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jeudi 29 février 2024

Crever de faim pour la propriété et sa gracieuse Majesté

 


Il est bien connu qu'une famine a ravagé l'Irlande au XIXème siècle, particulièrement entre  1845 et 1852.
On estime que cette disette fit la bagatelle d'un million de morts et en poussa un autre million à émigrer vers l'Amérique ou l'Australie.
L'île ne retrouvera un équilibre démographique qu'en...2022.
Mais quels furent les responsables ? Le mildiou qui ravagea la pomme de terre, principal aliment des fermiers pauvres ? La rapacité des propriétaires terriens qui expulsèrent à tour de bras ? La colonisation britannique qui avait morcelé les terres en guise de représailles et qui laissa crever ces "papistes" dans une indifférence flagrante tout en continuant d'exporter des aliments (détail piquant: seule la nation amérindienne Choctaw envoya des secours en Irlande. Entre occupés...) ? Le capitalisme libéral qui n'intervint en aucun cas ?
Un peu de tout cela à la fois.
Mais ce dénuement alimentaire ne fut pas plus "naturel" que celui qui sombra sur l'Ukraine en 1933 ou toute autre famine de ces deux derniers siècles. 
Une intéressante émission du "Cours de l'histoire" revient sur cette multiplicité de facteurs en compagnie des historiens Fabrice Bensimon et Karina Bénazech Wendling.
On peut l'écouter  en cliquant sur ce lien.
 
Cette tuerie a bien entendu laissé des traces dans la mémoire collective. 
Dont cette ballade narrant exil et prison, Fields of  Athenry, ici par les Dropckick Murphys, irlandais de Boston (Mass.)
 

 

Et plus accusatrice vis à vis du gouvernement anglais, une chanson de Sinead O'connor simplement nommée Famine.

mardi 2 mai 2023

Irlande, la "guerre des Tans"

Black and tans en action
 
Contrairement à certaine idée reçue, l'empire britannique a toujours eu une politique exquise pour traîter ses sujets des colonies et autres dominions.
Une chanson fort connue nous permet un petit éclairage sur un épisode de l'histoire irlandaise pas si connu malgré le nombre de groupes l'ayant joué ou de représentations cinématographiques.
Résumons en vitesse, En 1920 voilà plus ou moins trois siècle que l'île vit sous le joug anglais qui y a imposé des nobles et des colons, persécuté langue et religion, créé artificiellement une famine dont Staline reprendra la recette pour l'Ukraine et vidé l'Irlande d'un tiers de ses habitants contraints à l'exil. 
Après avoir fabriqué des martyrs à la pelle au cours de ces siècles, les nationalistes évoluant en républicains irlandais se lassent d'espérer un éventuel statut d'autonomie et une branche d'idéalistes et de socialistes déclenchent un soulèvement à Paques 1916, on vous a raconté ça en son temps.  
Suite à cette rébellion ratée, les Irlandais se soulèvent à nouveau en 1918, en adoptant ce coup-là des tactiques de guérillas urbaines et rurales grâce aux flying columns (colonnes mobiles) de leur organisation flambante neuve, l'IRA. 
IRA de Kerry nord

