Que dire de sensé ou de clairvoyant au sujet du naufrage électoral annoncé ?
Rien qui n'ait déjà été formulé ailleurs et en mieux.
Juste une pensée pour ce piètre pays où encore heureux qu'il y ait des poètes.
Car les rejetons de France furent remarquablement dessinés par le cher Arthur dans Une saison en enfer (1873) dont nous enverrons deux versions de son deuxième poème, Mauvais sang, en souhaitant, en passant, aux nationalistes de s'étouffer dans leur vomi.
Les amateurs de ce blogue ont compris que le rédacteur d'icelui est un plouc issu de la Gascogne profonde. Il a donc mis pas mal de temps à "monter" à la capitale, comme on disait alors. Et le premier lieu qu'il a fréquenté fut la riante banlieue d'Aubervilliers. Plus précisément le quartier du Landy, aussi nommé "la petite Espagne". Peut-être le fait que la plupart de ses habitants s'appelaient López, García
ou Ibañez était-il moins dépaysant pour lui.
Les copains vivaient au bord du canal St Denis, au-dessus d'un bar de mariniers, les chiottes communes étaient sur le pallier et les entrepôts se vidaient inexorablement. Ce qui en fit un terrain de jeux pour cinéastes en mal de décor : Zidi y tournait Les Ripoux et ceux de la Mano Negra allaient bientôt réaliser des clips dans ce lieu si authentiquement prolétarien.
Et puis, une amie a envoyé ce film D'Eli Lothar et de 1946.
Il s'agit d'une commande du PCF, plus précisément à la demande de Charles Tillon, maire d'Auber, ex mutin de la mer Noire, dirigeant des FTP dans la résistance, à l'époque ministre de l'aviation et très prochainement purgé du Parti des travailleurs lors d'un de ces règlements de compte dont les staliniens avaient le secret si ce n'est le monopole.
Remarquons que l'ancien maire, jamais nommé, n'était autre que l'immonde Pierre Laval, maire depuis 1929 et fusillé pour son aimable collaboration en octobre 1945.
Montret la misère, l'urgence de la reconstruction, les plaies de la guerre, qu'elle soit mondiale ou sociale, tel est le propos.
Ce court documentaire est écrit par Jacques Prévert dont on reconnaît parfaitement le à la fois chaleureux et faussement naïf, voire parfois agaçant. La musique est bien entendu de Joseph Kosma, le texte dit par Roger Pigaut. Les extraits des chansons Chanson de la Seine, Gentils enfants d'Aubervilliers ou Chanson de l'eau sont interprétées par Germaine Montéro et Fabien Loris.
Ce film de 24 minutes était projeté en première partie de La bataille du rail de René Clément. Puis il fut censuré pour manque manifeste d'optimisme. Après tout, on avait gagné la Guerre.
Ce qui m'a évoqué une rengaine de Léo Ferré (1949)qui cause justement de la guerre, d'Aubervilliers et aussi du Pape.
On ne connaissait pas. On a donc été plutôt surpris de croiser les deux monstres sacrés que sont Léo Ferré et Jean Gabin associés sur un enregistrement radiophonique de janvier 1951 réunis dans un disque publié à titre posthume en 2004. De sacs et de cordes* était un feuilleton radiophonique conçu par Ferré qui lui donna l'occasion de conduire son premier orchestre symphonique, celui de l'ORTF.
Tout en déclarant ensuite "Gabin était entre deux pentes, là... Alors j'avais écrit ça, je ne
sais pas pourquoi... Ou j'ai écrit ça en même temps sachant que Gabin
accepterait de lire le texte et c'est passé une fois à la radio... Il y a
combien de temps ?... C'était en quelle année ça ?... 1951 ! On ne le
repasse pas souvent, hein ?" Ferré fait mine d'oublier qu'à l'époque, il n'était pas très côté.
Citation du site qui lui est consacré : Diffusé dans le cadre de l'émission Les Lundis de Paris, ce
grand patchwork de poèmes, de chansons ou de mélodies déjà existantes ou
en chantier, que Léo parvient à rendre cohérent par sa narration, tombe
à point nommé pour "résoudre" l'apparente dispersion de son auteur,
dont il procède et dont il témoigne, ne serait-ce que par son
hétérogénéité génétique et l'enjeu d'écriture "cubiste" qui en
découle. En permettant à Léo de prendre possession de ses moyens : musicien, prosateur, collagiste...
Voici L'esprit de famille
On trouve trop peu de trace de l’œuvre sur le ouèbe.
C'est d'autant plus regrettable que dans cette pièce en 31 parties, on retrouve aussi les Frères Jacques, Suzanne Girard, Claire Leclerc (on reviendra sur son cas) Leïla Ben Sedira, Léo Noël, Marek Sliven et le Choeur Raymond Saint-Paul.
