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dimanche 19 mars 2023

Pierre-Jean, l'autre Béranger, sic transit gloria mundi

 

Intéressante émission de Jean-Noël Jeanneney, Concordance des temps du 4 mars 2023 consacrée au cas du chanteur le plus célébré de la première moitié du XIXème siècle, Pierre-Jean de Béranger.
Outre faire un résumé de cette gloire populaire du Caveau Moderne et des goguettes (on ne disait alors ni cabarets ni café concerts) ce programme pose une très captivante question : celle de la notoriété ainsi que de sa postérité.
Comment, en effet, un artiste auquel Stendhal, Chateaubriand, Sue, Dumas, Goethe et surtout la plèbe rendirent hommage de son vivant finit-il plus ou moins aux oubliettes ?
 
La réponse tient sûrement en deux raisons. Une est la cause défendue par ce poète, un république (matinée de patriotisme et de nostalgie bonapartiste) désirée sous la Restauration comme devant guérir tous les maux mais qui se révélera, après les fusillades de juin 1848, pour ce qu'elle fut : un banquet pour la bourgeoisie qui exploita sans vergogne le peuple travailleur. Cette évidence de la lutte des classes rendit bien des œuvres de Béranger caduques. 
L'autre raison découle de la première. Décédé au début du second empire, les funérailles de Béranger furent l'occasion d'une mise en spectacle, d'une récupération grossière par un régime déjà dévalué né sous les coups de sabres et de baïonnettes. De quoi vous flinguer une réputation !
Il n'est qu'à comparer avec d'autres enterrements plus tardifs telles celles de Victor Noir ou de Jules Vallès.     
Ceci posé, relativisons l'oubli dont souffrit le bonhomme, sa tombe fut longtemps le lieu d'un pèlerinage annuel, il fut mis en musique par Hector Berlioz, Franz Liszt ou Édouard Lalo après sa disparition. De même, plus récemment, il est encore chanté dans de nombreux spectacles et cabarets.
Une de ses interprètes "moderne" fut Germaine Montéro, ici dans Les cinq étages, métaphore du sort d'une femme et du temps qui s'enfuit vues par le biais d'un immeuble parisien.

mardi 30 août 2022

Christine Sèvres, encore une malchanceuse

 

Voici une personnalité attachante et méconnue du monde des cabarets à l'époque dorée de la rive gauche.
Jacqueline Amélie Boissonet (1931-1981) est devenue Christine Sèvres dans sa jeunesse fugueuse pour ne point affecter sa famille, qui avait honte de ses envies de devenir actrice et chanteuse, ce qui ne se faisait point chez les jeunes filles normales de l'après-guerre, et en s'inspirant de la station de métro d'en face, reprenant sans le savoir (ou en le sachant, on n'y étais pas) la tradition des agents secrets de la France libre de l'époque londonienne.
Vu que le théâtre ne lui réussit guère et qu'elle doit se coltiner une gosse fruit du péché, elle fut vendeuse, mannequin, entraîneuse de cabaret, serveuse, portraitiste aux terrasses de cafés, dessinatrice industrielle, secrétaire d'écrivains, puis employée de bureau pendant la première moitié des années 1950.
 
En 1956, elle se lance plus sérieusement dans la chanson et la poésie en se produisant à l'Écluse, au Vieux Colombier, chez Milord l'Arsouille, à la Colombe, etc. C'est en 1956 qu'elle y croise l'homme de sa vie, un débutant nommé Jean Ferrat, qui lui offre quelques chansons et l'épouse en 1961.
Malgré l'ombre porté par Ferrat qui devient de plus en plus populaire sans être encore le chanteur officiel du parti, elle enregistre trois tires pour une compilation de cabaretiers en 1959 puis son premier 45 tours, en 1962: Les Nomades, d'une facture très classique pour l'époque mais avec un voix remarquée.
 

Malgré des premières parties de Brassens ou Barbara, elle demeure relativement discrète et la sortie de son album, Oscar et Irma, en 1968, plutôt inaperçue. Faut dire que sortir un album le 10 mai de cette année est un sacré coup de scoumoune qui ne peut conduire qu'à un four monumental ! 
On y trouve néanmoins une surprenante perle avec cette reprise de Brigitte Fontaine, Les dieux sont dingues.
 

Bloquée dans sa carrière, rendue amère par le succès de monsieur Sèvres, elle persiste un temps à l'Écluse avant de jeter l'éponge en 1972.
Elle suit néanmoins son moustachu avec sa fille dans sa résidence ardéchoise où elle devient peintre. Elle n'a regagné le studio d'enregistrement qu'en 1980 pour reprendre la Matinée, de 1969, un duo avec la vedette.


Bouffée par le crabe, elle meurt dans le Sud en 1981.

lundi 29 novembre 2021

Souplex au cinoche

De Raymond Guillermain  alias Raymond Souplex (1901-1972) les téléspectateurs d'antan ont certainement retenu la réplique "Bon Dieu*, mais c'est bien sûr !" du feuilleton Les cinq dernières minutes
Avant de devenir le commissaire Bourrel, en 1957, le gars avait été essentiellement un chansonnier d'avant-guerre au Caveau de la République ou au Deux ânes, se spécialisant déjà dans un genre vieillot et quelque peu suranné en duo avec Jane Sourza. Outre la chanson rétro, Souplex devint une des premières vedettes radiophonique en interprétant un rôle de clochard philosophe sur Radio Cité en compagnie de Noël Noël.
 
