Un des nombreux charmes du Mexique est la vivacité toujours réelle des corridos.
Équivalents à nos anciennes complaintes, ces chansons dont l'origine remonte à la colonisation espagnole sont des chroniques obéissant à quelques règles musicales qui narrent les faits divers, les bouleversements politiques, les faits glorieux, dérisoires ou catastrophiques parvenus dans le pays, la région, le quartier.
La longue tradition de banditisme mexicain a été bien entendu un des thèmes centraux de ces chansons populaires alors propagées toujours encore par des musiciens ambulants mais désormais popularisées par les radios, l'industrie du disque puis internet.
Et voici l'entrée en scène du plus populaire des groupes de corridos,señores y señoras, j'ai nommé Los tigres del norte :
Bon goût typique du Nord
Aussi incroyable que cela paraisse, cet ensemble de musique norteña, c'est à dire du Nord, avec accordéon omniprésent, fondé en 1968 au Sonora (État historiquement de narcotrafic) a dans le pays toujours une popularité seulement comparable ailleurs à Oum Kalthoum, Édith Piaf ou Johnny Cash.
Talentueux, non dépourvus d'une bonne dose de démagogie, les Tigres chantent, comme tout bons Mexicains la vie quotidienne, les amours malheureuses, la vie des migrants, les rapports conflictuels avec le voisin du dessus (présentement Trumpland) des saloperies politiques nationales et surtout... des histoires de voyous.
Coup de maître en 1974 : Contrabando y traición (contrebande et trahison) aventures d'un couple infernal qui s'achève par un meurtre amoureux (où c'est la femme qui flingue l'homme) dans une ruelle californienne. Cette chanson accouchera de deux suites en zizique (Ya encontraron a Camelia et El Hijo de Camelia), de trois romans, d'un film (Contrabando y traición, Camelia la Texana, 1975), d'un opéra (Únicamente la verdad) et de droits d'auteur qui auraient dus plonger le groupe dans une saine inactivité.
Mais en 1975, re-belote selon la même recette : La banda del Carro rojo va devenir le morceau qui tourera en boucle pour une trentaine d'années au moins.
L'histoire (imaginaire) des frèresRodrigo y Lino Quintana et de leurs deux complices forcés par l'injustice sociale et les dettes à se convertir en trafiquants et qui en paieront le prix sera reprise par tous les groupes de baloches du pays.
Faut dire que le texte est assez habile pour poser une situation : Il paraît qu'ils venaient du Sud / dans une bagnole écarlate / chargée de 100 kilos de coke / en route vers Chicago... Ainsi le dit le mouchard / qui les avaient balancés.
Ou pour la conclure dignement : Et "Nino" Quintana disait / Ça devait arriver / mes copains sont morts / ils ne peuvent plus se mettre à table / et je le regrette, shérif / mais je ne sais pas chanter.
Avec même la morale de rigueur : Des sept qui y sont passés / Il n'est resté que des croix / Quatre étaient de la bagnole rouge / les trois autres du gouvernement / Pour ceux-là, vous en faîtes pas / ils rejoindront Lino en enfer.
Évidemment, ça va donner un aimable nanard en 1978, réalisé par Rubén Galindo, un genre de Sam Peckinpah du pauvre....
Mais surtout ça va déboucher sur un certain nombre de reprises, y compris par des groupes de rock qui ne peuvent qu'être séduits par ces destins de hors-la-loi.
Et voici donc le type même de la reprise intelligente par La Barranca de Mexico sur un disque d'hommages aux Tigres en 2001.
Bon, inutile de préciser qu'au Mexique, le narcotrafic est devenu tout sauf folklorique depuis, qu'il a gangréné la société à tous les niveaux et que les chansons sont devenues vulgaires, grossières et à la gloire de parrains qui payent sans compter.
Au moins, les Tigres inventaient-ils leurs chroniques...
WESTERN LANDS un film de Nicolas Drolc - FR / USA - 86 minutes
Un essai cinématographique à la gloire de la côte Ouest américaine, à travers la parole de ses habitant-e-s en résistance contre l'ordre établi et la culture dominante.
Alors qu'ils s'embarquent pour une tournée d'un mois sur la côte Ouest, le musicien de Folk originaire d'Alabama Andy Dale Petty et son ami, le cinéaste nancéien Nicolas Drolc en profitent pour improviser un film, à la croisée du road movie, de l'expérimental, du documentaire fauché et du journalisme gonzo. Sillonnant les routes des Etats de Californie, Oregon, et Washington, le film est un hommage à l'esprit de liberté qui caractérise ces lieux et leurs habitants, des pionniers de la ruée vers l'or, jusqu'au beatniks de San Francisco des années 50, aux punks de Portland des années 70 jusqu'à l'explosion culturelle Grunge qui part de la région de Seattle à la fin des années 80 pour embraser le monde entier. Le long de la route, on croise des curiosités oubliées et on obtient une collection visuelle détaillée , hommage à une amérique étrange, vouée à disparaître.
On y écoute les témoignages deLloyd Kahn, architecte hippie de 87 ans, ancien rédac chef deShelteret duWhole Earth Catalog,d'Art Chantry, l'un des plus importants graphistes vivants, figure de proue du mouvement grunge, deV. Vale, anthropologue et éditeur du fanzineSearch & Destroyet des livresRe-Search),deKelly Halliburton, activiste punk pionnier de la scene de Portland et collaborateur du groupe culte de garage punkDead Moon, d'Eric Isaacson,fondateur du label indépendantMississippi Records, deDave Reisch, du groupe de rock psychédélique new yorkaisHoly Modal Rounders, deBret Lunsford, historien, et musicien membre du groupeBeat Happening, ainsi que bon nombre d'anonymes, artistes, activistes politiques et agitatrices et agitateurs notoires.