Tous les textes sont de Ferré exceptés trois de François Villon (Frères humains) et de Jamblan (C'est la fille du pirate et Les Douze). Plusieurs titres seront ultérieurement chantés par le poète monégasque.
Un autre titre trouvable sous le titre trompeur de Sacs
Une singularité pour finir, un reprise par Breakestra sous le titre Burgundy Blues
* L'expression de sac et de cordes aurait qualifié des soldats pillant les villes, ce qui pouvait les conduire à la pendaison. On attribue également son origine au règne de Charles VI durant lequel les rebelles bourguignons auraient été jetés par dessus les ponts enfermés dans des sacs
de toile clos par des cordes. Châtiment déjà fort prisé dans la Rome antique.
Lundi 15 avril :
À 18h50 un incendie est déclaré.
À 19h50, la flèche de Viollet-le-Duc s'effondre.
À 20h, Macron est enfin muet.
Mardi 16 avril :
Le Sacré-Cœur se porte comme un charme.
Ce qui est parfaitement injuste.
Le jeune Arthur Rimbaud s'est fait paysagiste dans ce poème publié en 1872 dans la revue La Renaissance littéraire et artistique.
Au vu des massacres perpétrés dans la région de Charleville, on se représente plus une scène d'après la bataille de la guerre franco-prussienne de 1870 qu'une image la Commune de Paris qui se déroula fort loin des hameaux et des chemins borgnes.
Mouloudji l'a chanté en 1957 sur une musique de Charles Trenet
Voicisa version
Curieusement, il a supprimé les deux premières strophes :
Seigneur, quand froide est la patrie, Quand, dans les hameaux abattus, Les longs angélus se sont tus… Sur la nature défleurie Faites s’abattre des grands cieux Les chers corbeaux délicieux. Armée étrange aux cris sévères, Les vents froids attaquent vos nids ! Vous, le long des fleuves jaunis, Sur les routes aux vieux calvaires, Sur les fossés et sur les trous Dispersez-vous, ralliez-vous
Léo Ferré en refit une adaptation, cette fois intégrale, en 1964, sur l'album Verlaine et Rimbaud.
Mars, avril, mai, juin...
Comme à chaque fois qu'une partie de la jeunesse se déverse dans les rues, elle renoue avec les vers ou images d'une vieille connaissance, Arthur Rimbaud.
Témoin la banderole ci-dessus, aperçue dans les dernières manifs et dont le "slogan" est extrait de la Chanson de la plus haute Tour (Les
Illuminations,1872).
Ce poème en chanson a été mis en musique par Léo Ferré en 1964.
Or, Arthur a prolongé son texte par une variante, plus abrégée, dans ‘Une
Saison en Enfer’. Partant là du refrain du poème original, il l'a réécrit lors d'un retour à Charleville (censé, paraît-il, permettre à Verlaine de se réconcilier avec son épouse).
Cette seconde version, remarquablement sobre, surtout si on la compare à la précédente, est interprétée la même année que Ferré par Colette Magny sur l'album "Melocoton", son premier disque, sorti en 1965.
Mais peut-être que ça vous fait une belle jambe...
Après sa "série" sur Aragon, Léo Ferré s'est attaqué à la mise en musique de Rimbaud en 1964.
Il avait d'abord abordé Verlaine, avec lequel il semblait nettement plus à l'aise.
Il aura en effet, réalisé 24 poèmes de ce dernier pour 13 de Rimbaud.
Le disque sortit en 1964.
Il s'est ensuite attelé à "Une saison en enfer" qu'il n’achèvera qu'en 1991.
En 1985, Ferré avait tenté un album entier sur Rimbaud avec Le sonnet du trou du cul, Voyelles, On n'est pas sérieux quand on a 17 ans et La Maline.
Ce projet ne se concrétisera qu'en concert, lors de tournée de 1986, "Léo Ferré chante les poètes".
Le matériel studio sera tout de même utilisé, mêlé à du Baudelaire, Appolinaire, Verlaine sur les disques "On n'est pas sérieux quand on a 17 ans" (1986) et "Les vieux copains" (1990)
Un beau titre de l'album de 1964 : Les poètes de sept ans.
Et une étude à l'état de maquette, à la limite du juste, des Mains de Jeanne-Marie
Les références de cet article sont en grande partie tirées des notes de pochette du disque "Maudits soient-ils!" (la Mémoire et la Mer 10 016/17)
Écœurés par le dernier massacre parisien en date (le pire depuis octobre 1961) et par la réaction, pourtant tellement prévisible, des crapules qui nous gouvernent, on se contentera, pour l'instant et comme à chaque coup de cafard, de s'envoyer un peu de musique.
C'était pour l'émission télévisée "Gala de la fine fleur de la chanson française", du 2 mai 1968.
La suite dudit mois n'allait pas être triste.
