Et celle de la chanson qui poussait au suicide, vous la connaissez ?
Reszö Seress
Si, si, cet air vous dira quelque chose.
À l'origine, un musicien de jazz Hongrois, Reszö Seress, écrit une ballade mélancolique en honneur à ses chers disparus. On est en 1933 et l'air en question, Szomorú Vasárnap, se retrouve assez vite interdit de présence dans les différents établissements de Budapest, les directions craignant que cette chanson déprimée n'aille pousser une clientèle quelque peu imbibée au suicide. Étrange destinée que celle de Seress, (ou Rudolf Spitzer). Juif, gosse de pauvres, pianiste autodidacte, trapéziste, déporté par les nazis, il survivra après avoir été pianiste au camp (sur une main suite à une blessure). Il écrira de nombreuses chansons toutes plus cafardeuses les unes que les autres (beaucoup à la gloire de l'ivresse) ainsi qu'une dédiée au Parti communiste Hongrois. Il mettra fin à ses jours en 1968 en s'étranglant avec un câble. Malgré, ou plutôt grâce à sa réputation mortifère, la complainte fut vite adaptée hors de Hongrie (au Japon, en Russie, en Corée, etc.) En France, c'est Damia qui s'est chargée de chanter ce morceau taillé sur mesure pour ses accents tragiques sous le titre "sombre dimanche" en 1936.
Mais ce furent les rois de la pub, les Américains, qui en remirent une couche au sujet de la "chanson hongroise qui pousse au suicide". En pleine crise, le Britannique Paul Robeson adapta la version française en "gloomy sunday" (plutôt glauque que sombre, donc). Elle fut bannie des ondes de la BBC en 1941 afin de ne pas trop démoraliser front et arrière. L'immense Billie Holiday en fit, cette année là, cette splendide version.
Depuis la chanson qui tue aura connu plus d'une cinquantaine de variantes. Divers cinéastes ont utilisé la chanson tueuse sans que les statistiques des suicides n'aient vraiment varié.