Un film de l'ami Nicolas Drolc est toujours une (bonne) surprise.
Western Lands ne déroge pas à la règle en nous offrant une errance qui va de Big Sur jusqu'aux environs d'Oak Harbour en compagnie du musicien folk Andy Dale Petty.
S'il y a bien un ensemble de sensations plus difficiles à faire ressentir au spectateur qu'elles n'y paraissent, ce sont bien celles du vent, du frais, de la chaleur, de la pluie et du froid au long de cette longue route ponctuée de motels, de snacks, de bars, de boutiques étranges et de musées bizarres.
On ressent tout ça en avançant vers le Nord. Et en tombant sur autant de pancartes, montagnes, panneaux, plaines, baraques, routes et encore d'autres routes.
Et on y croise des fantômes. Ceux de la classe ouvrière émiettée, des diggers de l'été 1969, des lobotomisés oubliés, des squatters expulsés, des Indiens pas assez glamour pour Hollywood, des homeless, des rockers SDF, des créateurs du punk de l'Ouest, des trop pauvres pour rester là alors barrez-vous vers l'Est ce coup là, des country singers et soulmen du nord-ouest... De tout un peuple qui est devenu gênant car il n'est ni assez propre ni assez soumis ni surtout, assez friqué pour ce monde.
C'est ce que nous racontent toutes ces voix, graves, profondes, hésitantes, éraillées dont on ne verra jamais le visage mais qui forment le choeur de cette évocation.
On adorerait avoir une deuxième série qui serait, par exemple, une route Detroit / Chicago / Cleveland. Mais chaque film a son histoire et l'histoire ne se répète point.
Un rappel d'un de ses autres films, Bungalow sessions avec la séquence consacrée à Andy Dale Petty.
Une remarque pour commencer, les nord Américains ont beau être surarmés, ils tirent comme des cochons. Lee Harvey, reviens, tout est pardonné !
Ceci posé, quelques mots sur le miraculé "qui s'est fait tout seul grâce à son sens des affaires".
Encore un mensonge : Donald est le fils et héritier de Fred Trump (1905-19999), sinistre personnage gouvernant un empire immobilier de 27 000 appartements new yorkais, de casernes et de logements pour la Marine.
Comme son rejeton, cet abject promoteur immobilier collectionna quelques déboires judiciaires : une arrestation en 1927 au cours d'une émeute pour implanter le Ku Klux Klan dans le Queens, une inculpation pour abus de contrats publics en 1954 et une autre pour discrimination en 1973 (la crapule refusait purement et simplement de louer à des Noirs).
Autant dire que l'ex et éventuel futur président a hérité d'un domaine conséquent et de coquets revenus dès 1968.Voilà pour le self made man, menteur pathologique.
Là où le vieux Trump laissa des traces dans la culture populaire, ce fut lorsqu'il eut un locataire bien connu de nos services : le chanteur Woody Guthrie, grand maître de la chanson qui démange.
En 1950, Woody, exilé de son Oklahoma natal, emménagea dans le complexe de Beach Heaven. Il en tira plusieurs chansons aux titres on ne peut plus explicites : Beach Haven Race Hate, Beach Haven Ain't My Home et Ain't got no home, qu'il eut l'occasion d'enregistrer.
Cette chanson fut doublée d'une autre, toute aussi explicite : Old Man Trump. Écrite en 1954, jamais gravée, elle fut exhumée comme manuscrit par un professeur de lettres en 2016.
Et depuis largement diffusée.
Ici par les Missin' cousins.
Bien entendu, la chanson oubliée du troubadour folk a connu une nouvelle vie ces ultimes années.
Il existe donc des dizaines de variantes, de parodies et de nouvelles versions tirant sur Donald Trump avec l'efficacité d'un AR 15 correctement manié.
On a un faible pour celle, tout à fait actuelle de Middle class Joe.
Qu'on le veuille ou non, l'avenir étant ce qu'il est, nous pensons qu'il est bon de rappeler deux ou trois moments de l'histoire qui peuvent être inspirants pour les temps à venir.
Même si l'histoire ne repasse pas les plats, comme disait l'autre.
Contrairement à ce que présente certaine série à succès, le fasciste britannique Oswald Mosley (fondateur de la BUF, British Union of Fascists) n'avait rien d'un génie du mal machiavélique.
Ce Jacques Doriot raté (tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir la Wehrmacht à domicile) baronnet de son état, était passé des rangs conservateurs aux travaillistes avant de tenter sa chance en fondant un parti fasciste britannique en 1932 suite à des vacances romaines.
Mêlant un semblant de programme économique keynésien à un décorum impeccable (chemises noires paramilitaires) ainsi qu'à une haine des rouges, des Juifs, des Irlandais, des immigrés caribéens et de tout ce qui n'est pas Anglais pur jus fantasmé, ces brutes atteignirent 50 000 adhérents en 1934 et multiplièrent meetings et parades de rue.
Évidemment, dans un pays où le sentiment de classe est aussi exacerbé que le Royaume Uni, ces joyeux happenings ne se déroulèrent pas sans heurts .
