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jeudi 15 février 2024

Une chanson d'Albert Londres

 

 
Le très fameux grand reporter Albert Londres, dont le métier, selon ses dires était de "porter la plume dans la plaie",commit, outre un nombre impressionnant de reportages plus d'une vingtaine de livres tirés de ses pérégrinations.
 Il semble qu'une de ses expériences les plus marquantes fut son séjour au bagne de Cayenne en 1923 et 1927.
Certes, ce n'était pas la première plongée dans l'univers de la misère carcérale (les Bat d'Af en 1925) mais le degré de sadisme institutionnel rencontré en Guyane le rendit fervent abolitionniste de cet enfer républicain. 
Le bagne n'est pas une machine à châtiment bien définie, réglée, invariable. C'est une usine à malheur qui travaille sans plan ni matrice. On y chercherait vainement le gabarit qui sert à façonner le forçat. Elle les broie, c'est tout, et les morceaux vont où ils peuvent. (Au Bagne, 1923)
Une autre rencontre fondamentale pour lui, fut celle du forçat Eugène Dieudonné, condamné pour appartenance à la Bande à Bonnot, ce que tous les autres anarchistes avaient farouchement nié, y compris au pied de l'échafaud ou avant de tomber sous les balles. 
En 1928, il écrivit L'homme qui s'évada en son honneur et fit campagne pour la grâce d'un des rares bagnards ayant réussi son échappée.
Utilisant tous les moyens à sa portée, le journaliste écrivit même une chanson qui sortit en 1928, interprétée par Lucienne Boyer, artiste alors fort en vogue (même si ce fut édité par Columbia).
Elle fut fort à propos, intitulée La Belle :

Évadé en 1926, amnistié suite à cette campagne de presse, Dieudonné témoigna à son tour dans son ouvrage, La vie des forçats, en 1930 et joua son propre rôle dans un film du surréaliste Brunius en 1934 (Autour d'une évasion).
Achevons cet hommage à un honnête journaliste par une version nettement plus contemporaine prise en charge par les inévitables Parabellum. Bientôt 10 ans que tu es parti, Schultz, c'est fou ce que le temps passe !

lundi 12 juin 2023

Chronique cinoche : Modelo 77

 

Le réalisateur Alberto Rodríguez avait déjà commis l'excellent thriller post franquiste La isla minima en 2014. Avec Modelo 77 (Prison 1977) il s'attaque à un thème assez peu évoqué hors des cercles anti carcéraux ou connaisseurs des années de la "transaction" démocratique espagnole.
Dans la période où il fut question d'amnistie au compte-gouttes pour les "politiques".
On y suit les prises de conscience puis la révolte des prisonniers "sociaux" (de droit commun) au sein des taules ibériques, en particulier par la création de la COPEL (Coordination des prisonniers en lutte), les différentes étapes de cette confrontation et on y évoque la fameuse "évasion des 45" qui bouleversa Barcelone en 1978. Les trahisons de l'administration pénitentiaire, des politiques et le lâchage massif d'héroïne sont aussi traités.
Disons le tout net, on a trouvé ce film passionnant. Les acteurs (Miguel Herrán, Javier Gutiérrez, Fernando Tejero, et le gitan Jesús Carroza entre autres) irréprochables, la photographie virtuose et le film haletant. En outre, c'est bien moins putassier que Celda 211 qui avait tout de même un certain charme.
 
Mais surtout, on est allé voir ce qu'on pu en dire les anciens protagonistes. Et on a trouvé deux articles
Daniel Pont trouve le film "digne, honnête, nécessaire" en soulignant à quel point, en prime, la situation carcérale s'est durcie et dégradée. Rien de plus juste sur ce dernier point.
Fernando Alcatraz, de Valencia (https://tokata.info/pros-y-contras-de-modelo-77-por-otro-participante-mas-en-la-copel/) dans un long texte, sans nier son plaisir de spectateur développe quelques critiques censées être plus "radicales".
En vrac, il est déçu que le film ne tienne pas compte des événements chronologiques, ne rende pas l'ambiance globale de l'époque 1976/1978 avec non pas uniquement des luttes de prisonniers mais généralisées (de quartier, ouvrières, etc.) et fasse donc comme si c'était "hors de l'Histoire". Et là, on ne l'approuve pas entièrement.
C'est un film, camarade. Et avec un scénario et une durée de 2h05. on ne peut jamais tout y mettre. Constance des films de prison : on suit l'itinéraire de deux ou trois personnages et à travers leur Odyssée enfermé, on développe toute une situation alentour (voir Brute Force de Jules Dassin ou Animal factory de Steve Buscemi pour deux exemples très honorables). On a suffisamment de reproches à adresser aux oeuvres littéraires (BD ou romans), ou cinématographiques qui chargent la mule et se perdent dans les méandres des événements racontés pour ne pas être d'accord avec les déceptions d'un ancien activiste.
Il s'agace aussi du manque d'argot de l'époque. Là, on peut comprendre que c'est du cinéma et que les producteurs n'auraient jamais laissé tourner un film dans un langage des années 70 que plus personne ou pas grand monde ne comprend. Ceci dit, y'a moyen de saupoudrer et ils auraient pu faire un effort. Je me souviens du film La peur qui m'avait particulièrement énervé car les poilus dans les tranchées s'y exprimaient avec un vocabulaire et un ton des années 2010. Ce qui bousille tout le film.
Un truc pas compris, par contre, c'est pourquoi pour les transferts suite à une émeute, on envoie les "meneurs" à El Espinar (Ségovie) plutôt qu'à El Dueso (Santander). D'autant que cette partie a été tournée dans une caserne désaffectée de Séville... Mais bon, détail.
Le reste a été tourné à la Modelo de Barcelone ou ce qu'il en reste et la réussite est que ce bâtiment dévoreur d'hommes en devient un vrai protagoniste.
Z'aurez compris que ce film ayant fait une carrière confidentielle en France, n'hésitez pas à le rechercher, on vous garantit un bon moment globalement honnête dans ses intentions.  

