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jeudi 5 janvier 2023

Une nouvelle tambour battant de Josu Arteaga

 

Allez, petite distraction de début d'année grâce au camarade Bidon Fumant dans son émission Un frisson dans la nuit du 16 décembre dernier, avec une nouvelle radiophonique de Josu Arteaga, La grosse caisse (parue, superbement illustrée par Matt Konture dans le Chéri Bibi n12).
Il y est question des mille et un usages du rock'n roll et de ses fondations : la batterie. 
Et ça peut se déguster ou télécharger à cette adresse.
On se permet juste de rappeler au distrait que le sieur Arteaga s'appelle Josu (se prononce Yochou) et pas José et que son ouvrage s'appelle Histoire universelle des hommes chats et pas la malédiction, ce qui serait d'ailleurs assez drôle.
Par contre, la magie du hasard fait que le premier morceau, celui de Wire, a été très heureusement repris par le groupe célèbre du bled de Josu, les RIP
Jugez-en donc : ceux de Londres en 1977

 

Et ceux d'Arrasate en 1987

 



lundi 21 février 2022

Qui sont les Hommes chats ?

 

Le maire de l'époque a reçu de nombreux individus et plus de deux cents appels téléphoniques. Il parlait aux journalistes, aux policiers, à la Maria Teresa Campos¹, aux émissions de la télévision basque et au président de la communauté autonome de Navarre. À un tas de gens connus. Il s'est pas mal affaibli. Il ne dormait presque plus. Mangeait peu. Il était sempiternellement entouré d'étrangers et répondait à deux téléphones portables en même temps. Une chose chassant l'autre.

Qui l’eut cru ? On avait vécu avec un collectionneur. Mais celui-là ne s'était pas passionné pour les timbres ou pour les images de footballeurs. Il se contentait de nettoyer la contrée de tous ceux qui rôdaient autour de son troupeau. Il les tuait et leur tranchait les mains. Aux voleurs de bétail. Pour les conserver ensuite dans le sel. Nous, on pouvait l'entendre. On doit défendre sa propriété envers et contre tous. Mais du monde extérieur, on n'a reçu que de la merde et du venin. Ce n'était que sauvageries incompréhensibles pour les esprits comme il faut.

Qu'avec les mains, il se faisait des attouchements pas catholiques. Je ne sais quoi encore à propos de fétiches. Qu'il était complètement cinoque. Que pendant des décennies, il avait terrorisé toute la région. Qu'il était impossible que les autres n'aient rien suspecté. Qu'on avait encore peur de parler alors qu'il était mort. Qu'on était complices. Par ce qu'on s'était tus et qu'on n'avait pas voulu alerter qui que ce soit. Qu'on entravait l'enquête. Que nous vivions en pleine folie. Que vivre éloignés du monde avait fait de nous des misérables. Que si ça se trouve, c'était nous, ses propres voisins, qui avions mis le feu pour nous libérer de ce fou. Que nous représentions l'Espagne Noire. Que nous étions tous coupables. Et je ne sais combien d'autres conneries.
Josu Arteaga Histoire universelle des Hommes-chats (Nouveau Monde) 

L'auteur ne dédaigne pas taquiner la muse du rock et la mythologie du western spaghetti made in Spain.
Avec ses deux complices de la Banda del abuelo.

 

Un village enchâssé dans les brumes des montagnes basques, non loin de la frontière française. Qui se maintient à l'écart d'un monde qu'il méprise et qui l'agresse.

Un village dont plusieurs habitants sont décrits comme correspondants à un félin particulier. D'où leurs surnoms d'Hommes Chats.

Un village dont une bonne partie de la population, traditionnellement catholique, a choisi le camp des vainqueurs durant la guerre civile mais autour duquel des guérilleros anti-franquistes ont longtemps rodé.

Un village qui cache de terribles secrets. Outre les jalousies, rivalités ou haines qui se résolvent de façon tragique ou cocasse, une rumeur persistante fait état de cadavres aux mains coupées, on ne sait par qui ni pourquoi.

Jusqu'à ce que le brouillard se lève sur la scène des crimes. 
 

¹ Maria Teresa Campos : animatrice de différents talk-show de la télévision espagnole.

 

lundi 19 juillet 2021

Morves écarlates

C’est un de ces jours où tu vas peinard, en plein registre zen, avec ta respiration biodynamique et tes chakras ouverts plein pot, te faire vacciner à cause de l’autre cochonnerie chinoise et il faut que débarque le flic municipal le mieux noté de sa promotion para-olympique pour te prendre le chou alors que ça fait à peine deux minutes que tu es stationné là et qu’il te sort que ça fait une demi-heure que tu es garé et alors, tu lui réponds la vérité, que ça fait trente secondes, qu’il n’est qu’une merde et qu’il peut toujours te la sucer et qu’il le prends super mal alors qu’il devrait être habitué vu qu’on les entraîne à ça dans leurs académies de chiens de garde mais qu’il te lâche la totale, qu’il va le dire au juge et toi tu réponds que d’accord, que le juge vienne te la sucer aussi. Le tout s’est déroulé en deux secondes, puis tu prends l’amende, en fait une boulette, la jette et elle atterrit sur le front du grand connard qui recule et donc, tu as gagné, comme c’est justice, et tu penses que tu lui as fermé le bec et que tu es enfin libre.