Mais l'événement d'avant-guerre qui resta dans toutes les mémoires fut celui du 4 octobre 1936, demeuré "la bataille de Cable street".
Ce jour-là, les matamores d'Oswald n'avaient trouvé rien de plus fumeux que d'effectuer une marche dans l'East end, quartier prolétaire à forte population juive.
Les 5 000 chemises noires se retrouvèrent donc face à un ensemble de communistes, d'anarchistes, de socialistes d'organisations juives et nationalistes irlandaises de gauche regroupant entre 100 000 et 300 000 antifascistes décidés à en découdre. T'en veux du Front pop' fait à la base ?
Pour arbitrer le match, la police métropolitaine avait envoyé entre 6000 et 10 000 flics, dont la cavalerie.
Logiquement, les flics chargèrent les antifascistes qui se chargèrent de renvoyer les sinistres corbeaux jusqu'à la Tamise. On parla alors de "deuxième guerre civile".
Ce fut la dernière marche jamais organisée par le BUF.
Par ailleurs, le gouvernement de sa Majesté se hâta de passer une loi interdisant les défilés politiques en uniforme (un peu a l'instar de la dissolution des ligues en France).
Cette réaction populaire fut célébrée dans de nombreuses chansons fredonnées dans les foyers ouvriers. Une des plus fameuses fut Ghost of Cable street, ici exécutée par le sympathique groupe folk rock The men They couln't hang (leur nom méritant, à lui seul un autre article).
La version ici proposée inclue un résumé de l'affaire sur des images d'époque.
À partir de juin 1940, Mosley et quelques milliers de ses sbires, devenus pacifistes forcenés, échappèrent aux combats en cours en passant leurs années de guerre en taule.
Le lamentable führer remonta un parti fasciste après-guerre, l'UM qui évoluera en NF (National front) qui aura un succès certain à partir des crises des années 1960 et 1970.
Le courageux chef avait d'ailleurs préféré s'exiler en France, dans l'Essonne, pour diriger tout ça à prudente distance.
En ce qui concerne l'après-guerre, rendons ici hommage à un groupe assez méconnu The 43 Group. Groupe de combat semi-clandestin monté par des vétérans majoritairement Juifs (parachutistes, marins, commandos, etc.) antifascistes afin d'infiltrer, de s'opposer et de détruire toute résurgence fasciste en Grande-Bretagne.
Nommés ainsi d'après l'adresse du club sportif d'Hampstead, cette organisation de combat compta plus de 1000 membres à Londres, Manchester, Birmingham et Newcastle.
Ils publièrent aussi un journal dénonçant tant le fascisme à l'international que les politiques racistes des États Unis ou de l'Afrique du Sud.
Considérant le danger immédiat écarté, ce groupe s'auto-dissout en 1950.
Avant de faire place au 62 Group en 1962 (photo ci-dessus) mais c'est une autre histoire.
Allez, tirez-en les leçons qui s'imposent et quittons-nous sur une dernière ballade au sujet de Cable street : The balade of Johnny Logstaff par les Young'uns.
Contrairement à certaine idée reçue, l'empire britannique a toujours eu une politique exquise pour traîter ses sujets des colonies et autres dominions.
Une chanson fort connue nous permet un petit éclairage sur un épisode de l'histoire irlandaise pas si connu malgré le nombre de groupes l'ayant joué ou de représentations cinématographiques.
Résumons en vitesse, En 1920 voilà plus ou moins trois siècle que l'île vit sous le joug anglais qui y a imposé des nobles et des colons, persécuté langue et religion, créé artificiellement une famine dont Staline reprendra la recette pour l'Ukraine et vidé l'Irlande d'un tiers de ses habitants contraints à l'exil.
Après avoir fabriqué des martyrs à la pelle au cours de ces siècles, les nationalistes évoluant en républicains irlandais se lassent d'espérer un éventuel statut d'autonomie et une branche d'idéalistes et de socialistes déclenchent un soulèvement à Paques 1916, on vous a raconté ça en son temps.
Suite à cette rébellion ratée, les Irlandais se soulèvent à nouveau en 1918, en adoptant ce coup-là des tactiques de guérillas urbaines et rurales grâce aux flying columns (colonnes mobiles) de leur organisation flambante neuve, l'IRA.
IRA de Kerry nord
Cette armée républicaine se double d'un gouvernement provisoire, le Dáil, qui va régner petit à petit sur des portions entières du pays.
Pauvrement armés mais redoutablement organisés par leur chef du renseignement, Michael Collins, ennemi des affrontement en rase campagne, les volontaires de l'IRA parviennent à établir un climat de terreur pour la police royale puis pour l'armée britannique.
Qui va donc appliquer d'efficaces méthodes de contre-insurrection.
Infiltration, retournements, tortures, exécutions sommaires, rien ne sera épargné aux rebelles.
Mais l'arme de destruction massive des Anglais sera l'emploi d'une force auxiliaire de 16 000 hommes recutés chez les ancien combattants des tranchées, lesRoyal Irish Constabulary Special Reserve, plus communèment connus comme Black and tans (noir et fauves) en référence à leur uniforme de bric et de broc.
Force militaire d'occupation autonome incontrolée complètement coupée de la population, les "Tans" vont cristalliser la haine des Irlandais en leur rendant bien. Pillages, exécutions ciblées ou au petit malheur, viols, incendies de villages entiers, ces soudards se rendront célébre dans le monde entier par de nombreux articles de correspondants de presse étrangers.
