Comme il n'y a rien de plus injuste qu'une épidémie, après avoir successivement raté Johnson, Trump et Bolsonaro, le virus qui court a eu la peau de Nelly Kaplan hier, 12 novembre.
Joie des vocations, cette gamine agitée d'une famille bourgeoise de Buenos Aires fut envoyée très jeune et très régulièrement au cinéma par des parents qui voulaient souffler un peu.
Émigrée en France en 1953, elle y devint l'assistante d'Abel Gance pour sa Tour de Nesle et Austerlitz. C'était le début d'une merveilleuse amitié. Elle s'est également liée à Philippe Soupault et à André Breton.
Entre romans et essais sur le cinéma, elle à commis une vingtaine de livres, une douzaine de scénarios et tourné six films.
Son coup d'essai fut son coup de maître: l'histoire d'une sorcière qui brûle les inquisiteurs, comme elle aimait à le résumer, magnifiant une Bernadette Lafont impériale, qui connut d'emblée un immense succès un peu aidé par une censure à la ramasse.
On fait, bien entendu, allusion à ce petit bijou de cinéma
Et qui restera à jamais lié à cette chanson de Moustaki interprétée par Barbara
Même si ses autres œuvres ont été moins réputées, elle a suivi son sillon de joyeuse déconnade au film du temps, à titre d'exemple cet extrait du burlesque Papa les p'tits bateaux où on retrouve un autre disparu de fraîche date.
Au revoir, madame. Que la terre vous soit légère, comme on dit chez nous.
Le déménagement provisoire du tableau le plus encombré du Louvre nous offre le prétexte pour aborder le cas, pas banal, de deux chansons différentes dotées du même titre.
C'est en 1957 que la Mona Lisa de Léonard devint scie musicale grâce à Barbara (45 tour La chanteuse de minuit)
La belle indifférente contemple là ses visiteurs de son sourire ironique.
La Joconde fut également une chanson écrite par Mick Micheyl reprise par Patachou en 1965.
Sur un boléro de rue, une belle de jour prétend s'élever intellectuellement, prenant le temps de gamberger en attendant les éventuels 20 000 visiteurs de son modèle.
Une foule énorme accompagne la dépouille d'Harry Fragson
Paris a fait à Fragson des obsèques populaires. Trop populaires même, et il est impossible passer sous silence les
regrettables incidents qui ont failli compromettre la dignité du convoi. Autour de Notre-Dame de Lorette la bousculade faillit tourner à
l'émeute. Des appareils cinématographiques aux aspects de balistes et de
cangaltes (sic) évoquaient le siège d'Alésia par les Romains. Une de ces
encombrantes machines s'écroula avec fracas. Et ce furent des poussées
féroces, le piétinement sourd des légions en marche, le désarroi enfin. On ne comprendra jamais comment un vieillard, ami intime du défunt, M.
Bloch, fut pris pour le père de la victime et couvert d'injures par des
personnes évidemment pleines de bonnes intentions qui n'écoutaient que
leur courage. Des camelots criaient les chansons de Fragson ! On n'avait
pas vu pareil charivari depuis les obsèques de Victor Hugo. Enfin, cela
prouve du moins que le pauvre Fragson a laissé beaucoup de regrets et
qu'il était très populaire.
Mais qui diable était ce chanteur qui eut un enterrement digne de celui non seulement de Victor Hugo, mais aussi de Louise Michel ou de Jules Vallès ?
Il serait né Victor Léon Pot ou Vince Léon Pott ou encore
Potts, le 2 juillet 1869, le 10, ou le 12 selon les sources, à Anvers, à
Londres ou dans le Surrey.
Tel un Cravan ou un Traven, le gars a brouillé les pistes : il se disait anglais par
son père, Victor Pot (sic) mais
belge (et français) du fait de sa mère, L. W. Pot...
Chose certaine : il fut au cours de sa carrière
à l'aise dans les deux langues. Il a d'ailleurs fait
carrière en France et en Angleterre, chantant et gravant, à
Paris, de nombreux disques en français avec un léger accent anglais et, à
Londres, en anglais avec un léger accent français.
Chantant en s'accompagnant au piano de trois-quart face au public, ce balèze débuta aux Quat'-z-Arts, puis hanta la crème des caf' conc' et des music halls : l'Européen, le Ba-Ta-Clan, le Concert Parisien, l'Horloge, le Parisiana...
