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lundi 1 mars 2021

Félix, Charles et l'héritage

Querelle familiale chez Kurosawa (Ran, 1985)
 
Les psychanalystes, juges pour enfants et curés confesseurs, lorsqu'on en trouve encore, le savent bien, la famille est un des plus beaux endroits de l'épanouissement humain. Et comme telle, elle possède ses rites et ses riches heures.
Un de ses grands moments suit généralement un épisode tragique (voire, le précède parfois). Ainsi, lorsqu'advient le décès d'un ancêtre, on peut souvent observer les descendants éplorés calculer un retour sur investissement ou désinvestissement affectif en terme d'espèces sonnantes et trébuchantes, de terrains bâtissables, de parpaings assemblés ou de simples bibelots.
Cette coutume de l'héritage tout droit issue de notre grande Révolution et de son inaliénable droit bourgeois à la propriété privée a souvent réjoui poètes et chansonniers.
Ainsi, Félix Leclerc en fit-il ses choux gras dans un 45 tour de 1957 (Epic 1071)

 
Chroniqueur des familles heureuses, Charles Trenet se devait d'en remettre une couche. Le voici sur scène à Bruxelles, en février 1965, dans L'héritage infernal.
S'il avait soupçonné à quel point sa cousine, son neveu, son ex-chauffeur et un fils prétendument adultérin iraient se poursuivre devant les tribunaux, peut-être aurait-il plutôt chanté les vertes routes ou les flots bleus.
 

samedi 20 mai 2017

Hommage au grand Charles

Photo de David "Chim" Seymour
Un grand coup de chapeau mou au Fou chantant de Narbonne, grand malaxeur de mots. À celui qui jouait de son homosexualité en l'intercalant dans ses calembours ("Je tâte André à la sortie du garage"), au chanteur symbole du swing de l'entre-deux guerres, d'abord avec Johnny Hess puis en solo, au zazou sosie du juif Harpo Marx, d'après le torchon "Je suis partout" (1944), même si, pour être juste, il faut bien avouer qu'il passa une occupation, somme toute, confortable. Bref, à l'increvable qui, né en 1913, donna son dernier concert en 1999, deux ans avant son décès. 
Un exemple de son génie, encore vivace, en 1955 

  

Un autre de 1951 (mais comment diable se donne-t-on de la joie avec une passoire ?)



Pour finir, un extrait d'une émission mythique :


vendredi 14 octobre 2016

Les zazous fort occupés

Tout le monde ne peut pas avoir été punk, teddy boy, mod ou blouson noir. 
 Cet article est un abrégé du passionnant travail de J. Blot trouvé sur le site l'histgeobox.

Dès la déclaration de guerre, le 9 septembre 1939, la Troisième République interdit bals publics et dancings. Le 20 mai 1940, en pleine offensive allemande, Georges Mandel, le ministre de l'intérieur, ordonne par décret la fermeture des salles parisiennes. Étendue bientôt à l'ensemble du territoire, cette mesure est maintenue sous Vichy dans son ambition de régénération morale de la jeunesse. Dans le même temps, la plupart des autres divertissements restent tolérés: concerts, théâtre, cinéma, manifestations sportives. C'est donc avant tout la danse, tout du moins celle pratiquée par la jeunesse des deux sexes dans les bals qui subit les foudres des autorités vichyssoises.

Après s'être assuré le contrôle des institutions culturelles, laissées entre des mains françaises, les hiérarques nazis s'emploient à donner une image accommodante de l'occupant. Dans cette optique, Goebbels entend faire de Paris la capitale du divertissement dans l'Europe occupée et s'ingénie à recréer le "gai Paris". Cabarets, music-halls, cinémas, théâtres peuvent très vite ré-ouvrir.  

