Banalité de base : le problème n'est pas le 5 mais bien le 6 et le 7 ainsi que le 9, etc.
Tract récolté sur le très recommandable site Lisez véloce :
Les foies jaunes
Le père Ubu de la C.G.T et le bureaucrate-en-chef de Force
Ouvrière se dégonflent déjà. Ces bons syndicalistes ont l’audace
d’annoncer, quelques jours avant la grande grève du 5 décembre,
qu’ils sont prêts à tout annuler au moindre geste du
gouvernement. Beaux joueurs, Martinez et Veyrier ne tentent pas le
plus petit bluff. Ils n’essaient même pas de se donner un air
d’intransigeance pour peser sur les négociations. On les voit à
plat ventre avant les premiers coups. Ce très mauvais poker est
incompréhensible pour ceux qui s’imaginent encore qu’ils veulent
gagner la partie.
Si les syndicats vont à la bataille, c’est uniquement poussés
par la base, elle-même chauffée par le courage des Gilets Jaunes.
C’est une concession faite pour tenter de reprendre la main sur le
conflit social, qui s’est manifesté pendant une année entière
hors de leur orbite — ce qui est en soi une humiliation. Les
foies jaunes n’ont qu’une seule peur : que la majorité des
travailleurs suive le mauvais exemple d’une contestation
incontrôlée qui prenne acte de leur anéantissement.
Une fois que les centrales syndicales estimeront avoir retrouvé
leur assise, à grand renfort de grèves et de manifestations
symboliques, elles feront tout pour empêcher la victoire du
mouvement. Les bureaucrates préfèrent cent fois un échec de la
contestation à une réussite qui leur échappe. Or, on a vu avec les
Gilets Jaunes qu’il faut un conflit violent et hors de contrôle
pour obtenir la moindre concession du gouvernement Macron, voire le
seul ralentissement de ses destructions. Il n’y aura de réussite
que si elle échappe aux syndicats. Ils espèrent donc échouer.
Voilà pourquoi, depuis le début, les bureaucrates sont effrayés
par l’enthousiasme que la grève suscite. Voilà pourquoi ils ont
fait le choix de ce fameux 5 décembre, quinze jours avant les
vacances de Noël, pour être certains que le mouvement soit coupé
dans son élan et se réduise à un tour de manège. Voilà comment
s’expliquent leurs déclarations conciliantes avant même le début
du conflit. Le sabotage a déjà commencé : ils veulent faire
de la lutte un enfant mort-né.
Il faut donner vie à leur cauchemar. Ce n’est pas encore la
fièvre révolutionnaire, mais tout le monde sent que la température
monte. Si l’autonomie des Gilets Jaunes rencontrait la grève, elle
deviendrait sauvage.
Il est de ces lundis matins où on a plus de mal à retrouver le chagrin qu'à l'accoutumée.
Peut-être que la ville de samedi, noyée de gaz lacrymogène jusque dans le métro, avait-elle un vague air de naufrage rouennais qui nous reste coincée dans la gorge. Peut-être, alors qu'un média local nous annonçait que 75% des flics "habituels" s'étaient fait porter pâle, les vingt-cinq personnes arrêtées, pour certaines copieusement tabassées, ne sont pas pour rien dans notre humeur cafardeuse.
Il est en des moments où une chanson déprimée nous sied à merveille.
Y'a plus qu'à se remettre Mauvais ouvrier de l'ami Loïc Lantoine.
Qu'on envoie aux travailleurs vidés et aux amours enfuies.
Après être parti creuser du côté des grandes épopées paysannes, les Vanneaux ont décidé d'opter pour un peu de légèreté.
Observons nos rues : des bleus affrontent des jaunes et des noirs alors que les rouges sont dubitatifs, que les bruns trépignent et les verts restent à la ramasse.
Profitant du printemps, Les Vanneaux de passage feront un tour dans le monde des couleurs. Rendez-vous le lundi 3 juin à 17h30 sur les 92.2 de Canal Sud.
Jaune était le rire d'Orchestre Rouge lorsque, dans ce reggae glacial, ils contaient comment des chemises bleues phalangistes alliées aux orangistes menaient la chasse aux rouges. Red orange blue extrait de l'album Yellow laughter produit parle regretté Martin Hannett.