On leur doit, entre autre, le premier Bloody sunday, celui du 21 novembre 1920 à Dublin. En représaille à l'exécution par l'IRA urbaine de 14 mouchards et officiers des services secrets, les Black ans tans mitraillèrent le public d'un match de football gaélique laissant 14 morts et 65 blessés.
Bien entendu, ils devinrent une cible privilégiée de l'IRA et dès la semaine suivante, à Kilmichael, le détachement de Tom Barry en descend 17 dans une embuscade.
Cette spirale de violence ne se calme que lorsqu'un traité est signé en mars 1921. Traité qui débouche sur un état libre, une partition de l'île et une guerre civile entre anciens frères d'armes en 1922. Mais c'est une autre affaire...
Donc, la chanson : il s'agit bien entendu de Come out, ye black and tans (Viens faire un tour dehors, black and tan). Elle fut écrite par Dominic Behan, frère de Brendan Behan, écrivain et membre de l'IRA, en 1928 comme un hommage à leur père, Stephen, qui avait combattu ces brutes les armes en main. La mélodie vient d'un traditionnel du XVIIIème, Rosc Catha na Mumhan également détourné par les loyalistes pour leur Boyne water.
Parmi les centaines de version, la plus connue est sans conteste celle des Wolfe Tones de 1972.
La voici avec des extraits des films Michael Collins de Neil Jordan (1996) et Le vent se lève de Ken Loach (The Wind that shakes the Barley, 2006)
Dans les paroles, un républicain se querelle avec un unioniste, se gaussant de la manière dont il a gané ses médailles dans les Flandres et de la déculotté que leur a fait subir l'IRA à Killeshandra (comté de Cavan) tout en le priant aimablement de venir "enfin se battre d'homme à homme".
Non sans rappeler au soldat brit' comment ses semblables ont traité Zoulous et Arabes d'Aden en torturant et exécutant à tout va.
Quand on entend une crapule prétexter une "dénazification" pour justifier son immonde guerre impérialiste, on hésite entre ricanements jaune et pleurs amers.
Parce qu'à propos de la guerre en cours en Ukraine, on n'a pas vraiment envie de rire.
Poutine est-il tombé dans le piège tendu par l'OTAN ou a-t-il damé le pion à cette organisation ? L'Ukraine est-elle une authentique nation ou une invention issue d'un micmac polono-lituanien et austro-hongrois mâtiné de russe ? À vrai dire, on s'en fout un peu. Tout ce qu'on constate est l'étendue d'un désastre annoncé.
À part ces détails que sont les Ukrainiens et un certain nombre de chairs à canon russe l'autre grande victime sera la vérité. À commencer par ces idiots médiatiques qui osent mentionner "le retour de la guerre en Europe depuis la Seconde guerre mondiale" en oubliant au passage la longue agonie d'un pays nommé Yougoslavie.
Disons que dans le genre propagande grossière, nostalgique comme on est, on préférait l'époque où les soviétiques nous la jouaient pacifistes, conformément à la ligne du parti. Хотят ли русские войны ? Autrement dit Les Russes veulent-ils la guerre (1961) musique d'Édouard Kolmanovski, paroles de Yevguéni Yevtouchenko.
En version sous-titrée pour le côté involontairement comique. Même si y'a vraiment pas de quoi...
Notre affectueux salut aux Russes qui dénoncent cette "opération militaire".
L'Histoire joue parfois de drôles de tours à la postérité.
Ainsi, Jesse James, leader du gang James-Younger est-il devenu un des bandits les plus renommé des États-Unis, ce qui là-bas signifie un des plus chanté et des plus filmé. Et pourtant le bilan de ce "Robin des bois du Missouri" est loin d'être brillant.
Fils de pasteur, deuxième d'un fratrie de trois, Jesse et son frère aîné Frank furent élevés dans une ambiance farouchement pro-sudiste. Bien avant le déclenchement de la guerre de Sécession, entre 1854 et 1861, deux états voisins, le Kansas et le Missouri connurent une série d'affrontements, de meurtres, d'émeutes, de fraudes électorales entre colons les peuplant ayant pour cause leur adhésion aux États-Unis et, de ce fait, la question d'y déterminer où l'esclavage était ou non légalisé. Même si la culture du coton y était inexistante, les colons sudistes du Missouri obtinrent dans un premier temps le statut d'état esclavagiste alors que le Kansas voisin et peuplé d'une forte minorité d'origine germanique était farouchement anti esclavagiste, favorisant les réseaux d'évasion vers le Nord (dit le "chemin de fer souterrain").
Ayant grandi dans ces prémices de la Guerre civile, les frères James s'engagent chez les Sudistes dès que celle-ci est déclarée en avril 1861.
Clement, Hendricks et Anderson
La ferme familiale étant ravagée par des irréguliers nordistes, James, à peine âgé de 16 ans va s'engager dans les troupes de William Quantrill, les bushwalkers, qui livrent une guérilla sans merci aux nordistes du Kansas qui répliquent avec d'autres francs-tireurs, les Red legs ou Jayhawkers. Et c'est parti pour deux années de massacres.
C'est chez les écorcheurs de Quantrill que Jesse fait la connaissance de futurs associés tels "Bloody" Bill Anderson (collectionneur de scalps) Archie Clement ou Cole et Jim Younger tout en apprenant sur le tas ce qui assoira ensuite sa réputation.
