lundi 5 juin 2023

L'été sera punk

 


Deux mois après la manif contre les méga-bassines à Sainte-Soline, on sort une compil’ de soutien à Serge et Micka, tous deux tombés dans le coma suite aux affrontements avec la police lors de celle-ci.
https://pasuneminutedesilence.bandcamp.com.
Une compil’ histoire de ne pas laisser le temps nous faire accepter ou oublier les mutilé.e.s et les blessé.e.s de la guerre sociale, de ne pas laisser les proches seul.e.s avec les galères de thune, de partager des idées et de filer de la niak aux personnes qui continuent à lutter contre ce monde d’exploitation.
Dans ces moments, c’est aussi la solidarité qui fait notre force, qui peut nous permettre d’encaisser les coups, de faire face à la peur et de tenir sur la durée. D'ailleurs elle ne s’est pas faite attendre et pas
mal d’actions ont eu lieu dans différents pays. Chacun.e.s selon les moyens qui leur semblaient adéquats, mais toujours sans concession avec l’État et ses aspirants… 
On rentre donc dans la danse à notre manière. Avec cette compil’ de punk. Parce qu’une partie de notre politisation, de notre rébellion et de notre refus du système est issue de cette culture et que nous
continuons à voir dans ce mouvement un vecteur de contestation sociale et d’entraide. Un endroit d’auto-éducation face à ce monde qui aurait voulu nous voir abrutis par les rêves de réussite sociale qu’il nous fait miroiter et dociles en échange de cet argent qu’il a rendunécessaire à notre vie quotidienne.
Pas une minute de silence,  les sales gosses ne se taisent pas face aux coups durs donnés par l’État.
Rien n’est fini, mais tout commence...
Force aux rebelles du monde marchand.

 

Si vous souhaitez filer un peu de soutien, nous vous encourageons à le faire directement sur la cagnotte mise en place par les camarades du S., afin d'éviter d'en filer une partie importante en frais divers (Bandcamp, PayPal).
La version cassette et CD devrait arriver vers le 15 juin. Si ça vous dit, il est possible de la commander dès à présent en nous contactant directement (contact: cybergod@stonehengerecords.com). Elle vous sera envoyée directement dès qu'on les aura entre nos mains.
 

 

mardi 9 mai 2023

Le seul juge supportable



Au cas où notre honorable lectorat en douterait, nous avons toujours eu des rapports exécrables, dans le meilleur des cas empreints de méfiance, avec l'institution judiciaire.  
Le seul magistrat qui trouve gâce à nos yeux est Finlandais. 
Hannu Juhani Nurmio, aka Tuomari Nurmio (juge Nurmio) alias Judge Bone est né à Helsinki en 1950 et doit son bizarre surnom à son doctorat en droit (thème de sa thèse "Abolition de la torture en droit international") dont il ne s'est jamais servi professionnellement. Par contre, il est un des auteurs compositeurs interprètes les plus respecté de son pays et ses premiers albums sont reconnus comme des classiques maniant un finnois poètique et populaire (enfin dixit les connaisseurs, parce que le finnois, pour notre part...)
Amoureux de blues, country, bluegrass et autres musiques du Diable, le gars se lance d'abord dans de la zizique en anglais avec les Dusty Ramblers. Nurmio a repris cette veine en devenant Judge Bean (en référence à Roy Bean, juge atrabilaire autoproclamé de Langtry) puis Judge Bone associé à Joe Hill, son batteur favori, Markku Hillilä de son vrai nom. Un troisième LP est prochainement attendu.
les voici dans Dry Bones

Nurmio est aussi membre d'un groupe de folk qui accompagne divers chanteurs de passage en Finlande et le gars apparaît avec le groupe de métal Korpliklaan.
Mais il reste avant tout apprécié pour ses chansons à la gloire des prolos et autres oiseaux de nuit. On se demande encore comment ça se fait qu'on ne l'ai pas vu apparaître dans un film de Kaurismäki, allez savoir...
Tonnin Stiflat, de 1999 variation poètique sur une errance de bars en bars avec une tonne de cafard est un très bel exemple de son talent. Allez, la cour vous refile un non-lieu mais n'y revenez plus.

mardi 2 mai 2023

Irlande, la "guerre des Tans"