Cette armée républicaine se double d'un gouvernement provisoire, le Dáil, qui va régner petit à petit sur des portions entières du pays.
Pauvrement armés mais redoutablement organisés par leur chef du renseignement, Michael Collins, ennemi des affrontement en rase campagne, les volontaires de l'IRA parviennent à établir un climat de terreur pour la police royale puis pour l'armée britannique.
Qui va donc appliquer d'efficaces méthodes de contre-insurrection.
Infiltration, retournements, tortures, exécutions sommaires, rien ne sera épargné aux rebelles. 
Mais l'arme de destruction massive des Anglais sera l'emploi d'une force auxiliaire de 16 000 hommes recutés chez les ancien combattants des tranchées, les Royal Irish Constabulary Special Reserve, plus communèment connus comme Black and tans (noir et fauves) en référence à leur uniforme de bric et de broc.
Force militaire d'occupation autonome incontrolée complètement coupée de la population, les "Tans" vont cristalliser la haine des Irlandais en leur rendant bien. Pillages, exécutions ciblées ou au petit malheur, viols, incendies de villages entiers, ces soudards se rendront célébre dans le monde entier par de nombreux articles de correspondants de presse étrangers. 
On leur doit, entre autre, le premier Bloody sunday, celui du 21 novembre 1920 à Dublin. En représaille à l'exécution par l'IRA urbaine de 14 mouchards et officiers des services secrets, les Black ans tans mitraillèrent le public d'un match de football gaélique laissant 14 morts et 65 blessés. 
Bien entendu, ils devinrent une cible privilégiée de l'IRA et dès la semaine suivante, à Kilmichael, le détachement de Tom Barry en descend 17 dans une embuscade.
Cette spirale de violence ne se calme que lorsqu'un traité est signé en mars 1921. Traité qui débouche sur un état libre, une partition de l'île et une guerre civile entre anciens frères d'armes en 1922. Mais c'est une autre affaire...
Donc, la chanson : il s'agit bien entendu de Come out, ye black and tans (Viens faire un tour dehors, black and tan). Elle fut écrite par Dominic Behan, frère de Brendan Behan, écrivain et membre de l'IRA, en 1928 comme un hommage à leur père, Stephen, qui avait combattu ces brutes les armes en main. La mélodie vient d'un traditionnel du XVIIIème, Rosc Catha na Mumhan également détourné par les loyalistes pour leur Boyne water.
Parmi les centaines de version, la plus connue est sans conteste celle des Wolfe Tones de 1972.
La voici avec des extraits des films Michael Collins de Neil Jordan (1996) et Le vent se lève de Ken Loach (The Wind that shakes the Barley, 2006)
 

 

Dans les paroles, un républicain se querelle avec un unioniste, se gaussant de la manière dont il a gané ses médailles dans les Flandres et de la déculotté que leur a fait subir l'IRA à Killeshandra (comté de Cavan) tout en le priant aimablement de venir "enfin se battre d'homme à homme". 
Non sans rappeler au soldat brit' comment ses semblables ont traité Zoulous et Arabes d'Aden en torturant et exécutant à tout va.

mardi 18 janvier 2022

Irlande, on a chanté le désastre

 

Membres de l'ICA célébrant Pâques
 
Une édifiante légende veut qu'avant d'être abattu par des corps francs, le dirigeant spartakiste Karl Liebknecht aurait dit "il est des défaites qui valent cent victoires". Une autre veut que le leader socialiste et patriote Irlandais James Connolly (Séamas Ó Conghaile en gaélique) aurait écrit à sa femme avant d'être fusillé sur une chaise à cause de ses blessures "N'était ce pas une vie bien remplie, Lillie ? Et avec une belle fin ?" 
Si les deux cas ont ceci en commun qu'ils sont une tentative, non dénuée d'humour dans le second, de se remonter le moral avant le grand saut, on peut s'interroger sur la "belle fin" de Connolly*.
Parce qu'en ce qui concerne le bilan de l'insurrection irlandaise de Pâques 1916, il est, pour le moins, mitigé. Il en reste toutefois une des plus belles chansons de cette île pourtant richeen la matière, The Foggy dew.  
Résumons l'affaire, voici environ 700 ans que l'Angleterre, pille, puis occupe, puis colonise l'Irlande. Ce qui a été ponctué par des soulèvements ratés, conflits sociaux, famines provoquées par la politique anglaise et émigration massive vers les USA.  
Depuis 1873, on promet à l'île une certaine autonomie (Home rule) sans cesse repoussée. Ratifiée en 1914, cette autonomie est renvoyée à la fin de la guerre en cours. Cette querelle a vu la création de milices loyaliste (UVF) et indépendantiste (Volunteers) à quoi il faut rajouter les paramilitaires de l'Irish Citizen Army (ICA) de James Connolly, crée comme une milice d'autodéfense ouvrière.
Profitant de l'envoi de l'armée anglaise en France, Belgique, Dardanelles et Moyen Orient, la Fraternité irlandaise (IRB) majoritaire dans la milice nationaliste et alliée à l'ICA déclenche une insurrection à Pâques 1916 (24 avril 1916) au cours de laquelle elle proclame rien moins que la création d'une République irlandaise. Le poète Patrick Pearse lit sa proclamation devant la poste centrale occupée et un public stupéfait puis attentiste ou hostile. Mal préparée, mal coordonnée, la révolte menée par moins de 1500 combattants fait vite face, à Dublin, à quelques 16 000 soldats britanniques.
L'état-major anglais ordonne, par ailleurs, l'envoi de 50 000 hommes sur la colonie soulevée.
Soulevée ? En fait, les rebelles se retrouveront seuls, les Irlandais se contentant de compter les points de cette inégale partie et les révoltes devant toucher les comtés ruraux se faisant attendre. 
Avec des régiments irlandais envoyés sur le front de l'ouest (donnez votre sang, on vous donnera l'autonomie, vieux chantage colonialiste en temps de guerre) l'insurrection est qualifiée de "complot du Kaiser". 