Peu avant l'armistice, le chanteur Johnny Hess avait lancé en France la vogue du swing (de l'anglais to swing, balancer) dont le tempo tapageur, répétitif et excitant avait assuré le succès de titres tels que Je suis swing ou J'ai sauté la barrière, hop là. Les orchestres d'Alix Combelle, Fred Adison, Aimé Barelli ou le Hot Club de France mettent également à l'honneur cette musique originaire des États-Unis. Les concerts se multiplient, tandis que les horaires de diffusion d'émissions consacrées à cette musique augmentent fortement (de 3h50 en septembre 1940 à 35 h 20 en avril 1942 sur Radio-Paris).


Côté nazi : "Interdit de diffusion à la radio dès 1935, le jazz figurait en tête des genres proscrits (...). Fondée sur une conception manichéenne de l'art, la politique culturelle nazie opposait la tradition musicale issue du romantisme, censée exprimer la supériorité du peuple allemand, à la dégénérescence des musiques modernes et atonales, noires, juives et bolcheviques."
Or, la guerre modifie cet état de fait et le jazz fait son retour sur les ondes à partir de 1941. On ne parlait cependant plus de jazz, mais de "
musique de danse accentuée rythmiquement"! Le genre est finalement promu au rang de propagande par Goebbels avec la promotion d'une formation comme Charlie and His Orchestra "qui chantait en anglais des textes antisémites sur des standards américains."

Aux États-Unis, les zazous étaient des "pachucos"


Être zazou, c'est surtout manifester un état d'esprit ("swing") en contradiction avec celui de l'époque. La provocation, ici, consiste d'abord à se faire remarquer, mais aussi à revendiquer une américanophilie, une anglophilie, qui ne sont alors pas de mise. Amateurs de jazz, les zazous s'inspirent des modes vestimentaires américaines comme les grands carreaux du zoot suits. Les zazous portent les cheveux longs, bouffant sur le dessus de la tête par opposition aux coiffures militaires, ils arborent des vêtements trop longs à une période où le tissu est rationné. Les zazous affichent une attitude "j'm'enfoutiste", insouciante à l'égard des drames de la guerre, donc défiante aux yeux des autorités vichyssoise. Ils parlent et chantent en franglais, revendiquent le laisser-aller et l'oisiveté au moment même où la Révolution nationale de Vichy prône la régénération de la jeunesse française. 
Pour Vichy, le relèvement de la France passe par la régénération d'une jeunesse, débarrassée de cet "esprit de jouissance" si préjudiciable.

Abel Bonnard propose aux "bons jeunes" de reconnaître les "mauvais", ces "pitres gouailleurs, prétentieusement avachis et raisonneurs, coquetterie débraillée, mollesse, nature pauvre et compliquée, plaisantins de mauvais aloi, incapables de gaieté et de sérieux, ils sont le dernier reste d'une société d'individus."
Le mode de vie des zazous, - qui adorent la musique noire, s'amusent dans des bars enfumés où on écoute du jazz - se situe donc aux antipodes du moralisme du régime de Vichy et de l'austérité de l'époque. Ils suscitent donc très vite l'exaspération. Aux yeux des autorités, le zazou symbolise le jeune Français perverti par la IIIe République, sans âme, lâche, efféminé, vaguement gaulliste, anglophile et enjuivé. Le zazou représente en somme l'envers de l'idéal pétainiste.


A la faveur de l'entrée en guerre des États-Unis en décembre 1941, puis de l'accession de Pierre Laval à la tête du gouvernement en avril 1942 et des revers militaires allemands, la propagande anti-swing s'amplifie et la pression sur les zazous se fait plus hargneuse. Le mouvement devient ainsi la bête noire des autorités. L'engouement pour le swing et la persistance du phénomène zazou démontrent surtout que l'endoctrinement idéologique voulu par le régime est un échec. La renaissance nationale tant espérée par le régime se trouve très affectée par le rejet généralisé de son éthique du travail, du désintéressement, de l'austérité, de la masculinité.
Les collaborationnistes, partisans de la victoire de l'Allemagne, s'en prennent alors avec hargne et un grande violence verbale aux zazous. 