Et puis finalement non. Vient le jour du procès où revoilà l’autre enfoiré de municipal avec d’autres têtes de nœuds et tu le défie du regard jusqu’à qu’on passe à autre chose puis tu entres dans la salle parce qu’on t’appelle et que lorsque le procureur te demande si c’est vrai que tu as dit au municipal qu’il te la suce, tu réponds la vérité. Que pas du tout. Et lorsqu’il te demande si c’est vrai que tu as dit que le juge te la suce aussi et qu’il se trouve que la juge est une pure beauté, alors tu réponds que ça, tu l’as peut-être dit mais que tu ne t’en souviens pas vraiment bien parce qu’on t’avait vacciné et que t’avais encore des traces de junkie au bras et que t’étais mort de trouille de te choper un AVC. Et pour conclure, on en vient au truc de la boulette de papier et toi, ben non, ça c’est pas passé comme ça, juré, craché. Puis vient la sentence et tu te retrouves à devoir payer trois cent euros, que tu n’as pas, à un imbécile qui touche deux mille balles par mois pour arrêter des boulettes de papier avec son front. Si c’est à ça qu’il se consacre, qu’il se fasse clown dans un cirque, l’autre con. En fin de compte, au moins, la nuit même, tu te branles en pensant à la juge. Branlette un peu hors de prix mais bon, on est pas là pour jeter l’argent par les fenêtres.

Pour commencer, à cause du speed, on a saigné des gencives puis on perdu nos dents, puis finalement la garde des enfants pour avoir transité des afters aux urgences puis on a accumulé des séparations, des procès pour agressions, résistances à l’autorité, comparutions immédiates, comparutions au long cours, comparutions perdues, moitié regagnées, séparations de biens, assistantes sociales, poli toxicomanies, gosses qui te haïssent, chômage, boulots de merde, parents qui finissent par pardonner, copines qui ne le feront jamais, voisins qui ne t’adressent plus la parole, contrôles anti-terroristes, copains morts les bottes aux pieds, disques vinyles, maquettes et fanzines. Et voilà qu’il faut que je dégotte trois cent balles et que je dois vendre ma collection de fanzines Masakre et Si Volem, la première maquette de Nocivo, un CD de Cólera qui sonne génial parce que même si mon ex à la somme, elle ne veut pas me la refiler mais je vais me les démerder rapidement.

Ouvrir un crowfunding parce que j’en peux plus de cette bande de fils de chiennes. Vous pigez ou je dois tout réexpliquer sans le côté biodynamique ? Il me faut trois cent balles là, tout de suite !

Sinon, allez vous faire un selfie avec vos morves écarlates sur Instagram. 

Josu Arteaga

Traduction maison  



mercredi 22 août 2018

Notre belle jeunesse


C’étaient ces temps froids et sauvages qui ont emporté mon frangin en moins de temps qu’il n’en faut pour télécharger un film sur l’émule. On a dispersé ses cendres à l’embouchure du Pagasarri et on a observé les courants d’air les dégueuler au loin, même si je reste persuadé qu’une partie a filé directos dans mon estomac. Des fois, il me fait tellement mal que je n’ai plus le moindre doute à ce sujet.
Ça aurait pu arriver n’importe comment, en s’envoyant un cocktail de pneumonie et de tuberculose avec de la poudre de ciment au lieu de la pâtissière, avec une fixette sortie d’une fosse septique ou shooté par le train de Plencia sans pouvoir virer son survêtement des rails. Mais c’est le virus qui l’a niqué. Bien avant que les virus ne se propagent par envois d’e-mails et n’aillent effacer les dossiers de ton disque dur. La Bête, comme on l’appelait. Après, on lui a donné d’autres noms : VIH, Sida, syndrome d’immunodéficience. Toujours cette vieille histoire de noms à la con qu’on donne à cette bonne vieille mort.
Il est entré chez nous quand personne ne s’y attendait, comme ces casses-couilles de Jéhovah qui viennent dans l’après-midi te brouter les burnes avec la parole de Dieu. C’était avant que les téléphones ne perdent leur cordon torsadé pour se retrouver à se balader dans les poches des gens. Avant que Tata Wikipedia n’ait réponse à tout. Et ni les marchandises étalées au marché, ni Informe Semanal, ni Sa Majesté le Roi dans son discours de vœux de bonne année ne nous ont expliqué pourquoi on devait crever si jeunes et si beaux.

 
C’est dans ces eaux-là qu’on a monté le groupe. On n’avait aucune technique musicale, mais on y mettait une furie qui effrayait les pires Rambos du quartier. Rien à voir avec aujourd’hui où tout est devenu pédanterie. Je me souviens de nos premiers accords : une bombe de rage prête à exploser ! Une vitesse vertigineuse pour traverser la vie. On a commencé dans la cave de la vieille à Bataka. Son grand-père élevait des lapins là-dedans, mais les voisins avaient porté le pet parce que ça schlinguait velu dans l’entrée. Le syndic avait donc exigé que le vieux tue ses bestiaux. Ce qui fut fait. On le croisait, errant sans but dans les rues, morne, avec un air de lapin, jusqu’à ce que la prostate l’emporte. À moins que ça n’ait été la myxomatose.
On a donc dû nettoyer la merde laissée par les grandes oreilles et en quelques semaines, on l’a remplacée par notre propre merde. (...)




Pelukas passait au local pour jouer de temps en temps. Il avait des paroles zengagées et il voulait nous faire passer du côté du Émélénevé* mais on lui riait au nez. On était des délinquants, rejetons de travailleurs immigrés et on vivait dans des quartiers à l’esthétique toute soviétique, dans des cubes aux murs épais comme du papier à rouler. L’alcool, les humiliations, le pointage au chômage, la reconversion industrielle, les aides sociales et de la drepou dans les veines, voilà la réalité. L’été, on partait en Estremadura où on nous appelait « les Basques » et à Bilbao, nous n’étions que des Estrémègnes, bref, des parias où qu’on aille. Vraiment rien à envier aux familles déstructurées d’aujourd’hui.

Josu Arteaga Les Rats de Biscaye (2015)
L'intégralité du texte est à lire 
* Mouvement de Libération National Basque