Pilonnés par l'artillerie de terre et de marine, isolés, Dublin en flammes, les insurgés doivent déposer les armes au bout de six jours de combats et près de 400 morts.
Plus de 5000 arrestations s'ensuivirent sur tout le territoire et 90 condamnations à mort prononcées (dont 15 exécutées, à peu près l'ensemble du gouvernement provisoire républicain à l'exception de De Valera, citoyen américain).
Encore un soulèvement foireux, donc, l'Irlande y était habituée.
Sauf que la répression britannique provoqua un élan de sympathie vis à vis des fennians et, désormais une partie des Irlandais feront comme si cette république était une réalité, l'insurrection de Pâques étant son acte de naissance. Ce qui accouchera d'un nouveau soulèvement en 1918 jusqu'à une indépendance tronquée en 1921.
Il ne manquait plus qu'à adapter une ballade traditionnelle pour célébrer les héros de 1916. Détournement d'une chanson d'amour, elle aurait été écrite par Charles O'Neill en 1919. 
Convertir un désastre en épopée, voila bien la fonction de la poésie. Ou de l'escroquerie politique.
Il existe tant de versions de cette chanson qu'après hésitation on met ici celle de Sinéad O'Connor et des Chieftans, mélancolique à souhait et accompagnée d'images des films The Wind that Shakes the Barley (Ken Loach, 2006) et Michael Collins (Neil Jordan, 1996).

 

Autre version plus rare, celle d'Alan Stivell chantée à l'Olympia en 1972.
Il en fit plus tard un duo avec Shane Mc Gowan.  


* Certains mauvais esprits lui attribuent la formule "Les socialistes du monde entier ne comprendront pas ce que je fous là" en pleine insurrection. Ce qui serait bien le genre de ce sympathique révolutionnaire. Il est toutefois avéré que blessé aux jambes, étendu sur un brancard il aurait commis cette plaisanterie : "Un bon bouquin au lit et une insurrection, ça pourrait être pire comme dimanche."



vendredi 8 octobre 2021

La grande escroquerie du documentaire

 

Chroniquer un film ou un album récemment sorti n'est pas la coutume de ce bouzin. Mais là, vous pourrez pas dire qu'on vous aura pasprévenu.
On avait pourtant la crainte de se faire avoir en allant voir Crock of gold, documentaire de Julian Temple consacré à la gueule cassée du (post ?) folk rock irlandais, Shane MacGowan, ci-devant chanteur et auteur compositeur de The Pogues. Le réalisateur, biographe habitué du show-biz plus ou moins punk, étant avant tout un monteur qui fait défiler des séquences à toutes blinde, on espérait au moins quelques archives savoureuses. Même si le même réalisateur a la détestable habitude d'inviter dans ses films deux ou trois personnalités bling-bling ayant peu à voir avec le sujet mais susceptibles d'attirer une chronique dans la presse qui, soi-disant, compte.
Soyons juste, il y a bien quelques séquences dignes et toute l'enfance édifiante du personnage dans une ferme plus que modeste du comté de Tiperrary est l'occase d'un agréable dessin animé. C'est désormais classique lorsqu'on manque d'images et c'est bien mieux réussi, plus modestement, dans le film de Jarmusch sur les Stooges.
Mais là où Temple passe les bornes, ce sont lors d'interminables séquences avec un Shane McGowan tellement abîmé qu'un malaise s'installe assez vite devant une  exhibition faisant fi de toute dignité. Et puisqu'on parle de personnalités à la con, non seulement le réalisateur est infoutu de s'entretenir avec d'ex membres des Pogues (si, si, il reste quelques survivants) ou des proches ayant bossé avec eux (Costello, les Dubliners...) mais il convoque des guignols comme Johnny Depp (ok, c'est lui qui a payé le film) ou pire, un vieux politicard retord comme Gerry Adams pour transformer ce pauvre Shane, réduit à l'état de loque, en patriote héros de la cause irlandaise. A touch of revisionism !
Précisons au passage que notre antipathie vis à vis du leader de Sinn Feinn s'étend largement, voire en pire, à ceux du camp d'en face, ça c'est fait.
Restent l'histoire d'un incurable inadapté social et quelques bons mots : Tout le monde s'était mis à écouter de la World Music et je me suis dit ben, on va vous en donner. Et vous méprisez les Paddy ? On va vous remettre un couche de Paddy!
Et la plus belle, la plus cafardeuse, des chansons de Noël, en duo avec KIrsty McColl (elle-même fille d'Ewan, auteur de Dirty old town)