Il passa une assez douce occupation entre présence au théâtre, sur Radio Paris et tournée en Allemagne au profit des travailleurs du STO. Il s'en tira avec un blâme à la libération avant d'entamer une carrière de second rôle au cinéma pour une quarantaine de films avant de faire sa renommée à la télévision jusqu'au début des années 1970.  
L'intérêt de la série, somme toute assez molle, Les cinq dernières minutes fut surtout d'y inviter pour des apparitions une brochette d'acteurs confirmés ou appelés à le devenir tels Pierre Brasseur, Marcel Bozzuffi, Ginette Leclerc, Françoise Fabian, Bernard Fresson, Jean-Pierre Cassel ou même Serge Gainsbourg.
Quant au chansonnier, le voilà dans son numéro de plouc à la ville avec Au cinéma. Vu l'intervention du début, on soupçonne cette séquence de s'être tenue sur Radio Paris et on frémit d'avance à la blague heureusement coupée.  
Voilà pour notre contribution du jour à la culture générale.

 

*"Bon sang !" c'était dans le Rubrique à Brac de Marcel Gotlib.

jeudi 1 juillet 2021

Son côté punk

 Mon côté punk est un collectif de musiciens fondé en 2003 par Mourad Musset, Olivier Leite,tous deux issus de La Rue Kétanou, Fathi Oulahci (décédé en 2015) du Théâtre du Fil, Karim Arab et deux vieilles connaissances Loic Lantoine et François Pierron, fils de Gérard. 
Cette bande à géométrie variable, se formant au grès des occasions, on évoquera ici leurs débuts, plus précisément les deux premiers albums où le Lantoine ravi du bon gag, assurait le chant. 
Avec la chanson qui donna son nom au groupe.

 

Et un titre de Bernard Dimey qui était habituellement récité par icelui mais qui supporte très bien un poil d'accompagnement musical. 
Brève conversation entre deux petits truands de l'antique Jérusalem : 

mercredi 6 janvier 2021

On a chanté la Veuve

Le 9 octobre 1981, Robert "les Gros sourcils" priva notre beau pays de l'outil qui, comme la Tour Eiffel ou le camembert, lui assurait une notoriété mondiale. Rassurez-vous, les socialos mettront vite en fonction des Quartiers d'isolement, des peines incompressibles et tout un attirail destiné à faire miroiter une mort lente aux voyous et autres malfaisants. Pour mémoire, le regretté Giscard d'Estaing doté "d'une aversion profonde à la peine de mort" avait fait raccourcir trois personnes et au moins quatre autres attendaient la visite matinale du coiffeur au 10 mai 1981. 
Auparavant, l'immonde joujou des Deibler (bourreaux de père en fils de 1853 à 1939) avait excité les imaginaires, surtout lors d'une "Belle époque" où il s'agissait de vivre vite et de laisser un beau cadavre. 
Anatole Deibler (400 exécutions au compteur) et deux apaches de la bande de Béthune dont il se chargea.
 
Rappel historique : dans un souci d'humanisme, d'égalité, de sérénité et d'abolition des privilèges (seule la noblesse avait alors droit à la décapitation) l'Assemblée nationale adopta la guillotine le 6 octobre 1791. 
Contrairement à la légende, cette loi n'est pas l’œuvre de Joseph Ignace "appelez-moi docteur" Guillotin mais des députés Lepeltier et Saint Fargeau. Le bon docteur s'était contenté de suggérer pour accompagner les exécutions équitables un instrument déjà populaire dans les pays germaniques depuis le XVIème siècle, visant "à supprimer des souffrances inutiles".
Son engin fut rebaptisé du nom de son promoteur qui sera assez vite écœuré par l'utilisation industrielle qu'on lui trouvera. Contrairement à la légende, Guillotin mourut dans son lit à 75 ans.
Mais l'enthousiasme des patriotes se traduisait déjà en chansons, dont une qui dut ensuite inspirer le Père Léon, La guillotine permanente, tube de 1793, ici repris par Catherine Ribeiro dans un disque commémorant le bicentenaire de la Révolution.