Et une qui fit les belles heures de cette période.

jeudi 1 décembre 2022

Mort naturelle d'un anarchiste

 

Livrozet et Drolc

Serge Livrozet était d'une autre époque, pas meilleure ni pire, quasiment d'un autre monde.
Né en 1939 à Toulon de père inconnu et de mère prostituée ("je suis un authentique fils de pute!") il a un parcours de pauvre assez classique, de l'armée à une boite de pub, jusqu'à être victime d'un associé véreux. Qu'il cambriole en représailles. Et le cassement, quand on y a pris goût...
D'où un premier séjour à l'hôtel des gros verrous de 1961 à 1965.  
En sortant, devenu forain par obligation (merci le casier) il écrit, adhère à la CNT et occupe la Sorbonne en 1968. Il se refait gauler en fin de cette même année pour avoir repris le turbin afin de financer une maison d'édition révolutionnaire. 
Sorti en 1972, il cofonde, accompagné d'un parterre d'intellos en vogue, le CAP (Comité d'action des prisonniers) en pleine période d'émeutes carcérales. 
Son premier livre, De la prison à la révolte sort en 1973, préfacé par Foucault.
 Une nouvelle condamnation sera due à une remarque pleine de bon sens hurlée dans un tribunal : "Pourriture de justice française!". Phrase pour laquelle il se rétractera ensuite : " Je n’aurais pas dû dire pourriture de justice française... Mais pourriture de toutes les justices, la française, la russe, l’américaine, etc." 
S'ensuivent les luttes contre le QHS, la guillotine, etc. Et nous sommes un certain nombre a avoir été frappés par la lecture de son livre Hurle !
Ayant créé la maison d'édition Les Lettres libres en 1981, il est à nouveau arrêté en 1986 pour fausse monnaie. Acquitté mais ruiné en 1989, il zonera désormais entre ateliers solidaires et cinéma.
Le réalisateur Nicolas Drolc a d'ailleurs réalisé un documentaire sur sa personne en 2017, La mort se mérite, film qui n'a pas trouvé de distributeur et que nous faisons un plaisir d'envoyer ici. Commentaire de l'intéressé : "Qui a envie d'aller voir râler un vieux con ?" 

LA MORT SE MÉRITE from LES FILMS FURAX on Vimeo.

Il a écrit une quinzaine de bouquins et intervient dans quatre films.
Il est mort de maladie le 28 novembre dernier.
En guise d'hommage, qui de meilleur que Johnny Cash dans un classique joué à San Quentin dans l'inégalé Folsom prison blues.
 

 

Décidément, ce blogue vire à la rubrique nécrologique "Avis de décès". 

vendredi 11 juin 2021

Tranche de vie (claustrophobe)


(Prison de Strangeways)
La plupart des types qui étaient avec moi étaient des Anglais à peu près de mon âge, bien qu'il y eut un ou deux détenus plus vieux (...)
Tous ces types étaient considérés comme les durs de la 8ème Armée, les "Rats du Désert", et ils étaient là pour avoir descendu leurs officiers et je dirais même qu'à voir leur mine, ils auraient bien pu en descendre quelques autres en plus.
Quant à moi, je peux dire que je n'ai jamais rencontré de mecs plus convenables de ma vie. C'étaient des hommes très bien, très honorables et j'ajouterai même qu'ils étaient de très bons citoyens anglais. Quelques-uns s'étaient battus pendant deux ou trois ans contre les Allemands ou les Italiens dans le désert et ils avaient mené une vie terriblement dure.
Lorsque de jeunes blancs-becs de dix-huit ou dix-neuf ans débarquèrent de Sandhurst* au beau milieu d'une campagne et s'avisèrent d'user de la badine sur le dos de ces vétérans, ou de les faire tout le temps chier d'une manière ou d'une autre, ces intrépides compagnons du désert ripostèrent en collant une balle dans la peau de certains d'entre eux. Et connaissant quelques officiers de l'IRA, je dois dire que je ne les blâme pas. Pour autant que je sache, ces officiers anglais étaient bien courageux mais dès qu'il s'agissait d'hommes, ils se montraient bornés et ignorants.  
Brendan Behan Confession d'un rebelle irlandais
Mémoires truculentes d'un Irlandais grande gueule et hâbleur (mais n'est-ce pas naturel ?) membre de l'IRA, taulard, pilier de pub, chanteur, chroniqueur, poète et écrivain mort d'épuisement à 41 ans. Réédité chez l'Échappée. 
Une chanson de prison écrite par son frère Dominic.