Yvette Guilbert, la star incontestée du moment, reprit le P'tit cochon et sa Ronde des petits chiens.
Après quelques tours de chants en Angleterre, il est rentré en France en 1905 jouer plusieurs rôles dans des comédies musicales.
Son premier gros succès, de 1897, est toujours repris de nos jours.
De 1905 à 1913, il enregistre la bagatelle de 18 disques, ce qui est énorme pour une époque où les phonographes étaient peu abondants. Son seul Reviens ! donnera lieu à 43 reprises par Tino Rossi, Suzy Delair, Ray Ventura, Jean Sablon, etc. et parodié par Georgius sous le titre Rentre !
Mais sa chanson immortelle, la scie de l'avant-guerre, celle dont l'air fait toujours les beaux jours des manifestationsest Si tu veux, Marguerite.
Et puis, le 30 décembre 1913, rentrant à son domicile, rue Lafayette à Paris, son octogénaire de père lui expédia quelques coups
de revolver. On a parlé de drame de la jalousie, d'histoire de femmes,
d'argent (il y aurait eu en jeu une fortune de 14 milliards entre liquidités, actions, biens immobiliers !) mais l'unique certitude est que son père, souffrant de troubles psychologiques, était persuadé que son fils voulait le placer en
maison de santé... Celui-ci mourrut avant d'arriver à Lariboisière.
Ses funérailles furent donc une énorme manifestation, derrière le cercueil se sont pressés Roland Dorgelès, Dranem, Mayol, Paulus, Dickson, Mazyol, Polin...
Ultime fantaisie : il a longtemps été officiellement inhumé au cimetière Montparnasse mais trois tombes du columbarium du Père Lachaise portent son nom. Laquelle est la bonne ?
Outre reprendre ses airs, Barbara lui rendit hommage dans sa chanson Fragson (1981)
Marie-Louise Damien, disparut en vieille bourgeoise réac et gâteuse voici quarante ans, fin janvier 1978.
Mais avant, quelle carrière... Dès 1910, notre jeune promesse de caf'-conc' provoque un beau scandale chez Maxim's en balançant sa main dans la gueule à "ce grand con qui m'a foutu la main au cul". Simple détail, le grossier personnage n'était autre que l'héritier du trône grec, futur Constantin Ier qui se révéla aussi lamentable souverain que piètre gentleman. Maîtresse en vacherie, notre tragédienne de la chanson, ne se contenta pas d'affubler Lys Gauty d'un aimable sobriquet, elle jugeait sévèrement la concurrence venu prendre la relève. "Il suffit que je lève le bras pour qu'elle passe en-dessous" lâchait-elle à propos d'Édith Piaf.
Mais assez de potins, l'émission de Martin Pénet, Tour de chant, sur France Musique lui a rendu hommage en forme de biographie ces quatre derniers dimanches.
Comprenant pas mal d'archives radiophoniques, voici les deux premières émissions d'une demi-heure chacune. D'ailleurs, ça gratte un peu par moments.
À vos mouchoirs...
Si l'affichage est rétif, il suffit de cliquer là et
là. Ou sur le logo de la station.
Fermons provisoirement le ban sur une autre dame à robe noire reprenant un succès des débuts de Damia : Le grand Frisé
Les anecdotes ci-dessus sont tirées du livre de Francesco Rapazzini, Damia, une diva française (Perrin).
Après la réédition, d'un étonnant bon goût de la part des éditions La Fabrique, du texte de Louis Chevalier, Montmartre du plaisir et du crime, voilà-t-il pas que les éditions l'Insomniaque nous gâtent à leur tour.
Partageant quelques préoccupations avec l'Herbe Tendre, ils ressortent ce texte méconnu d'Émile Chautard.
Tout le détail est ci-dessous, cliquez pour agrandir l'image si c'est peu lisible.
Et puis, à votre bon cœur, camaros, faîtes péter l'artiche !
Sinon, volez-le !
Et puisque y'aura 16 titres revisités de luxe par des voyous plus modernes, un petit classique de Bruant à charge des amis de la maison :
Et une version plus conventionnelle par une chanteuse qui excellait surtout dans les reprises