Black and tans en action
 
Contrairement à certaine idée reçue, l'empire britannique a toujours eu une politique exquise pour traîter ses sujets des colonies et autres dominions.
Une chanson fort connue nous permet un petit éclairage sur un épisode de l'histoire irlandaise pas si connu malgré le nombre de groupes l'ayant joué ou de représentations cinématographiques.
Résumons en vitesse, En 1920 voilà plus ou moins trois siècle que l'île vit sous le joug anglais qui y a imposé des nobles et des colons, persécuté langue et religion, créé artificiellement une famine dont Staline reprendra la recette pour l'Ukraine et vidé l'Irlande d'un tiers de ses habitants contraints à l'exil. 
Après avoir fabriqué des martyrs à la pelle au cours de ces siècles, les nationalistes évoluant en républicains irlandais se lassent d'espérer un éventuel statut d'autonomie et une branche d'idéalistes et de socialistes déclenchent un soulèvement à Paques 1916, on vous a raconté ça en son temps.  
Suite à cette rébellion ratée, les Irlandais se soulèvent à nouveau en 1918, en adoptant ce coup-là des tactiques de guérillas urbaines et rurales grâce aux flying columns (colonnes mobiles) de leur organisation flambante neuve, l'IRA. 
IRA de Kerry nord

Cette armée républicaine se double d'un gouvernement provisoire, le Dáil, qui va régner petit à petit sur des portions entières du pays.
Pauvrement armés mais redoutablement organisés par leur chef du renseignement, Michael Collins, ennemi des affrontement en rase campagne, les volontaires de l'IRA parviennent à établir un climat de terreur pour la police royale puis pour l'armée britannique.
Qui va donc appliquer d'efficaces méthodes de contre-insurrection.
Infiltration, retournements, tortures, exécutions sommaires, rien ne sera épargné aux rebelles. 
Mais l'arme de destruction massive des Anglais sera l'emploi d'une force auxiliaire de 16 000 hommes recutés chez les ancien combattants des tranchées, les Royal Irish Constabulary Special Reserve, plus communèment connus comme Black and tans (noir et fauves) en référence à leur uniforme de bric et de broc.
Force militaire d'occupation autonome incontrolée complètement coupée de la population, les "Tans" vont cristalliser la haine des Irlandais en leur rendant bien. Pillages, exécutions ciblées ou au petit malheur, viols, incendies de villages entiers, ces soudards se rendront célébre dans le monde entier par de nombreux articles de correspondants de presse étrangers. 
On leur doit, entre autre, le premier Bloody sunday, celui du 21 novembre 1920 à Dublin. En représaille à l'exécution par l'IRA urbaine de 14 mouchards et officiers des services secrets, les Black ans tans mitraillèrent le public d'un match de football gaélique laissant 14 morts et 65 blessés. 
Bien entendu, ils devinrent une cible privilégiée de l'IRA et dès la semaine suivante, à Kilmichael, le détachement de Tom Barry en descend 17 dans une embuscade.
Cette spirale de violence ne se calme que lorsqu'un traité est signé en mars 1921. Traité qui débouche sur un état libre, une partition de l'île et une guerre civile entre anciens frères d'armes en 1922. Mais c'est une autre affaire...
Donc, la chanson : il s'agit bien entendu de Come out, ye black and tans (Viens faire un tour dehors, black and tan). Elle fut écrite par Dominic Behan, frère de Brendan Behan, écrivain et membre de l'IRA, en 1928 comme un hommage à leur père, Stephen, qui avait combattu ces brutes les armes en main. La mélodie vient d'un traditionnel du XVIIIème, Rosc Catha na Mumhan également détourné par les loyalistes pour leur Boyne water.
Parmi les centaines de version, la plus connue est sans conteste celle des Wolfe Tones de 1972.
La voici avec des extraits des films Michael Collins de Neil Jordan (1996) et Le vent se lève de Ken Loach (The Wind that shakes the Barley, 2006)
 

 

Dans les paroles, un républicain se querelle avec un unioniste, se gaussant de la manière dont il a gané ses médailles dans les Flandres et de la déculotté que leur a fait subir l'IRA à Killeshandra (comté de Cavan) tout en le priant aimablement de venir "enfin se battre d'homme à homme". 
Non sans rappeler au soldat brit' comment ses semblables ont traité Zoulous et Arabes d'Aden en torturant et exécutant à tout va.

jeudi 27 avril 2023

On fait tourner

 

Communiqué des parents de Serge

Un mois après le tir de grenade qui a gravement blessé à la tête notre fils Serge, le 25 mars 2023, lors de la manifestation contre les mégabassines de Sainte-Soline, l’incertitude subsiste concernant son avenir.

Selon les critères médicaux purement cliniques, Serge est sorti du coma. Cela signifie qu’il entrouvre les yeux, mais nullement qu’il est réveillé.