Toulouse, premier mai 2019.
Vers 10h30, six à sept mille GJ prennent la tête du cortège à Esquirol.
À 12h30 le pèlerinage étant arrivé à Chartres, tout aurait dû s'arrêter là.
Sauf que... Les gueux refusent encore de regagner leurs bicoques.
À 19h30, les dernières grenades tombaient (assez mollement, il est vrai) entre Jaurés et Jeanne d'Arc.
Ça faisait combien de temps déjà qu'on n'avait pas connu un vrai premier mai ?
Et ça ne veut toujours pas s'arrêter.
Un premier mai sans colère, ça n'est pas un premier mai.
Et pour le coup, une accolade affectueuse aux Ardéchois qui s'étaient tapés toute cette route pour être là.
Aujourd'hui, la ville rose est quadrillée de milliers de gens de guerre suréquipés. Car c'est le jour où les GJ de Bordeaux et d'ailleurs doivent y converger.
Nous serons donc ce soir frères et sœurs d'armes.
Pour arroser ça, une vieillerie de la première cassette des Bérurier Noir, leur concert d'adieu au Pali Kao, dont le texte est piqué à la BD de Lauzier et Alexis Les aventures d'Al Crane, un western parodique des années 70 (ci-dessus).
La musique, est la énième démarque de When Johnny comes marching home, rengaine qui date au moins de la Guerre de Sécession.
De plus, il se murmure qu'une des banderoles sera un hommage à la Commune de Paris. Et au tube de J.B. Clément (ici par Serge Kerval).
Samedi 23 mars, dans la soirée, un incendie s'est déclaré dans les geôles du commissariat central de Toulouse. Les pompiers sont intervenus et deux policiers ont été intoxiqués. Selon nos informations, un détenu, repéré le jour-même en train d'embraser la barricade de l'avenue Camille Pujol, interpellé par les policiers et qui était gardé à vue, serait à l'origine du sinistre et 25 personnes gardées à vue ont dû être transférées vers les autres commissariats de l'agglomération. L'acte 19 des gilets jaunes a engendré au moins 13 interpellations à Toulouse.
Actu Toulouse 24 mars 2019 8:57
On souhaite bien de la sagesse aux occupants habituels du commissariat de l'Embouchure.
Et on se met un très récent titre de Michel Cloup, Les invisibles, tout droit venue de son album Danser sur des ruines.
Une série d’images prises depuis un téléphone portable navigue sur la
Toile des affects. On y voit une « ZAD » du pauvre bâtie à la va-vite
sur un rond-point haut-savoyard, une baraque en flammes et des forces du
désordre faisant cordon autour de femmes et d’hommes occupant les lieux
et dansant en nombre sur la chanson La Foule d’Édith Piaf. À les
regarder, ces images, on comprend l’essentiel d’un incroyable défi :
détruisez, nous reconstruirons ailleurs. C’est l’expression même d’une
authentique puissance fondée sur une claire conscience des fraternités
et des connivences qui s’arriment depuis trois mois à ces éclats de
fugue en jaune majeur que sont les ronds-points, les dérives en zone
dangereuse, les coups de main échangés, les histoires partagées, les
traverses empruntées, la vie réinventée.
Ainsi débute ce long article signé Freddy Gomez qu'on vous encourage à lire en cliquant sur le lien.
Peu importe que l'on partage ou pas toute l'analyse avec l'ex-directeur de publication de l'excellente revue À contretemps (en particulier sa classification bien trop simpliste d'un certain milieu),on lit son élégante prose avec profit. La vidéo tournée à Margencel (Hte-Savoie) à l'aube du 19 décembre sur la RD 1005
Autres extraits grappillés :
C’est encore ce murmure que des « intellectuels » atones, puis
désemparés, se sont tardivement mis en tête d’interpréter, ou de
sur-interpréter, à partir de leur savoir théorique et des quelques
critères – historiques et sociologiques – qu’il leur confère. Jacquerie,
fronde, charivari, mais qu’est-ce ? Peuple, pas peuple, quart de
peuple, plèbe, tiers de plèbe, comment dire ? 1789, 1830, 1848, quelle
filiation ? Gauche, droite, ultragauche, ultradroite, d’où ça vient et
où ça va tout ça ? Ils ont débattu, les intellectuels. Ils sont payés
pour ça – pas cher, parfois, mais peu importe. Ils sont payés pour
construire une vérité ou la déconstruire, ce qui somme toute revient au
même.
