Les personnages d'Héctor (à gauche dans le pneu) le recherchent encore
À l'heure où un obscène dirigeant argentin confesse sa nostalgie pour la dictature de Videla et de ses séides, rappelons un cas parmi plus de 30 000 autres qui donnera une idée de l'ambiance de l'époque.
Héctor Germán Oesterheld était un pur Argentin (donc issu de père Allemand et de mère Basque) né en 1919.
Il fut un des plus grands scénaristes de bande dessinée de ce pays si prolixe en 7ème art, en massacres et en militaires sanguinaires.
À l'époque où la BD était encore un genre mineur réservé aux gamins.
Ouvrons ici une parenthèse, loin de nous l'idée de faire dans la délation ambiante mais l'anecdote est plaisante : signalons que lorsque le jeune Hugo Pratt, Italien ayant fait ses armes au pays du tango, des grillades et des traîneurs de sabres débarqua faire carrière en Europe, il "oublia" de mentionner que ses oeuvres ( Sergent Kirk, Tigerconda, Ann de la Jungle, Fort Wheeling, Ernie Pike -auquel il donna la gueule d'Héctor-) étaient scénarisées par Oesterheld. Un certain manque d'élégance de la part du maestro ! C'est depuis réparé.
Mais outre son boulot avec Pratt, Héctor fut, entre autres choses fondateur de maisons d'éditions (Frontera) de magazines (Hora Cero), scénariste de l'unique biographie en BD de Che Guevarra sous la (déjà) dictature du général Onganía, en 1968, ouvrage censuré, de La Guerra de los Antartes, mettant en valeur ses idéaux montoneros (Péronistes de gauche pourchassés par... Péron et exterminés par les militaires) aussitôt interdit.
Avec deux de ses filles, Marina et Estela
Mais son oeuvre majeure est restée L'Éternaute, publiée en 1957 / 1958 avec un deuxième tome en 1976.
Cette pseudo science-fiction narrait une invasion de l'Argentine par des extra-terrestres qu'on ne voit quasiment jamais et qui s'attachent à faire disparaître toute velléité de résistance.
Ça vous rappelle quelque chose ?
Visiblement, aux crevures australesgalonnées aussi.
Mentionnons qu'avant la date officielle de l'ultime coup d'État dégénérant en dictature, en 1976, la situation argentine était déjà ultra-violente, avec des escadrons de la mort, dont la "triple A", qui seraient recyclés en organes officieux dans les années suivantes, et un mouvement de guérilla urbaine, ERP gauchistes ou Montoneros, qui tentait de rendre les coups.
Membre de l'appareil clandestin montonero, comme responsable presse, Héctor vit, lors des premières années du processus de réorganisation nationale (aimable euphémisme) disparaître assassinées ses quatre filles, Estela, Diana, Beatriz et Marina ainsi que ses gendres.
Séquestré à son tour dans les centres de tortures clandestins El Vesubio et El Sheraton, au lieu de simplement le martyriser avant de la balancer à la mer depuis un avion (chose courante) les ganaches sadiques s'étant mis en tête de lui faire réaliser une BD... à la gloire des forces armées, elles le conservèrent un temps.
Ce qui sera un franc échec et débouchera sur la disparition d'Oesterheld dans le néant après janvier 1978, à presque 60 ans.
Ce scénariste spécialisé dans les ambiances ténébreuses peuplées de personnages luttant pour la justice sans tomber dans le manichéisme a connu le sort de ses créatures.
Depuis, il est devenu une référence, objet de nombreux hommages.
Ce qui doit lui faire une belle jambe au cas où...
Sa veuve, Elsa Sánchez, est logiquement mais vaillamment devenue une figure des Mères et Grands-mères de disparus (ou de la Place de Mai).
Notre hommage pour terminer : nonobstant la terreur ambiante, il fut assez remarquable que le rocker argentin Charly García ait osé cette chanson en 1983 : Los Dinausorios, dans laquelle si tout le monde est susceptible de disparaître, ce sera aussi le cas des dinosaures (qui n'allaient pas tarder à tomber suite à une lamentable guerre des Malouines). Même si à cette heure, les dinosaures prospèrent un peu partout.