Le principal exploit de ces charmants jeunes gens sera le Massacre de Lawrence où après avoir occupé cette ville du Kansas, ils y exécutent 182 hommes et incendient 185 maisons. Inutile de préciser que dans cette guerre il n'y a pas de prisonniers et tout soldat nordiste capturé est assassiné. De même les soldats bleus se font un plaisir de pendre tout irrégulier du Sud sur lequel ils mettent la main. Le général fédéral Ewing fera même évacuer plus de 10 000 civils du territoire bordant la frontière du Missouri, rendant cette région désertique pour un bon moment. Traqués, harcelés, la bande de Quantrill s'en va piller le Texas, pourtant territoire confédéré. Puis,, vaincu, le Sud capitule.
Les soldats rebelles sont donc amnistiés sauf les irréguliers, ce qui est le cas de tous ces guérilleros. Qui n'ont aucun mal à se planquer dans le comté de Clay (Missouri) qui leur est acquis et où la haine du nordiste reste encore tenace jusqu'à nos jours.
Dos au mur, les fugitifs du groupe Quantrill se reconvertissent dans les attaques de banques dès février 1866 avec celle de Liberty (60 000 dollars) Lexington (2000 dollars seulement) Richmond (trois citoyens tués et un bandit lynché), Russelville (1450 dollars) et Gallatin (500 ridicules dollars et un caissier flingué).
Bien entendu, s'en prendre aux banques n'est pas pour déplaire à une population de fermiers pressurés par ces agences. Le gang étend ses activités à l'Iowa et tâte du braquage ferroviaire, spécialité qui va les rendre à jamais célèbres. Et leur assurer une réputation de bandits d'honneur grâce à la stupidité et à la brutalité de l'Agence Pinkerton, chargée de les traquer qui assassinera le jeune John Younger (16ans) qui ne fait pas partie du gang, ainsi qu'Archie James, âgé de 8 ans et benjamin de la fratrie. On retrouvera des restes d'agents de la Pinkerton dans une auge à cochons.
Cette légende dorée des James a été très vite fredonnée dans les campagnes. Les Lomax en ont tiré quelques enregistrements et même Woody Guthrie y est allé de son refrain.
Malgré une amnistie promise par plusieurs politiciens, le gang lance un raid sur le Minnesota et cette fois, tout va de travers. Le 7 septembre 1876, l'attaque de la banque de Northfield vire au désastre: les habitants tirent massivement sur la bande, deux outlaws sont tués et tous les autres plus ou moins gravement blessés. Divisés en deux groupes, le premier d'entre eux est ensuite exterminé tandis que les frères James s'enterrent un temps dans le Tennessee sous une fausse identité. Fin 1879, attaques de trains et de diligences reprennent. Mais règlements de compte (Jesse abat Ed Miller qui voulait quitter le gang) et chutes se multiplient simultanément au sein de la bande. Qui se trouve bientôt réduite aux frères James et aux frères Ford (Robert et Charlie)
Le gouverneur du Missouri avait offert 10 000 dollars pour la capture ou la mort des concernés. Et comme dans toute belle histoire de bandit d'honneur c'est Bob Ford qui tiendra le rôle du dirty little coward qui tue Jesse James dans le dos alors qu'il époussette un tableau. Et ça donne une autre ballade avec en intro le début du film de Samel Fuller, J'ai tué Jesse James (1949). C'est Johnny Cash qui s'y colle.
Et comme dans toute bonne chanson de geste, les frères Ford ne profiteront guère de leur traîtrise : après avoir touché bien moins que prévu, Charlie se suicide en 1884 et Robert est tué dans un saloon en 1892 par un admirateur de Jesse James. Frank James, qui a négocié sa reddition, est acquitté à son procès et finira garde du corps du président Théodore Roosevelt. Bob Younger est mort en prison, Jim se suicide à sa sortie en 1902 et Cole devient prédicateur.
Une vraie histoire américaine !
Restent plus d'une quinzaine de films dont certains très recommandables, quelques BD (dont un excellent Lucky Luke) et un nombre effarant de chansons. Pas mal pour un petit gars somme toute plutôt sanguinaire.
Chroniquer un film ou un album récemment sorti n'est pas la coutume de ce bouzin. Mais là, vous pourrez pas dire qu'on vous aura pasprévenu.
On avait pourtant la crainte de se faire avoir en allant voir Crock of gold, documentaire de Julian Temple consacré à la gueule cassée du (post ?) folk rock irlandais, Shane MacGowan, ci-devant chanteur et auteur compositeur de The Pogues. Le réalisateur, biographe habitué du show-biz plus ou moins punk, étant avant tout un monteur qui fait défiler des séquences à toutes blinde, on espérait au moins quelques archives savoureuses. Même si le même réalisateur a la détestable habitude d'inviter dans ses films deux ou trois personnalités bling-bling ayant peu à voir avec le sujet mais susceptibles d'attirer une chronique dans la presse qui, soi-disant, compte.
Soyons juste, il y a bien quelques séquences dignes et toute l'enfance édifiante du personnage dans une ferme plus que modeste du comté de Tiperrary est l'occase d'un agréable dessin animé. C'est désormais classique lorsqu'on manque d'images et c'est bien mieux réussi, plus modestement, dans le film de Jarmusch sur les Stooges.