   
Une virulente campagne de presse anti-zazou s'ouvre à l'automne 1942.  Lucien Rebatet dénonce "la vague immonde du swing, ce similihot, ce vulgaire straight, cette cochonnerie assaisonnant les blues avec du sirop de grenadine dans le but d'assouvir les fringales de trémoussements des pipelettes de la rue Soufflot."


Les collaborationnistes considèrent encore les zazous comme des tire-au-flan égoïstes, des "judéo-gaullistes". Le journaliste du Parizer Zeitung lance même: "Derrière le modèle américain et anglais du swing, c'est le juif qui se cache..."
Pour l'hebdomadaire
Jeunesse, "il faut reconquérir le Quartier latin sur l'influence juive et l'imposture gaulliste." La Gerbe - qui porte décidément bien son nom - surenchérit:
"
Que l'on ne s'y trompe pas. Nous ne sommes pas contre le swing, mais contre les swings. Le swing c'est encore du jazz, [...] du jazz décadent, sans doute, mais de la musique allègre. Les swings sont une race aigrie, qui naît à quinze ans avec des trépidations politiques stupides, un cœur de vieille trompette bouchée, qui veut singer le clairon de Déroulède." [La Gerbe, 4 juin 1942]

L'organe collaborationniste Au Pilori inaugure même une rubrique Art zazou. Au fil des mois, le ton se fait de plus en plus menaçant: "Le remède le plus pratique pour se débarrasser du zazou consiste soit avec un ciseau à lui couper la veste-pardessus, soit avec une tondeuse à lui enlever le toupet, ce qui non seulement le démoralise, mais encore le prive de tous moyens d'actions.
 P. S.: puisque la jeunesse énergique paraît se rassembler sous l'étendard PPF, nous lui signalons spécialement cette chasse aux zazous." [Au Pilori, juin 1942]
 L'appel est entendu. Aux mots succèdent les coups. Une intense répression s'abat  sur les "petits swing" dont les exécutants se recrutent au sein des Jeunesses Populaires Françaises (JPF) de Jacques Doriot ou du du Rassemblement National Populaire de Marcel Déat. Leurs membres organisent des rafles dans les bars, tabassent, tondent leurs adversaires. 450 zazous sont même arrêtés par la police, conduits au camp de Drancy, puis relâchés et envoyés à la campagne pour travailler aux champs.
Quelques jeunes gens qui ont l'idée d'arborer une étoile jaune avec le mot "Swing" ou "Zazou" en gothique pour ridiculiser les mesures antisémites seront même déportés! 


Il serait abusif de compter les zazous dans les rangs de la résistance, leur comportement est d'abord une rébellion contre l'autorité parentale. Le soutien aux Alliés ou à de Gaulle n'est le fait que de quelques uns. Pour Ludivine Bantigny, "ces jeunes gens sont "des révoltés, refusant d'être étiquetés selon les normes d'identité prônées par les autorités. Ils minent de l'intérieur la morale en vigueur en exhibant ses ridicules et ses aigreurs. Au fond, les zazous sont des "déserteurs du monde", de ce monde codifié par des normes conservatrices et fascistes que, par leur refus même de cet ordre, ils entendent bien condamner." (Bantigny p 2065)
La répression et les rafles ne parvinrent pas à endiguer le phénomène zazou. C'est plutôt l'instauration du STO qui entraîne leur disparition. La Libération sonne le glas du mouvement lorsque déboulent à St-Germain-des-Près les existentialistes ou les lettristes.
Raymond Legrand, Johnny Hess seront inquiétés pour avoir continué leur activité en chantant notamment sur Radio Paris.   


jeudi 22 septembre 2016

Les tueurs de la lune de miel, meilleur album belge ?

