Serge Livrozet était d'une autre époque, pas meilleure ni pire, quasiment d'un autre monde.
Né en 1939 à Toulon de père inconnu et de mère prostituée ("je suis un authentique fils de pute!") il a un parcours de pauvre assez classique, de l'armée à une boite de pub, jusqu'à être victime d'un associé véreux. Qu'il cambriole en représailles. Et le cassement, quand on y a pris goût...
D'où un premier séjour à l'hôtel des gros verrous de 1961 à 1965.
En sortant, devenu forain par obligation (merci le casier) il écrit, adhère à la CNT et occupe la Sorbonne en 1968. Il se refait gauler en fin de cette même année pour avoir repris le turbin afin de financer une maison d'édition révolutionnaire.
Sorti en 1972, il cofonde, accompagné d'un parterre d'intellos en vogue, le CAP (Comité d'action des prisonniers) en pleine période d'émeutes carcérales.
Son premier livre, De la prison à la révolte sort en 1973, préfacé par Foucault.
Une nouvelle condamnation sera due à une remarque pleine de bon sens hurlée dans un tribunal : "Pourriture de justice française!". Phrase pour laquelle il se rétractera ensuite : " Je n’aurais pas dû dire pourriture de justice française... Mais pourriture de
toutes les justices, la française, la russe, l’américaine, etc."
S'ensuivent les luttes contre le QHS, la guillotine, etc. Et nous sommes un certain nombre a avoir été frappés par la lecture de son livre Hurle !
Ayant créé la maison d'édition Les Lettres libres en 1981, il est à nouveau arrêté en 1986 pour fausse monnaie. Acquitté mais ruiné en 1989, il zonera désormais entre ateliers solidaires et cinéma.
Le réalisateur Nicolas Drolc a d'ailleurs réalisé un documentaire sur sa personne en 2017, La mort se mérite, film qui n'a pas trouvé de distributeur et que nous faisons un plaisir d'envoyer ici. Commentaire de l'intéressé : "Qui a envie d'aller voir râler un vieux con ?"
L'Histoire joue parfois de drôles de tours à la postérité.
Ainsi, Jesse James, leader du gang James-Younger est-il devenu un des bandits les plus renommé des États-Unis, ce qui là-bas signifie un des plus chanté et des plus filmé. Et pourtant le bilan de ce "Robin des bois du Missouri" est loin d'être brillant.
Fils de pasteur, deuxième d'un fratrie de trois, Jesse et son frère aîné Frank furent élevés dans une ambiance farouchement pro-sudiste. Bien avant le déclenchement de la guerre de Sécession, entre 1854 et 1861, deux états voisins, le Kansas et le Missouri connurent une série d'affrontements, de meurtres, d'émeutes, de fraudes électorales entre colons les peuplant ayant pour cause leur adhésion aux États-Unis et, de ce fait, la question d'y déterminer où l'esclavage était ou non légalisé. Même si la culture du coton y était inexistante, les colons sudistes du Missouri obtinrent dans un premier temps le statut d'état esclavagiste alors que le Kansas voisin et peuplé d'une forte minorité d'origine germanique était farouchement anti esclavagiste, favorisant les réseaux d'évasion vers le Nord (dit le "chemin de fer souterrain").
Ayant grandi dans ces prémices de la Guerre civile, les frères James s'engagent chez les Sudistes dès que celle-ci est déclarée en avril 1861.
Clement, Hendricks et Anderson
La ferme familiale étant ravagée par des irréguliers nordistes, James, à peine âgé de 16 ans va s'engager dans les troupes de William Quantrill, les bushwalkers, qui livrent une guérilla sans merci aux nordistes du Kansas qui répliquent avec d'autres francs-tireurs, les Red legs ou Jayhawkers. Et c'est parti pour deux années de massacres.
C'est chez les écorcheurs de Quantrill que Jesse fait la connaissance de futurs associés tels "Bloody" Bill Anderson (collectionneur de scalps) Archie Clement ou Cole et Jim Younger tout en apprenant sur le tas ce qui assoira ensuite sa réputation.
Le principal exploit de ces charmants jeunes gens sera le Massacre de Lawrence où après avoir occupé cette ville du Kansas, ils y exécutent 182 hommes et incendient 185 maisons. Inutile de préciser que dans cette guerre il n'y a pas de prisonniers et tout soldat nordiste capturé est assassiné. De même les soldats bleus se font un plaisir de pendre tout irrégulier du Sud sur lequel ils mettent la main. Le général fédéral Ewing fera même évacuer plus de 10 000 civils du territoire bordant la frontière du Missouri, rendant cette région désertique pour un bon moment. Traqués, harcelés, la bande de Quantrill s'en va piller le Texas, pourtant territoire confédéré. Puis,, vaincu, le Sud capitule.