Mais là où Temple passe les bornes, ce sont lors d'interminables séquences avec un Shane McGowan tellement abîmé qu'un malaise s'installe assez vite devant une exhibition faisant fi de toute dignité. Et puisqu'on parle de personnalités à la con, non seulement le réalisateur est infoutu de s'entretenir avec d'ex membres des Pogues (si, si, il reste quelques survivants) ou des proches ayant bossé avec eux (Costello, les Dubliners...) mais il convoque des guignols comme Johnny Depp (ok, c'est lui qui a payé le film) ou pire, un vieux politicard retord comme Gerry Adams pour transformer ce pauvre Shane, réduit à l'état de loque, en patriote héros de la cause irlandaise. A touch of revisionism !
Précisons au passage que notre antipathie vis à vis du leader de Sinn Feinn s'étend largement, voire en pire, à ceux du camp d'en face, ça c'est fait.
Restent l'histoire d'un incurable inadapté social et quelques bons mots : Tout le monde s'était mis à écouter de la World Music et je me suis dit ben, on va vous en donner. Et vous méprisez les Paddy ? On va vous remettre un couche de Paddy!
Et la plus belle, la plus cafardeuse, des chansons de Noël, en duo avec KIrsty McColl (elle-même fille d'Ewan, auteur de Dirty old town)
Un film qu'on peut ne pas aller voir. Ça nous apprendra...
C'est par un de ces blog d'infatigables dénicheurs qu'on a, avec 60 ans de retard, eu vent de l'existence de ce particulier d'Anvers (Antwerpen en local).
Fils de bonne famille évadé de la bourgeoisie flamande, Ferré Grignard, peintre, guitariste et chanteur a eu une belle notoriété dans les années 1960 / 1970 autant due à son jeu de guitare qu'à un talent certain à construire sa propre légende.
En 1964, cet anarchiste racontait revenir des États-Unis où il avait vécu dans les pires ghettos noirs et appris le blues là-bas. Ce qui n'était que fiction. C'est l'année où il est à la fois embauché par le producteur Hans Kusters et où il s'installe en résidence au café concert Le Muze où son folk-rock un peu en avance sur les Byrds et moins niaiseux qu'Hugues Aufray lui vaut un beau succès d'estime. En 1966, il commet deux tubes coup sur coup Ring Ringet My crucified Jesus.
Ça vous semble familier, n'est-il pas ? Un autre Belge, un certain Jean-Philippe Smet, va repomper cet air sans vergogne pour répliquer dans la querelle qui l'oppose alors à Antoinequi l'avait tourné en ridicule dans ses Élucubrations.
Comparons donc la mélodie avec la précédente:
Ferré qui vient de se payer l'Olympia porte aussitôt plainte pour plagiat. Et est débouté car sa propre compo est largement inspirée d'un traditionnel américain.
Dépité, le gars sort son deuxième album Captain Disaster, qui marchera très modérément.
De plus, dès qu'il a trois sous, il n'a rien de plus urgent que de les dilapider en fêtes, invitations et autres jams dans sa maison. Comme il oublie de remplir la moindre déclaration, le fisc belge finit par l'assassiner financièrement et cet artiste prometteur fera une carrière de chanteur de bar jusqu'en 1982 où il meurt d'un cancer dans le dénuement le plus total.
Un petit extrait du concert parisien de 1966 de notre beatnik anversois avec She's gone et Ring Ring. Toute une époque...
Profitons de la sortie du livre d'Ignacio Díazpour nous arrêter sur l'autre hymne asturien, l'officieux. Autre parce que comme toute province, cette contrée possède un hymne officiel qui vante ses jolis paysages et qui fut d'ailleurs écrit par un compositeur cubain. Passons.
En el pozu María Luisa est devenu à la fois le chant de ralliement des mineurs et la chanson asturienne par excellence, celle qui est reprise dans toutes les fêtes et manifestations.
Le puits María Luisa est situé dans un des principaux bastions ouvrier, sur la commune de Langreo. L'extraction du charbon était destinée à alimenter les hauts fourneaux de l'entreprise métallurgiste Duro Felguera, que les ouvriers occupèrent en octobre 1934 pour y construire des véhicules blindés au service de la révolution.
Sa construction dura de 1918 jusqu'en 1943.
Si cette mine est passée à l'histoire, c'est par la faute d'un coup de grisou qui la ravagea le 14 juillet 1949, tuant 17 ouvriers.
Ce massacre industriel passa en chanson en détournant un cantique dédiée à la patronne des mineurs Santa Barbara bendita.
Un mineur maculé de sang, tête fracassée et chemise en lambeaux y témoigne de l'accident à sa femme qu'il appelle du diminutif affectueux Maruxina (Coccinelle en asturien). Outre la description de la catastrophe, il y est souvent rajouté des couplets insultants patrons, actionnaires et contremaîtres.
Contrairement à la légende, cet air est donc tout à fait postérieur à la Guerre civile.
Il existe des milliers de versions de ce classique des jours de barricades. Celle-ci est du groupe asturien Nuberu, illustrée des riches heures du prolétariat local, en particulier de la marche sur Madrid de 2012 (les flics de la capitale en conservent un cuisant souvenir).
Curieusement, il existe plusieurs variants bretons de cet hymne, dont une reprise par Gilles Servatainsi qu'une autre évoquant une grève d'ouvrières sardinières sur laquelle on reviendra.