 

Un hommage des Dubliners

* Académie militaire britannique.

jeudi 29 avril 2021

Le triomphe des salauds

 

Il ne suffisait pas de pratiquer un darwinisme social qui n'ose pas dire son nom en laissant crever bon nombre de migrants sur leur route d'exil. Il ne suffisait pas de laisser croupir ceux qui passent la frontière entre taudis et trottoir. Il ne suffisait pas de faire passer une nouvelle loi sécuritaire ou anti-terroriste tous les ans. Il ne suffisait pas de rallonger des peines de prison à l'infini. De prolonger des états d'exception, sécuritaires ou sanitaires, qui deviennent la règle commune.
Non. Pour complaire à la frange la plus réactionnaire de l'électorat et paraître viril, il a fallu livrer en pâture à la justice transalpine sept hommes et femmes (tous nos vœux de longue vie aux trois en cavale) qui vivaient ici au vu et au su des autorités, pour certains depuis plus de 40 ans, tout en étant suspendus au quotidien à une menace d'extradition. 
Le problème n'est pas tant qu'en Italie, une fois condamné par contumace, on n'est pas rejugé et que cette soi-disant justice n'est qu'une forme de vengeance. Le problème n'est pas de tergiverser pour savoir si les BR étaient ou non légitimes*, elles appartiennent à l'histoire. Le problème est que l'Italie inaugura en son temps la politique du repentir et que depuis, cette infâme conception est devenue la règle sous nos latitudes. 
Pathétiques ! Ils sont pathétiques. Tant le petit coq qui nous gouverne qui croit se faire une crédibilité en arrêtant d'ex membres de lutte armée devenus majoritairement travailleurs sociaux et aménageant le droit à sa guise (même une crapule comme Mitterrand, même une brute comme Sarkozy savaient que ça ne se fait pas) que l'ancien ténor du barreau médiatique devenu deuxième flic de France. Parce qu'à force de vouloir contenter une soi-disant opinion fascisante, celle-ci va finir par préférer l'original à l'imitation. Et ces sombres manœuvres ne marqueront que le crépuscule des odieux.
Ce lamentable épisode sera au moins l'occasion de passer le très symbolique Addio a Lugano écrit par Pietro Gori en 1895 à l'occasion de l'expulsion de réfugiés italiens (anarchistes ceux-là).
Et de rendre un hommage à la grande Milva, décédée le 23 avril dernier.

 

* Ces lignes sont écrites pendant que le lèche-cul radiophonique du matin mélange allégrement Brigades Rouges, djihad et antisémitisme. À vomir.

Mise à jour du 30 avril : Depuis deux des trois recherchés restant se sont livrés (on comprend que partir en cavale à 71 et 72 ans...) Tous les concernés n'appartenaient pas aux brigades Rouges mais aussi à d'autres groupes (PAC, LC, FCC). Quant aux "crimes de sang" qui auraient justifiés l'extradition, mon œil ! La majorité sont poursuivis pour "appartenance à bande armée".

Des détails, me direz-vous mais comme d'habitude symptomatiques du traitement de l'information.

jeudi 25 février 2021

Leonard Peltier moisit toujours en cellule


Comme l'écrivit en son temps Pélissard, chansonnier attitré des Travailleurs de la nuit De quel esprit sadique, affreux, dénaturé, naquit l'intention sauvage de la cage, Où l'homme enferme l'homme et le tient emmuré ?
Comme il n'y a guère de choses plus dégueulasses qu'une prison, pourquoi se préoccuper du sort d'un entaulé plutôt que de tous les autres ?
Peut-être parce que certains cas sont particulièrement obscènes et qu'il est possible d'avoir pour eux une pensée de temps en temps.
Ainsi, Leonard Peltier, Lakota membre de l'American Indian Movement (AIM) pourrit-il en cellule depuis 1976. Non sans que plusieurs présidents, de Clinton à Obama aient promis de le sortir de cette situation avant de promettre pour le deuxième d'aller clore Guantanamo. On attend encore. Et on n'espère pas grand chose de Joseph Robinette.
 

Rappel historique. En février 1973, les activistes indigènes de l'AIM occupent le site de Wounded Knee, lieu du dernier massacre officiel des guerres indiennes où, le 29 décembre 1890 la soldatesque du 7ème de cavalerie extermina plus de 200 Sioux. Wounded Knee se trouve dans la réserve Lakota de Pine Ridge, située dans les Badlands (Mauvaises terres, devinez pourquoi) et source d'une éventuelle mine d'uranium. Le FBI et l'armée cernent la réserve pour un siège qui va durer 71 jours. Même si les gars de l'AIM ont fini par se rendre, la réserve demeurera un champ clos d'affrontement entre eux, les flics et une milice pro gouvernementale (les GOONS*, Guardians of Oglala Nation). Habituellement, on appelle ça une guerre de basse intensité (avec par conséquent des morts de basse intensité).
Le 25 juin 1975, deux agents du FBI sont pris dans une fusillade et terminent là leur carrière. Une monstrueuse chasse à l'homme en découle**.
On est alors en pleine période du programme anti insurrectionnel COINTELPRO (qui vise à détruire toute mouvance considérée subversive qu'elle soit du Black Power, latino, proche des Weathermen ou de l'AIM) et le FBI considère Leonard Peltier et Dennis Banks comme des dirigeants du mouvement. 
Arrêté au Canada en 1976, Peltier est extradé sur un témoignage plus que douteux, jugé expéditivement par un juge propriétaire de terres indiennes et raciste notoire. Le chef d'inculpation change plusieurs fois passant de meurtre à complicité. Bon nombre des preuves avancées semblent purement et simplement fabriquées et le FBI refuse toujours de déclassifier plus de 6000 documents. 
Depuis, malgré l'évidence de la confection d'un coupable, Peltier, passé en tabac en prison et placé à l'isolement croupit encore en cellule malgré des promesses de révision et de grâce restant désespérément vaines.
On a longtemps avancé l'hypothèse que la révision de son cas aurait mis à jour les magouilles du FBI et les assassinats de membres de l'AIM sur la réserve. Il semble surtout que de nos jours, cette suite de manœuvres déboucherait que sur un scandale lointain et refroidi et qu'à l'instar de bien d'autres Peltier n'est qu'un déchet oublié dans un cul de basses-fosses. 
Son cas est le sujet de nombreuses chansons, en voici deux. 
Un reggae par Little Steven (aka Steve Van Zandt, vieux complice de Springsteen)

 

Et le Freedom de Rage against the Machine, les énervés de Los Angeles ne pouvaient éviter ce cas.