Le régime argentin était tellement entré en putréfaction en cette année 1983 que les punks los Violadores, s'essayaient eux à ce titre : Represión
Autre bel hommage : Héctor de Léo Henry (lui-même scénariste).
Si on a un faible pour l'actrice argentine Cecilia Roth, ce n'est pas seulement parce qu'elle est devenue une des actrices favorites de Pedro Almodovar (elle joue dans sept de ses films) suite à son exil familial à Madrid afin d'échapper à une des dictatures les plus meurtrières de la décennie 1970/1980.
C'est aussi parce qu'elle a eu une carrière impeccable après avoir regagné son pays en 1990. On ira même jusqu'à considérer Un lugar en el mundo d'Adolfo Aristarain (1992) comme un des films les plus émouvants jamais tournés dans l'histoire du septième art.
Elle a toujours fréquenté des musiciens et a même été la compagne de Fito "el Flaco" Páez qui lui dédia une chanson de son disque Enemigos intimos (avec Joaquin Sabina).
On la retrouve également dans un des disques du trio Gotan Project* (Eduardo Makaroff, Christoph Müller et Philippe Cohen Solal) récitant un très beau poème de Juan Gelman Confianzas. Ça se trouve sur l'album Inspiración-Espiración (2004).
"con este poema no tomarás el poder" dice
"con estos versos no harás la Revolución" dice
"ni con miles de versos harás la Revolución" dice
y más: esos versos no han de servirle para
que peones maestros hacheros vivan mejor
coman mejor o él mismo coma viva mejor
ni para enamorar a una le servirán (...)
* Qui accompagne occasionnellement Catherine Ringer ou Brigitte Fontaine.
On vous a déjà dit ailleurs tout le bien qu'on pensait du chanteur et auteur Rubén Blades.
Outre ses chroniques sociales du barrio ou ses fresques de l'exil, le bougre se fit une spécialité de peindre la situation des pays latino américains dont la majorité vivait la décennie 1970 sous les bottes de militaires placés avec la bénédiction du Tio Sam.
Il écrivit ainsi plusieurs titres plutôt enlevés pour moquer les gens en uniforme (Prohibido olvidar) ou dénoncer l'impérialisme gringo (Tiburón). Mais son coup de maître est, à notre avis, Desapariciones (Disparitions) de l'album Buscando América (1984). Exceptionnellement, il chante ce titre dont le sujet a un titre suffisamment explicite pour ne pas avoir à être expliqué, sur une musique lente et funèbre.
Extraits Voilà trois jours que je cherche ma frangine / elle s'appelle Altagracia, comme la grand-mère / elle est sortie du boulot pour passer à l'école / avec des jeans et une chemise blanche / C'est pas un coup de son mec, il est à la maison / et la police ne sait rien sur elle / ni l'hôpital. Que quelqu'un me dise s'il a aperçu mon fils / il est étudiant en médecine / il se nomme Agustín et c'est un brave garçon / Des fois, un peu têtu dans ses opinions / on ne sait pas quelle force l'a arrêté / pantalon blanc, chemise rayée, c'était avant-hier. Clara
Quiñones, c'est ma mère / une sainte femme qui ne s'embrouille avec personne / ils l'ont emmenée comme témoin / pour une affaire qui ne concerne que moi / Et j'ai été me livrer cet après-midi / Et voilà qu'ils me sortent qu'ils ne savent pas qui est venu l'emmener / de la caserne. Cette nuit j'ai entendu plusieurs détonations / des tirs de carabines et de revolvers / des bruits de moteurs, de freins, des cris / des échos de bottes / des porte qu'on frappe, des plaintes, de la vaisselle cassée. / C'était l'heure du feuilleton télévisé / et personne n'a regardé dehors. / Bande d'autruches !