(...)
Ce n’est pas rien, trois mois, après des décennies d’humiliation
sociale, de traque aux pauvres, d’insultes répétées, de silences
impuissants. C’est plus qu’un réveil ; ça ressemble à une sécession.(...)
Afin d'illustrer le propos, revoici le camarade D1ST1 qui, comme nous tous, à Toulouse comme ailleurs, ne veut désespérément pas rentrer à la maison mais rester encore dans la rue avec les autres.
À part établir un règlement, toujours en vigueur, pour la boxe dite "anglaise", John
Sholto Douglas de Queensberry fut le grand responsable de l'emprisonnement
d'un Oscar Wilde qui avait "dévergondé" son aristocrate de fils. Et à la poubelle, de l'histoire, donc.
Jack London, Joyce Carol Oates, Arthur Cravan, Leonard Gardner, Norman Mailer, "Hurricane" Carter... On n'en finirait plus de citer les écrivains fascinés par ce sport à nul autre pareil qui oscille entre élégance, brutalité, finesse et combat social pour émerger de la pauvreté.
Côté cinéma, des centaines de films parmi lesquels on a tant apprécié Fat City (La dernière chance) de Huston, 1972, The set-up (Nous avons gagné ce soir) de Wise, 1949, Raging Bull, de Scorcese, 1980, The harder they fall (Plus dure sera la chute) de Robson, 1956, Killer's kiss (Le baiser du tueur) de Kubrick, 1955...
Étant innombrables, on ne va donc pas se lancer dans un catalogue de chansons sur ce thème mais revenir aujourd'hui sur deux titres qui ont en commun le personnage du boxeur plutôt sonné. Quatre boules de cuir, par un Claude Nougaro en pleine inspiration et en répétition (1969).
Christophe Dettinger, boxeur et poète en actes, passe en procès aujourd'hui.
Et Quinzième round par Bernard Lavilliers tiré de son album Les Barbares (1976)
Vous êtes un jeune rappeur provincial, vous rêvez d'un clip genre superproduction, avec milliers de figurants et charge de cavalerie (Bondartchouk, reviens ! Tout est pardonné). Mais vous n'avez pas un rond, ni de label fortuné pour votre promotion, ni de radio pour vous matraquer.
Qu'à cela ne tienne, les samedis toulousains sont fait pour vous.
Une petite caméra, un montage rapide et D1ST1 nous livre à son tour un hymne aux Gilets Jaunes tourné dans la Ville rose entre les 5, 12 et 19 janvier dernier.
Saluons la performance car que ce soit par la complicité entre les gens ou la revanche des habitants dépossédés de leur ville, c'est du vécu.
Et comme disait l'autre ennemi du spectacle, Disti's not a love song.
Encore que...
Toujours prêt à jouer en soutien aux emprisonnés, gars ? Merci d'avance.
Il y faut un sacré mélange de culot, de roublardise, de cynisme et d'ignorance crasse pour s'adresser à ceux-là mêmes à qui on a fait mine de lâcher des miettes tout en les gazant, matraquant ou enfermant le reste du temps pour finir par leur proposer benoîtement de débattre entre gentlemen, mais à toujours ses conditions (comme quoi, chassez le naturel...).
À l'image de cette affiche venue de l'automne tragique mexicain, nous ne dialoguerons jamais avec qui pointe un flingue en guise d'ultime argument.
Cette mascarade nous a même immanquablement évoqué la chanson de François Béranger, Aux bouffons (en concert, 1998), loin d'être sa meilleure ou sa plus poétique mais comme dit une amie "En matière de vulgarité, c'est pas nous qu'on a commencé".