À l'origine, "les Tueurs de la lune de miel*" sont un groupe bruxellois fondé par Yvon Vromman, Gérald Fenerberg et JF Jones Jacob, en 1974 pour aller explorer le monde de la "délinquance musicale" : parodie et déconstruction de chansons, de rockabilly, free jazz, punk, d'hymne national (la Brabançonne mise en pièce) et de fanfares de fêtes.

Ce noyau de base enregistre son premier album, Special manubre, en 1977.
Puis fusionnant avec le groupe Aksak Maboul, ils sont rejoint par Marc Hollander, Vincent Kenis et Véronique Vincent en 1980.
C'est en alternant leur nom avec celui de "Honeymoon killers" qu'ils enregistrent leurs deuxième disque et vont rechercher le gros tube du côté de chez Charles Trenet.
S'ensuit un gros succès radio accompagné d'un clip artisanal, désargenté, qui ne vieillit pas trop mal :

  

Ce deuxième album sera déclaré "meilleur album de rock belge de tous les temps" par le magazine MoFo et figure dans la liste des 10 meilleurs albums belges de l'histoire, du magazine Le Vif/L'Express. Fallait oser.
Le groupe s'est séparé en 1985 et Yvon Vromman disparaît en 1989.
En 2014, Véronique Vincent et Askak maboul sortent Ex-Futur Album, constitué à partir de bandes inédites enregistrées entre 1980 et 1983, chez Crammed Discs.
Un autre exemple de leur humour absurde, cette fois emprunté à Gainsbourg :



* Oui, en référence au film de Leonard Kastle (1970).

jeudi 3 avril 2014

Trenet et Brassens




    On sait  que le sétois admirait le narbonnais et sans doute lui devait-il beaucoup :  c'est le fou chantant, le premier sans doute, qui sut marier avec à-propos swing et chanson.
    Brassens, ne sachant que faire de son corps encombrant, devait aussi envier la facilité avec laquelle Trénet irradiait la scène...
   C'est flagrant dans l'interprétation du Petit oiseau ci-dessous où Brassens s'applique, soucieux de bien faire comme toujours (certes, plus détendu que d'habitude), et Trenet, enjôleur, qui met le pilote automatique, une fois que la chanson lui revient en mémoire...





    On suivra à loisir la suite de cette rencontre ci-dessous :



    Pour voir dans la longueur la plupart de ces vidéos (et une interprétation esquissée de Tout est au Duc), on se reportera à cette page



mardi 5 novembre 2013

 Trénet et Landru


    Henri Désirée Landru, dit "Le Barbe-Bleu de Gambais" ne fut pas qu'un assassin pour le moins mysogine (11 femmes avérées) d'avant qu'on n'invente l'appelation serial killer aoc.
En plus d'être aussi un escroc, il fut un "planqué" de la guerre 14-18 qui pratiqua artisanalement ce que les généraux réalisaient en même temps à l'échelle industrielle (ce n'est pas une excuse mais ça relativisera une époque sanglante) .
Il utilisa plus de 90 fausses identités pour attirer les femmes qu'il découpait ensuite.
L'horrible individu se révéla un humoriste consommé lors de son procès en 1921 avec des réparties comme « Moi ? J'ai fait disparaître quelqu'un ? Eh bien, ça alors ! Si vous croyez ce que racontent les journaux ! » ou bien « Vous pleurez Landru : vous éprouvez le besoin de libérer votre conscience ? » — « Oui, je pleure mes fautes, je me repens... j'ai des remords... je pleure parce que je pense qu'avec tout le scandale fait autour de mon nom, on a appris à ma pauvre femme que je l'avais trompée. »
Et pour finir  « Monsieur le curé, je vais mourir et vous jouez aux devinettes » à l'aumonier qui, au pied de l'échafaud, lui demandait s'il croyait en Dieu.
Il fallait donc tout le talent de Charles Trenet pour oser en faire cette joyeuse facétie en 1963.