Et ceux d'Arrasate en 1987
Et ceux d'Arrasate en 1987
Le maire de l'époque a reçu de nombreux individus et plus de deux cents appels téléphoniques. Il parlait aux journalistes, aux policiers, à la Maria Teresa Campos¹, aux émissions de la télévision basque et au président de la communauté autonome de Navarre. À un tas de gens connus. Il s'est pas mal affaibli. Il ne dormait presque plus. Mangeait peu. Il était sempiternellement entouré d'étrangers et répondait à deux téléphones portables en même temps. Une chose chassant l'autre.
Qui l’eut cru ? On avait vécu avec un collectionneur. Mais celui-là ne s'était pas passionné pour les timbres ou pour les images de footballeurs. Il se contentait de nettoyer la contrée de tous ceux qui rôdaient autour de son troupeau. Il les tuait et leur tranchait les mains. Aux voleurs de bétail. Pour les conserver ensuite dans le sel. Nous, on pouvait l'entendre. On doit défendre sa propriété envers et contre tous. Mais du monde extérieur, on n'a reçu que de la merde et du venin. Ce n'était que sauvageries incompréhensibles pour les esprits comme il faut.
Un village enchâssé dans les brumes des montagnes basques, non loin de la frontière française. Qui se maintient à l'écart d'un monde qu'il méprise et qui l'agresse.
Un village dont plusieurs habitants sont décrits comme correspondants à un félin particulier. D'où leurs surnoms d'Hommes Chats.
Un village dont une bonne partie de la population, traditionnellement catholique, a choisi le camp des vainqueurs durant la guerre civile mais autour duquel des guérilleros anti-franquistes ont longtemps rodé.
Un village qui cache de terribles secrets. Outre les jalousies, rivalités ou haines qui se résolvent de façon tragique ou cocasse, une rumeur persistante fait état de cadavres aux mains coupées, on ne sait par qui ni pourquoi.
Jusqu'à ce que le brouillard se lève sur la scène des crimes.C’est un de ces jours où tu vas peinard, en plein registre zen, avec ta respiration biodynamique et tes chakras ouverts plein pot, te faire vacciner à cause de l’autre cochonnerie chinoise et il faut que débarque le flic municipal le mieux noté de sa promotion para-olympique pour te prendre le chou alors que ça fait à peine deux minutes que tu es stationné là et qu’il te sort que ça fait une demi-heure que tu es garé et alors, tu lui réponds la vérité, que ça fait trente secondes, qu’il n’est qu’une merde et qu’il peut toujours te la sucer et qu’il le prends super mal alors qu’il devrait être habitué vu qu’on les entraîne à ça dans leurs académies de chiens de garde mais qu’il te lâche la totale, qu’il va le dire au juge et toi tu réponds que d’accord, que le juge vienne te la sucer aussi. Le tout s’est déroulé en deux secondes, puis tu prends l’amende, en fait une boulette, la jette et elle atterrit sur le front du grand connard qui recule et donc, tu as gagné, comme c’est justice, et tu penses que tu lui as fermé le bec et que tu es enfin libre.
Et puis finalement non. Vient le jour du procès où revoilà l’autre enfoiré de municipal avec d’autres têtes de nœuds et tu le défie du regard jusqu’à qu’on passe à autre chose puis tu entres dans la salle parce qu’on t’appelle et que lorsque le procureur te demande si c’est vrai que tu as dit au municipal qu’il te la suce, tu réponds la vérité. Que pas du tout. Et lorsqu’il te demande si c’est vrai que tu as dit que le juge te la suce aussi et qu’il se trouve que la juge est une pure beauté, alors tu réponds que ça, tu l’as peut-être dit mais que tu ne t’en souviens pas vraiment bien parce qu’on t’avait vacciné et que t’avais encore des traces de junkie au bras et que t’étais mort de trouille de te choper un AVC. Et pour conclure, on en vient au truc de la boulette de papier et toi, ben non, ça c’est pas passé comme ça, juré, craché. Puis vient la sentence et tu te retrouves à devoir payer trois cent euros, que tu n’as pas, à un imbécile qui touche deux mille balles par mois pour arrêter des boulettes de papier avec son front. Si c’est à ça qu’il se consacre, qu’il se fasse clown dans un cirque, l’autre con. En fin de compte, au moins, la nuit même, tu te branles en pensant à la juge. Branlette un peu hors de prix mais bon, on est pas là pour jeter l’argent par les fenêtres.
Pour commencer, à cause du speed, on a saigné des gencives puis on perdu nos dents, puis finalement la garde des enfants pour avoir transité des afters aux urgences puis on a accumulé des séparations, des procès pour agressions, résistances à l’autorité, comparutions immédiates, comparutions au long cours, comparutions perdues, moitié regagnées, séparations de biens, assistantes sociales, poli toxicomanies, gosses qui te haïssent, chômage, boulots de merde, parents qui finissent par pardonner, copines qui ne le feront jamais, voisins qui ne t’adressent plus la parole, contrôles anti-terroristes, copains morts les bottes aux pieds, disques vinyles, maquettes et fanzines. Et voilà qu’il faut que je dégotte trois cent balles et que je dois vendre ma collection de fanzines Masakre et Si Volem, la première maquette de Nocivo, un CD de Cólera qui sonne génial parce que même si mon ex à la somme, elle ne veut pas me la refiler mais je vais me les démerder rapidement.
Ouvrir un crowfunding parce que j’en peux plus de cette bande de fils de chiennes. Vous pigez ou je dois tout réexpliquer sans le côté biodynamique ? Il me faut trois cent balles là, tout de suite !
Sinon, allez vous faire un selfie avec vos morves écarlates sur Instagram.
Josu Arteaga
Traduction maison