On se quitte sur un authentique air d'octobre 1934.
Ainsi, Richard "Dick" Turpin (né en 1705, pendu en 1739) est-il un des bandits de grands chemins parmi les plus légendaires des îles britanniques alors que sa carrière de criminel fut, somme toute, assez médiocre. Fils de boucher, il devint braconnier de cerfs dans l'Essex (crime puni de pendaison dans l'Angleterre du XVIIIème) puis voleur de chevaux et détrousseur de diligences et d'autres voyageurs.
Suite à l'arrestation de plusieurs membres de son gang en 1735, il fait profil bas pendant deux ans avant de réapparaître à la tête d'une nouvelle bande.
Ayant tué Thomas Morris qui avait tenté de l'arrêter, il s'en alla vivre à York sous l'identité de John Palmer, nom sous lequel il fut emprisonné comme voleur de chevaux.
Une simple lettre de prison envoyé à son beau-frère dévoilera le vrai patronyme du prisonnier. Le délateur qui avait mis la main sur la correspondance aurait été l'homme qui avait appris à écrire à Turpin. Ce cafard a touché la coquette somme de 200 £ du duc de Newcastle pour avoir permis de reconnaître le meurtrier de Morris.
Turpin fut jugé à York, non pour assassinat mais pour le vol de deux chevaux et fut pendu le 7 avril 1739.
Non sans avoir mis en scène son exécution : habillé de neuf, il paya cinq pleureuses pour suivre sa charrette funeste et salua aimablement le public sur le chemin de la potence.
Grâce à cette fin si élégante, le bandit devint le héros de ballades, de pièces de théâtres, dont celle de Richard Bayes, écrite dès 1739, et d'un roman de William Harrison Ainsworth paru un siècle après sa mort. Et ça a continué avec plusieurs films, une série télévisée (Dick le rebelle) et un grand nombre de bande dessinées.
La complainte la plus populaire fut sans conteste Turpin hero, aussi nommée Turpin's valour, ici chantée Ewan Mc Coll (vous savez, le type qui avait écritDirty old town).
suivi d'ne fantaisie tirée d'un programme pour enfants de la BBC, Horrible Histories, aimable parodie de la vie et l’œuvre du légendaire Highwayman.
Alain Carbonare, Gilles Kusméruck, Jean-Pierre Robert, Tony Carbonare.
Contrairement à un préjugé fort répandu chez les "rockeux" adeptes de l'électricité, certains folkeux des années 1970 cultivaient un sens de la parodie et second degré tout à fait louable.
Ainsi le groupe Machin également baptisé Très véritable Groupe Machin qui écuma la Franche Comté et autres colonies françoises (avec quelques incursions helvétiques) de 1975 à 1981, année terrible. Multi instrumentistes également amoureux du patrimoine de nos contrées que du rock trépidant, le projet est monté par Alain et Tony Carbonare et Jean-Pierre Robert qui débauchent vite Gilles Kuméruck du duo country Bébert et Kus. Jean-Paul Simonin, batteur à tendance bûcheronne, les rejoint l'année suivante.
Outre les concerts galères dans des MJC à l'acoustique dégueu, la bande se fait recruter par un jeune compatriote parti conquérir Paris pour accompagner ses délires, j'ai nommé Hubert Félix Thiéfaine. Mais, aussi étonnant que ça puisse paraître aujourd'hui, Machin connaît plus de succès que le jurassic fantaisiste et ils enregistrent leur premier disque avant lui, en 1976 :Moi je suis un folkeux.
Mais comme ils ne sont pas chiens, ils négocient leur signature sur le label Stern, en 1977 à une cosignature pour un Thiéfaine jusqu'alors boudé par les labels et enregistrent avec lui Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s'émouvoir. Au passage Tony Carbonare devient manger d'Hubert Félix jusqu'en 1999.
Ils co-écriront le futur hymne officieux du Jura, La cancoillotte, ici par Machin, tout seuls.
Nos zozos sortent quatre vinyles, aujourd'hui fort recherchés de 1976 à 1980, Moi je suis un folkeux (76), Tout folkant (77), Râles folk (78)et ... et pourtant c'en était pas ! en 1981.
Le folk ne fait plus recette et Thiéfaine prend un virage sombrement rock poète maudit. Ça devient épuisant de mener deux groupes parallèles.
La bande se sépare donc : Jean-Pierre part en solo, Tony reste manager et Gilles et Jean-Paul accompagnent toujours HFT devant un public qui croît petit à petit.
Thiéfaine les ressuscite en 1998 pour son concert anniversaire et c'est reparti pour des concerts et même deux disques, une compilation en 2003 et un live en 2005. On les retrouve dans un désormais classique de leurs débuts Si j'étais moins phallocrate en 2002 à Beaucourt.
Rien à envier à Ramon Pipin et ses exégètes.
La nostalgie et la magie d'internet ont fait le reste.
Ces sympathiques venus du froid ont désormais un site.
Et moi, je vais me déguster un fromage de chèvre...
Il fut un temps où les britanniques étaient les rois du néologisme.
Ainsi, la manifestation sanglante du 16 août 1819 à Manchester resta dans la mémoire collective comme le massacre de Perterlo est une contraction entre le terrain de St Peter, où se tenait un rassemblement populaire, et la bataille de Waterloo avec ses fameuses charges de cavalerie qui avait eu lieu quatre ans auparavant.
