militaire, en voie de reconversion civile, les Commandos autonomes anticapitalistes ) au sud de la frontière et une au nord (Iparretarak).
Comme l'a souligné un célèbre policier espagnol : "Le problème basque est facile à régler, c'est pas 200 000 mecs qui vont en faire chier 19 millions."
Dont acte. 
Fasciste ou démocrate, l'État espagnol a utilisé plusieurs faux nez paramilitaires pour mener sa guerre aux excités du Nord sous des pseudonymes divers : Bataillon basque espagnol, Alliance apostolique anticommuniste ou guérilleros du Christ roi. C'est l'arrivée au pouvoir des socialiste à Madrid qui va enclencher la vitesse supérieure. Le conflit génère un grand nombre de réfugiés du sud côté français et le gouvernement de Mitterand refuse obstinément de les livrer à celui de Felipe Gonzalez. Qu'à cela ne tienne, pour forcer la main des autorités françaises, une organisation baptisée GAL (Groupes antiterroristes de libération) va semer la terreur des deux côtés de la frontière mais plus particulièrement en France. Attentats à l'explosif, racket, mitraillages ou assassinats ciblés, enlèvements, les GAL ont fait au moins 34 morts. Présentés officiellement comme un ramassis de flics incontrôlés, de franquistes nostalgiques et de mercenaires, cette bande de tueurs était en fait téléguidée par le CESID (services secrets) la Garde civile et la police sous la coordination de ministres et députés socialistes. Ils n'ont pas hésité à recruter des truands ou des mercenaires ainsi qu'à jouir de la complicité de flics et politiques français, particulièrement utiles à "loger" les réfugiés ou à garder la frontière ouverte dans l'heure qui suit un attentat. Après tout, San Sebastian n'est qu'à 25 km d'Hendaye. Mais comme dans toute bonne manipulation, un flou volontaire (voir le film crapuleux) reste toujours entretenu sur pas mal d'aspects et responsabilités sur ces opérations destinées à isoler les réfugiés pour ouvrir la voie aux extraditions qui vont suivre.  
Fin du bref cadre historique, début de l'anecdote.
 

Le 25 septembre 1985, entre Adour et Nive, le quartier du Petit Bayonne connaît son animation habituelle : bandes de potes s'adonnant au potéo, aller de bar en bar au gré des rencontres. Dans ce quartier, tout le monde connaît les réfugiés. Le libraire et disquaire de la rue Pannecau, réputée pour ses bars, est lui-même un ancien guérillero. À 21h15, deux hommes pénètrent dans le bar de l'hôtel Monbar, au 24 de cette rue, et ouvrent le feu. Ils touchent quatre copains qui buvaient un coup et les achèvent chacun d'un tir à la tête. 
Les deux affreux n'iront pas loin. Cernés et désarmés par la foule avant d'atteindre le pont St esprit, ils sont pris en charge par les flics du commissariat voisin qui leur évitent ainsi un lynchage en règle. Tous deux sont des truands marseillais embauchés pour l'occasion. On sait qu'ils touchaient 50 000 francs par blessé et 200 000 par tué. 
 
Si ce massacre est resté plus connu que d'autres, c'est peut-être parce que ce soir là, le jeune Fermin Muguruza, chanteur et guitariste du groupe qui monte, Kortatu, est lui aussi rue Pannecau. Venu visiter un vieux pote autonome planqué à Bayonne, il vient de terminer une partie de baby foot avec quelques uns des futurs assassinés et de changer de crémerie. 
Il raconte que leur groupe a été suivi par deux individus (on a l'habitude des filatures en cette région et cette époque) puis la bande se sépare, quatre vont au Monbar, les autres dans un autre troquet.
En entendant les coups de feu, ils sortent et butent sur les cadavres et les tueurs. 
Rentré chez le camarde qui l'héberge, Fermin, choqué, écrit à la hâte une chanson qui sera la première faite pour le deuxième album du groupe, El estado de las cosas*. C'est peut-être ce soir là et suite au fait qu'il aurait parfaitement pu y passer, qu'il s'est engagé franchement du côté nationaliste basque sans jamais renier ses engagements internationalistes ou son amour du désordre. 
La chanson est simplement intitulée Hotel Monbar. L'allusion aux recyclage des anciens combattants de la bataille d'Alger vient de sa surprise face à la quarantaine d'un des deux mercenaires. Quant à la vieille chanson de guerre, c'est l'Eusko gudarriak, (chant des guerriers basques) entonné aussitôt dans les rues. 
 
 
C'était notre rubrique "C'était pas mieux avant".
 
* Faudra revenir un jour sur le cas de cet album.