 

Et comme contrairement à Peltier, l'histoire cavale toujours, ces dernières années la réserve toute proche de Standing Rock a été un champ d'affrontement ces dernières années contre la construction d'un oléoduc de près de 2000 kilomètres censée la découper comme au sabre de cavalerie. Aux dernières nouvelles, le projet est abandonné.

Une vue de la vie quotidienne sous le règne de Donald Trump



      

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Acronyme on ne peut mieux trouvé. En argot, Goon signifie, brute, mercenaire ou... milice patronale.

** Deux films narrent ces événements, un documentaire de Michael Apted, Incident at Oglala (1992) et une fiction du même réalisateur et de la même année, Thunderheart. 

En souvenir de Joseph Ponthus, parti le 24 février.

lundi 17 août 2020

Le blues du justiciable



Une veste usée, un vieux jean
j'ai ciré mes souliers et dit adieu à tout le monde
Avant midi je saurai le résultat
Ou en liberté ou en taule.
Je me suis sapé
Je me me suis sapé pour le tribunal
(...)
Personne ne peut savoir ce que je ressens
Mon avocat me conseille de plaider coupable
Le proc' y va de tout son poids
ils sont tous d'accord, je suis du gibier de pénitencier
Je dis la vérité et ça ne sert à rien
Je suis terrifié d'être moi-même
Ils m'écoutent pour mieux me coincer
La cour affirme qu'il n'y a pas de place au doute
Une témoin a menti, un juré a toussé
Le juge a peur qu'elle n'ait été trop sympa
Je me suis sapé
Je me me suis sapé pour le tribunal...


 

Après avoir été membre des Nerves (trio pop de luxe) en 1970 et fondé les Plimsouls (rock énergique de luxe) en 1978, le fringuant Peter Case  poursuit son bonhomme de chemin, seul, en acoustique depuis le milieu des années 80.

vendredi 3 avril 2020

Peur sur les villes

Ces deux-là n'ont pas leurs attestations

Extrait d'un courrier envoyé depuis Madrid le 2 avril
Et oui, la dystopie avance à pas de géants. Ici de facto, nous sommes en État d'exception avec soldatesque et flics dans les rues qui alignent les gens, faut avoir le sauf-conduit, etc.  
Les entreprise de téléphonie mobile ont accepté de refiler les données des mouvements des abonnés aux autorités, soi-disant anonymement et juste pour des statistiques pour le contrôle sanitaire de la pandémie (OUARF ! OUARF ! OUARF !).
L'autre jour, le ministre de l'intérieur a causé de "possibles sanctions pénales" pour plusieurs contaminés qui s'étaient barrés des hôpitaux sans avoir l'autorisation médicale (ce qui ne me surprend pas, vu ce que me racontait X qui y a passée trois semaines) et la flicaille a été à leur domicile pour les choper et les ramener à l'hosto. J'hallucine ! Voilà t-il pas que l'assistance sanitaire devient un devoir et plus un droit ! Voyons voir, si je décide de rentrer chez moi me guérir seul (ou mourir) en restant confiné, quel est le problème pour la santé publique ?
Enfin, tout ça est biiiiieeeen pire que ce qu'on déguste avec ce microbe de merde. On va avoir pas mal de boulot à faire dans les rues quand on aura fini notre peine, frangin. 

Quant aux prisons sur lesquelles tu m'interrogeais l'autre jour, ils ont renvoyé chez eux les prisonniers en semi-liberté. Jusqu'à maintenant, que je sache, il n'y a pas eu de grosses émeutes sauf dans les CIES (camps de concentration pour migrants). Certains les ont purement et simplement ouverts et les détenus se sont libérés eux-mêmes. Mais en ce qui concerne les taules, ça ne va pas tarder à péter.
 

L'Espagne ayant à peu près une semaine d'avance sur la France, on jure que ceci n'est pas destiné à ruiner le moral du lectorat mais à l'inviter à en tirer les conclusions qui s'imposent. 

En 1346, les gentes dames filaient la quenouille pour payer les rançons des chevaliers captifs des godons après Crécy. En 1917, les marraines de guerre tricotaient des chaussettes pour les vaillants poilus englués dans la gadoue. En 2020, on coud des masques artisanaux pour le personnel médical dépourvu du minimum vital.
Après tout oui, on est peut-être en guerre. Le point commun de ces trois situations étant la nullité crasse du haut commandement.


Pour d'évidentes raisons d'isolement, Radio Canal Sud rejoint Radio Paris en gavant son ordinateur de rediffusions. 
Pas de Vanneaux d'avril donc, mais les amateurs de direct auront droit à l'Herbe Tendre de décembre 2015. Actualité oblige.

mercredi 1 avril 2020

Tranche de vie (antique)