En 1819, famine et chômage régnaient dans le pays. Les syndicats étaient assimilés à des sociétés secrètes et en être membre revenait à être puni de déportation en Australie. Les prolos du nord n'étant pas représentés au parlement, ils réclamaient une simple voix à la chambre. Tétanisé par la trouille d'une révolution, à la française, le gouvernement suspendit l'habeas corpus et les garanties individuelles.
Une "grande assemblée" fut donc convoquée par les radicaux Joseph Johnson et Joseph Hunt qui ne réclamaient, au fond, qu'une réforme parlementaire : "Dans les rues de Manchester
et des villes alentour, la ruine et la famine nous crève les yeux, l'état de ce district est véritablement
abominable et je crois que seul le plus grand effort pourrait prévenir
une insurrection. Ô que vous à Londres y soyez préparés" (lettre de Johnson à Hunt interceptée par les flics de sa gracieuse majesté).
Ce 16 août, une vingtaine de cortèges issus des cités ouvrières entourant Manchester convergèrent sur la ville afin de tenir l'assemblée. Les soi-disant radicaux avaient donné des instructions strictes afin que la manifestation soit joyeuse et pacifique. Contrairement aux habitudes des rassemblements britanniques assez bordéliques et avinés, cette fois, la consigne était "propreté, sobriété, ordre et paix, ainsi qu'interdiction de toute arme". Les ouvriers de la région s'étaient même entraînés à défiler en bon ordre, ce qui ne fit qu'affoler un peu plus les autorités.
50 000 personnes étaient donc rassemblées sur ce pré, d'où avait été retiré la moindre pierre, pour écouter Hunt leur vendre le suffrage universel (masculin).
À peine le meeting entamé, il fut chargé par la milice locale, la yeomanry et un régiment de hussards à cheval qui, sans tirer le moindre coup de feu se contentèrent de sabrer et piétiner la foule. On releva 15 morts et pus de 500 amochés.
Hunt et ses réformateurs furent emprisonnés et le gouvernement passa la loi des "Six actes" qui interdisait tout rassemblement et restreignait encore plus les droits. Le Prince Régent, futur roi George IV, alla féliciter personnellement la milice.
Entre cette tuerie et les révoltes luddites, l'ère industrielle anglaise commençait en fanfare.
L'histoire est encore vive dans la mémoire britannique. Il existe une Peterloo Overture écrite par le compositeur classique Malcolm Arnold. Les Oldham Tinkers la narrent ici à l'ancienne.
Les folkeux de Steeleye Span inclurent l'événement sur leur disque Bloody men. Voici Ned Ludd 5 (Peterloo day).
Ce ne sont pas deux mois d'enfermement et un été ponctué de sauts de puces qui vont nous faire passer l'affection, bêtement romantique, qu'on porte aux gens de mer. On en fit même un thème d'émission du temps où nous nous préoccupions surtout de chansons en français.
Le dernier confinement et quelques kilomètres parcourus en zizique et en suivant nous ont donné l'envie d'exhumer les très recommandables disques conçus par le producteur américain Hal Willner : Rogue's Gallery, Pirates ballads, sea songs ans chanteys.
Un mot du bonhomme qui décéda du (ou de la ?) Covid-19 au mois d'avril dernier à son domicile new-yorkais. Né en 1956, de parents rescapés de justesse du grand massacre de la décennie précédente, Willner eut, à son catalogue de producteur de disques, des gens comme Lou Reed, Marianne Faithfull, Laurie Anderson, les Neville Brothers mais aussi William S. Burrough ou Allen Ginsberg. En 2006, il décida de ressusciter les chants de marins, pêcheurs, soldats et autres forbans des mers dans un premier double album : le Rogue's gallery (qui à l'origine désigne une collection de pièces à conviction judiciaire).
Là où l'affaire est surprenante c'est que le gars fit appel à un parterre improbable d'interprètes de folk, de country et de rock mélangeant artistes très connus dans leur spécialité et parfois tout à fait inattendus (Nick Cave, Bob Neuwirth, Lou Reed, Bryan Ferry, Marianne Faithfull, Sting (si !) Richard Thompson, Martin Carthy, etc.) avec d'autres beaucoup plus confidentiels.
Et l'ensemble, un double album de 43 titres marche plutôt bien vu que la majorité des interprètes semblent s'être pris au jeu et donc, s'être mis au service de leur chanson plutôt que le contraire.
Ça a tellement bien carburé qu'il y eut une suite en 2013, logiquement intitulée Son of Rogue's gallery dans laquelle il fit appel à d'autres pointures comme Tom Waits, Iggy Pop, Shane Mc Gowan, Todd Rundgren, Robyn Hitchcock, Dr John, etc.
Mais c'est une autre histoire, petit aperçu du premier volume : Richard Thompson dans Mingulay boat song, complainte de pêcheurs des années 1930 tirée d'un vieil air gaélique, Òran na Comhachaig.
Nick Cave, très en jambe pour ce Fire down below, chant de cabestan où on bossait en insultant ses propres officiers, pratique tolérée dans toutes les marines, même militaires.
Et les très insolites Jack Shit, trio californien formé de Beau, Pete et Shorty Shit reprenant un classique de la Royal Navy, Boney was a warrior, hommage moqueur et dérisoire à Napoléon Bonaparte, surnommé Boney the Bogeyman, fils de Lucifer et bouffeur de gamins.