Évidemment, on pense d'abord à l'Argentine, pays où cette technique technique de terreur d'État fut poussée à son comble, laissant, avant et après le putsch de 1976 plus de 30 000 morts sans corps ni sépultures. Mais ce terrorisme d'État fut (et est) toujours largement pratiqué au Mexique, Guatemala, Salvador, Nicaragua, Colombie, Équateur, Chili, Uruguay, Paraguay, etc.
Assassins ordinaires et médiocres
Mais pour l'écho que ce phénomène eut en Argentine, la chanson fut reprise, en 1992, par Los Fabulosos Cadillacs, groupe de ska, punk, tropical et jazz de Buenos Aires sur leur disqueEl León.
On trouve même leur version nettement plus speedée, supérieure à l'original. Et ça nous évoque quelques souvenirs.
Une fois n'est pas coutume, on termine sur une citation de Simón BolívarMaldito el soldado que apunta el arma contra su pueblo.
La fin de cette étape serait donc pour le 11 mai. Ben oui, ces cons là (nous, en l’occurrence) auraient été bien capables de faire n'importe quoi pour le premier mai et autant laisser passer le pont du 8, sinon ils allaient se précipiter au bord de l'eau, au vert, au drive du coin, que sais-je encore...
Une fois les marchés (non, pas ceux de plein vent) et le patronat rassurés, y'a plus qu'à bricoler le grand n'importe quoi habituel. Et on dirait que le dé-confinement est moins pénible au soleil. Si ça se trouve, Alsaciens et Franc-comtois resteront coincés plus ou mieux que nous autres du sud-ouest, ou bien... en fait, on n'en sait rien.
Quant aux écoles, premières à fermer et premières à rouvrir, faut bien que les darons aillent au turbin. Heureusement, comme au bon vieux temps d'avant, nos vaillants syndicats seront prêts à cogérer pourvu qu'on leur laisse un strapontin.
S'il est bien trop tôt pour tirer le moindre bilan de la mise entre parenthèse de la populace, contentons-nous de constater plusieurs petits faits.
Nous ne pensons pas être les seuls à avoir remarqué que l'excitation des premiers jours du Grand confinement, la colère, la circulation d'idées a assez vite fait place à ce qui ressemble à une morne résignation. On rappelle qu'il y a tout de même un paquet de compte à régler. Et on espère que le fait de nous permettre une sortie sans ausweis ne nous rendra pas collectivement plus soumis par la peur d'y retourner. Ce qui est loin d'être exclu, vu que la deuxième vague nous attend au tournant.
D'autre part, un indécrottable militant restant un indécrottable militant, chacun, chacune, voit dans les évènements en cours la confirmation de son idéologie préexistante : les décroissants décroissent, les partisans d'un État tout puissant rêvent d'une grande planification, de nationalisations, de plans quinquennaux... les radicaux postmodernes s'imaginent qu'il suffira d'une bonne poussée pour en finir le capitalisme. Vous vous souvenez du coup du dynamitage des rapports sociaux, les gars ?
À de notables exceptions* près, la plupart des textes qu'on a vu circuler ne servent qu'à affirmer des positions déjà connues et à prêcher à des convaincus en circuit fermé, lorsqu'il ne s'agit pas d'un lyrisme de pacotille au service d'un millénarisme new look (on ne citera personne, on hait la délation).
Dernier constat, on n'en peut plus de tous ces menteurs patentés ou idiots utiles qui nous gonflent avec leur "monde d'après". Et à quoi veux-tu qu'il ressemble ton monde d'après, abruti ? Après qu'on ait érigé en héros des catégories sociales à qui on ne promet que quelques primes en guise de justice sociale. Après qu'on ait subitement dégotté "un pognon de dingue" qui soi-disant n'existait pas et qu'on met à disposition des classes moyennes ou basses afin qu'elles puissent consommer en attendant de rembourser le tout avec intérêt. Après que le télétravail ait été expérimenté massivement. Après que des drones, des réseaux de caméras, des traçages de téléphone aient été généralisés.
Oui, il va ressembler à quoi ton futur radieux, Ducon, lorsqu'on va nous passer la facture ?