Les soldats rebelles sont donc amnistiés sauf les irréguliers, ce qui est le cas de tous ces guérilleros. Qui n'ont aucun mal à se planquer dans le comté de Clay (Missouri) qui leur est acquis et où la haine du nordiste reste encore tenace jusqu'à nos jours.
Dos au mur, les fugitifs du groupe Quantrill se reconvertissent dans les attaques de banques dès février 1866 avec celle de Liberty (60 000 dollars) Lexington (2000 dollars seulement) Richmond (trois citoyens tués et un bandit lynché), Russelville (1450 dollars) et Gallatin (500 ridicules dollars et un caissier flingué).
Bien entendu, s'en prendre aux banques n'est pas pour déplaire à une population de fermiers pressurés par ces agences. Le gang étend ses activités à l'Iowa et tâte du braquage ferroviaire, spécialité qui va les rendre à jamais célèbres. Et leur assurer une réputation de bandits d'honneur grâce à la stupidité et à la brutalité de l'Agence Pinkerton, chargée de les traquer qui assassinera le jeune John Younger (16ans) qui ne fait pas partie du gang, ainsi qu'Archie James, âgé de 8 ans et benjamin de la fratrie. On retrouvera des restes d'agents de la Pinkerton dans une auge à cochons.
Cette légende dorée des James a été très vite fredonnée dans les campagnes. Les Lomax en ont tiré quelques enregistrements et même Woody Guthrie y est allé de son refrain.
Malgré une amnistie promise par plusieurs politiciens, le gang lance un raid sur le Minnesota et cette fois, tout va de travers. Le 7 septembre 1876, l'attaque de la banque de Northfield vire au désastre: les habitants tirent massivement sur la bande, deux outlaws sont tués et tous les autres plus ou moins gravement blessés. Divisés en deux groupes, le premier d'entre eux est ensuite exterminé tandis que les frères James s'enterrent un temps dans le Tennessee sous une fausse identité. Fin 1879, attaques de trains et de diligences reprennent. Mais règlements de compte (Jesse abat Ed Miller qui voulait quitter le gang) et chutes se multiplient simultanément au sein de la bande. Qui se trouve bientôt réduite aux frères James et aux frères Ford (Robert et Charlie)
Le gouverneur du Missouri avait offert 10 000 dollars pour la capture ou la mort des concernés. Et comme dans toute belle histoire de bandit d'honneur c'est Bob Ford qui tiendra le rôle du dirty little coward qui tue Jesse James dans le dos alors qu'il époussette un tableau. Et ça donne une autre ballade avec en intro le début du film de Samel Fuller, J'ai tué Jesse James (1949). C'est Johnny Cash qui s'y colle.
Et comme dans toute bonne chanson de geste, les frères Ford ne profiteront guère de leur traîtrise : après avoir touché bien moins que prévu, Charlie se suicide en 1884 et Robert est tué dans un saloon en 1892 par un admirateur de Jesse James. Frank James, qui a négocié sa reddition, est acquitté à son procès et finira garde du corps du président Théodore Roosevelt. Bob Younger est mort en prison, Jim se suicide à sa sortie en 1902 et Cole devient prédicateur.
Une vraie histoire américaine !
Restent plus d'une quinzaine de films dont certains très recommandables, quelques BD (dont un excellent Lucky Luke) et un nombre effarant de chansons. Pas mal pour un petit gars somme toute plutôt sanguinaire.
Voici l'histoire d'un pauvre fermier dont ni les animaux ni la terre ne produisent de quoi nourrir sa famille. Même son frangin, tout aussi miséreux, ne peut rien pour lui. Qu'à cela ne tienne, au lieu d'exterminer sa maisonnée (conclusion classique des murder ballads, équivalent américain de nos complaintes) le gars finit par émigrer en espérant rejoindre une contrée plus clémente.
Depuis Les raisins de la colère, un thème familier repris par la chanson rurale, donc.
Busted ou I'm busted fut écrit par le chanteur de country du Michigan, Harlan Howard, en 1962 et d'abord chantée par Burl Ives.
Mais elle fut surtout immédiatement, popularisée par Johnny Cash (album Blood, sweat and tears) et Ray Charles dans une version plus jazzy.