L'image d'Épinal veut que la béquillarde ait tourné à plein rendement lors de la Terreur robespierriste. Certes, Samson (ça ne s'invente pas) exécuteur des basses œuvres n'a pas chômé, pas plus que les pauvres rémouleurs chargés d'aiguiser la bête. Mais, contrairement à bien d'autres symboles, la Restauration ne se débarrassa pas d'un engin si ingénieux et durant tout le XIXème, la bascule à Charlot ravagera le pays. A l'instar du bagne, on y passait pour un oui ou pour un non, en témoigne le fameux Derniers jours d'un condamné que Victor Hugo a mis trois années à oser signer de son vrai nom. C'était l'époque des complaintes criminelles.
Pour les grandes occasions, l'État préférait tout de même les canons chargés à la mitraille et la troupe qui chargeait pour calmer les ardeurs du populo.
Au tournant du siècle, vint la mode du voyou faubourien, mi-romantique, mi-épouvantail à bourgeois, qui trouva son accomplissement avec la figure de l'Apache* de la soi-disant Belle époque. Malgré l'opposition déclarée à la peine de mort du débonnaire président Armand Fallières, les exécutions en public restèrent encore le spectacle gratuit devant lequel on s'indignait, voire on se bastonnait avec les sergots (comme celle de Liabeuf en 1910) lorsqu'on ne se réjouissait pas du balcon en sablant le champagne.
C'était l'âge d'or des cabarets et des chants d'apaches. Devant un tel déferlement, on vous en pose deux, l'inévitable décrivant les derniers instants d'un voyou, écrite par Bruant, À la Roquette, ici par Bromure, des skins parisiens (2017).


 On ne saurait oublier l'impeccable Jacques Marchais dans son anthologie On a chanté les voyous un de nos disques de chevet, qui chanta une chanson de Desforges et Gueteville, créée par Reschal au cabaret l'Horloge, les confidences ironiques d'un futur guillotiné : Monte à regret
Ce qui n'est par ailleurs qu'un autre nom de la Veuve ou la rue de Limoges qui va de la taule à la place fatale.
Mais les beaux jours s'enfuient et le spectacle des exécutions au petit jour devient pénible à un public avide de happy ends avec l'arrivée du cinématographe.
 
Ainsi, vu le flou, le photographe qui prit le document ci-dessus devait être quelque peu ému ou frigorifié à l'occasion de l'ultime exécution publique, celle d'Eugène Weidmann, à l'aube du 17 juin 1939.
Désormais, on planquera les assassinats légaux derrière de hauts murs et la peine de mort se trimballera une réputation de plus en plus honteuse même si elle eut et a encore de chauds partisans. De 1968 à 1978, elle sera encore prononcée trois à quatre fois par an aux assiettes.
Mais on trouvait alors peu d'amateurs pour la braver ouvertement. et quelques indécrottables réacs pour la célébrer. Les années 1970 sont plutôt au chagrin et à la pitié.
On terminera donc ce tour d'horizon incomplet par un sympathique chanteur de variétoche, Julien Clerc, qui met en musique une chanson de Jean-Loup Dabadie en 1980, L'assassin assassiné.
 

 

* À creuser aux rubriques "Cabaret" ou "Bandits bien aimés" sur ce même blogue.

lundi 23 novembre 2020

Patachou sexualité et censure vintage


On glose à tort et à travers sur la liberté ces temps-ci et les crânes d’œufs qui sont censés faire l'opinion paraissent singulièrement obsédés par la liberté d'expression. Au point d'ériger n'importe quel crobard en symbole national, au point de se fixer sur un article de loi au sujet d'images de policiers en faisant mine de négliger le tombereau d'articles répressifs qui l'accompagnent. 
Vu qu'on vient d'exprimer ce qu'on en pense, on ne va pas en rajouter.
Rappelons qu'en ce qui concerne le couple infernal censure / liberté, on trouve quelques spécimen étonnants.
Ainsi, dans la prude France de 1959 et du soi-disant grand Homme qui venait de revenir au pouvoir grâce à un coup d'État, cette innocente et à peine coquine bluette, Les ratés de la Bagatelle, interprétée par la très respectée Patachou fut-elle dûment interdite de radio. Et ce pays se permet de donner des leçons.
Cachez ce refrain que je ne saurais voir.


lundi 31 août 2020

Une heure avec Jules Vallès


Bon, ben, puisqu'on nous claironne la rentrée, voici l'occase de revenir sur un individu cher à notre cœur.
Samedi 29 août, dans son émission Concordance des temps, Jean-Noël Jeannneney a reçu Céline Léger qui a écrit Jules Vallès et la fabrique médiatique de l'événement (1857-1870).
Un très agréable moment de radio qui n'apprendra peut-être pas de nouveautés bouleversants aux aficionados du alias Vingtras mais revient avec bonheur sur quelques-uns de ses textes réjouissants.



En sus, la maison vous offre un billet du même, tiré du journal hebdomadaire "irico-blagueur" Le Chat Noir, quatre feuilles tirées jusqu'à 120 000 exemplaires par Rodolphe Salis, patron du cabaret éponyme.
Vallès y commit ce Aux copains du Chat Noir (lu ici par jean-Luc Debattice) qui résume parfaitement son humour et ses humeurs. Suffit de cliquer sur le titre.

Par ailleurs, on craque. Comment faire entendre à des ignorants de journalistes que les nazis n'ont PAS incendié le Reichstag en 1933 et qu'ils se sont contentés de tirer les marrons du feu ?  Et ça prétend combattre les fake news, cette engeance.

samedi 4 juillet 2020

L'éternel féminin par Coccinelle

Je ne sais si le gars sur la photo avait cherché la femme, mais il a fini par en croiser sur sa route. On s'excuse car n'a rien trouvé de plus spirituel qu'une photo, souvenir des rues de Belfast de la pire époque, pour illustrer cette rengaine écrite par Bruno Coquatrix himself.
Chantée par Coccinelle, elle fit fureur dans la société corsetée de 1963.