Mais on s'énerve et malgré un blindage nicotinien soigneusement entretenu, on sait bien que le stress est mauvais pour les défenses immunitaires, surtout lorsqu'on est seul comme un con devant un putain d'écran.
Alors, pour faire une pause, trois minutes et quelques de nostalgie avec cet extrait du film de Solanas, Tango, l'exil de Gardel. Solo interprété par Roberto "Polaco" Goyeneche.
Et encore un truc du monde d'avant. Messieurs dames, The Dirty Macs nous balancent Yer Blues. Les avez-vous reconnus ?
* Le texte en lien est effectivement un constat mais on y aime assez une certaine lucidité bien trop rare de nos jours. Il n'est ici qu'à titre d'exemple, heureusement qu'il y a eu quelques autres écrits salutaires.
Puisque la saison est à l'auto-critique et que l'exemple vient de haut nous nous joignons au chœur des faux-culs.
Contrairement à ce que nous avionsécrit làBerthe Faquet alias Sylva n'a pas commis que des chansons lacrymales. Anticipant de près d'un siècle la grande migration des urbains venus apporter leurs miasmes et autres postillons dans les campagnes, elle a chanté la fuite, loin de la capitale et de ses fêtes.
Même si la délurée ne crache pas sur une dernière tournée pour la route. Adieu Paris, paroles de Lucien Boyer (1939).
Notre distingué lectorat aura, bien entendu, reconnu l'air de Adios muchachos, un des plus populaires tango du monde, écrit en 1927 par Julio César Sanders (musique) et par le poète argentin César Vedani qui avait improvisé ces quelques paroles sur un coin de table.
Détail piquant, la dictature militaire argentine de 1943 ayant prétendu éradiquer le lunfardo, cet argot des bas-fonds de Buenos Aires qui donnait une mauvaise image du pays, il avait fallu amputer, caviarder, les paroles. Ce qui n'a duré qu'un temps car tout le monde connaissait les originales par cœur.
Originellement enregistré par Agustin Magaldi, cette complainte du gars qui prend congé de ses potes de bringue et, au passage, de la vie fut "mondialisée" par l'inévitable Carlos Gardel.
Quitte à créer un incident diplomatique avec l'Uruguay qui le revendique, le petit Charles Romuald Gardès serait né à Toulouse en 1890. Ne reculant devant aucune attraction touristique, la ville a même posé une plaque sur la maison où sa maman aveyronnaise aurait vécu avant d'émigrer à Buenos Aires deux ans plus tard.
La suite est connue : le petit voyou d'Almagro devint une idole internationale donnant ses lettres de noblesse à cette musique de bouges. Comme on dit couramment là-bas depuis sa mort à Medellin en 1935, il chante de mieux en mieux chaque année.
C'est l'été, vingt dieux, profitons-en pour voyager un peu et prolonger notre virée américaine ! Bandits ruraux,difficiles à capturer Cavaliers rebelles dans le vent sauvage Bandits ruraux, difficile à capturer Autant tâcher d'enclore les étoiles sur cette terre sans maître. Tel est le refrain de“Bandidos rurales”, véridique histoire de quelques bandits de grand chemin argentins du début du XXème siècle, parmilesquels deux des plus fameux : Juan Bautista Vairoleto "Le protecteur des pauvres" et David Segundo Peralta "Mate Cocido"( rien à voir avec l'infusion mais plutôt avec une vieille cicatrice), les justiciers du peuple. Ce blues qui fleure la pampa (les violons sont d'Anastasio Peñaloza et de Don Custodio) est extrait du douzième disque de l'Argentin Leon Gieco ("Bandidos rurales" 2001). Commentaire de l'auteur : "C'est un appel à lutter, même si dans ce pays la vie est en elle-même une lutte permanente. Seul un peuple faible peut avoir voté pour des Busi, Rico, Patti ou réélire Menem*. On passe notre vie à croire aux affiches collées dans la rue. Et on est aussi un pays de beaux parleurs qui s'imaginent que le prochain va venir nous sauver de tous les maux."
