Bon, maintenant que le fascisme est toujours à la porte en attendant d'occuper le séjour, que notre roitelet vient de s'octroyer deux ans de répit et que la chambre sera d'un centrisme affligeant (on parie ?) passons un peu à autre chose.
En 1934, déjà face à une extrême droite rampante et un Front pop' en gestation, que fabriquait notre chère Arletty ?
Elle chantait, ne vous en déplaise.
Et en outre elle se payait la fiole toutes ces bourgeoises qui soupiraient après les marlous (on ne disait pas "bad boys") sur une chanson signée Jean Neuburger (encore un mauvais français à coup sûr).
Postmodernes divers et variées, avant de hurler sur ces paroles injurieuses et scandaleuses, songez deux minutes que c'est du second degré. Puisqu'il faut tout préciser.
Et dans le genre rions un peu avec le mépris de classe...
J’ai débarqué dans ce foutu terrain vague à
Montreuil, la caravane au cul d’une camionnette conduite sans permis.
Novembre, la pluie, la boue… J’ai réappris la vie dans ce décor de rêve :
un cirque abandonné, des ânes, des arbres qui refleurissent au
printemps, des roms qui ont mis les voiles depuis mais qui sont restés
mes frères, des bandits, des voyous. Il y a aussi Blacky qui gère le
courrier et qui répare nos tires. J’étais venu pour faire du son et j’ai
été servi : Kik Liard à l’harmonica, Rön « Droogish » aux guitares et
Visten « Fatcircle » à la batterie. Des sauvages ! Avec eux des chansons
sont venues et on est devenus des potes. On a surtout monté un crew
redoutable et infaillible prêt à tout déboîter sur scène. Rock’n’roll ma
gueule !
Faisons un point rapide au sujet du rock 'n roll de proximité au rayon cuir prolétaire, mobylettes, banlieue, canettes et mégots à l'ancienne : Papa Schultz nous a lâché voilà plus de sept ans, les Moonshiners sévissent encore et deci delà, il reste quelques gloires locales ni entièrement blues ni entièrement punk ni tout à fait rockab'.
Johnny Montreuil estde ceux-là.
Pas vraiment un petit nouveau, on l'avait ainsi apprécié au Bar des sports de la place Robespierre il y a déjà une dizaine d'années.
Et le bougre s'accroche. À sa mythologie de ferrailleurs, de Pento et de goldo, au rock et au blues, à ses complices dont l'inévitable Kick, à son personnage de Johnny Cash du pauvre, pardon, du 9-3. Un récent album, Narvalos forever et un écumage systématique des rades (tant que l'ausweiss ou les odieux le permettent) et si c'est pas possible, autant jouer dans les jardin d'Aubervilliers en hommage aux biffins.
Voilà qui mérite un clin d’œil d'encouragement. Ces gars n'ont pas inventé le médiator mais ils ont l'immense mérite de maintenir l'étincelle du rock popu qui pue du bec.
Et même s'ils ont inventé le blues, le country et le rock, y'a malgré tout un truc que les Ricains nous envient : le musette, gros ! Et le jazz manouche tant qu'on y est. Hommage à Django et à ses disciples.
Honnête artisan du cinéma français d'après guerre, Gille Grangier (dont on vous recommande Le rouge est mis, Gas-oil, ou Le cave se rebiffe) fut dans les années soixante vilipendé par les jeunes gens prétentieux de na Nouvelle vague qui lui accolèrent, à lui comme à d'autres, le label infamant de "qualité française". Au moins, à l'époque, on savait insulter.
Si on a écrit "prétentieux" c'est d'abord parce que certains films de Grangier ont bien mieux passé l'épreuve du temps que ceux de la plupart de ses détracteurs. Et aussi parce que l'intérêt de ses films, comme ceux de Duvivier par exemple, est que le gars n'avait pas attendu Godard ou Truffaut pour aller tourner dans la rue.
Ce qui fait que grâce à lui, on peut voir la gueule qu'elle avait il y a soixante-dix ans.
Ainsi cette comédie de 1959, par ailleurs assez anecdotique, Archimède le clochard, est l'occase de passer des immeubles en construction de Maison-Alfort, à la plage de Cannes et surtout dans le ventre de Paris, autour des Halles.
Prétexte à nous envoyer cette séquence dans laquelle Gabin cabotine à souhaits. Les autres sont Albert Dinan, en patron de restau, Philippe Mareuil, en jeune con et Dary Cowl, en clodo.