Coccinelle fut une star du "Carrousel de Paris" et de chez "Madame Arthur"
Jacqueline-Charlotte Dufresnoy (née Jacques Charles Dufresnoy le 23 août 1931 à Paris IIIe, décédée le 9 octobre 2006 à Marseille) fut une des premières artiste transsexuelle (le terme transgenre n'existant point encore) à être mondialement connue.
Elle parraina une collègue, Bambi, chez la mère Arthur avant de partir hanter les cabarets berlinois à partir de 1978.
Elle s'établit à Marseille à partir de 1992.
Morte en 2006, une allée en terre-plein central du boulevard de Clichy, à Pigalle, porte désormais son nom.
Elle a tourné six films dans les années 60 et a enregistré une dizaine de disques.

Annapurna de kitch, ce petit film qui lui est consacré.

lundi 24 février 2020

Vanneaux moustachus

Moustache avide à dollars
Accessoire indispensable de nos ancêtres les Wisigoths, du sabreur XIXème siècle, du dictateur chamarré, du pandore à l'ancienne, du bon goût méditerranéen, du mariachi et de pas mal de chanteurs d'avant le rock, cet appendice viril et néanmoins sub-nasal sera étudié dans la prochaine édition des Vanneaux de passage.

Ce sera le lundi 2 mars à 17h30 à Radio canal Sud (92.2fm).

Et ce qui nous donne l'occase de se remémorer un sympathique personnage qui vécut beaucoup dans l'ombre d'autrui.

François-Alexandre Galepides (1929-1987), dit Moustache, fut acteur, de cette cohorte de second rôles dont le cinéma français avait le secret, dans une soixantaine de films. Outre le grand écran, il trimballa son physique inoubliable derrière sa batterie en accompagnant dès 1948, Claude Luter ou Sydney Béchet. Dans les années cinquante il dirigea plusieurs formations de jazz dont les Sept Complices, les Gros Minets ou les Moustachus.
Il enregistra plusieurs paléo rock'n roll parodiques avec Boris Vian puis monta les Petits Français (comme son nom l'indique, il était aussi Grec) avec son vieux copain d'origine douteuse, Marcel Zanini.
Grand copain de Georges Brassens, il a gravé pas mal de reprises du moustachu sétois en les swingant.
Un de leurs titres en hommage à Simone, l'épouse de Moustache, danseuse du Vieux Colombier : Élégie à un rat de cave (1979).



lundi 23 septembre 2019

Berthe Sylva, sortez les tire-jus !


Voici une chanteuse réaliste, gloire de l'entre-deux guerres, dont la spécialité était d'arracher des larmes au public tout en vivant une vie de joyeuse luronne. Du moins tant qu'elle l'a pu.
Née Berthe Faquet en 1885 à côté de Brest (ou, selon d'autres sources, dans le Lot-et-Garonne), fille d'un marin et d'une couturière, elle aurait été placée comme femme de chambre dès son enfance et aurait eu un gosse à 16 ans. Du moins, c'est ce qu'elle racontait à la presse. On sort les mouchoir.
Elle aurait fait ses débuts vers 1908 au Casino de Montmartre puis à celui de Montparnasse. En 1916, son premier succès est un morceau de Vincent Scotto, La tourneuse d'obus. Elle fait aussi des galas pour les poilus.
Enregistrement de 1913, Mon vieux pataud (Le Peltier, Valsien) ici avec des images du film Ni vu, ni connu ( Yves Robert, 1958 )

 

Sa grande renommée arrive au milieu des années 20 en devenant permanente du Caveau de la République et en passant régulièrement en direct sur les ondes de Radio Tour Eiffel. En 1928, c'est la gloire avec Les roses blanches (Pothier, Raiter) puis Le raccommodeur de faïence (Decoq, Soler) vendu à 200 000 exemplaires, fait incroyable vu le peu de radios et de gramophones existant alors, sans parler des disquaires.
Elle tourne alors avec Fred Gouin, le chanteur aux 450 78 tours, avec qui elle a une relation amoureuse passionnée et passablement arrosée. 
Parfois comparée à la grande Fréhel, son répertoire, essentiellement éploré, prête aujourd'hui plutôt au sourire.
Elle est pourtant encore présente dans la mémoire collective avec (outre Les Roses) Ferme tes jolis yeux (en duo avec Gouin) La légende des flots bleus et ce chef d’œuvre du pathétique flamboyant qu'est Du gris (Bénech, Dumont, 1925) en général faussement attribué à... Fréhel !