Fils d'émigrés italiens, Vairoleto**, cavalier errant, fin danseur et tireur de winchester émérite est, en 1919, l'objet de la haine et des abus d'un officier de police, tortionnaire ordinaire, pour rivalité amoureuse. Après avoir éliminé le nuisible, il sera poursuivi pendant 20 ans par les flics de six provinces. Aimé des anarchistes des pauvres et des filles de joie,*** il s'unit à la bande de "Mate Cosido", homme fort bien éduqué, experten travestissement et fausses identités, qui se consacre à exproprier
Le protecteur du peuple
méthodiquement les entreprises de la région en évitant de faire couler le sang et en payant le moindre service qu'on lui rend. Continuateur de la geste des gauchos rebelles, ils s'associent aux anarchistes**** agraristes de cette époque ultra violente (1500 ouvriers fusillés suite aux grèves de 1921 en Patagonie) durant laquelle compagnies forestières et gros éleveurs ravageaient le pays et payaient leurs ouvriers en monnaie de singe. Attaques de trains, de banques, enlèvements de gros propriétaires seront leur quotidien de deux décennies. Vendu par un de ses amis, Vairoleto, cerné, se tirera une balle dans la tête en 1941. Il se convertit aussitôt en saint miraculeux pour bon nombre d'humbles qui vont en pèlerinage sur sa tombe à General Alvear (Mendoza). De son côté Peralta, grièvement blessé à la hanche suite à une attaque de train, avait disparusans laisser la moindre trace en janvier 1940. On ne sait toujours pas où se trouvent ni son corps, ni sa tombe. Comme beaucoup d'autres, ces deux-là sont encore l'objet de contes, romans, chansons, films ou pièces de théâtre.
* On peut avec plaisir remplacer ces noms par n'importe quels autres d'ici. ** Comme on le constate sur la photo, son nom est diversement orthographié. *** Dans le texte de la chanson de Gieco. **** Une partie des cotisations des adhérents du syndicat argentin FORA allait aux camarades illégalistes qui se chargeaient, de leur côté, de "récolter" des fonds.
Des Araucans, exterminés en Argentine entre 1879 et 1881
Pour le début d'un été qui s'annonce plutôt crade, l'Herbe Tendre s'évade et traverse l'Atlantique. On s'en va donc faire un tour du côté des Amériques ou de l'Amérique, celle qui va de l'Alaska à la Terre de Feu et qui a constitué un vaste réservoir d'imaginaire dont la chanson se fit l'écho.
Terres d'exil, d'espoirs, de massacres, d'empires, de pillages, de fascination, de richesses et de misères, de révoltes incessantes, de déportations, de hors-la-loi, de magie, de gigantisme et de bien d'autres choses encore.
Ce sera donc le lundi 4 juillet à 18h sur Radio Canal Sud (92.2 fm pour les locaux).
En attendant, penchons-nous sur l'immensité du territoire grâce à notre Québecoise du mois. Ce country roboratif contient un texte assez savoureux qu'il nous a fallu écouter à maintes reprises pour en saisir quelques nuances. Joie du joual : l'apparition des paroles sur le ouèbe nous a mieux fait comprendre la raison de notre embarras. Les Colocs dans leur premier disque en 1992 :
Et causons de fraternité au sein de cette immensité. Ce vieux gaucho (par ailleurs communiste) chantant d'Atahualpa Yupanqui (Hector Roberto Chavero Aramburu 1908 / 1992) y va de sa milonga. Il y affirme qu'il n'a pas à choisir entre ses frangins, qui sont partout, et la liberté.
Cette chanson est tirée d'un fond de tiroir du label Saravah, de Pierre Barouh (cd "La cave à Saravah" Socadisc 834268)
En quelle circonstance Jacques Higelin enregistra-t-il cette parodie du "Temps du tango" ?
On l'ignore.
Mais s'il a entendu cette chute de studio de 1970, Jean-Roger a dû certainement se poiler...