Cette année-là, de l'aveu général, la population avait été particulièrement indemne de toute maladie ; mais toutes celles qui sévissaient aboutissaient à ce mal. En général on était atteint sans indice précurseur, subitement en pleine santé. On éprouvait de violentes chaleurs à la tête ; les yeux étaient rouges et enflammés ; à l'intérieur, le pharynx et la langue devenaient sanguinolents, la respiration irrégulière, l'haleine fétide. A ces symptômes succédaient l'éternuement et l'enrouement ; peu de temps après la douleur gagnait la poitrine, s'accompagnant d'une toux violente ; quand le mal s'attaquait à l'estomac, il y provoquait des troubles et y déterminait, avec des souffrances aiguës, toutes les sortes d'évacuation de bile auxquelles les médecins ont donné des noms. Presque tous les malades étaient pris de hoquets non suivis de vomissements, mais accompagnés de convulsions ; chez les uns ce hoquet cessait immédiatement, chez d'autres il durait fort longtemps.
Au toucher, la peau n'était pas très chaude ; elle n'était pas livide non plus, mais rougeâtre avec une éruption de phlyctènes et d'ulcères ; mais à l'intérieur le corps était si brûlant qu'il ne supportait pas le contact des vêtements et des tissus les plus légers ; les malades demeuraient nus et étaient tentés de se jeter dans l'eau froide ; c'est ce qui arriva à beaucoup, faute de surveillance ; en proie à une soif inextinguible, ils se précipitèrent dans des puits. On n'était pas plus soulagé, qu'on bût beaucoup ou peu. L'on souffrait constamment du manque de repos et de sommeil. Le corps, tant que la maladie était dans toute sa force, ne se flétrissait pas et résistait contre toute attente à la souffrance.
La plupart mouraient au bout de neuf ou de sept jours, consumés par le feu intérieur, sans avoir perdu toutes leurs forces. Si l'on dépassait ce stade, le mal descendait dans l'intestin ; une violente ulcération s'y déclarait, accompagnée d'une diarrhée rebelle qui faisait périr de faiblesse beaucoup de malades. Le mal, qui commençait par la partie supérieure du corps et qui avait au début son siège dans la tête, gagnait ensuite le corps entier et ceux qui survivaient aux accidents les plus graves en gardaient aux extrémités les traces. Il attaquait les parties sexuelles, l'extrémité des mains et des pieds et l'on n'échappait souvent qu'en perdant une de ces parties ; quelques-uns même perdirent la vue. D'autres, aussitôt guéris, n'avaient plus dès lors souvenir de rien, oubliaient leur personnalité et ne reconnaissaient plus leurs proches.

Thucydide La guerre du Péloponnèse livre II

Une pensée solidaire pour des oubliés parmi les oubliés (à l'exception notable de ce reportage du 27 mars sur FC) : les prisonniers. Car ça commence à tomber comme à Gravelotte à l'intérieur. Contrairement à ce qui a ét annoncé, la chancellerie s'est contentée de doubler par décret le temps de détention provisoire. Les détenus ont déjà bloqués de nombreuses promenades avant de s'en prendre plein la gueule. Leurs revendications ? Des mesures sanitaires et la sortie des courtes peines. 
Une pensée aussi pour le camarade Olivier, disparu il y a trois jours. 
C'est le premier avril et on a très moyennement envie de rigoler.
Un classique du rebetiko repris en rock par les Villagers of Ionnanina City. Ça envoie des mots doux au forces de l'ordre. 


vendredi 21 février 2020

Chantons au goulag

Du côté de Magadan
Port sibérien de la mer d'Okhotsk, Magadan est la capitale administrative de la région de la Kolyma.
Varlan Chalamov ou Alexandre Soljenitsyne ont rendu célèbre cette impasse finale que fut la contrée entre Magadan et Iakoutsk et sa célèbre "route des os" dont les cadavres des déportés furent directement incorporés à la chaussée.
Contrairement à d'autres camps recyclés fonctionnant déjà sous les Tsars, cette partie du Goulag (acronyme de Direction principale des camps de travail) comprenant les camps de la Kolyma ne fut ouverte que dans les années 1930, au temps du rouleau compresseur stalinien triomphant.
Entre 1932 et 1953, plus d'un million de Russes, Polonais, Baltes et d'autres nationalités jugées suspectes ou ennemies y furent envoyées.
Comme le communisme n'exterminait pas, il ne s'agissait là que de tuer les déportés à des travaux miniers par la faim ou l'épuisement.
Ce qui fut assez réussi.

Le thème du goulag, officiellement disparu en 1958 mais opportunément réaménagé jusqu'à la fin de l'URSS (on n'ose supposer que ces infrastructures aient été aujourd'hui bêtement abandonnées) ne peut évidemment être évoqué en Russie qu'avec des pincettes.
Qui d'autres que Vladimir Vyssotski ne pouvait mieux s'emparer du sujet dans une chanson ironique sobrement intitulée Magadan et dédiée à son ami Igor Kokhanovski ?

Extraits :
Mon ami part pour Magadan,
J'en reste sans voix, j'en reste sans voix !
Il part lui-même, volontairement,
Et pas sous convoi, et pas sous convoi.

Certains diront : « mais il est fou !
Comment un homme sain plaque-il tout à dessein ?
Là-bas y a des camps partout,
Pleins d'assassins, pleins d'assassins ! »

Il répondra : « On exagère beaucoup :
Il n'y en a pas plus qu'à Moscou. »
Fera sa valise tranquillement,
Puis partira pour Magadan.

Mon ami part sans vraie raison
Il en a ras-le-bol, il en a ras-le-bol
Mais il ne va pas en prison
Il est bénévole, il est bénévole...