Élue "chanteuse préférée des jeunes filles" en 1936, elle se réfugie à Marseille en 1940. Elle y meurt l'année suivante rongée par le vin et la misère. Sa maison de disque se contentera de financer les obsèques au cimetière Saint-Pierre. Et un Fred Gouin inconsolable d'aller déposer sur sa tombe une immense gerbe de roses blanches.
Le plus étonnant est que ses enregistrements remastérisés continuent à se vendre tout à fait honorablement.
Vous pouvez remiser les mouchoirs.

mardi 13 août 2019

Mistinguett : érotisme primitif



Avec sa collègue Arletty et bien avant le Môme Piaf, Mistinguett fut une de ces hirondelles du faubourg à devenir une immense vedette de la France de l'entre-deux guerres. Couronnée "Reine du Music-hall", Colette écrivit d'elle qu'elle était propriété nationale.
Née Jeanne Florentine Bourgeois en 1875, issue d'une famille plus que modeste comme ne l'indique pas son patronyme, Miss Hélyett puis Mistinguett débuta au Trianon en 1894.
Malgré un physique particulier, un talent limité de danseuse et chanteuse, elle profita de sa suite de revues, pièces de théâtre et même petits films d'un cinématographe débutant pour imposer sa gouaille coquine et une paire de gambettes qu'on disait les plus belles du monde.

Partenaire de Maurice Chevalier* dès 1911 aux Folies Bergère, elle connut la gloire après 1917 aux côtés de Harry Pilcer, Georges Guétary ou un petit jeunot qui promettait, Jean Gabin.

Si on se souvient surtout de Mon homme, Ça c'est Paris ou C'est vrai, on apprécie particulièrement son Il m'a vue nue, de 1926 (Pearly / Chagnon) dans lequel on mêle allégrement du littéraire un peu cuistre ( La lune soudain vint s'exhiber, /
J'allais lui dire : "Ta bouche, Phoebé !" / Quand j'entendis près d'moi / Un cri d'émoi)
à une raillerie toute populaire ( Il m'a vue nue / Toute nue / Sans cache-truc ni soutien-machins / J'en ai rougi jusqu'aux vaccins) avec une gaillardise parfaitement explicite : Et je pensais / Il va me rejoindre bientôt / Pourvu qu'il ne perce pas mon incognito.


 

Comme quelques autres, la Miss se fera plus discrète après l'Occupation. Elle est morte en 1956 à 81 ans.

* Côté gaillardise anecdotique, ces deux-là ont vécu une grande histoire d'amour durant une décennie. Mobilisé en 14, le Maurice avait offert une copie de son sexe à sa belle pour qu'elle patiente en attendant l'armistice.

dimanche 4 août 2019

Chanson du Quai des Brumes

Le film de Carné (1938) n'a qu'un rapport relatif au roman
Grâce à son adaptation cinématographique du duo Carné-Prévert (1938) Quai des Brumes est certainement le roman le plus connu de Pierre Mac Orlan.
Le cadre du livre n'a rien à voir avec Le Havre mais se déroule entre le Montmartre du Lapin Agile et la ville de Rouen, deux lieux ou l'auteur avait pas mal roulé sa bosse.
D'ailleurs, il paraît que c'est Max Jacob qui avait surnommé Frédé, tenancier du fameux cabaret "tavernier du Quai des brumes" en référence non pas à un quelconque dock mais à cette butte mal famée.
Quant à Jean Rabe, jeune sans-le-sou de l'année 1910, il emprunte pas mal de traits à un Mac Orlan qui vécut alors dans la dèche.
Tout cela est assez connu.
Mais, amoureux comme on l'est des chansons du Dumarchey, voilà-t-il pas qu'on vient à peine de réaliser qu'un de nos airs favori, Nelly, est également issu de ce bouquin de 1927.
À l'origine, elle est dans le roman une go-go girl, comme on ne disait pas encore, des salles de bal de Pigalle et Montmartre. Prostituée occasionnelle, elle accorde ses faveurs à Rabe avant de monter en grade et régner enfin sur la vie parisienne en soignant son cafard de l'époque du Lapin.
Plus modestement, la fille de la chanson (sortie en 1953 dans Chansons pour accordéon avec V. Marceau) ne gouverne que son bistrot à Rouen. Elle est le dernier souvenir d'un petit gars qui part au casse-pipe en 14. Voilà pourquoi on avait passé ce titre à l'époque dans l'émission sur racaille militaire.
C'était en 2013 et cette découverte mérite bien un rappel. Chanté par la Morelli.


vendredi 12 juillet 2019

Anne Vanderlove


Chanteuse réputée dans les années soixante, Anne Vanderlove (née Anna Van der Leew) s'était fait discrète depuis 1972. Elle est morte tout aussi discrètement le 30 juin dernier.
De père hollandais, résistant déporté en 1943 et de mère bretonne, elle fut confiée à ses grands-parents dans le Morbihan dès son plus jeune âge.
Au début des années soixante elle est d'abord institutrice avant de passer à la chanson en 1965 en se produisant au cabaret de Saint Germain, Chez Georges.
En 1967, elle sort son premier album Ballade en novembre, aussitôt couronné du Grand prix de l’Académie de la chanson française


En mai 68, elle tourne dans les usines occupées en compagnie de Pia ColomboMaurice Fanon, Francesca SolevilleColette Magny, Isabelle Aubret et Dominique Grange avant de se brouiller avec son label, Pathé-Marconi.
Désormais, elle s'autoproduira.
Elle chante sur La mort d'Orion de Gérard Manset puis, en 1972, décide de ne plus apparaître que dans les écoles, prisons ou MJC.