Une 'tite dernière pour la route avec Bernard Blier.
Tandis que couvre-feu s'étend sur le territoire, on se réfugie lâchement dans le passé et une certaine insouciance
Un faux scopitone à la mode rétro qui nous vient tout droit de 1994.
Mobs et bistrots, java et cuirs, marques aujourd'hui disparues, c'était l’œuvre des Escrocs dans La mobylette.
Pour mémoire, ce groupe fut formé, en 1993 d'Éric Toulis (chant, guitares, basse, banjo, trompette) d'Hervé Coury (chant, claviers, accordéon, flûte, clarinette) et de Didier Morel (chant, percussions) issus des défunts Waka Waka.
Honorable ensemble de variété faisant dans le swing, la java, la tango ou le reggae funky, ils eurent dès leurs débuts la chance d'obtenir un tube monstrueux sur un rythme de bossa cynique, le fort sympathique Assedic.
Rappelons à la jeunesse que cet organisme, ancêtre de Pôle emploi était censé nous rémunérer les chômeurs.
Plus ou moins mise en sommeil en 1998, la bande s'est reformée en 2015 en s'adjoignant quelques complices.
Depuis que les villes existent, elles ont eu à résoudre le problème des déchets qui y sont générés.
Les chiffonniers ont effectué cette besogne depuis des siècles pour la ville de Paris. Leur utilité fut reconnue par les
lieutenants puis les préfectures de Police qui leur accordèrent un statut spécial. On leur attribuait donc un crochet, une hotte, un secteur et une plaque. Outre rendre quelques menus services à la flicaille, ils effectuaient ce que
l'on appelle aujourd'hui le tri sélectif. Bon nombre de livres
anciens proviennent des chiffons
sélectionnés chaque matin par ces chiffonniers qui permettaient le recyclage des matériaux.
Quand, en 1832, la municipalité de Paris, réduisit le secteur des biffins pour
en confier une partie à une première société de ramassage, il en résulta une émeute de plus de deux milles hommes armés de crochets.
Pour sa part, le terme Biffin viendrait de la médiévale biffe (étoffe sans valeur) et désigna donc, naturellement, les chiffonniers.
Par extension, au XIXème siècle, les snobinards de la cavalerie baptisèrent ainsi des fantassins dépenaillés et portant sac au dos.
Comme tous les métiers de rue, ils furent mis en chanson. La java des crochets de Willemetz, Pothier et Moretti enregistrée le 2 Avril 1932 par Marie Dubas en est un exemple. Cette rengaine un tant soit peu démagogue, nous rappelle, au troisième couplet, que le populisme politique, dont les pisse-copies en manque d'imaginaire nous rebattent les oreilles, ne date pas d'hier.
Dans une qualité supérieure, Le vin des chiffonniers, de Baudelaire, extrait des Fleurs du mal, ici chanté par Georges Chelon.
Un héros déchu de la Grande armée y est devenu chiffonnier par circonstance et mouchard de la police par nécessité...
En 1936, l'abject général Mola donna l'ordre de fusiller tout opposant sur son territoire d'Aragon et de Navarre. Vivant à San Sebastian et affiliée à la CNT, la famille franco-espagnole de René-Louis Lafforgue, alors âgé de 8 ans, passe la frontière française comme des dizaine de milliers d'autres.
Tout gosse, il participe à un réseau de résistance pendant l'occupation durant laquelle un de ses frères est tué.
Dans l'après-guerre, il est boucher, charpentier, machiniste, puis acteur avec Charles Dullin et tourne avec le Mime Marceau.
Tâtant du cabaret et de la chanson il remporte le prix de Deauville en 1954 et sort son grand succès, la java Julie la rousse, en 1956. Contrairement à ce qu'ont affirmé certaines mauvaises langues, cette chanson n'a rien à voir avec l'ancien rédac' chef de Libé.
En 1962, il ouvre un cabaret "L'école buissonnière" rue de l'Arbalète. S'y produisent Pierre Louki, Bobby Lapointe, Maurice Fanon, Paul Préboist, Christine Sèvres, Léo Campion, Béatrice Arnac... Le lieu est aussi un rendez-vous de pacifistes et d'anarchistes.
Outre quatorze Eps chez Pathé-Marconi, il a joué dans seize films et trois séries télévisées. Ce libertaire aura raté mai 68 : il s'est tué dans un accident de la route sur un tournage le 3 juin 1967 du côté d'Albi. Il avait 39 ans.