Les soins qui lui ont été dispensés depuis son arrivée à l’hôpital ont visé à juguler diverses lésions et infections. Celles-ci ont pour origine le tir de grenade dont il a été victime, mais aussi les conditions dans lesquelles les premiers secours lui ont été dispensés sur les lieux mêmes de la manifestation – les forces de l’ordre interdisant aux pompiers et aux ambulances d’accéder aux personnes blessées pour les prendre en charge.

Ces soins ont contribué à ce que l’état de Serge, qui reste d’une « extrême fragilité », ne se dégrade pas davantage. Cela permet d’espérer son retour à la conscience, mais ce n’est pas encore le cas.

A ce jour, il est impossible d’affirmer que Serge va recouvrer ses esprits et l’usage de son corps (ses membres et ses sens, sa capacité de respirer et de parler) ou d’évaluer les séquelles de sa blessure, et une rechute infectieuse demeure à craindre.

Son pronostic vital reste donc engagé. C’est pourquoi nous dénonçons toute utilisation qui pourrait être faite de la sortie de son coma : Serge est malheureusement fort loin d’être tiré d’affaire. Prétendre le contraire serait un pur mensonge.


Les parents de Serge,

le 26 avril 2023

Merci de diffuser ce communiqué le plus largement possible.


 

 



lundi 27 mars 2023

Ils veulent nous tuer

 

Communiqué au sujet de S., camarade au pronostic vital engagé à la suite de la manifestation de Sainte-Soline

Samedi 26 mars à Sainte Soline, notre camarade S. a été atteint à la tête par une grenade explosive lors de la manifestation contre les bassines. Malgré son état d’urgence absolue, la préfecture a sciemment empêché les secours d’intervenir dans un premier temps et d’engager son transport dans une unité de soins adaptée dans un second temps. Il est actuellement en réanimation neurochirurgicale. Son pronostic vital est toujours engagé.

Le déferlement de violences que les manifestants ont subi a fait des centaines de blessés, avec plusieurs atteintes graves à l’intégrité physique comme l’annoncent les différents bilans disponibles. Les 30 000 manifestants étaient venus dans l’objectif de bloquer le chantier de la méga-bassine de Sainte-Soline, un projet d’accaparement de l’eau par une minorité au profit d’un modèle capitaliste qui n’a plus rien à défendre sinon la mort. La violence du bras armé de l’État démocratique en est la traduction la plus saillante.

Dans la séquence ouverte par le mouvement contre la réforme des retraites, la police mutile et tente d’assassiner pour empêcher le soulèvement, pour défendre la bourgeoisie et son monde. Rien n’entamera notre détermination à mettre fin à leur règne. Mardi 28 mars et les jours suivants, renforçons les grèves et les blocages, prenons les rues, pour S. et tous les blessés et les enfermés de nos mouvements.

Vive la révolution.

Des camarades de S.

PS : Si vous disposez d’informations concernant les circonstances des blessures infligées à S., contactez-nous à : s.informations@proton.me

Nous souhaitons que ce communiqué soit diffusé le plus massivement possible ...

(Dont acte)

 



vendredi 24 mars 2023

Sa majesté la foule

Ici, même les mémés aiment la castagne


De notre correspondant

Toulouse, 23 mars 2023, 6h30 du matin. Des barrages filtrants ou enflammés sont en place aux entrées Sud, Ouest, Nord (à l'est rien de nouveau). Mention spéciale au barrage enflammé sur le périphérique ouest qui provoqua le plus monstrueux embouteillage de l'année. 

L'intervention de la BAC sur la zone industrielle de Sesquières, au nord, a tout de même abouti sur une quinzaine d'arrestations. Ce qui est un peu cher payé. Ambiance...
Dans la région, les barrages sont en place à Auch, Montauban, Albi, Tarbes, Foix.....
 
