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mardi 18 février 2025

Retour vers le futur (famille)

 


Ma mère se fichait un fichu de laine sur les épaules et nous partions à la recherche du volage, de marchande de vin* en marchand de vin. À notre vue, incarnation réussie de la désolation, il devenait hargneux. Les appels à ses sentiments profonds, la douceur insistante: "Viens donc, mon p'tit homme..." restaient sans effet visible. Il redressait sa courte taille et renâclait de sa voix transformée, craquante.
Le ton du colloque changeait, montant du blanc de la pâleur au rouge du courroux. Elle lui demandait s'il n'avait pas honte de se soûler la gueule pendant que son pauvre gosse crevait de faim.
L'ingénieux chantage. 
Moi, le pauvre gosse, j'étais passé ouvertement dans le camp maternel et mes petits yeux se chargeaient de blâme. (...)
Tout piteux, mon père bafouillait des "ben alors" ou des "mince alors". Il n'y comprenait rien et nous rentrions en cortège.
La revanche se jouait à la maison. Ma mère recevait des coups durs dans sa belle figure. Son p'tit homme, raffermi, lui lançait, en faisant cela, des mots orduriers
, des mots courts qui, après avoir servi d'insulte, venaient se placer dans la mémoire.
La chambre était traversée de clameurs.
Calmé ou lassé, mon père sortait. Il s'en allait gueuler dans les rues voisines, tout seul, le feu au ventre. On dit de ces gens qu'ils ont le vin mauvais.
Maman, les chichis défaits et pendants, geignait longuement, ployée contre le bois du lit.
- Ce n'est rien mon petit, disait-elle en tamponnant son visage bouffi et rougi. Elle me souriait et découvrait des gencives saignantes, presque édentées sur le devant.
Tous les jours, dans notre logement, il y eut des disputes, des luttes. La rue suivait l'affaire avec intérêt et les commerçants me considéraient d'un oeil compatissant.
J'étais devenu l'enfant-martyr du quartier. 
Henri Calet La belle lurette.


* À ceusses prompts à dénoncer une culture de boomer, prière de remplacer "marchand de vin" par dealer, le jaja par la coke et "la rue" par les réseaux sociaux. Puisqu'il faut tout préciser. 

dimanche 7 juin 2015

Rue de la Muette et le bon vieux temps


Rue de la Muette, c'est d'abord Patrick Ochs qui quitta sa carrière de gratte-papier à Périgueux pour aller chanter ses phantasmes ou ses trouilles de gamin.
Entouré d'Étienne Vité (guitares), de Vincent Lacou (vents), de Michel Glasko (accordéon), de David Ceresa (contrebasse) et de Momo Fari (batterie), ils ont commi leur deuxième et plus bel album en 2003.
Ils en ont fait quatre en tout.

Alors revenons-en au bon vieux temps du titre avec trois extraits choisis dudit album censés illustrer les affirmations ci-dessus.
Une évocation d'enfance angoissée dans un entourage alcoolisé ou menaçant, un rappel du temps où certaine cité du pas encore 9-3 servait de camp de stockage et la présence improbable de Vince taylor , perdant même pas magnifique, de l'histoire du rock national et boulet aux pieds de ses quelques fréquentations (mais quelle rage et quel humoriste pas toujours volontaire !). 
Que de la nostalgie de bon aloi qu'on vous dit !
Tilidom l'espiègle ayant fui, voici donc Ma mère traîne au café et La Muette à Drancy.
Cerise sur le gâteau : Vince Taylor et moi.