Le voici à la télévision en juin 1957, pour un autre de ses succès populaires : Le poseur de rail. Avec une pensée pour les camarades en grève.
Georges Brassens, présent dans cette séquence, disait de lui"Il a l'air de chanter avec un croûton de pain à
portée de la main. Sa guitare est de très mauvais bois mais qu'est-ce
que ça peut bien nous faire! Il chante. Il ne tend pas la patte. Il ne
dit pas « À votre bon cœur Messieurs Dames ». Il choisit. Il n'est pas
poète pour n'importe qui. Donne qui veut, donne qui peut."
Entretien avec Philippe Mortimer, préfacier de l'ouvrage, des éditions l'Insomniaque
Émile Chautard, ouvrier typographe et grand connaisseur des bistrots,
nous guide en chanson dans le Paris de la dèche et de la pègre, entre la
guerre de 1870 et celle de 1914-1918. Les goualantes qu’il a
recueillies au cours de ses pérégrinations dans les faubourgs furent
écrites comme elles furent chantées, non par des artistes en vogue mais
par des marlous et des gisquettes.
La grande richesse des pauvres d’alors c’était une jactance empruntant
beaucoup à l’argot, affiné dans les prisons et les bataillons
disciplinaires.
Paris canaille et spectacle pour tous
Comme l’a dit Céline : « C’est la haine qui fait
l’argot. » On verra dans ces pages que l’argot c’est aussi le désir qui
se dévoile, c’est aussi la verve, la trouvaille poétique et l’esprit
libre.
Dans les zones ténébreuses de la Ville Lumière, dans les hideux taudis
de la Belle Époque, nombre de pauvres n’obéissaient pour survivre qu’à
leurs propres lois et leurs propres morales.
Le dégoût de l’usine
incitait les filles d’ouvriers à se vendre sur les trottoirs et dans les
bouges. Voyous dandys, les apaches paradaient en bande sur les
boulevards. Le crime exerçait une trouble fascination sur la société –
partout l’on recrutait des policiers, partout l’on bâtissait des
prisons.
Voilà ce que narre sans artifice ces goualantes qui sont autant de
témoignages pour servir à l’histoire des classes dangereuses.
Avec en chansons L'or Petit Louis (Anonyme - Quéré) Ciao Paname Roland Brou (Van Daal - Couton) L'amour à la barrière Agathe Louis (Régnier - Lecoeur) Complainte du Charlot de la Courtille Nénesse et Totor (Anonyme) L'assommoir de Belleville Three Times Rockers (Anonyme) Le départ des joyeux Juliette Gréco (Mac Orlan) À la Roquette Schultz (Bruant) La Ravachole Les Quatre Barbus (Sébastien Faure) Le Sébasto The Moonshiners (Anonyme)
On peut suivre l'entretien ou le mettre à gauche en cliquant là.
Pour illustrer le rôle de la chanteuse tragique, qui mieux que Damia ?
Ici dans un caboulot.
Music hall d'avril 59 avec, en couverture, Roger Riffard, Pia Colombo, Anne Sylvestre et Pierre Brunet
Lorsqu'il n'écrivait pas dans le Monde Libertaire ou deux romans méconnus (La grande descente et Les jardiniers du bitume), Roger Riffard composait et interprétait des chansons. On a évoqué tout ça dans quelques articles.
Dans le registre de la parodie du musette, voici une très bath java des solitaires. D'ailleurs, si quelqu'un possède Jojo du Magenta, écrit et chanté par le même, on est évidemment preneurs.
On rappelle cesite consacré à Roger-la-déveine. Pourquoi déveine ? Parce qu'après tant d'insuccès, lui qui devait tant à Brassens poussa la poisse jusqu'à mourir le même jour que son protecteur. Inutile de préciser que ça n'a pas fait une ligne dans la presse.
Pierre Dumarchey se devait d'y aller de son hommage à François Villon. Il le fit donc dans une superbe java, payant ainsi son tribut au parler du royaume d'Argot (d'Argos?), à la langue verte des coquillards et autres goliards ne dédaignant pas la truande. La pièce comporte pas mal de tiroirs et nous allons tâcher d'en entrebâiller quelques-uns. En préambule, lachanson par Germaine Montéro, notre interprétation préférée.