En argot étazunien, Busted a de nombreuses significations, on peut le traduire par "cassé", "lessivé", "au bout du rouleau" mais aussi par "gaulé par les flics", ou, en gros, "fait comme un rat".
En 1964, Monsieur Eddy y alla de son adaptation, inspirée de la version Ray Charles, sur son album Toute la ville en parle. Les paroles sont du Schmoll lui-même.
Pour compléter ce petit panorama de la débine, ajoutons-y comme reprise en français, les Hou-lops. En allemand Volker Lechtenbricht a chanté un Ich bin pleitemou à souhait( de la variétoche germanique des années 70, quoi)repris ensuite Johana von Koczian.
En Italie, Sono un fallito taillera sa route entonné par Gino Santercole et par l'inévitable Adriano Celentano.
Quant aux multiples versions anglo-saxonnes, au rayon curiosité citons une parodie de Ben Colder, Busted n°2.
Et une autre, celle du regretté Andre Williams, disparu en 2019, qui fut à la fois chanteur de blues, de rock, de punk, et de bien d'autres choses encore...
Les hors-la-loi de la Wild bunch (Horde sauvage) qui comptaient, entre autres membres, Butch Cassidy (Robert Leroy Parker), le Sundance Kid (Harry Alonzo Longabaugh) et la fascinante Etta Place ont ravagé le Wyoming de 1899 à 1901 en menant une vendetta sanglante contre les gros propriétaires de la région et en s'attaquant aux trains de l'union Pacific.
Leur geste a inspiré bien des films du Butch Cassidy et le Kid de Roy Hill (1969) à The Wild bunch de Peckinpah (1969).
Pour une fois, un des ultimes avatars de ce genre cinématographique fut une belle réussite. Blackthorn, de Mateo Gil,sorti en 2011 reprend l'histoire vingt ans après que Butch Cassidy et le Kid aient été abattus par l'armée bolivienne en 1908 à San Vicente. Un Cassidy vieilli (Sam Shepard), assagi, vit retiré sa vie d'éleveur de chevaux en compagnie de quelques autochtones lorsqu'il apprend la mort d'Etta Place, revenue aux États-Unis et décide de partir prendre soin de son enfant.
Il liquide donc ses biens et s'apprête à retourner au pays.
Évidemment, rien ne se passe comme prévu. À partir de sa rencontre avec un fugitif espagnol (Eduardo Noriega) une série de rebondissements aboutit à une chasse à l'homme digne des grands moments de la Horde sauvage.
On ne vous en dira surtout pas plus, particulièrement si vous avez la chance d'avoir raté ce western bolivien contemplatif à sa sortie.
Par contre, à la revoyure, on a été charmé par les talents de chanteur de Sam Shepard qu'on connaissait plutôt comme acteur, scénariste ou auteur de théâtre.
Non seulement il fredonne un air traditionnel une scène qui n'a rien d'anecdotique mais il reprend ce même Sam Hall durant tout le générique final en duo avec Eduardo Noriega sur les derniers couplets.
Comme un bonheur n'arrive jamais seul et que cette chanson fut interprétée en son temps par Johnny Cash, l'homme en noir a également sa place dans la BO du film avec un Ain't no grave de la fin de sa vie.
Ici la chanson est illustrée par quelques passages du film.
Au début était la classe ouvrière.
Et ses chansons.
Affiche des mineurs asturiens, grève de 2012
En 1946, le chanteur country expert en picking, Merle Travis met en scène son mineur de père (la formule Another day older and deeper in debt, "Encore un jour pour s'retrouver plus vieux et plus endetté" du refrain aurait été une de ses expressions habituelles) dans Sixteen tons, l'histoire d'un prolo qui charrie des paquets de merdes (ou de charbon, par exemple) pour se retrouver payé en bons d'achats.
Mais qui peut aussi se révolter et cogner.
Même si le premier enregistrement était bien de Merle Travis, l'ex mineur et chanteur folk George Davis prétendit l'avoir écrite dans les années trente sous le titre Nine-to-ten tons.
Cette chanson protestataire connut une carrière en français (Eddy Mitchell, Frank Melville, etc.)
On mettra ici celle de Jean Bertola (1922-1992) musicien de radio, pianiste d'Aznavour et grand copain de Brassens. C'est lui qui a écrit cette version.
Pour en revenir aux origines de la rengaine, parmi les au moins 300 reprises qui circulent, on a un faible pour celle du bon vieux Johnny Cash
Autant se faire du bien.