  

Un film qu'on peut ne pas aller voir. Ça nous apprendra...
De toutes façon, les cinoches sont déserts.

vendredi 11 juin 2021

Tranche de vie (claustrophobe)


(Prison de Strangeways)
La plupart des types qui étaient avec moi étaient des Anglais à peu près de mon âge, bien qu'il y eut un ou deux détenus plus vieux (...)
Tous ces types étaient considérés comme les durs de la 8ème Armée, les "Rats du Désert", et ils étaient là pour avoir descendu leurs officiers et je dirais même qu'à voir leur mine, ils auraient bien pu en descendre quelques autres en plus.
Quant à moi, je peux dire que je n'ai jamais rencontré de mecs plus convenables de ma vie. C'étaient des hommes très bien, très honorables et j'ajouterai même qu'ils étaient de très bons citoyens anglais. Quelques-uns s'étaient battus pendant deux ou trois ans contre les Allemands ou les Italiens dans le désert et ils avaient mené une vie terriblement dure.
Lorsque de jeunes blancs-becs de dix-huit ou dix-neuf ans débarquèrent de Sandhurst* au beau milieu d'une campagne et s'avisèrent d'user de la badine sur le dos de ces vétérans, ou de les faire tout le temps chier d'une manière ou d'une autre, ces intrépides compagnons du désert ripostèrent en collant une balle dans la peau de certains d'entre eux. Et connaissant quelques officiers de l'IRA, je dois dire que je ne les blâme pas. Pour autant que je sache, ces officiers anglais étaient bien courageux mais dès qu'il s'agissait d'hommes, ils se montraient bornés et ignorants.  
Brendan Behan Confession d'un rebelle irlandais
Mémoires truculentes d'un Irlandais grande gueule et hâbleur (mais n'est-ce pas naturel ?) membre de l'IRA, taulard, pilier de pub, chanteur, chroniqueur, poète et écrivain mort d'épuisement à 41 ans. Réédité chez l'Échappée. 
Une chanson de prison écrite par son frère Dominic.

 

Un hommage des Dubliners

* Académie militaire britannique.

lundi 24 mai 2021

Tranche de vie (féministe)

 

(La scène se déroule dans un ghetto catholique d'une ville d'Ulster non nommée, dans les années 1970).

Et même si elles n'étaient que sept, ces femmes de la condition, sur quelques centaines de femmes traditionnelles, toutes les caméras du monde se sont instantanément braquées sur elles. Et ce n'est pas que les traditionnelles voulaient la gloire, la célébrité, ce n'est pas qu'elles voulaient passer à la télé, s'étaler dans les journaux de la terre. C'est qu'elles ne voulaient pas être assimilées à des revendications qui n'avaient rien à voir avec le cessez-le-couvre-feu, encore moins à des questions de conditions à propos desquelles ces femmes péroraient sans relâche. 
Les femmes normales supposaient (ou plutôt redoutaient) que celles de la condition, une fois lancées, tireraient parti de l'exposition médiatique pour reprendre leur rengaine, à leur façon vaste et encyclopédique, sur l'injustice et les abus dont les femmes étaient victimes, non seulement à l'heure actuelle mais de tout temps, en employant une terminologie qui incluait "terminologie", "les études prouvent que", "intégrant l'antipathie systémique", transhistorique, institutionnalisée et législativement sous-tendue" (...)
Mais non. Rien de tout ça, qui déjà en plein cessez-le-couvre-feu, n'aurait pas été terrible.
Ces femmes de condition ont évoqué des choses ordinaires personnelles, toutes simples, comme le fait de marcher dans la rue et de se faire frapper par un gars, n'importe quel gars, juste en passant, juste comme ça, juste parce qu'il était de sale humeur et voulait vous cogner ou parce que quelque soldat "de l'autre côté de l'eau" lui en avait fait voir de toutes les couleurs et maintenant c'est à votre tour et il vous file une beigne. Ou se faire toucher les fesses dans la rue. Ou subir des hommes qui commentaient en braillant votre physique sur votre passage. Ou se faire tripoter dans la neige sous couvert d'une petite bataille de boules de neige tout ce qu'il y a de plus amical. (...)
"Et raconté, ajoutaient-elles, dans tout ce langage terminologique et pour être la risée de tous, car la risée de tous, c'est bien ce qu'elles étaient - des caméras, des reporters, même des responsables du couvre-feu-, pas étonnant d'ailleurs, avec tout ce linge qu'elles insistent pour déballer en public tout le temps."
 