Voici un début qui part sur un rondeau comique de maître François (qui lui est attribué tantôt en 1431, tantôt en 1463) le texte en est :
Jenin l’Avenu
Va-t’en aux étuves
Et toi là venu
Jenin l’Avenu
Si te lave nu
Et te baigne es cuves
Jenin l’Avenu
Va-t’en aux étuves
On constate ici que François de Montcorbier ne rechignait pas aux calembours. Mais qui est ce Jenin ? On a beau chercher, on n'en trouve aucune trace. Jean Favier affirme qu'un "Jenin" est un cocu et "l'Avenu" un gars qui tombe toujours au mauvais moment. L'envoyer aux étuves (faisant office à la fois de bains publics et de lupanars) est donc une manière de se débarrasser d'un pénible quelque peu pleurnichard. À moins que cela ne signifie tout simplement "Va te faire voir ailleurs !" ou plus prosaïquement "Casse-toi !" ou, comme on disait au quartier, "Nachave !".
Dernière hypothèse: pour en finir avec la première ligne, les "étuves" peuvent désigner le supplice de l'ébouillantement destiné aux faussaires et incestueux. On plongeait le condamné petit à petit dans un bidon d'eau bouillante sur la place publique. Voilà donc une manière plus prosaïque d'envoyer un "Jenin" en enfer.
On croirait du Dubout mais c'est bien du Jijé.
Au tour de la rue Saint-Jacques.
On sait que c'est sur un banc de cette rue que Villon eut une rixe avec Philippe Sermoise, prêtre à Saint Benoît. Villon le blessa d'un bout coup de dague, et Sermoise rendit l'âme le lendemain non sans avoir publiquement pardonné à son assassin, qui se planquera tout de même sept mois loin de Paris.
Comme précisé au troisième couplet, "Colin" est Colin de Cayeux, complice de Villon lors du vol perpétré au Collège de Navarre, rue Saint André des Arts, par la bande d'étudiants en rupture. C'est lui qui semble diriger le groupe, affectant un guetteur. Colin aurait été pendu vers 1460. On le désigne comme coquillard mais son nom n'apparaît pas dans les actes du procès de Dijon en 1455. Villon rappelle le sort de son ami dans sa « Belle leçon aux enfants perdus » placée dans le Testament.
Par contre, "Régnier de Montigny", ancien clerc parisien et compagnon de débauche de Villon était, lui, bien présent au procès des coquillards. Il y fut même pendu (et non roué comme dit au quatrième couplet) et le poète évoque son supplice dans une ballade du Jargon et Jobellin dudit Villon, édité en 1489.
Il semble "Robin de Turgis", fils d'Arnoul, ait été le tavernier de "La Pomme de pin" située rue de la Juiverie. Villon le cite dans Item, vienne Robin Turgis :
Item, vienne Robin
Turgis
A moi, je lui
paierai son vin ;
Combien, s'il treuve
mon logis,
Plus fort sera que
le devin.
Le droit lui donne
d'échevin,
Que j'ai comme
enfant de Paris :
Se je parle un peu
poitevin,
Ice m'ont deux dames
appris.
Quant à "Dame Sidoine", elle peut avoir été quelque affranchie, maîtresse de Villon. Elle apparaît dans les "Contredits de Franc Gontier" dont voici la savoureuse première strophe :
Sur mol duvet assis,
un gras chanoine,
Lez un brasier, en chambre bien nattée,
A
son côté gisant dame Sidoine
Blanche, tendre, polie et
attintée,
Boire hypocras, à jour et à nuitée,
Rire,
jouer, mignonner et baiser,
Et nu à nu, pour mieux des corps
s'aiser,
Les vis tous deux, par un trou de mortaise :
Lors
je connus que, pour deuil apaiser,
Il n'est trésor que de vivre
à son aise.
On voit enfin que Pierre Mac Orlan, tout en réinventant un argot du XVème ne dédaigne pas, lui non plus, les calembours puisqu'il mêle une anecdote historique de la rue Saint-Jacques à quelques coquillards supposés ou avérés. Outre, leur vocabulaire très particulier, ces fameux truands tenaient soi-disant leur nom de leur emblème, la coquille des pèlerins en route vers Santiago (Saint-Jacques de Compostelle). Fait, qui semble-t-il n'a jamais été vraiment prouvé.
Pour rappel, on repasse la version de Valérie Ambroise
Circonstances atténuantes est film de Jean Boyer (1939) avec Michel Simon, Arletty, Suzanne Dantès, Andrex, Dorville, Mila Parély… Synopsis :
En allant à Plombières, un ancien procureur de la
République, surnommé Le Sentencier, et son épouse s’arrêtent dans un
petit bistrot, suite à d’une panne de voiture.