On constate ici que même la télé de De Gaulle avait quelques bons moments. On pouvait y proférer des gros mots comme "Vietnam" ou y chanter les hauts faits d'une courtisane décatie.
Francesca Solleville est accompagnée par l'orchestre de Jean-François Gaël, elle interprète trois chansons :
- "Lola, Lola", paroles de Michelle Senlis et Claude Delécluse, musique de Jacques Debronckart
- "Vietnam", paroles et musique d'Henri Gougaud
-
"La fille des bois", paroles de Pierre Mac Orlan (parues dans le
recueil "Mémoires en chansons", Gallimard, 1963), musique de Léo Ferré.
On avait passé l'interprétation de Philippe Léotard dans l'émission sur les transports. Voici la version originale de cette chanson toute rimbaldienne par Léo Ferré. Il a pour l'occase un accompagnement de luxe : Paco Ibáñez (d'Aubervilliers) et Juan Cedrón(de Buenos Aires) fondateur du mythique quartet.
Fait remarquable, ce bateau farci de contrebande arbore une Madone attachée en poupe par le col.
Habituellement,on exhibait une figure féminine plus ou moins érotique à la proue du navire (souvent une sirène aux seins nus). Là, au lieu de se dresser
fièrement contre les flots et d’ouvrir le passage , elle
suit, suspendue par le cou, passivement balancée au
gré des courants et des vents. Sans aucun doute, une provocation de l'équipage : plutôt que de placer son voyage sous protection divine, avec une statue à l’avant, il le prolonge par cette Madone qui pendouille à l’arrière. À l'assaut des cieux, donc !
Aragon, ce "patriote professionnel", comme l'appelait à juste titre Jean Malaquais, nous gonfle souvent.
Il existe des exceptions, dont ce poème, souvent gâché par l'interprétation, (Lavilliers et ses bruits d'hélicos !) mais pour lequel Ferré composa une heureuse mélodie à tendance tropicale.
Il est fait ici allusion à l'occupation de la Rhénanie par les armées françaises dès la fin de la première guerre mondiale.
Cependant, bien des vers trouvent un écho qui nous évoque notre époque. Surtout la deuxième strophe.
C'est pour ça qu'on se l'envoie dans un heureux montage où on retrouve du Schiele, du Grosz, du Wiene, du Lang....
Heureusement, Aragon étant ce qu'il est, il ne peut s'empêcher de comparer les vers de Rainer Maria Rilke aux cacardement des oies. Si c'était pour rendre un hommage, c'est un peu raté.
Ce blog a aussi pour but vos envois, suggestions, découvertes.
On a donc reproduit ce courrier du camarade Wroblewski :
C'est
par les chansons que j'ai vraiment appris à apprécier la poésie.
Grâce au champion de cette catégorie, Ferré, bien sûr, mais
aussi, grâce à Brassens, Ferrat, Gainsbourg, Lavilliers, Pierron...
qui m'ont fait chanter Villon, Hugo, Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Richepin, Couté, Apollinaire, Fort, Aragon... On m'a même trouvé mauvais
goût* d'avoir pris une grande claque émotionnelle et
esthétique en découvrantStig Dagerman, que je connaissais de réputation mais dont je
n'avais rien lu, grâce aux Têtes raides...
Mais
ici je voudrais revenir sur l'un d'entre ces poètes, un sensible, un
violent, un alcoolique, un souffrant, une silhouette hantant le
fameux Chat Noir de Salis, devant son absinthe : Verlaine.
Bien
sûr, bon nombre de ses poèmes affleurant ma mémoire sont
consubstantiels à la musique de Ferré. Mais pas celui-ci, que j'ai
aimé d'abord, et dont la découverte de la mise en chanson par Ferré
m'a déçu, je la trouve « sautillante » (tiens !
c'est aussi l'adjectif qu'on a utilisé pour dénigrer le morceau des
Têtes raides évoqué supra...), pas raccord aux émotions que le
poème m'inspire. Cela dit, il faut que je la réécoute, une fois la
mélodie cernée, j'y trouverais certainement grand plaisir
Mais
il est un autre compositeur qui mit en musique Verlaine, un autre
assidu du Chat Noir : Claude Debussy et ses ariettes oubliées.
Les mélodies sont ardues à retenir, on est plus dans la musique
savante que de beuglant, mais ici, interprété par une étas-unienne,
Dawn Upshaw, je trouve l'ambiance du poème mieux rendue (après
plusieurs écoutes, il est vrai)...
Ambiance
de saison. Quant à l'état d'âme suggéré, il pourrait amener à
croire que, le pauvre Lélian a conu l'aube grise
des queues devant Pôle emploi un lendemain de cuite à la 8.6.
Comme
Dawn Upshaw mais plus récemment, la soprano Nathalie Dessay a sorti
un album avec les mêmes poèmes de Verlaine mis en musique par
Debussy.
* Faut avouer que c'est quelque peu grandiloquent. (Ndr)