Revenue en Bretagne, elle enregistre régulièrement des disques tout en se consacrant à l'éducation à l'environnement.
En 1993, elle écope d'une peine de sursis pour complicité à un hold-up mené par son compagnon de l'époque.
Surnommée la "Joan Baez française" dans ses premières années, elle n'a jamais cessé de se produire jusqu'à ces dernières années.


vendredi 14 juin 2019

Du côté du Chat Noir (10) Erik Satie s'amusait

En 1909
Grand seigneur du piano, reconnu par son inventivité comme un ancêtre du surréalisme et de la musique répétitive, surnommé Ésotérik Satie par Alphonse Allais, qualifié par Claude Debussy de musicien médiéval et doux, égaré dans ce siècle, et de mélancolico-rigolo par Marcel Gotlib, Erik Satie naquit à Honfleur en 1866 pour aller mourir à Paris en 1925 suite à une longue carrière de buveur d'absinthe et une dèche récurrente, sa dignité lui interdisant d'aller taper ses connaissances plus fortunées.
Pour survivre, ce proche de Debussy ou de Stravinsky se fit artiste de cabaret, écrivant des mélodies qualifiées par lui-même de "rudes saloperies", sur des textes où l'absurde dispute à l'ironie. 


Parodiant la Marche funèbre de Chopin, rebaptisée Embryons desséchés pour l'occasion, traitant un célèbre critique musical de Trou du cul, mais un cul sans musique, Satie n'hésitait pas à se moquer allègrement de sa corporation ou de lui-même. 
Ci-dessous un extrait de Mémoire d'un amnésique lu par Oliver Alain Christie. C'est le sixième texte : L'Intelligence et la Musicalité chez les animaux.



Mémoires d'un amnésique fut une série de six articles que Satie rédigea sur deux ans, publiés dans "La Revue musicale S.I.M." (Société Internationale de Musique) d'avril 1912 à février 1914.
Autre intermède, cet extrait du spectacle Cabaret Satie, La Journée du musicien lu par Philippe Nesme . La Musique, Sonatine bureaucratique, premier et deuxième mouvements, est jouée par Carmen Martinez-Pierret.

jeudi 11 octobre 2018

Colette Renard, polissonne de la chanson

Dans Irma la Douce (1956)
Selon les sources, elle est née en 1924, Colette Lucie Ringet ou Raget (joies d'internet).
Fille de menuisier et de couturière, elle a étudié le violoncelle et d'abord vécu de petits boulots (vendeuse, tricoteuse, coiffeuse) avant de gagner un radio crochet et se lancer ainsi comme chanteuse réaliste.
Remarquée par Breffort, celui-ci lui offre le rôle phare dans la comédie musicale Irma la Douce qu'elle jouera de 1956 à 1967.
Puis, elle a assuré seule ses récitals en province, tournant avec une bagnole dans laquelle elle avait entassé sa sono, ses accessoires, nécessaire à maquillage, deux robes de scène...
Refusant le play-back, elle se fit plutôt rare à la télévision. Toutefois, une trentaine de disques, des concerts à l'Olympia ou à Bobino (comme avec Brassens en 1976) lui ont assuré un joli succès.
Mais sa renommée vint surtout de sa spécialité dans les chansons lestes ou paillardes, la plus célèbre restant Les nuits d'une demoiselle (dont il existe divers enregistrements de versions plus ou moins édulcorées).
Un autre classique des salles de garde : la Femme du roulier (1960).


Elle a joué plusieurs rôles au théâtre, au cinéma dans des films assez mineurs, ou dans des séries télévisées et fait un retour en chanson en 1997. enregistrant jusqu'en 2002.
Elle est morte d'une longue maladie, en octobre 2010, à 85 ans.
Un autre petit bijou de parodie : Ça c'est d'la musique (1958)

mardi 19 juin 2018

Le chant des ouvriers

Ça, c'est d'Oscar Wilde
Ringards et nostalgiques comme nous sommes, voici une chanson qui a fait et fera les beaux jours de quelques agapes et réunions arrosées.
Elle est d'un grand auteur du XIXème, Pierre-Antoine Dupont (1821-1870) poète, musicien et goguettier.
Orphelin, ce fils de forgeron lyonnais fut confié à un oncle curé dès ses quatre ans. Ne s'étant découvert aucun goût pour le séminaire, le jeune homme se fait ouvrier canut, puis employé de banque avant de rejoindre Paris pour y fréquenter assidûment les goguettes (futurs cabarets).

