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mercredi 28 mars 2018

Sartre chansonnier


En 1944, Jean-Paul Sartre se trouve un peu d'occupation : entre autres activités, il écrit sa pièce de théâtre Huis clos qu'il fait jouer au Vieux Colombier.
C'est pour l'inclure dans sa pièce qu'il accouche d'une chanson Dans la rue des Blancs-Manteaux, qui sera par la suite revue sur un rythme de valse lente par Joseph Kosma.
N'adorant pas la musique, Sarte en fit cadeau à la jeune Juliette Greco en 1950. Il lui proposa d'ailleurs plusieurs autres textes qu'elle refusa avec constance.
Elle grava la chanson sur un de se premiers 78 tours avant de la remettre en face B de Si tu t'imagines sur un 45 tour trois titres de 1963 (Trianon ETS 4401) qui sera un franc succès.
Greco enregistrera plusieurs autres versions du titre, que ce soit en studio, en 1962, ou en public en 1968.
Mais, cette apologie du grand déchoucage fut toute aussi popularisée par les Frères Jacques qui, l'ayant interprétée avant Greco, la mirent systématiquement à leur tour de chant.

mardi 4 juillet 2017

Juillet : Goualantes de la Villette et d'ailleurs.

Entretien avec Philippe Mortimer, préfacier de l'ouvrage, des éditions l'Insomniaque


Émile Chautard, ouvrier typographe et grand connaisseur des bistrots, nous guide en chanson dans le Paris de la dèche et de la pègre, entre la guerre de 1870 et celle de 1914-1918.  
Les goualantes qu’il a recueillies au cours de ses pérégrinations dans les faubourgs furent écrites comme elles furent chantées, non par des artistes en vogue mais par des marlous et des gisquettes.
La grande richesse des pauvres d’alors c’était une jactance empruntant beaucoup à l’argot, affiné dans les prisons et les bataillons disciplinaires.
Paris canaille et spectacle pour tous

Comme l’a dit Céline : « C’est la haine qui fait l’argot. » On verra dans ces pages que l’argot c’est aussi le désir qui se dévoile, c’est aussi la verve, la trouvaille poétique et l’esprit libre.
Dans les zones ténébreuses de la Ville Lumière, dans les hideux taudis de la Belle Époque, nombre de pauvres n’obéissaient pour survivre qu’à leurs propres lois et leurs propres morales.
Le dégoût de l’usine incitait les filles d’ouvriers à se vendre sur les trottoirs et dans les bouges. Voyous dandys, les apaches paradaient en bande sur les boulevards. Le crime exerçait une trouble fascination sur la société – partout l’on recrutait des policiers, partout l’on bâtissait des prisons.
Voilà ce que narre sans artifice ces goualantes qui sont autant de témoignages pour servir à l’histoire des classes dangereuses.

Avec en chansons
L'or                                                       Petit Louis (Anonyme - Quéré)
Ciao Paname                                         Roland Brou (Van Daal - Couton)
L'amour à la barrière                           Agathe Louis (Régnier - Lecoeur)
Complainte du Charlot de la Courtille  Nénesse et Totor (Anonyme)
L'assommoir de Belleville                     Three Times Rockers (Anonyme)
Le départ des joyeux                             Juliette Gréco (Mac Orlan)
À la Roquette                                         Schultz (Bruant)
La Ravachole                                         Les Quatre Barbus (Sébastien Faure)
Le Sébasto                                             The Moonshiners (Anonyme)              


On peut suivre l'entretien ou le mettre à gauche en cliquant là.
Pour illustrer le rôle de la chanteuse tragique, qui mieux que Damia ?
Ici dans un caboulot.


Et un chant d'apaches typique :

jeudi 4 mai 2017

Prévert se reprenait lui-même

Gréco avec Joseph Kosma
Originellement, Prévert avait écrit "À la belle étoile" pour le film "Le crime de Monsieur Lange" de Renoir.
La chanson était alors interprétée par Florelle, on vous en avait causé à l'époque .
La guerre, l'occupation, puis la libération étant passées par là, le Jacquot éprouva le besoin de remanier et compléter son texte pour la parution de son recueil, Paroles.
Procédant par opposition, il y a dépeint un métro aérien à La Chapelle, un truand nommé Richard le Blanc sur le boulevard Richard Lenoir et un Espagnol sur celui des Italiens.
Ainsi qu'un aréopage de vieux tapins, vauriens du quartier, clodos affamés, incurables antisémites, et flics ratonneurs.
L'aimable rengaine du film devient un hommage sans espoir à ceux qui en bavent et à un certain Paris du populo.
Juliette Gréco la chanta en 1951.