Là où cette rengaine moqueuse devient franchement hilarante, c'est lorsqu'on apprend que, suite à son annexion de la Crimée, le gouvernement de Poutine a délivré à des milliers de nouveaux citoyens russes des permis pour s'installer dans les riantes contrées de Vorkuta ou Magadan dans la Kolyma.
Une centaine d'ex Ukrainiens auraient jusqu'ici consenti à tenter leur chance dans le Far-est.

lundi 1 juillet 2019

Jullet, la grande évasion

Dans deux minutes, Houdini part en cavale

Les Vanneaux se cassent jusqu'à septembre. On souhaite à tous et à toutes d'en faire autant. Surtout à ceux qu'on enferme et qui ont survécu à la chaleur.
Quelques suggestions à ce sujet :

La Polla Record                            No mas presos
Johnny Cash                                  Wanted man
Sham 69                                        Borstal breakout
113                                                Les évadés
Lucienne Boyer                             La belle
Tatyana Kabanova                        Odesskoga Kichmana
Albert Marcoeur                           Le fugitif
Belton Richard                              Cajun fugitive
Sanseverino                                   La jambe de bois
Triptik                                            Panik
Harry Belafonte                             Midnight special
Chumbawamba                              The smashing of the van
AC / DC                                          Breakout
Los Chichos                                   Libre quiero ser
Merle Haggard                              I'll Breach out again tonight
Catherine Sauvage                        La belle jambe
Dooz Kawa                                    Me faire la belle
The Sound                                     I can't escape myself

Vous pouvez vous faire la malle (d'Houdini) en écoutant tout l'été cette émission.

Un Gainsbourg qui servit en son temps de générique à la première série des Vidocq de l'ORTF, L'évadé.


Et un un autre classique irlandais, The auld triangle, cette fois par les ricains Punch Brothers.


jeudi 20 juin 2019

En juillet, les Vanneaux se feront la Belle

Une belle ratée, le Trou de Jacques Becker (1960)
L'ordre est à peu près rétabli, police et justice jouent au rouleau compresseur et la tourbe des honnêtes gens peut retourner à son smartphone.
Ça faisait belle lurette que la belle équipe des Vanneaux attendait la venue des chaleurs pour fuir cette belle époque.
Mais, faute de moyens, avant d'aller s'évader chez leurs belle-mères (ce qui vous fait une belle jambe) la dernière émission de la saison aura pour thème LA BELLE.
Ce sera le lundi 1 juillet à 17h30 sur les 92.2 de canal sud.

En guise de bande annonce, un peu de cinoche.
Un Ovidi Montllor assez peu ressemblant à l'original joue le rôle d'Oriol Solé Sugranyes, du MIL, dans cette séquence du film La fuga de Segovia (Amaia Zuribia 1981). Oriol s'embarqua avec 27 autres militants (basques de l'ETA PM et membres du FRAP) au cours de la tragique évasion du 5 avril 1976.



Et l'inévitable Patrick Mac Gohan dans le générique de la mère de toutes les séries, le sublime The prisoner (1967)
Un agent secret britannique démissionne brutalement de son poste et rentre chez lui au volant de sa Lotus. Alors qu'il fait ses valises pour partir en vacances, un gaz anesthésiant est diffusé dans son appartement londonien. À son réveil, il est dans un autre lieu, le Village...



jeudi 10 janvier 2019

Gilles Bertin par lui-même


Ou presque, car il y a toujours un montage et on aurait bien aimé ouïr les rushes.
On en avait déjà assez largement causé, à l'occasion de la réapparition inattendue de Gilles Bertin, ex-chanteur de Camera Silens en novembre 2016 suivie de l'heureuse conclusion de son procès en juin 2018.
Il ne manquait que sa version de sa propre histoire. Voila qui est fait dans le cadre d'Une histoire particulière sur France Culture. On a pas mal souri en l'écoutant. Aussi parce que que ça nous renvoie à quelques années lumières : l'ambiance d'une certaine mouvance toulousaine, la balourdise des flics espagnols, l'accueil d'un couple d'avocats, etc...
On vous laisse découvrir ça.

Première partie


Et deuxième

jeudi 3 janvier 2019

Deux versions de Jean Genet

L'auteur par Cocteau
En 1942, Jean Genet se trouve en séjour forcé à Fresnes suite à un vol qui a mal tourné.
Ayant du temps à revendre, le poète délinquant, compose un long texte, Le condamné à mort, en souvenir du jeune Maurice Pilorge, cambrioleur et assassin du proxénète et prostitué Nestor Escudero.
Archétype du "beau mec", Pilorge, condamné par les assises de Rennes en 1939, refusa de demander sa grâce au président Albert Lebrun. Il fut raccourci le 4 février (et non le 17 mars, comme le cite Genet).
Ce texte, à la gloire de l'homosexualité carcérale sera repris par Genet en 1950 dans Un chant d'amour.

Côté enregistrements, il fut d'abord lu par Mouloudji et mis en musique par André Almuro en 1966.
En voici un extrait trop bref :



Hélène Martin en avait, elle aussi, tiré des mélodies dès 1961, ce seront les bases des versions de Marc Ogeret (1970) ou d'Étienne Daho (2010) 
Mais on a un faible pour l'interprétation de Jacques Douai


Pilorge, "criminel au visage radieux"

jeudi 26 juillet 2018

Il n'y a pas d'amour (ni heureux, ni malheureux)

Anti Brexit. Derry, 1972.

La nature, le spectacle et les magazines ayant décrétés le mois d'août comme celui des amours, quelques remarques désagréables sur le sujet.
À l'origine, de notre vague à l'âme, le tout dernier morceau du troisième album (Salda baldago, 1988) du groupe basque Hertzainak*.

Outre que les petits gars de Gasteiz (Vitoria) ont interprété exceptionnellement une chanson au titre anglais, No time for love, la superbe musique est d'une évidente inspiration irlandaise.
Aaaah, les projections basco-irlandaises de l'époque...
Sauf que Bilbao n'a jamais été Belfast, enfin passons, là n'est pas le propos.
Notre connaissance de l'euskera étant plus que limitée, on avait tout de même compris que dans un monde hanté par le bruit des sirènes et des rafles au petit matin, par les larmes et les cris de terreur il ne pouvait exister d'amour.
Particulièrement si on vit à Chicago, Santiago, Varsovie, Belfast ou Gasteiz. Entre autres.