Anna Burns Milkman
     

dimanche 1 novembre 2020

Un crooner disparait

Le dernier roi d'Écosse
On n'a aucun problème à avouer que James Bond, on s'en fout. Tonton Sean était peut-être le meilleur interprète de la barbouzerie britannique mais on n'a jamais goûté cette série. Par contre, on lui rend volontiers hommage vu le choc qu'on a ressenti en découvrant successivement The Offence (1973) La colline des hommes perdus (1965) ou Le dossier Anderson (1971) tous de Sydney Lumet et tous produits par ce "métis" de prolo catholique irlandais et de prolotte protestante écossaise qui en avait marre de jouer les séducteurs de sa Majesté.
Passons sur les indispensables The Molly Maguires, Le Nom de la rose et autres films où l'ex footballer fit notre ravissement pour souligner que le cher disparu cachait un crooner assez respectable.
Exemple, cette séquence de Darby O Gill and the little people où il chante Pretty Irish girl.
 

 

Et en plaisanterie, cette reprise du tube de Simon and Garfunkel qu'il envoie avec un accent de Glasgow à couper à la claymore.



jeudi 18 juin 2020

Terroristes et casseurs (7) The Molly Maguires

Pennsylvanie 1877
Colonisés par l'Angleterre, expulsés de leurs terres par des propriétaires rapaces, crevant de famine par milliers, les Irlandais émigrèrent par vagues successives vers l'Amérique où ils furent traités comme des rebuts, à peine au-dessus des nègres. Ils y importèrent donc leur vieille tradition de répondre coup pour coup à leurs maîtres. 
Quand leur pays d'accueil ne les utilisait pas directement comme chair à canon*, ils étaient souvent recrutés comme mineurs de fond. Outre les conditions d'exploitations inhérentes à cette branche, dans la décennie 1860, les compagnies de charbonnage baissent les salaires de moitié après avoir endettés leurs mineurs et obtiennent des tribunaux l'interdiction de tout syndicat.
Contrastant singulièrement avec les organisations ouvrières ordinaires (et impuissantes) de l'époque, les Molly Maguires, société secrète de mineurs opérant en Pennsylvanie dans les années 1860-1870 avaient arrêté, pour atteindre leurs buts, une méthode principalement résumable en deux mots : terrorisme et assassinat. (Dynamite ! Louis Adamic)
On raconte que le nom pittoresque de cette société secrète de prolos émigrés catholiques en terre protestante vient de Molly, veuve Maguire, qui avec ses rejetons (les Mollies) avait fondé dans le nord-ouest de l'Irlande le Parti de la terre libre et pour mieux appuyer son programme se chargeait d'exécuter flics, huissiers, baillis, ou propriétaires indélicats. Personnage légendaire ou pas, la veuve fit des émules dans les bassins miniers des Appalaches.

 Sous couvert d'une société d'aide mutuelle L'Ordre ancien des Hiberniens, les Mollies recrutaient leurs membres après leur avoir fait prêter serment lors de cérémonies nocturnes.
Constitués en milice d'autodéfense, ils entament dès la décennie 1850 une série de sabotages et d'exécutions de cadres, contremaîtres tyranniques, vigiles abusifs et patrons intransigeants. Généralement, les concernés recevaient d'abord un avertissement puis, la vengeance s'exerçait froidement des mains d'un groupe de Mollies venus spécialement d'un bassin minier voisin.
L'âge d'or des Maguires se situa dans le bassin des Schuylkill dans les années 1873/1874. 
Le communautarisme irlandais allié au serment d'appartenance rendit ce groupe ininfiltrable durant près de deux décennies. Enfin, pas tout à fait puisque l'agence Pinkerton arriva à faire embaucher un de ses détectives, Irlandais pur jus, dans le bassin minier afin de le faire recruter par les Maguires. Le cafard, James Mac Parland, alla jusqu'à dénoncer 347 présumés Mollies. Son seul témoignage suffit à en envoyer une dizaine à l'échafaud dont le fameux "Black Jack" Keogh, innocenté par la justice américaine après un procès en révision en... 1979 !
Après ce coup dur, l'organisation secrète se volatilisa. Même si leurs pratiques ont perduré et que l'Ordre ancien des Hiberniens existe bel et bien encore à cette heure.
Il existe tant des chansons célébrant la veuve Maguire sur l'île que d'autres à la gloire des mineurs teigneux.
La plus connue est sans doute celle des Dubliners (1969)