Cet
arrêt intempestif va créer un quiproquo car le couple de bourgeois tombe dans un repaire de truands, qui prennent Le Sentencier, dit "La Sentence", pour un des leurs.
Et c'est encore parti pour une festival de malentendus entrecoupés de javas.
Basée sur une situation classique de confusion des rôles, cette œuvre est loin d'être inoubliable. Mais heureusement, comme dans beaucoup de films populaires de cette époque, il y avait toujours une chanson qui elle, au moins, restait bien accrochée dans les têtes.
Il nous en reste donc pour l'éternité la rengaine « Comme de bien entendu » (Paroles Jean Boyer – Musique Georges Van Parys).
Elle est goualée, à tour de rôle, par les divers protagonistes du film.
Cette délicieuse chanson de Patachou se défend assez bien toute seule sans qu'on aille baratiner des explications de texte.
Que dire alors ?
Nada, sinon que c'est paru en 1957 sur le microsillon 4 titres Patachou 6 (Philips 432 156 NE)
Les autres titres étaient La musique, Va pas t'imaginer, et Allume tes lampions.
L'orchestre de Joss Baselli accompagnait madame Henriette Lesser qui nous quitta le 30 avril dernier.
Ah, et puis on profite de l'occasion pour annoncer que l'Herbe Tendre d'avril traitera des chansons autour de la prostitution.
En voilà un sujet qu'il est polémique, vaste et fourni !
Ce sera le lundi 4 avril, à 18h sur 92.2 fm à Toulouse, sur canalsud.net dans le reste du monde.
Notre Sétois moustachu ne fit qu'une apparition au cinéma, c'était dans Porte des Lilas, en 1957. Et il jura qu'on ne l'y reprendrait plus ! Le grand timide a dû très modérément apprécier de se retrouver en haut de l'affiche là où son rôle, celui de "l'artiste," est assez artificiel et convenu. Toute la musique du film est de Brassens, soit avec nouvelle orchestration, soit interprétée par le bourru en personne. Ce film de René Clair* fut plutôt décrié et méprisé par le public du chanteur. On y trouve pourtant du beau monde : Pierre Brasseur, impérial à contre-emploi en oisif fasciné par un pègre et par un amour impossible, Bubu (Raymond Bussières) en loufiat, Danny Carrel, sa fille, en fleur de la zone qui rêve d'ailleurs, Henri Vidal, truand minable et baraqué, ... Un portrait du populo autour des puces, celui que Brassens a tant chanté. Même si la représentation des fortifs et de leurs alentours fait déjà carte postale de ce qui fut et n'est plus, pour ne pas dire que c'est carrément du carton pâte, on ne peut s'empêcher de déguster quelques bons moments dans ce mélo qui commence en conte anarchisant avant de prendre un tour quelque peu moraliste.
Les vidéos ayant été supprimées, on vous envoie le film Encore raté ! Les ayant droits étant délicieux, on envoie une autre séquence :
Accompagnée d'une photo gentiment empruntée à Pop 9
*Adapté du roman La grande ceinture de René Fallet
Un certain écrivain mythomane, opiomane, pilleur d'antiquités et grandiloquent à l'occasion, nous aurait prédit : "Le XXI ème siècle sera religieux ou ne sera pas."
Et jusque là, faut avouer qu'on n'a pas été tout à fait déçus.
On va enfin l'aborder, le thème qui nous vaudra excommunications, fatwas, interdits, mises à l'index de toutes sortes et puis après, nous partirons sur les routes tels Baruch Spinoza chassé de la synagogue.
Ce sera donc le lundi 1 décembre à 18h.
L'Herbe Tendre sera religieuse ou ne sera pas. Sur Canal Sud, 92.2 fm ou canalsud.net.
Allez en paix avec ce cantique-java écrit par Jean Yanne et interprété par Anne Germain en 1971 dans le film que vous savez.
En 1971 Mouloudji tente un retour fort réussi du musette. Extrait : cette javouille parodique écrite par Vian et Assayag en 1947. Un régal pas si connu !
Le Bal des Quatre-saisons, rue de Lappe, vers 1932, par Brassaï.