En réalité, le groupe n'a jamais caché avoir emprunté ce titre au chanteur de folk américain exilé au Royaume-Uni pour cause de conflit au Vietnam, Jack Warshaw qui créa cette chanson en 1979 sous le titre "If they come in the morning". On trouvera l'original ICI et les paroles (avec accords) .
Le chanteur irlandais Christy Moore la fit sienne en la rebaptisant No time for love avec la bénédiction de son auteur.
C'est d'ailleurs lui qui mit cette version en ligne. Ici en duo avec le guitariste Declan Sinnott.



Les paroles n'ayant pas pris une ride, vous constaterez que nos amours d'été ou pas, sont mal barrés. Et que, les prolétaires n'ayant pas de patrie, cette mélodie a toute sa place ici.
Salud !

* (1982-1993) Auteurs de "l'hymne" des autonomes Pakean utzi arte, ils sont bien moins connus ici que Kortatu (qui, eux, ne chantaient pas qu'en euskera) et c'est assez dommage. Surtout en ce qui concerne les trois premiers albums.

dimanche 27 mai 2018

Chansons grecques de taulards (Theodorakis et Moustaki)

Les déportés de Makronissos
Comme on vous l'a raconté , avant de devenir invité permanent des salons parisiens de gauche chic, le compositeur grec Mikis Thodorakis a été prisonnier et déporté dans le « centre de rééducation » de l'île de Makronissos en compagnie de bon nombre de ses camarades antifascistes de l'ELAS (armée communiste de libération) en 1947-1948. Là-bas, ils furent copieusement torturés, affamés et pour la plupart, assassinés par les badernes royalistes avec la bénédiction des troupes sa Gracieuse majesté britannique.
Exilé, puis revenu en Grèce non sans être devenu un compositeur internationalement reconnu, il rejoint la clandestinité en avril 1967, suite au "putsch des colonels". Arrêté quatre mois plus tard, il retrouve le béton des cachots et un traitement particulièrement brutal à la prison d'Avéroff. Brinquebalé durant deux années de camps de concentration en résidences forcées il compose plusieurs oeuvres qu'il fait sortir discrètement ( Le Soleil et le temps, Arcadies, Ephiphania Averoff, la musique du film Z ainsi que État de siège, postérieurement sud-américanisée pour le film de Costa-Gavras...)
Une des chansons qui reste à la postérité est Imaste dio 


Finalement expulsé en France dans un état de santé lamentable, en 1970, il adapte certaines pièces musicales en français.
Sur ces deux extraits du documentaire filmé par Roviros Manthoulis, on le retrouve à sa sortie de l'hôpital, travailler à ces adaptations (en particulier Nous sommes deux et l'Abattoir) avec Georges Moustaki. Ces deux-là parlaient bien le même langage.




lundi 18 septembre 2017

Fabrizio de Andrè, Brassens en Italien et beaucoup plus

Et bonne gueule avec ça (années 60)
Génois d'origine, Fabrizio de Andrè (1940-199), Faber pour les intimes, fut un de ces auteurs, compositeurs, interprètes des plus attachants de l'Italie des années 50 à 90 du siècle passé. Aujourd'hui publié dans les anthologies poétiques transalpines, cet inclassable a avant tout chanté les exclus et marginaux, putains, voleurs, soldats, amoureux ou amis désespérés. Il a aussi mis en valeur les dialectes génois, sarde ou napolitain tout en intégrant les éléments régionaux à sa musique, ainsi que du rock ou du folk dans sa tendance anglo-saxonne.
Bien entendu, un site assez richement doté conserve sa mémoire. 
Autre particularité et prétexte à sa présence ici, il a lui-même traduit et adapté bon nombre de chansons de Brassens pour lequel il confessait une admiration certaine.

Par exemple, Le passanti, de l'album Canzoni (1974) texte d'Antoine Pol, d'abord exhumé par Brassens dans un marché aux puces, qu'il mettra une quinzaine d'années à mettre en musique après avoir laissé traîner longtemps l'opus du poète inconnu dans sa bibliothèque. 


Pour partager son talent, on avait déjà ressorti cette ode à l'artisanat. Une autre de nos préférées est Don Raffaè, savoureux et ironique monologue autour, d'une tasse d'excellent café, de Pasquale Cafiero, maton brigadier, au sujet de son client, l'exquis Don Raffaè, capo d'une organisation criminelle organisée. Mafia ? Camorra ? 'Ndrangheta ? Notre connaissance très limitée de l'italien ne l'a pas déterminé mais on ne doute pas qu'aux oreilles de n'importe quel auditeur transalpin, les expressions vernaculaires donnent la clé. Et finalement, l'adresse Pioggioreale 53, une des prisons de Naples, constitue plus qu'un indice.