16h30, la tête de la manifestation partie de St Cyprien à 15h (30 000 selon les flics, 100 000 selon la CGT) arrive en plein centre-ville à la place Jeanne d'Arc. 
Cette tête de cortège est formée de non syndiqués, reste de GJ, jeunes et vieux gens en noir et tout ce qui refuse de défiler derrière un SO en général.
Présence policière massive et les pelotons de la BAc viennent coller aux manifestants.
À l'entrée de la rue Denfert-Rochereau tombent première grenades destinées à diviser ce groupe de tête de la manif syndicale. C'est là que le miracle se produit : au lieu de se disperser sous les gaz, sa majesté la foule (King mob chez les Brits) réplique, s'enflamme, se bat, se défait pour se reformer derrière les poulets, se fluidifie, élève des barricades, chante, se marre, abat les pauvres vitrines des banques, agences immobilières et d'intérim. Pendant trois heures, les boulevards toulousains seront un incessant jeu de chat et souris avec deux escadrons de CRS munis de deux canons à eau, effectuant des aller/retours Jaurés / Arnaud Bernard sans arriver à disperser qui que ce soit vu que les rues alentour flambent et que SM la foule les attaque régulièrement dans le dos. 
La scène du jour : un groupe d'une douzaine de baqueux charge au kiosque de presse de Jeanne d'Arc pour appréhender un gars. Toute la rue à leur droite fait demi-tour pour leur tomber dessus à bras raccourci, à coup de projectiles, de tabourets de bar, de parasols et les cow-boys fuient en emportant deux blessés chez eux. Sous le regard, 100 mètres plus loin, d'une escouade de CRS qui ne lève pas le petit doigt pour secourir des collègues qu'ils haïssent cordialement.
Notons pour les crétins ou francs salauds faisant la différence entre bons et mauvais manifestants qu'il y a là des jeunes, des vieux, des hommes, des femmes, des lycéens, des chasubles syndicales, des fainéants, des travailleurs, en somme un bon nombre de lapins ayant décidé de devenir chasseurs, pour voir l'effet que ça fait.
À part les boulevards, les troubles s'étendent au secteur Capitole, Esquirol, Saint Pierre, Matabiau. 
Pause musicale avec tube immortel et en play-back (1978)

 


Les graffitis fleurissent.
(La foule triomphera, Consommez local, bouffez vos flics, 1312, etc.)

Le côté rigolard s'exprime dans les chants, les slogans : Il fait beau, il fait chaud, sortez les canons à eau ! Ou on voit des milliers de gens reculer face à une charge en chantant On vous a niqué ! avant de se reformer au cul de la charge. Une rumeur court sur les grévistes d'Enedis ayant coupé le jus sur les quartiers concernés et, de ce fait, les caméras de surveillance. Qu'en est-il vraiment, on va pas tarder à être fixés. À la tombée de la nuit, la ville est illuminée de brasiers. Dans la pénombre d'un éclairage public déficient, entre deux incendies, des jeunes gens dansent au son d'un accordéon sur une place libérée. Bilan de la journée : la peur, cette sainte trouille par laquelle on prétend tenir la foule s'est envolée. On dirait même qu'elle a sauté dans la tranchée d'en face.

Comme un printemps avec un millier de 19 juillet. Esprit du feu, ne nous abandonne jamais !

 


 

dimanche 19 mars 2023

Pierre-Jean, l'autre Béranger, sic transit gloria mundi

 

Intéressante émission de Jean-Noël Jeanneney, Concordance des temps du 4 mars 2023 consacrée au cas du chanteur le plus célébré de la première moitié du XIXème siècle, Pierre-Jean de Béranger.
Outre faire un résumé de cette gloire populaire du Caveau Moderne et des goguettes (on ne disait alors ni cabarets ni café concerts) ce programme pose une très captivante question : celle de la notoriété ainsi que de sa postérité.
Comment, en effet, un artiste auquel Stendhal, Chateaubriand, Sue, Dumas, Goethe et surtout la plèbe rendirent hommage de son vivant finit-il plus ou moins aux oubliettes ?
 
La réponse tient sûrement en deux raisons. Une est la cause défendue par ce poète, un république (matinée de patriotisme et de nostalgie bonapartiste) désirée sous la Restauration comme devant guérir tous les maux mais qui se révélera, après les fusillades de juin 1848, pour ce qu'elle fut : un banquet pour la bourgeoisie qui exploita sans vergogne le peuple travailleur. Cette évidence de la lutte des classes rendit bien des œuvres de Béranger caduques. 
L'autre raison découle de la première. Décédé au début du second empire, les funérailles de Béranger furent l'occasion d'une mise en spectacle, d'une récupération grossière par un régime déjà dévalué né sous les coups de sabres et de baïonnettes. De quoi vous flinguer une réputation !
Il n'est qu'à comparer avec d'autres enterrements plus tardifs telles celles de Victor Noir ou de Jules Vallès.     
Ceci posé, relativisons l'oubli dont souffrit le bonhomme, sa tombe fut longtemps le lieu d'un pèlerinage annuel, il fut mis en musique par Hector Berlioz, Franz Liszt ou Édouard Lalo après sa disparition. De même, plus récemment, il est encore chanté dans de nombreux spectacles et cabarets.
Une de ses interprètes "moderne" fut Germaine Montéro, ici dans Les cinq étages, métaphore du sort d'une femme et du temps qui s'enfuit vues par le biais d'un immeuble parisien.