On avait passé l'interprétation de Philippe Léotard dans l'émission sur les transports. Voici la version originale de cette chanson toute rimbaldienne par Léo Ferré. Il a pour l'occase un accompagnement de luxe : Paco Ibáñez (d'Aubervilliers) et Juan Cedrón(de Buenos Aires) fondateur du mythique quartet.
Fait remarquable, ce bateau farci de contrebande arbore une Madone attachée en poupe par le col.
Habituellement,on exhibait une figure féminine plus ou moins érotique à la proue du navire (souvent une sirène aux seins nus). Là, au lieu de se dresser
fièrement contre les flots et d’ouvrir le passage , elle
suit, suspendue par le cou, passivement balancée au
gré des courants et des vents. Sans aucun doute, une provocation de l'équipage : plutôt que de placer son voyage sous protection divine, avec une statue à l’avant, il le prolonge par cette Madone qui pendouille à l’arrière. À l'assaut des cieux, donc !
Comme une bonne partie des amateurs de jazz Boris Vian, paraît-il, méprisait le rock'n roll*.
Il a pourtant, commis un certain nombre de rocks parodiques interprétés par Magali Noel ou Henri Salvador sous le pseudonyme d'Henry Cording.
Ironie de l'histoire, ces quasi premières tentatives de rock ou de boogie-woogie en français ont fait des émules dans le monde entier.
Le rocker argentin Andy Chango (Andrés Fajerman, Buenos-Aires 1970...) enregistra même un disque entier d'adaptations de Boris Vian en 2008
Le point commun des multiples adaptations des rocks de Vian en espagnol, en flamand (par Ferry Barendse) ou en anglais est qu'en plus de swinguer, les auteurs se doivent de suivre la trame du texte original tout en écrivant une adaptation qui doit s'inscrire dans l'esprit joyeux, pervers et absurde de l'original.
Et ça, Andy Chango y arrive à merveille avec des textes truffés de ce Lunfardo (argot du Rio de la Plata) qui fit les riches heures du tango.
Après ce "rock'n roll mops" endiablé, le même dégingandé sur scène pour un "(e)snob" jazzy bordélique tiré de son spectacle "Je ne parle pas français."
* A la base de ce regrettable malentendu chez les Français, des théories fumeuses selon lesquelles le jazz serait une musique de libération là où le blues ne serait qu'une musique d'esclaves. Z'avaient juste oublié d'écouter les paroles et de tenir compte du contexte local. Trois fois rien...
Bien que l'anticléricalisme soit rarement vulgaire, il sent souvent son libre penseur poussiéreux ou son notable franc-maçon radical du Midi, genre dont nous tâchons d'éviter la fréquentation.
Mais là, on nous provoque : les dérniéres élections à Vaticanland, nous forcent à ressortir des archives désagréables comme cette photo où le jésuite Jorge Bergoglio donne l'absolution au serial killer galloné Jorge Videla au bon vieux temps de la guerre anti-subversive en Argentine.
Et puis à exhumer cette chanson du Père Eugène (R.I.P.)
Les Eglises
Eugène Bizeau
D'énormes monuments où des gredins sinistres,
D'un dieu mort sur la croix se disent les ministres,
Dans l'imbécilité des foules à genoux
Trouveront trop longtemps de quoi beurrer leurs choux.
D'énormes monuments que l'astuce des cuistres
Déchirant en secret d'accusateurs registres,
Ne lavera jamais du sang versé partout
Quand "l'infâme" était reine et le prêtre tabou.
D'énormes monuments éclos dans le domaine,
Hélas! illimité, de la bêtise humaine...
D'énormes monuments, dont l'horreur des bûchers
Où flambaient des penseurs les dernières paroles,
Fait l'éclair de nos yeux menacer les coupoles
Et nos désirs vengeurs monter vers les clochers!... Notes: Ce texte est extrait du recueil "Verrues Sociales" (Christian Pirot ed., Veretz, 1988)
E. Bizeau (1883-1989) fut vigneron, poète et chansonnier antimilitariste.
Et puis, puisque le Pape est hispaniste, une dernière pour la route (exceptionnellement en Castillan) ...