samedi 2 septembre 2017

Des chansons d'Albertine Sarrazin

Une belle personne

Fille de l'Assistance publique, agressée à dix ans par un oncle, Albertine Damien est envoyée en maison de correction dès sa quinzième année par son militaire de père adoptif.
À sa sortie, en 1953, elle entame sa carrière de délinquante entre vols, prostitution et un braquage qui lui vaudra une condamnation à sept ans ferme, occase pour sa merveilleuse famille de révoquer son adoption.
Elle s'évade en 1957 en se brisant l'Astragale (os articulant le pied et le tibia) suite à un saut du haut d'un mur de dix mètres.
Blessée, elle est recueillie par un petit voyou, Julien Sarrazin, avec qui elle vivra un grand amour.
Arrêtés tous deux en septembre 1958, ils vont désormais vivre une vie faite d'aller-retours à l'hôtel des gros verrous. C'est donc en taule qu'elle écrit son premier roman L'Astragale publié chez Pauvert en 1965 qui connaîtra un immense succès et une adaptation cinématographique.
Albertine Sarrazin (elle s'est mariée en prison à Julien en 1959) publiera une douzaine d'ouvrages avant de mourir des œuvres de toubibs incompétents à pas tout à fait trente ans, en 1967.
Ce site lui rend hommage.
Albertine Sarrazin a également enregistré des disques de lectures ou d'entretien.
En 1969, Myriam Anissimov, comédienne et chanteuse franco-suisse, grave quelques-uns de ses poèmes écrits en prison. Deux galettes : un 45 tour (Polydor 66679) et un 33 tour (Polydor 658120) pour lequel elle recevra le grand prix de l'Académie Charles Cros.
Anissimov chantera ensuite du Patrick Modiano mais elle abandonnera son métier de chanteuse pour se consacrer à l'écriture.
Issu du 45 tour : Bien après minuit ( écrit à Fresnes en 1954-1955)

 

Et Dormir, tiré de l'album: 

 

lundi 31 juillet 2017

Alexandre Zelkine, internationaliste atypique.

Un grand remerciement à l'ami François qui nous le fit connaître avec cet article très complet. 
Comme tout est dit là, on va tâcher de résumer le bonhomme en deux mots.

Né à Lyon en 1938 de père russe et de mère française le gars étudie la musique au conservatoire et voyage des Balkans à Israël, d'Espagne à New-York.

Son premier disque Russian folk songs, d'avril 1965, est un recueil de ballades russes accompagnées de balalaïkas. Puis ayant déménagé à Montréal, ses deux opus suivants, de 1966 et 1967, sont de curieux mélange de traditionnels ou de chants révolutionnaires en français, yiddish, espagnol, russe ou anglais.
Parmi les titres, cette version d'À la Roquette d'Aristide Bruant.


Au rythme d'une sortie annuelle, s'ensuivent un  autre disque en russe et un album de folk québecois.
Et puis, en 1973 l'album Pessimiste replonge dans le joyeux mélange.
En 1974, c'est L'otage, en pleine saison des actions du FLQ et de l'état de siège qui fut appliqué à la province francophone. On y trouve la chanson Pessimiste qui jure quelque peu avec le ton de l'époque. Quant au titre, L'otage, il s'inspire du sort de Pierre Laporte, avocat et ministre corrompu québecois, mort suite à son enlèvement par la cellule Chénier du FLQ. Laporte avait été soit exécuté, soit tué lors d'une tentative d'évasion.


On reste quelque peu interloqué par les paroles. Essayez voir, de nos jours et sous nos cieux, d'aller tenter d'expliquer le processus amenant à je ne sais pas moi, au hasard, la mort d'un président du conseil italien ou d'un général français...
Et puis le bon géant a disparu des ondes. Depuis 1974, il se consacre au modélisme ferroviaire. Il a même inventé une compagnie imaginaire, la Degulbeef and Cradding Railroad.
Interloqués, on vous dit.  

mardi 25 juillet 2017

Schmoll adapte Creedence, Leadbelly et se plante

Vie quotidienne au pénitencier d'Angola

À l'origine une chanson folk, country-blues du début du XXème siècle populaire chez les prisonniers du Sud des États-Unis, coutumiers du "chain gang" (groupe de forçats condamnés au travail forcé attachés entre eux).

Sa première occurrence apparaît imprimée en 1905, le premier enregistrement connu est de Dave "Pistol Pete" Cutrell, cow-boy chantant, en 1926.
Comme c'est généralement le cas pour les chants du peuple, les paroles varient au gré des interprètes.
Car, c'est bien le bluesman Leadbelly ("ventre de plomb") qui va non seulement donner ses lettres de noblesse à Midnight special mais proposer une explication du titre aux Lomax, venus enregistrer au pénitencier d'Angola. Enterré en cet enfer pour avoir défouraillé dans une rixe de bar, Leadbelly affirme que le Midnight Special est le train de Houston, plus ou moins mythique, qui doit emmener les bagnards loin de ce trou à moustiques paludiques. D'ailleurs si un gars l'entend passer à minuit, il sortira immanquablement dans l'année.


 Le bluesman utilisera sa séance d'enregistrement avec les musicologues pour demander sa grâce au gouverneur. Par ailleurs John et Alan Lomax l'ont abusivement crédité de cette chanson. Suite à cette séance, de 1933, la complainte deviendra populaire chez les bluesmen (Big Bill Bronzy, Otis Rush, Sonny Terry, etc.), folkeux (Pete Seeger, Les Paul, Bob Dylan, etc.) et rockers (Little Richard, Van Morrison, the Beatles, Eric Clapton, etc.). Sans oublier les variantes zydeco ou calypso du début des années 1960.
Une des versions les plus populaires est certainement celle du groupe californien Creedence Clearwater Revival sur l'album Willy and the poor boys (1969) Démonstration :


L'anecdote étant narrée, il ne reste plus qu'à passer à ce qu'il faut bien nommer le très réussi ratage de notre crooner et cinéphile de Belleville, Monsieur Eddy,  Schmoll national, qui en fit un gospel mou et erratique sur son disque de 1977 "La dernière séance".
Rien qu'à cause de l'émission éponyme, il te sera beaucoup pardonné, Claude. Et on a parfois bien du mérite...