"Qu'est-ce que la java, cette quintessence du populo de Paris ? Dans Du bouge... au Conservatoire, Louis Péguri se moque des alphonses, de ces messieurs les souteneurs qui, après quelques tours de valse, le naturel reprenant le dessus, se refusaient à tout effort supplémentaire au grand dam de ces dames... Le patron du Rat mort à Pigalle, que Péguri ne cite pas, avait remarqué que la clientèle féminine prisait fort la mazurka Rosina*, que les habitués valsaient à petits pas entrecoupés. Aussi, dès que les ardeurs faiblissaient, le taulier réclamait Rosina à l'orchestre et, accent de là-bas à l'appui, demandait : "Alors cha va ? cha va?" Et, un beau matin, Paris apprit qu'une nouvelle danse était née, "une danse qui tenait de la valse mais avec un pas plus crapuleux, plus canaille.- Cha va! Cha va !.. Ainsi naquit d'une déformation du parler auvergnat le fameux pas de java". Une fois encore on se rend compte du goût prononcé de Louis Péguri pour le mythe.
L'origine du mot java est-elle réductible à cette historiette ? Au hasard d'une chanson écrite plus tard pour Fréhel, Soi-même java, Francis Carco semble apporter de l'eau au moulin de Péguri :
"Quand l' gros Gégèn'
Soi-même
S'amène au bal musette
A petits pas il danse la java
Et tout's les poul's
Comm' saoul's
Lui riboul'nt des mirettes
Mais question de plat il leur répond
Ça va ! va ! va ! va!"
Bref ! A défaut d'autre explication, tous s'en contentent. Dans Images secrètes deParis, en 1928, Pierre Mac Orlan consacre un beau chapitre à la java. Sur l'origine du mot, lui aussi n'avance qu'une hypothèse : "Cette danse fut consacrée par ceux que l'on appelait encore, il n'y a pas si longtemps, les apaches. Elle doit être un hommage à cet argot puéril que l'on nomme le javanais et qui n'est plus parlé que par des crétins incurables [sic!]." On le comprend, personne n'est en mesure de dire pourquoi la java s'appelle java. Il y a quelques années à Chamonix, un musicien d'origine rom avait une clé : dans une langue rom, dchjava est l'impératif d'un verbe signifiant aller. Donc "java" serait la transposition de dchjava, à savoir "vas-y". Pourquoi pas, d'autant que, dans Ils ont dansé le Rififi-Mémoires, Auguste Le Breton l'affirme : jadis, avec les Espagnols, les gitans étaient "les plus fins gambilleurs de la capitale."
Sur cette danse, Péguri ajoute pourtant, sans rien apporter de précis : "Quant à sa dénomination elle peut être aussi une conséquence du retour à Paris de certains trafiquants de la route de Buenos-Ayres (sic), ayant ramené le pas glissé du tango Milonga qui a un certain rapport avec la marche glissée du pas de la java primitive, en réalité une valse au ralenti et à mouvement décomposé. Par évolution, la vraie java est devenue une valse musette et la vieille mazurka des faubourgs comme Rosina est restée cette vraie java dont Maurice Yvain a écrit musicalement le prototype avec Une petite belotte (sic) [...]Le succès de ce pas nouveau est extraordinaire. On danse la java même dans le grand monde." Incorrigible Louis Péguri et ses idées de grandeur !... Cela étant, Philippe Krumm me le confirme, la java est bien une mazurka massacrée. Après la guerre, Carco voyait en elle une "mazurka faite d'emprunts à toutes les danses" et la comparait à la belote qui, à l'image de la java sa contemporaine, "se complique de manille, de poker et d'inventions déterminées". La petite belote**d'Yvain, belote et java associées, est une photographie parfaite d'un certain Paris des années vingt. Mais attention, André Warnod l'a attesté au Bal des Gravilliers, la java date d'avant 1914 !
Claude Dubois, La Bastoche, Une histoire du Paris populaire et criminel.
Concernant Claude Dubois, on pourra écouter ci dessous sa Nuit rêvée où l'on trouvera notamment une séquence sur le Balajo avec Francis Lemarque et Jo Privat en invités. Un grand merci à George qui nous a retrouvé cette archive.
Concernant Philippe Krumm, spécialiste de l'histoire de l'accordéon, cité dans le texte de Dubois, nous vous conseillons vivement d'aller consulter son papier très fouillé (et richement illustré) sur les bals musettes et la rue de Lappe. C'est ici .
* Pour ce faire une idée de cette mazurka, un extrait par un groupe italien