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mardi 24 avril 2018

25 avril 1974

Le bon vieux temps de l'auto-stop
Cette histoire a beau être archi-connue, cette année on revient sur le quarante-quatrième anniversaire de la "Révolution" (le mot coup d'état serait plus juste) portugaise qui balaya en vingt-quatre heures suivies de deux ou trois ans d'espoirs, quarante ans de fascisme religieux à la sauce lusitanienne.
Elle fut conçue par quelques officiers subalternes des guerres coloniales (Angola, Mozambique, Guinée-Bissau) épuisés par une situation absurde, qui formèrent le "clandestin" MFA, Mouvement des Forces Armées, qui décidèrent de liquider le gouvernement de Caetano, "démocratiser, décoloniser et développer" et remettre, dans un premier temps, le pouvoir à une baderne d'opposition : le général Antonio Spinola.
Après une première tentative foireuse le 16 mars, le putsch fut déclenché dans la nuit du 24 au 25 avril après s'être assuré la neutralité de la Marine et de l'aviation. De son PC, "Oscar" (Otelo Carvalho) coordonne les mouvements de troupes vers Lisbonne, Porto ainsi que toutes les administrations, radios et les unités considérées loyalistes.

À 23h55 la diffusion chanson E depois de Adeus (représentant le Portugal à l'Eurovision) donne le signal de mouvement.
Mais l'histoire a surtout retenu le deuxième signal, celui de confirmation, passé à la radio à 00.20 : Grândola Vila Morena.

La suite : les objectifs tombant les uns après les autres, la population envahissant les rues malgré les injonctions des mutins, des affrontements minimum (il y aurait eu quatre morts), les prisons ouvertes et deux années d'intense agitation sociale qui termineront par une mise au pas suite à laquelle certaines têtes pensantes du putsch iront croupir en taule.



Enregistrée en 1971 par Zeca Afonso en hommage à la Sociedade Musical Fraternidade Operária Grandolense (Société musicale Fraternité ouvrière de Grândola — petite ville agricole de l’Alentejo, Sud du Portugal), Grândola Vila Morena est devenue un hymne politique et local.
Il est, depuis, régulièrement entonnée dans les manifestations et a trouvé, en 2013, un regain de force contre le gouvernement de Manuel Passos Coelho.
José Manuel Cerqueira Afonso dos Santos, "Zeca Afonso", (1929-1987) fut étudiant à Coimbra, vécut en Angola, devint professeur d’histoire au Mozambique, avant d’être renvoyé de l’éducation nationale pour ses prises de position politique. Il a fait plusieurs séjours dans les prisons de l’Estado Novo. Libéré, il a persisté à écrire, à chanter, à enregistrer des disques clandestins ou censurés. Il fut interdit de le nommer dans les journaux, de sorte que, pour contourner la censure, son nom écrit à l’envers (Esoj Osnofa) fut parfois employé dans la presse, reconnu par les initiés. Sympathisant communiste, puis d'extrême-gauche avant et après le 25 avril, il s’engagea en faveur de la Réforme agraire au Portugal, particulièrement en Alentejo

 Terminons sur un bel hommage venu du pays voisin : Lluis Llach, Abril74


mercredi 11 octobre 2017

Catalunya über alles !





Comme le gouvernement espagnol va éventuellement se retrouver à devoir occuper militairement une partie... de l'Espagne (sic !) on peut consulter ces jours-ci quelques textes instructifs. Par exemple ces deux-là, l'un de Tomás Ibáñez, et, mieux encore, l'autre de Miguel Amoros.
Par ailleurs, on s'est permis de traduire ce billet d'humeur, signé Acratausorio rex, qui malgré une conclusion décevante renferme quelques vérités de base.  


Question d’identités

Avec toute cette histoire d’indépendance de la Catalogne, un sujet attire particulièrement mon attention : qu’on m’explique qu’il s’agit là d’indépendantisme et en aucun cas de nationalisme. Autrement dit, on sort des milliers de drapeaux, la carte d’une patrie, une langue, une histoire, on revendique d’avoir un État à soi, participent à cela aussi bien des millionnaires que des prolétaires, l’Espagne et les Espagnols font face à la Catalogne et aux Catalans, la langue définit un territoire mais… surtout pas question de nationalisme parce que ce simple mot pue les champs de batailles et les millions de morts. Voilà bien pourquoi on parle de nationalisme avec dégoût, seul le PNV (Parti Nationaliste Basque ndt) persiste à employer le mot parce qu’il n’a pas encore découvert comment changer de nom.