Il y rencontre Gérard de Nerval, Théophile Gautier, Charles Baudelaire, tente, sans succès de solliciter un coup de main à Victor Hugo et copine avec Charles Gounod avec qui il créée le refrain Les bœufs ("J'ai deux grands bœufs dans mon étable, etc...").
En 1846, il écrit ce qui restera comme sa chanson la plus populaire, celle dont il est ici question, Le chant des ouvriers, hymne de la Révolution de 1848.
Retiré dans l'Essone, chantre de la vie rustique, cela ne l'empêche pas d'être membre du Comité central de résistance et de faire paraître, en 1849, son recueil Le Chant des paysans hostile au prince président Napoléon Bonaparte futur troisième.
Lors du coup d'État du 2 décembre 1851, il se trouve sur la barricade du faubourg Saint-Antoine, ce qui lui vaut une condamnation à 7 ans de déportation.
Réfugié en Savoie, il se fait repenti pour obtenir sa grâce.
Aigri et alcoolique il retourne à Lyon en 1862 pour y mourir malgré le soutien de ses amis.
Pierre-Jean de Béranger disait de lui "Il est poète, plus poète que moi".
Ses chansons, Les carriers et Le chant des ouvriers (dit aussi la Marseillaise du peuple) accompagneront en musique de la Commune de Paris.


Marseillaise du peuple, peut-être, mais il s'agit bien ici de l'indépendance du monde, plus d'une quelconque nation. La version proposée ici n'est pas la plus répandue, par le récemment disparu Marc Ogeret, mais celle d'une chanteuse amie de Mac Orlan et de Dimey qui fonda un label pour chanter des chants révolutionnaires ou de maquis : Rosalie Dubois (née Jeanine Rolleau).
En conclusion, un peu de bon sens :


samedi 2 juin 2018

Pia Colombo, teigneuse méconnue


Par l'effet d'un manque d'imagination récurrent des médias, voici une chanteuse qui fut un temps pressentie pour prendre la place vacante d'Édith Piaf (décédée en 1963 et dont la grande Damia disait qu'elle lui avait tout piqué).
Mais ses positions très à gauche, une réputation "d'intellectualisme", de "réservée à la rive gauche" et, surtout, une censure fort vigilante firent chuter la Dame dans un certain oubli.
Fille du Nord née Éliane Marie Amélie Pia Colombo à Homblières (1934) et morte à Créteil en 1986, elle fut danseuse, comédienne et hanta les cabarets et meetings communistes.
Laissée à sa grand-mère, elle fut d'abord une grande adepte de l'école buissonnière, à tel point que sa famille considérait miraculeux qu'elle sache lire et écrire.
En 1946, ses parents l'ayant reprise en région parisienne, ils l'amenèrent au Châtelet où elle devint amoureuse de la danse.
Tombée malade à quinze ans, elle en restera très chétive et pourra faire une croix sur sa carrière de danseuse.

Elle tente alors le Cours Simon où elle est encouragée par un jeune professeur, Maurice Fanon, chez qui elle emménage en 1956.
Après divers refus sanglants, elle débute en chanson au cabaret l'Écluse cette année-là.
Elle y chante des chansons de Fanon, avec lequel elle se séparera quelques années après sans que jamais leur amitié ne soit remise en cause et sort ses premiers tours chez Versailles, puis chez Philips.
Au fil des années, elle sortira huit albums en studio, deux en public et treize EPs quatre titres.

Retrouvons-la dans un classique Fanon, l'Écharpe, filmée en 1963


À partir de 1958, elle fait des premières parties de Georges Brassens, se lie d'amitié avec Barbara, chante un débutant nommé Gainsbourg puis connaît la dèche médiatique due à l'irruption des yé-yés.
Se remettant à la vache enragée, elle passera aux Trois Baudets, à la Tête de l'art, à La Colombe et surtout à la Contrescarpe, en doublé avec Francesca Soleville.
Repérée par Roger Planchon, elle alterne scènes de théâtre et quelques brèves apparitions cinématographiques. Elle devient alors une grande interprète de Kurt Weill et Bertold Brecht comme dans ce Tango des matelots


Elle triomphe enfin dans l'opéra brechtien Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny, commentant à son propos "J'y ai tout appris. Avant je ne savais pas ce que c'était que chanter."
En 1967, elle enregistre Rue des Rosiers, de Sylvain Reiner et Maurice Holmès, sur la Rafle du Vel d'Hiv, puis tourne avec Aznavour, Alain Barrière, Marcel Amont....
 
En mai 1968, avec Jean Ferrat, Maurice Fanon, Francesca Solleville, Colette Magny, Isabelle Aubret et Dominique Grange, elle tente des tournées aux piquets des usines en grève avant que tout ce petit monde ne se fasse virer par une CGT inquiète de voir ses propres troupes lui échapper.
Puis elle remontera sur les scènes théâtrales, défendra l'écologie, se fera une autre spécialité à chanter Léo Ferré, tournera en Europe de l'Est et, pas rancunière, passera finalement en vedette à la Fête de l'Huma en 1973.
Rongée par le cancer, elle crée, entre 1979 et 1981, un spectacle autobiographique, Requiem autour d'un temps présent, écrit par le toujours fidèle Maurice Fanon.
Après quelques concerts et apparitions télévisées, le crabe finit par avoir sa peau en 1986.
Manière de rappeler que la sauvagerie policière ne date pas d'hier, un dernier pour l'émotion : Un Soir de mai, enregistré à l'Olympia en 1968 :


lundi 14 mai 2018

Harry Fragson, faux rosbif de la chanson belle époque


 Article du dimanche 4 janvier 1914 : 