Reprise, en plus bruyant, les Finnegan's Hell (2014)


Impossible de se quitter sans évoquer le film de Martin Ritt Les Molly Maguires, ou Un traître sur commande (1970) le plus chouette des westerns miniers qu'on ait jamais vu. Faut dire que c'est genre assez peu fourni.
En tout cas, il est magistralement servi par l'interprétation de Sean Connery (Jack Keogh) et Richard Harris (James Mc Parland) parfaits dans leur relation trouble faite de confiance, de méfiance, d'amour et de haine.
Vous ne l'avez pas vu ? Je vous envie....





* Comme lors de la guerre américano-mexicaine de 1846 où tout un bataillon irlandais, le St Patrick, déserta pour passer du côté mexicain par refus de jouer un rôle impérialiste.

jeudi 5 septembre 2019

Il était une fois en Ulster : SLF

Le 45 tour
L'hypothèse du retour de l'absurde frontière qui tranche l'Irlande en deux, outre ses éventuelles sanglantes conséquences, nous ramène quelques décennies en arrière.
On ne vous apprendra rien en rappelant que cette contrée a été le berceau d'innombrables et d'émérites musiciens.
Belfast 1978
Évoquons ici une bizarrerie : être punk en Irlande du Nord à l'origine.
Pour mémoire, le quotidien d'un adolescent sans avenir social de Belfast ou Derry était alors partagé entre le devoir d'élever des barricades et de s'éduquer aux bastons de rues tout en faisant allégeance aux valeurs républicaines généralement catholiques ou à des valeurs orangistes hystériquement paranoïaques.
Le tout, si possible, en évitant les bombes ou balles tirées par l'UDR ou la Red Hand d'un côté, l'IRA ou l'INLA de l'autre. Quand ce n'étaient pas celles venant de l'armée britannique censée arbitrer le match (quoique dotée d'un coupable penchant pour un camp) ou celles des brutes du RUC (police locale aux mains des loyalistes).
Comme l'a écrit quelqu'un* : La situation d'un punk nord-irlandais en 1976-78 est comparable à celle des zazous pendant l'Occupation sauf que les Allemands n'avaient pas inventé le jazz des caves de St-Germain-des-Près. Alors que les Anglais qui occupent toujours l'Irlande du Nord, eux, ont inventé leur punk. Pour un jeune Irlandais amateur de rock, mieux valait appréhender les choses en prenant un maximum de recul.
Belfast 1978 (là c'est l'IRA)


C'est donc dans ce contexte de franche rigolade que s'épanouissent quatre amis issus des ghettos républicains Jake Burns (chant, guitare) Henri Cluney (guitare) Ali Mc Mordie (basse) et Brian Falcon (batterie).
Ils abandonnent leur groupe de hard / glam rock Highway star pour trouver un exutoire à leur rage en virant punk, à l'instar de nombre de leurs collègues britanniques. Avec l'aide de Gordon Ogilvie, parolier puis manager, cette bande des quatre monte Stiff Little Fingers (rien à voir avec un doigt d'honneur, c'est une référence aux postures des snobs de la haute) enregistre une démo pourrie aussitôt envoyée à John Peel, le célèbre DJ de la BBC et celui-ci la programme aussi sec.
Le côté excessivement énervé de la chose avec des paroles moitié incompréhensibles dues au phrasé local de Jake qui hurle en bouffant ses mots ne constitue pas un vrai obstacle. Après tout ce n'est pas si dommageable, l'Angleterre vit une campagne d'attentats de l'IRA et la chanson Suspect device propose simplement de devenir soi-même un colis piégé. C'est du second degré, on est encore loin des premiers attentats suicide.
Décidant de joindre à leur musique d'excités une description au vitriol de leur existence en Ulster, leur deuxième single Alternative Ulster, (1978) deviendra vite historique.
ils y décrivent une existence désespérante sous occupation et leur refus de marcher au pas** dans une guerre interminable, le titre de ce 45 tour est en soi une provocation, quand on est républicain on se doit de dire Northern Ireland, pas Ulster.
Ici, ils le jouent en concert (bidonné). Enfin, si ça veut pas s'afficherc'est là.