Comment fonctionne le nationalisme ? En partie en se dotant d’une identité. L’identité individuelle est ce que l’on est. Un truc terriblement complexe. Découvrir ce que l’on est vraiment n’a rien de simple… Qui es-tu? Un sociologue aurait besoin de cent mille entretiens pour donner une réponse. Hein ? Et en plus, s’il se gourre ? Imaginez donc, partant de là, la complexité de découvrir ce que nous sommes, notre identité collective. Heureusement que l’État est là pour te l’accorder. Et que petit à petit se construise une identité.


Toute politique identitaire d’état tâche d’identifier des coutumes communes et comme la populace est tellement éclectique au niveau culturel, au niveau économique, au niveau du cadre de vie géographique… Ici, en Espagne, ce qui définit la culture commune est la langue. Qu’on l’appelle castillan ou espagnol.

L’autre aspect de politique identitaire fourni par l’État est le pouvoir d’identification : pouvoir identifier les autres et les doter de caractéristiques différentes des siennes. Pour qu’il puisse exister un « nous-autres », il faut que « eux, les autres » existent. Plus les autres sont identifiables, plus nous-autres sommes renforcés. Et vice-versa.




Par exemple, ce refrain « l’Espagne nous dépouille » qui amène à penser qu’il n’y a là aucune profonde réflexion au sujet de la création de la redistribution de richesses. Ça donne juste que les voisins qui se considèrent encore Espagnols se croient entendre traiter de voleurs. Et ça les énerve un peu plus à chaque fois qu’ils voient un Catalan, à la télévision ou ailleurs, avec son drapeau, sa langue et ses autoroutes à péages. Et ça les met en rogne et ça finit en commentaires méprisants. Commentaires qui, s’ils parviennent aux oreilles d’un Catalan, ne font que renforcer son catalanisme. Et si tu mènes une politique d’immersion linguistique en catalan, tant dans l’administration qu’à l’école, tu pourras bien dire ce que tu voudras, ceux qui se sentent Espagnols vont se trouver attaqués. Et lorsque le PP est arrivé à bousiller le Statut de 2010 ? Et bien, la même chose mais à l’inverse.

Et tout ça n’est pas fait innocemment. C’est même parfaitement calculé, car plus les gens s’identifient à une nation et plus une nation à un État, plus une population dominée par son gouvernement se retrouve à l’unisson. Tout comme l’esclave pouvait s’identifier au propriétaire de l’hacienda.

En Catalogne beaucoup de gens s’excitent au sujet de l’armée d’occupation. Mais en dehors de la Catalogne… Chers amis et amies Catalans, la gauche espagnole est unioniste et la population aussi. Les Espagnols sont loin d’être cette caricature de fascistes à petite moustache et calvitie que vous représentez systématiquement, pas plus qu’ils ne sont les quatre pelés néo-nazis. Ils applaudiront avec une profonde indifférence ce que le gouvernement fera contre la Catalogne, aussi despotique cela puisse-t-il être. C’est là tout le charme de la politique identitaire : plus elle cogne, plus elle renforce son adversaire. Et ça ni le Gobierno, ni le Govern ne l’ignorent car ils sont tout sauf innocents ou idiots… et ils jouent le jeu de leurs propres intérêts. Et en guise de repas, ils vont se goinfrer, en vous préparant à tous une orgie nationaliste. Et le plat de résistance, c’est vous tous et toutes. 

Les Mossos d'esquadra, héros (si!) de l'indépendance
L’unique réponse à la perte de liberté, à l’occupation militaire, au despotisme ne réside, en l’occurrence, ni dans le peuple, ni dans les nationalismes, ni au Govern, ni au gouvernement. La seule opposition, le seule réponse à la hauteur des circonstances réside dans le mouvement ouvrier. Et part d’un simple fait : les intérêts du travailleur ne sont pas nationaux. Pour poser la question des salaires, du poste de travail, du chômage, de ses conditions de vie sur la table, il faut qu’il existe des motifs autrement plus puissants.