À ceux qui hésitent : ne trouvez-vous pas quelque peu lassant qu'on nous fasse
le coup de "C'est nous ou le fascisme"? Depuis une trentaine d'années au moins.
Et en souvenir de la visite de notre Jupiter de pacotille au Puy-en-Velay, un grand classique : le lancement improvisé du premier grand débat entre Nicolae Ceausescu et sa base roumaine. On souhaite à Macron un tribunal un peu plus bienveillant pour la suite.
Y'a pas de compte à rendre. Y'a que des comptes à régler. (12°5)
Frapper un homme à terre est indigne d'un policier (instruction du préfet Grimaud)
"Foule haineuse", "complices de casseurs", "fainéants", etc. La litanie des qualificatifs utilisés par les gouvernants n'est pas sans évoquer celle qu'écrivit Prévert dans La chasse à l'enfant, en souvenir de la mutinerie d'août 1934 à la maison de correction de Belle-Île-en-Mer. À l'époque, une prime de 500 francs avait été offerte pour la capture de tout gosse évadé. Une piste à creuser auprès de certains voisins vigilants ? Utilisez la hotline de votre Kommandantur sous-préfecture, discrétion assurée.
Après les beaufs à diesel et à clopes, les fafs, les supplétifs de Poutine, voici les vilains gilets jaunes de janvier (à qui on promet désormais fer, feu et prison) suivant les honnêtes et authentiques gilets jaunes de décembre (qui ont connu le fer, le feu et la prison). Pour couronner le tout, on nous annonce un fichage généralisé pour accompagner la énième loi anti-casseurs, tradition nationale remontant à Raymond "la matraque" Marcellin en 1970.
Bilan provisoire au 8 janvier :
1 personne tuée (par grenade lacrymogène)
4 mains arrachées
12 personnes éborgnées
1 personne rendue sourde (par grenade assourdissante, justement)
Place du Capitole, hier
Bilan provisoire du samedi 13 à Toulouse : 33 interpellations, 5 blessés (une main arrachée, une joue perforée, des tirs à la tête...)
Vu le nombre de flics plus ou moins isolés qui auraient pu morfler ce samedi, on s'interroge encore sur la patience manifestée par cette foule soit-disant "haineuse".
Un classique venu de Belfast, The Outcasts, The cops are coming (1979)
Version désabusée: il y a eu le rouleau compresseur médiatique et policier, les vautours prospérant sur les victimes de la tuerie de Strasbourg, les contradictions du mouvement, une pluie glaciale, la ville occupée militairement et surtout pas moyen d'arrêter les canons à eau ou les blindés de la Gendarmerie. On s'était mal habitués ces derniers samedi, même si c'était à prévoir, le 15 décembre dans la ville Rose, les forces de l'ordre n'ont jamais été débordées ou si peu...
Version optimiste : après des blocages en matinée (dont, encore un coup, le dépôt d'Amazon) plus de 5000 personnes occupent les boulevards en toute illégalité, accompagnées d'un petit millier de syndicalistes en manif déclarée leur cavalant au train (en marche). Des barricades à Jaurès, Victor Hugo, St Sernin, la place du Capitole occupée puis brutalement dégagée. Pas si mal pour une ville où le centre-ville était interdit aux manifs depuis des années. Et toujours cette solidarité, cette joie retrouvée entre anonymes. Si une barricade est (osons le mot) un acte d'amour entre participants, on considère que l'émeute n'est pas un but en soi, tout juste un moyen parmi tant d'autres et qu'elle ne se décrète pas.
Quelle que soit la version à retenir, c'est tout naturellement qu'en se quittant dans la nuit, on se disait "À samedi prochain". On verra bien.
Ce 15 décembre est également apparue, à Toulouse, cette chanson qui, sur un air bien connu, rappelle les riches heures des airs des années d'après 68. Quant à la grève, rêver, au moins, ne coûte rien.
Les deux samedis
précédents, il avait déambulé avec un équipement de protection
complet : masque, casque, veste de protection coquée. Samedi 8,
cet équipement lui a été confisqué par des policiers, dès
9 h 15, dans une des rues donnant sur l’Arc de triomphe.