Leur sens aigu de la provocation est encore mieux illustré dans la face B de leur 45 tour suivant Bloody sunday. Loin du prêchi-prêcha de U2, cette chanson n'illustre pas le Dimanche sanglant de Derry (massacre perpétré par l'armée de sa gracieuse majesté en 1972) mais un Putain de dimanche à Belfast où, comme on ne va pas à la messe, on s'emmerde à cent livres de l'heure.
On frémit à l'idée de la réception de cette chanson dans le Bogside. 

A écouter ici.


Comme ils l'avaient annoncé dans leur titre Gotta gettaway les Stiff finirent par se barrer de cet environnement désespérant pour aller tenter leur chance à Londres. Ayant mis de l'eau dans leur punk, ils ne deviendront toutefois jamais des rock stars. Juste une légende. Et comme disait fort à propos tonton Joe Strummer La différence entre une star et une légende, c'est qu'une légende, elle, n'a pas un rond.
Aux dernières nouvelles ils tournent encore. C'est l'excellent Bruce Foxton, ex-Jam qui officie désormais à la basse.

Les kids s'emmerdent le dimanche
* Histoire du punk en 45 tours. Géant vert (Hoëbecke 2012)

** Le rédacteur de ces lignes se souvient d'un entretien avec les Stiff Little Fingers lors d'un de leur passage par chez nous à cette époque. Naïvement enthousiastes, à l'époque, pour la cause unioniste irlandaise, nos apprentis rédacteurs de fanzine s'en revinrent munis d'une description apocalyptique du racket pratiqué par les paramilitaires des deux bords sur leur propres quartiers. Ils conclurent finalement sur ce titre : SLF, d'honnêtes pacifistes.
Pour ne pas déchoir, le soir de ce concert, la rue où jouait le groupe eut un air de Belfast de pacotille avec ses charges de CRS et quelques cocktails molotov.

vendredi 22 février 2019

Combien de marins imbibés ?


Retrouvons le grand large et les embruns avec un classique des chansons à virer. De celles que les marin entonnaient pour virer le cabestan pour relever l'ancre (Wae, Hey, and up she rises !).
Même à l'âge d'or de la Royal Navy, un des corps les plus répressifs de ce temps, il était permis aux hommes d'équipage de se défouler en chantant n'importe quelle obscénité pourvu qu'elle permette de supporter cette manœuvre de force. Les officiers de bord étaient alors l'objet de tous les quolibets
Il est prouvé de puis belle-lurette que c'est pas tant la mer qui tue l'homme, mais plutôt la gnôle. Encore que de nos jours, la coke et l'héro ont pas mal remplacé la bibine sur les chalutiers.
Ce classique irlandais du chant de marins s'en prend donc à l'état lamentable des camarades encore pris de boisson ou en sévère gueule de bois qui se retrouvent incapables d'aider efficacement leurs collègues à l'appareillage. En leur promettant une vingtaine de châtiments en représailles.
Ce Drunken sailor (Qu'allons-nous faire du marin ivre ?) a été entonné par des dizaines d'ensembles. Même si un des tous premiers enregistrements est celui, uniquement musical, du violonidte John Baltzell on a un faible pour la version des Irish Rovers qui, eux au moins, osent les paroles (Rasez-lui ventre et couilles /  Mettez-le au sel et à l'eau / Collez-le dans le lit de la fille du capitaine, etc...)


Noir Désir ne dédaignait pas la reprendre en concert. Pas seulement lors des tournées bretonnes. Là, c'était en 1989. En disque, le titre ne se trouve que sur la compilation En route pour la joie (2000).

jeudi 26 juillet 2018

Il n'y a pas d'amour (ni heureux, ni malheureux)

Anti Brexit. Derry, 1972.