Profitons de l'occasion pour insister sur le fait que Prévert ne fut pas que le poète un peu niaiseux qu'on nous apprit à l'école mais, à ses heures, un véritable teigneux. Démonstration : ce texte de circonstance très joliment dit par un Serge Reggiani très en verve : "Tentative de description d'un dîner de tête à Paris, France".


mercredi 25 mai 2016

Du côté du Chat Noir (8) : Charles Cros


Charles Cros est né en 1842 à Fabrezan (11200) et mort en 1888 à Paris.
Et ne serait-ce que pour le tourne-disque, Charles, on t'aime !
Imaginez, ce petit gars de Lagrasse (antique et charmant village de l'Aude, aujourd'hui proie de cultureux fortunés) a inventé successivement le télégraphe automatique (1867), la photo couleur en trichromie (1869) et le paléophone (1877) prototype du phonographe que ce businessman d'Edison va aller breveter avant lui.
Ça, c'est le côté scientifique du bonhomme.
Le moustachu a aussi été membre des Vilains Bonhommes, des Hydropathes (d'Émile Goudeau et de son pote Maurice Mac Nab) et créé Cercle des Zutistes, tous éminents poètes.
Il a brûlé les planches du Chat Noir avec ses fameux monologues (le Hareng saur) et s'est révélé un sacré précurseur des surréalistes.
Extrait :
Je me distrais à voir à travers les carreaux
Des boutiques, les gants, les truffes et les chèques
Où le bonheur est un suivi de six zéros.

Je m'étonne, valant bien les rois, les évêques,
Les colonels et les receveurs généraux
De n'avoir pas de l’eau, du soleil, des pastèques


Voici un autre de ses poèmes en guise d'avertissementAux imbéciles, ici chanté par Jean-Luc Debattice. (Suffit de cliquer sur le titre).

Et sa célèbre Berceuse par Juliette Gréco (1969, musique de Yani Spanos)


Charles Cros fut même chanté par Brigitte Bardot : Sidonie sur l'album Vie Privée (1962)

samedi 12 octobre 2013

Le Bestiaire de Paris

    Le Bestiaire de Paris *, long poème en alexandrins de Bernard Dimey, est sans doute une des oeuvres les plus ambitieuses du chansonnier. Il en existe deux versions.

    La première fut enregistrée en 1962 et interprétée par Juliette Greco et Pierre Brasseur (il faudra attendre 1995 pour que ce chef d'oeuvre soit enfin édité !). La seconde le fut en 1974 avec Marcel Mouloudji, Magali Noël et Dimey lui même comme récitants. La musique est de Francis Lai (le fameux futur compositeur de musique de films) qui, tout juste débarqué de Nice et louant un appartement  au-dessus du Pichet du tertre, s'était lié d'amitié avec Dimey. Dimey s'était fixé au Pichet** en 1958 (comme il se fixera plus tard, pas bien loin de là, au Gerpil, voir ici) quelques temps après sa "montée" à Paris (le bougre venait de Haute-Marne et avait vivoté quelques temps à Troyes).

   Le Pichet géré par un certain Oberto Attilio fait déjà figure de relief de la grande tradition cabaretière montmartroise, sur une butte déjà salement carte-postalisée. L'endroit fait à la fois office de galerie de peinture et de cabaret accueillant les jeunes premiers :  le lieu devînt incontournable et on pouvait y croiser entre autres :  Brel, Mouloudji, Monique Morelli, Cora Vaucaire, Nougaro, Pierre Barouh, René-Louis Lafforgue, Catherine Sauvage, Guy Béart, Aznavour, Michel Simon, Serrault et Poiret, Jean Yanne...!!
  