« Je ne suis pas d’accord, mais je peux éventuellement
comprendre qu’on m’enlève mon masque et mes lunettes,
témoigne-t-il. Ce que je ne comprends pas, c’est qu’on a
aussi pris, volé, devrais-je dire, 120 fioles de sérum
physiologique, que j’avais apportées pour aider et soulager les
gens qui seraient forcément pris dans les gaz lacrymogènes. »
« Mon ami a
demandé pourquoi on nous enlevait nos masques si les policiers y
avaient toujours droit. Réponse de l’un d’eux, très menaçant,
à deux centimètres de son visage : “C’est pour mieux te
casser la gueule.” » Lassé
d’avoir assisté à des violences de la part des policiers, dont
des tirs de flashball au visage, à plusieurs reprises, Jean-Philippe
s’interroge à haute voix sur la « dictature » que
serait en train de devenir la France. « En fait, on
te dit de fermer ta gueule, c’est tout », s’indigne-t-il.
Il promet néanmoins de revenir manifester le 15 décembre à Paris.
Avec de moins en moins l’intention de « rester pacifique,
puisque ça ne sert à rien ».
Mediapart
10/12/2018
Tiens, voilà-t-il pas que les camarades de LKDS se mettent au karaoké :
Ce matin, la presse parle de douze
blessés à Toulouse. Ce n’est même pas le nombre de personnes que
j’ai pu prendre en charge dans l’après-midi. Certains parmi nous
ont raconté avoir chargé les personnes quatre par quatre dans les
véhicules de secours qui parvenaient jusqu’à nous. J’ai même
du mettre un blessé à bord de la voiture d’un riverain qui
passait par là, à quelques mètres de la charge de police, et qui a
rapidement accepté de le conduire à l’hôpital.
Ce matin, la préfecture comptait 5.500 manifestants dans
Toulouse : il faut vraiment être resté chez soi toute la
journée pour y croire. A 14h, le boulevard Lacrosses dégueulait une
foule compacte, un cortège tellement long qu’il permettait aux
premiers de ne pas entendre les grenades qui visaient les derniers.
(...)
Je n’ai pas envie ici d’exprimer mon point de vue sur la
violence en manifestation ; la vérité, en tout cas, est qu’il
ne s’agissait pas d’une « centaine de casseurs »
comme l’évoquent les journaux, mais de milliers de personnes qui
se succédaient, se soutenaient, se soignaient, s’encourageaient.
Impossible pour les gendarmes de faire quoi que ce soit, hormis
contenir bien imparfaitement l’émeute et répliquer à coups de
flash-balls et de grenades. Médiatiquement, les violences qui ont eu
lieu sont peut-être un mauvais coup mais elles ont été un vrai
coup de génie tactique. La queue de cortège a concentré
l’essentiel de l’attention sur elle, servant de point de fixation
pour les forces de l’ordre qui étaient déjà trop peu nombreuses
pour l’enrayer. Pendant ce temps, la tête de cortège continuait
sa route et s’emparait de la ville. La presse raconte que les « casseurs » étaient des
banlieusards profitant de l’occasion pour « tout casser »
-comme si la violence révolutionnaire était un simple loisir. De
mon côté, j’ai passé la journée à soigner des gens très
divers : lycéens voulant riposter à la violence subie toute la
semaine, étudiants, travailleurs de tous secteurs et tous âges
(vers 18h30, j’ai même administré du sérum phy à un retraité
qui avait été gazé), filles et garçons, « anars »
comme gilets jaunes et écolos, tous unis et constamment solidaires
sans regarder leur origine.
Pendant
que dès l'ouverture, le Décathlon connaissait son Black friday
(rayon casques de vélos et skate et lunettes de ski et plongée) les
gardes mobiles (GM) occupaient le haut de la rue Rémusat depuis 9h.
À
10h, plusieurs équipes de la BAC patrouillaient à Jeanne d'Arc
(épicentre de l'émeute du 1 décembre) fouillaient déjà les sacs
et palpaient les "suspects". Rappelons que l'appel à J.
d'Arc était pour 13h.