La nature, le spectacle et les magazines ayant décrétés le mois d'août comme celui des amours, quelques remarques désagréables sur le sujet.
À l'origine, de notre vague à l'âme, le tout dernier morceau du troisième album (Salda baldago, 1988) du groupe basque Hertzainak*.

Outre que les petits gars de Gasteiz (Vitoria) ont interprété exceptionnellement une chanson au titre anglais, No time for love, la superbe musique est d'une évidente inspiration irlandaise.
Aaaah, les projections basco-irlandaises de l'époque...
Sauf que Bilbao n'a jamais été Belfast, enfin passons, là n'est pas le propos.
Notre connaissance de l'euskera étant plus que limitée, on avait tout de même compris que dans un monde hanté par le bruit des sirènes et des rafles au petit matin, par les larmes et les cris de terreur il ne pouvait exister d'amour.
Particulièrement si on vit à Chicago, Santiago, Varsovie, Belfast ou Gasteiz. Entre autres.


En réalité, le groupe n'a jamais caché avoir emprunté ce titre au chanteur de folk américain exilé au Royaume-Uni pour cause de conflit au Vietnam, Jack Warshaw qui créa cette chanson en 1979 sous le titre "If they come in the morning". On trouvera l'original ICI et les paroles (avec accords) .
Le chanteur irlandais Christy Moore la fit sienne en la rebaptisant No time for love avec la bénédiction de son auteur.
C'est d'ailleurs lui qui mit cette version en ligne. Ici en duo avec le guitariste Declan Sinnott.



Les paroles n'ayant pas pris une ride, vous constaterez que nos amours d'été ou pas, sont mal barrés. Et que, les prolétaires n'ayant pas de patrie, cette mélodie a toute sa place ici.
Salud !

* (1982-1993) Auteurs de "l'hymne" des autonomes Pakean utzi arte, ils sont bien moins connus ici que Kortatu (qui, eux, ne chantaient pas qu'en euskera) et c'est assez dommage. Surtout en ce qui concerne les trois premiers albums.

dimanche 15 janvier 2017

Mickey Finn et Nino Ferrer

Il est assez peu fréquent qu'un chanteur aille rendre de vibrants hommages aux musiciens censés le servir. Derrière Nino Ferrer, on a vu défiler une belle brochette à commencer par Manu Dibango ( à l'orgue !) débarqué de son Cameroun en 1967. Mais ce sera sa rencontre avec Michael Finn Waller, (1947-2013) guitariste irlandais, qui va décider notre Nino, qui traverse une de ses crises de mélancolie récurrentes, à retourner à la musique.
Avec lui et une bande de potes de Mickey, issus des Heavy Metal Kids, ils forment le groupe Leggs et enregistrent les albums Métronomie, Nino Ferrer and Leggs, Nino and Radiah, Suite en œuf et des 45 tours qui cartonnent tels La maison près de la fontaine ou Le Sud.

Guitariste éclectique, Mickey Finn avait débuté dès 1963 dans divers groupes dont les Blue Men ou les Heavy Metal Kids. C'est sous son nom qu'il avait obtenu ce succès d'estime en 1967 avant d'enregistrer un album mêlant du garage, du blues et, chose rare à l'époque chez un musicien blanc, du rock steady jamaïcain. Voici donc le très hendrixien "Garden of my mind" qui se fit une deuxième renommée grâce aux compilations Nuggets.


Détail piquant, le nom de scène de Michael évoque l'argot américain de la Belle Époque à Chicago. Là-bas sévissait un certain Irlandais homonyme, Michael Finn, propriétaire du Lone Star Saloon qui s'était fait une spécialité de servir à ses clients des boissons bourrées de sédatif afin de mieux les dépouiller. L'appelation "Mickey Finn est devenue par la suite un sale mélange destiné à déglinguer les toxicomanes adeptes de la piquouze.
Nino avait une telle amitié pour son camarade guitariste qu'il le mit en scène dans plusieurs chanson, en particulier avec ce titre tiré de l'album Ex Libris (1982) : Micky Micky
Ou dans le dernier couplet de l'Année Mozart (album La Désabusion. 1993)  


Mickey Finn a également joué sur plusieurs albums de Jacques Higelin (Champagne, Caviar, À Mogador, etc.) tout en ayant remonté les Blue Men ainsi que divers autres groupes. Il est mort quinze ans après son pote Nino et repose au Père Lachaise.

Une de leur dernière collaboration de 1993 : Notre chère Russie.