Greco et l'artiste en jeune homme imberbe      
    
    On pourra écouter avec profit  ici   la version quelque peu sarcastique que Dimey donne de l'émulation artistique qui régnait dans la fameuse (fumeuse ?)  taverne...                                           
    Dimey et Lai composèrent des dizaines d'autres chansons au Pichet : " Bernard avait une faculté d’écrire à une vitesse incroyable. Au Pichet on a passé des nuits invraisemblables pendant lesquelles le challenge était d’écrire le plus de chansons possibles..." ***
                                      
Mais revenons au Bestiaire... 
                                                                                     
    " Le Bestiaire, se souvient Francis Lai, c’était notre récréation au Pichet, on se mettait au fond dans une petite salle réservée pour nous ; et, là, tous les soirs Bernard Dimey déclamait ses quatrains sur Paris ; je jouais derrière, improvisant la plupart du temps ; le Bestiaire est né comme ça au fur et à mesure."
" Au bout de deux ou trois mois, confie Francis Lai, il y avait une musique qui s’était composée par l’improvisation mais qui collait au texte. " 


     Quant à  Dimey, il  se rappelait : " À l’origine, le Bestiaire devait être un livre orné de gravures d’un peintre aux dons éblouissants, Jean-Claude Dragomir. Hélas, il n’a pas su m’attendre ; il est allé s’éclater la tête sur une route de banlieue. J’ai su que notre livre ne se ferait jamais ; alors le soir à Montmartre entre deux verres, j’en disais de longs extraits à mes amis du Pichet du tertre ou d’ailleurs… Francis Lai prenait un accordéon et m’accompagnait « à la feuille » laissant glisser sa mélodie sous les mots avec le génie subtil qu’il détient sans le savoir ".                                                             Rue Saint-Vincent par Dragomir.

    Le Bestiaire**** brasse déjà les thèmes de prédilection de Dimey : le monde interlope de la nuit, sa voyoucratie, l'alcool et les débits de boisson, les prostituées et les travelos, la religion, la mort, et par dessus tout la disparition d'un certain monde et la dérive dans ces ruines.
    Mais trêve de palabre, quand on a rien à dire...
    Voici les deux versions du Bestiaire. Quant à nous, nous avons une petite préférence pour la version Brasseur/Gréco qui sonne plus sépulcrale encore...










* Ce texte n'est que la synthèse des belles recherches effectuées par Francis Couvreux accompagnant le disque  Bernard Dimey et ses premiers interprètes (1959-1961), publié chez Frémeaux et associés. Même s'il n'est pas dans l'habitude de ce site de renvoyer vers des liens commerciaux, on ne peut être qu'espanté par le travail effectué par Frémeaux... leur catalogue est insondable.
    
** C'est ce même Pichet qu'un groupuscule néo-fasciste aidé de commerçants du quartier tenta de "sauver" d'une transformation annoncée. L'enseigne de fast food Starbuck avait en effet jeté son dévolu sur l'endroit. Les médias nationaux se firent largement l'écho de cette brillante initiative; on se demande bien pourquoi...
    Bien évidemment, ces gens-là ne voit pas que l'identité qu'ils défendent n'existe plus depuis bien longtemps déjà et que Montmartre comme l'idée qu'ils se font du populo parisien n'est plus qu'une coquille vide. On ne doute pas que ce qui se servait dans feu ce Pichet devait être la même piquette mondialisée que n'importe où, quelle que soit l'enseigne... 
   Bien sûr , ces tarés accusent le cosmopolitisme, concept vague et creux mais bel et bien raciste.  Il ne leur viendra jamais à l'esprit que ce qui a tué l'âme de Paris (car oui il y en avait une, comme des campagnes françaises par ailleurs...) ce sont peut-être au hasard et entre autres choses, la place nette faite aux voitures, la vogue du tourisme, l'urbanisme et les diverses politiques de la ville qui ont littéralement vidé Paris de ses habitants pour les parquer à la marge, dans des clapiers. 
    Bon, ça a toujours été une caractéristique du fascisme de brandir des symboles plutôt que de parler de la réalité. Laissons là ces imbéciles.

*** Interview de Francis Lai par Francis Couvreux.

**** Des bestiaires à proprement parler, on en trouve à foison dans l'oeuvre de Dimey. On pense notamment au Bestiaire d'autre part dans Sable et Cendre (éditions Christian Pirot). Ou en musique,  à L'hippopotame, à Je ressemble aux poissons... et au Zoo interprété ici par Jehan  sur l'album Divin Dimey.