À
13h : déception. La manif maigrelette est entièrement maquée par
la gôche traditionnelle et syndicale qui ne voit aucun inconvénient
à être cernée de flics et dont la protestation consiste à se
mettre à genoux mains sur la tête à l'image des mômes de
Mantes-la-Jolie. Abject. S'ils jouent à terroriser des gamins, il
est de la responsabilité des "adultes" de ne pas, de ne
plus, prendre une pose de victimes. Z'êtes définitivement largués,
bureaucrates.
Bref,
cette manif se dirige vers Arnaud Bernard où est censée se trouver
la manif "climat" mais où on a la bonne surprise de
retrouver deux mille Gilets Jaunes plus "plébéiens",
prols et plus équipés (et qui viennent parfois de loin (fin fond du
Quercy, toute le Hte Garonne, etc.) Coté symbolique des cordons de
GM tentent d'empêcher la jonction des deux groupes et se font
dégager "en douceur".
Moment
statique et hésitant.
Et
les "climatiques " et autres militants partent vers Compans / St
Cyprien entraînant une partie de la manif alors qu'une autre ne voit
pas pourquoi on irait se perdre là-bas et pas vers le centre-ville
(sa magie de Noël). Les GM commencent à pousser au bouclier le
millier du rond-point d'AB alors que la tête de la manif
"officielle" atteignant la station de métro
Compans-Cafarelli se fait... copieusement grenader par les flics
massé dans toutes les rues à droite (vers le centre, donc).
Comme
dès qu'il s'agit de rosser les cognes tout le monde se réconcilie,
la manif aura donc désormais deux rythmes : une avant-garde autiste
qui marche vers le pont des Catalans et St Cyp et une arrière-garde
qui combat les schmidts avec les moyens du bord sur un des seuls
boulevards où il n'y a pas un putain de chantier ! Grenades, reculs,
contre-attaques, grenades etc. et les premiers blessés. Ainsi
jusqu'à la place Héraklés.
C'est
sur le pont des Amidonniers que les contre-attaques reprennent de la
vigueur et vont enfin durer. Enfin de quoi bloquer les rues et
quelques incendies sous les tirs des GM postés au canal de Brienne.
La manif est alors complètement mixte écolos / GJ / lycéens¹
/ étudiants / ruraux / urbains...
Parenthèse
esthétique : quiconque a aimé Ran ou Kagemusha n'a pu
qu'être frappé par cette foule plus ou moins jaune affrontant les
hommes en noir sous les nuages et sur ce pont : on l'aurait cru filmé
par Akira Kurosawa mais en plus beau : c'était enfin vrai.
Infos
arrivant sur les (quelques) portables présents : pendant que ça
fritte aux Amidonniers, il y aurait des affrontements entre François
Verdier / Wilson et autour de Jeanne d'Arc.
À
partir de là (il est 16h30 environ) vont exister plusieurs fronts.
Un
bon millier de GJ / lycéens / divers vont occuper la place du
Capitole. Face à face tendu avec des GM venus du côté Donjon qui,
ayant ordre de ne pas grenader sur le marché de Noël et les
terrasses de luxe vont mener quelques charges mollassonnes face à des
gens qui ne reculent plus. Hélico au-dessus de la foule. Résultat,
malgré leur équipement, ils finissent par reculer jusqu'au métro
Capitole, laissant la place aux mains des insurgés dans une ambiance
tout à fait joyeuse.
Au
même moment, la grosse manif a passé le pont des Catalans et grâce
à la rénovation urbaine il y a enfin de quoi se mettre sous la dent.
L’îlot en chantier face aux Abattoirs est désossé et finit en
barricades et projectiles. Incendies.
Parenthèse
en hommage : les équipes de Street medics (secouristes) ont fait un
boulot formidable. Précisons pour avoir échangé avec eux que ce
sont tous des travailleurs de la santé (internes, pompiers,
infirmiers) , qu'ils refusent de soigner les keufs qui sont assez
bien pris en charge comme ça ("je veux bien lui pisser dessus
pour désinfecter" dixit un medic) et qu'ils avaient ouvert une
infirmerie dans un appartement pour que les blessés ne
se fassent pas ramasser. À 17h, ils en comptaient plus de 40 (tête,
mains, jambes). Chapeau à eux et elles !
