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dimanche 15 décembre 2019

La bataille d'Euskalduna


Il est des grèves dont le souvenir hante encore les mémoires quarante ans après. Ailleurs, on a transformé des mines en musée ou des sidérurgistes en Schtroumpfs de parc d'attraction. À Bilbao il a fallu, pour évacuer ce conflit qui mit la ville à feu et à sang, détruire les chantiers navals Euskalduna pour édifier à leur place l'immonde musée Guggenheim  (14 euros l'entrée, on voit à qui ça s'adresse).
Après avoir laissé le personnel, dûment amnistiés, de la dictature franquiste en place, les socialistes espagnols vont parachever l'inclusion du pays dans l'Union européenne par un ensemble de restructurations industrielles.
Les chantiers navals du Nord (La Corogne, Gijón, Bilbao) doivent donc être sacrifiés. À Bilbao, en 1984, ce sont 19 000 travailleurs qui doivent être foutus à la rue, ravageant la capitale biscaïenne.

La colère des ouvriers sera à la mesure de la brutalité étatique et patronale.
Le pont de Deusto, qui traverse la ville devient un fortin des insurgés et les derniers mois de 1984, verront Bilbao en état de siège.
Le 24 novembre, la police tire à balle réelle, tuant un gréviste, des dizaines de flics quittent l'affrontement sur des brancards.
En décembre, une grève générale est déclarée d'abord en Biscaye, puis dans toute l'Espagne.
Étudiants, lycéens, autonomes, ouvriers voisins se joignent aux combats et Bilbao vit désormais sous un nuage de gaz lacrymogène.
Les troubles vont durer jusqu'en 1988, à tel point qu'on évoquera la première, puis la deuxième, puis la troisième bataille d'Euskalduna.
En juin 1987, deux trains seront carrément enflammés sur les voies ferrés de l'agglomération.
Pour calmer les ardeurs des Basques, dès juin 1985, Garde civile et police nationale sont remplacées par la Hertzantza, police autonome basque avec un résultat sensiblement ressemblant.
L'attitude crapuleuse de potentats politiques locaux signant des accords qu'ils savent pertinemment ne pouvoir honorer ne sera pas pour rien dans la fureur des prolos.
Après des années de combat, l'intersyndicale (ELA-STV, UGT, CCOO) signe un accord signant la mort des chantiers en juin 1988.
Une fois de plus, il ne s'agissait pas de défendre l'outil de production mais sa communauté ouvrière.
Une affiche du syndicat basque d'extrême gauche LAB résumait parfaitement cette situation : on y voyait un ouvrier, les bras croisés devant les chantiers en flamme avec cette interrogation: Zer gehiago egin dezaket ? (qu'est ce que je pouvais faire d'autre ?)

En 1985, Hertzainak chante cette résistance par la chanson Eutsi gogor ! (Résiste ferme) sur leur deuxième 33 tour.
Feu et fumée sur le pont de Deusto,
boulons contre balles en caoutchouc (...)
Le sac qui hier
contenait un sandwich
est aujourd'hui plus lourd (...)
Fous le feu, reconvertis-toi,
Fous-leur le feu, reconvertis-les !
Bleus de chauffe, casques et foulards...



L'année suivante, Kortatu appelait à incendier les rues. A la calle...


Et une BD du génial Ivà

samedi 27 octobre 2018

Démocratie et baston : retour outre-Pyrénées


On vous a raconté qu'après la mort d'un Franco gâteux de longue dâte, la démocratie, le sexe, la drogue et le rock'n roll ont régné sur la vieille Espagne. On vous a raconté que les Zarts et Lettres ont vécu une Movida de petits bourgeois madrilènes. On vous a raconté que les Ibères sont passé magiquement de la nuit au jour, la preuve : ils n'eurent même plus besoin d'aller faire la queue au ciné porno à Biarritz ou Perpignan.
Oubliez donc ce tombereau de racontars.
Voici une belle traduction des éditions du Soufflet d'un ouvrage de salubrité publique écrit par les protagonistes de la transaction démocratique de 1974-1982, en réponse à l'immonde film Salvador, transformant Salvador Puig Antich en christ catalaniste et le MIL en abrutis politiques.
Écrivez-leur :  editionsdusoufflet@riseup.net. C'est pas cher.