La
nuit est tombée. Rive gauche, l'émeute, rejointe par les lascars
des cités, va osciller entre St Cyp / Patte d'Oie / Arènes pour
revenir rue de la République après 20h.
Rive
droite, des groupes épars bordélisent mais moins que le 1 décembre,
les magasins sont fermés, plus rien à foutre des courses de fin
d'année.
Chose
vue vers 19h : une vingtaine de GJ, tendance darons / daronnes
bloquent tranquilou une voie des allées Jean Jaurès. Six bagnoles
de flics déboulent, gazent, la BAC tabasse copieusement et les duls
repartent en laissant tout le monde à terre. Peut-être en
embarquant un mec, tout le monde, n'a pas vu la même chose selon où
il était. Ce passage à tabac n'était que frustration, rage et
sauvagerie impuissante. Combien d'autres saloperies ailleurs ?
Alors
question de base : si, ce 8 décembre, où brûlaient Bordeaux,
Toulouse, Marseille, St Étienne, Le Puy, etc toutes les forces de
l'ordre étaient mobilisées, il reste quoi ? Les paras ? La Légion
? Pourquoi ne pas faire appel à Blackwater ?
Saluts d'une ville qui redevient vivable.
ps
: Dans la nuit de vendredi, grosse émeute à Athènes. Les révoltés
se mettent au gilet jaune (ce qui est stupide, de nuit d'ailleurs, ça
fait une belle cible). En Serbie et en Irak, les manifestants contre
la vie chère enfilent des gilets. Comme disait ce réac d'Audiard (père)
"Depuis qu'en France, on a appris la liberté aux autres en
trucidant la moitié de l'Europe, on peut plus s'en empêcher". On plaisante, bien entendu.
ps
politique : Bien entendu qu'il y a là-dedans des fafs. L'ironie
serait qu'après avoir été les "crétins utiles du Capital",
ils deviennent les idiots utiles à la Sociale. Mais nous en sommes
loin. Quoique tout va si vite de nos jours. À commencer par la joie
qu'ont de parfaits inconnus à se parler ou s'entre-aider.
¹Lycéens qui sont partis en manif sauvage à Toulouse lundi,
mardi, mercredi, jeudi, vendredi...
Ce samedi 1 décembre à 13 heures, il fallait être sourd, aveugle ou trotskiste pour ne pas comprendre que les affrontements allaient être inévitables.
Faut dire que la manifestation des gilets jaunes avait commencé sous de bons augures : une première prise de parole crachant sur les immigrés et l'intervenante est virée aussi sec sous les quolibets (ça ? L'extrême droite ?) des flics municipaux faisant ce qu'ils savent faire de mieux, c'est à dire emmerder un sdf, aussitôt ramenés à la raison (l'extrême droite, encore ?)
Et puis vers 14h, alors qu'une partie de la manif prétend se joindre au happening syndical qui tente de raccrocher les wagons, l'autre partie emprunte la rue Bayard dans l'intention d'aller bloquer la gare Matabiau.
C'est là que les flics ont tiré une quarantaine de grenades. Et c'est là qu'au lieu de reculer, la foule entame ce qu'on est bien forcé d'appeler une émeute.
Ce qui fut le plus remarquable, ce ne fut pas la froide détermination des protagonistes, l'absence de peur, le mépris le plus total pour les pratiques balisées des casseurs ordinaires (pas de vitrines cassées ou de magasins pillées, ça se passe juste entre eux et nous), le paradoxe de barricadiers chantant la Marseillaise pour entonner ensuite l'Internationale, non, ce qui fut le plus frappant, ce fut la gentillesse, la fraternité, la complicité entre ces parfaits inconnus qui ont résisté cinq heures durant à un torrent de grenades lacrymogènes, soufflantes, de désencerclement dans une joie contagieuse rendant ainsi son honneur à une ville qui était en voie de momification.
On ne rapporte là que ce qu'on a vu.
Et on cède la parole à monsieur Roberto Piazza du Havre. Encore merci Bob.