Au sommaire
* Genèse et apogée de l’Autonomie ouvrière en Espagne (1970-1976) - Miguel Amorós
* En plein dans le MIL (Mouvement ibérique de libération) - Ricard Vargas Golarons
* Discussion autour de la Copel (Coordination des prisonniers en lutte) - Daniel Pont Martín
* Introduction à une histoire du mouvement autonome et assembléiste au Pays basque - Emilio López Adán
* Les groupes autonomes à Valence pendant la seconde moitié des années 70
* Souvenirs d’un autonome de Valence
* Souvenirs et réflexions autour des Gari (Groupes d’action
révolutionnaires internationalistes) - Miguel Angel Moreno Patiño

Nos petits chéris, les furieux de Mondragon, les biens nommés RIP



Extrait du chapitre 1 :
Ce jour-là la ville se réveilla complètement paralysée. Lorsque les ouvriers se sont dirigés vers l'église de San Francisco, quartier de Zaramaga, la police est intervenue avec une brutalité extrême, matraquant la foule et tirant des grenades lacrymogènes. Les forces de l'ordre ont finalement reçu l'ordre de tirer à balles réelles et le bilan fut lourd : quatre morts et plus de cent blessés, dont un devait succomber quelques jours plus tard. (...) Le gouvernement et son ministre de l'Intérieur, Fraga, étaient décidés à en finir avec les "soviets" de Vitoria et "l'anarchie" qui régnait dans les usines. (...)
Les services de renseignement du gouvernement et de l'armée étaient convaincus qu'une insurrection ouvrière était sur le point d'éclater.

L'air favori des autonomes du Pays Basque, Pakean utzi arte (Guerre à l'État, jusqu'à ce qu'il nous foute la paix) par Hertzainak, de Vitoria.




Pour enfoncer un dernier clou : un film indispensable pour accompagner cette saine lecture. 

jeudi 26 juillet 2018

Il n'y a pas d'amour (ni heureux, ni malheureux)

Anti Brexit. Derry, 1972.

La nature, le spectacle et les magazines ayant décrétés le mois d'août comme celui des amours, quelques remarques désagréables sur le sujet.
À l'origine, de notre vague à l'âme, le tout dernier morceau du troisième album (Salda baldago, 1988) du groupe basque Hertzainak*.

Outre que les petits gars de Gasteiz (Vitoria) ont interprété exceptionnellement une chanson au titre anglais, No time for love, la superbe musique est d'une évidente inspiration irlandaise.
Aaaah, les projections basco-irlandaises de l'époque...
Sauf que Bilbao n'a jamais été Belfast, enfin passons, là n'est pas le propos.
Notre connaissance de l'euskera étant plus que limitée, on avait tout de même compris que dans un monde hanté par le bruit des sirènes et des rafles au petit matin, par les larmes et les cris de terreur il ne pouvait exister d'amour.
Particulièrement si on vit à Chicago, Santiago, Varsovie, Belfast ou Gasteiz. Entre autres.


En réalité, le groupe n'a jamais caché avoir emprunté ce titre au chanteur de folk américain exilé au Royaume-Uni pour cause de conflit au Vietnam, Jack Warshaw qui créa cette chanson en 1979 sous le titre "If they come in the morning". On trouvera l'original ICI et les paroles (avec accords) .
Le chanteur irlandais Christy Moore la fit sienne en la rebaptisant No time for love avec la bénédiction de son auteur.
C'est d'ailleurs lui qui mit cette version en ligne. Ici en duo avec le guitariste Declan Sinnott.



Les paroles n'ayant pas pris une ride, vous constaterez que nos amours d'été ou pas, sont mal barrés. Et que, les prolétaires n'ayant pas de patrie, cette mélodie a toute sa place ici.
Salud !

* (1982-1993) Auteurs de "l'hymne" des autonomes Pakean utzi arte, ils sont bien moins connus ici que Kortatu (qui, eux, ne chantaient pas qu'en euskera) et c'est assez dommage. Surtout en ce qui concerne les trois premiers albums.