Une foule énorme accompagne la dépouille d'Harry Fragson 
Paris a fait à Fragson des obsèques populaires. Trop populaires même, et il est impossible passer sous silence les regrettables incidents qui ont failli compromettre la dignité du convoi. Autour de Notre-Dame de Lorette la bousculade faillit tourner à l'émeute. Des appareils cinématographiques aux aspects de balistes et de cangaltes (sic) évoquaient le siège d'Alésia par les Romains. Une de ces encombrantes machines s'écroula avec fracas. Et ce furent des poussées féroces, le piétinement sourd des légions en marche, le désarroi enfin.
On ne comprendra jamais comment un vieillard, ami intime du défunt, M. Bloch, fut pris pour le père de la victime et couvert d'injures par des personnes évidemment pleines de bonnes intentions qui n'écoutaient que leur courage. Des camelots criaient les chansons de Fragson ! On n'avait pas vu pareil charivari depuis les obsèques de Victor Hugo. Enfin, cela prouve du moins que le pauvre Fragson a laissé beaucoup de regrets et qu'il était très populaire.

Mais qui diable était ce chanteur qui eut un enterrement digne de celui non seulement de Victor Hugo, mais aussi de Louise Michel ou de Jules Vallès ?

Il serait né Victor Léon Pot ou Vince Léon Pott ou encore Potts,  le 2 juillet 1869, le 10, ou le 12 selon les sources, à Anvers, à Londres ou dans le Surrey.
Tel un Cravan ou un Traven, le gars a brouillé les pistes : il se disait anglais par son père, Victor Pot (sic) mais belge (et français) du fait de sa mère, L. W. Pot...
Chose certaine : il fut au cours de sa carrière à l'aise dans les deux langues. Il a d'ailleurs fait carrière en France et en Angleterre, chantant et gravant, à Paris, de nombreux disques en français avec un léger accent anglais et, à Londres, en anglais avec un léger accent français.
Chantant en s'accompagnant au piano de trois-quart face au public, ce balèze débuta aux Quat'-z-Arts, puis hanta la crème des caf' conc' et des music halls :  l'Européen, le Ba-Ta-Clan, le Concert Parisien, l'Horloge, le Parisiana...
Yvette Guilbert, la star incontestée du moment, reprit le P'tit cochon et sa Ronde des petits chiens.
Après quelques tours de chants en Angleterre, il est rentré en France en 1905 jouer plusieurs rôles dans des comédies musicales.
Son premier gros succès, de 1897, est toujours repris de nos jours. 

  
De 1905 à 1913, il enregistre la bagatelle de 18 disques, ce qui est énorme pour une époque où les phonographes étaient peu abondants. Son seul Reviens ! donnera lieu à 43 reprises par Tino Rossi, Suzy Delair, Ray Ventura, Jean Sablon, etc. et parodié par Georgius sous le titre Rentre !
Mais sa chanson immortelle, la scie de l'avant-guerre, celle dont l'air fait toujours les beaux jours des manifestations est Si tu veux, Marguerite.

 
Et puis, le 30 décembre 1913, rentrant à son domicile, rue Lafayette à Paris, son octogénaire de père lui expédia quelques coups de revolver. On a parlé de drame de la jalousie, d'histoire de femmes, d'argent (il y aurait eu en jeu une fortune de 14 milliards entre liquidités, actions, biens immobiliers !) mais l'unique certitude est que son père, souffrant de troubles psychologiques, était persuadé que son fils voulait le placer en maison de santé... Celui-ci mourrut avant d'arriver à Lariboisière.
Ses funérailles furent donc une énorme manifestation, derrière le cercueil se sont pressés Roland Dorgelès, Dranem, Mayol, Paulus, Dickson, Mazyol, Polin...

Ultime fantaisie : il a longtemps été officiellement inhumé au cimetière Montparnasse mais trois tombes du columbarium du Père Lachaise portent son nom. Laquelle est la bonne ?
Outre reprendre ses airs, Barbara lui rendit hommage dans sa chanson Fragson (1981)


 


vendredi 11 mai 2018

Les Frères Jacques ont rencard avec Brigitte


En 1958, Ricet Barrier sortait son premier disque chez Jacques Canetti et passait aux Trois Baudets en compagnie de Serge Gainsbourg au piano, Raymond Devos, Bernard Haller et un petit nouveau nommé Jacques Brel.
En 1961, il enregistra Rendez-vous, ou Stanislas, pour son deuxième huit titres chez Philips.
Comme souvent (Dolly, la Marchande de poisson, les Spermatozoïdes), les Frères Jacques se chargèrent de la populariser en la reprenant.
Et en s'offrant, au passage, une figurante de luxe dans ce scopitone où la belle enfant s'exhibe dans un superbe manteau d'ocelot.
Elle n'avait pas encore épousée la cause animale doublée d'une déplorable paranoïa vis à vis du genre humain. 

samedi 5 mai 2018

Un débutant au Lapin Agile

Public bienveillant (1953)
" Accordez tranquillement votre guitare. Détendez-vous. Dites-vous que vous allez, comme d'habitude, chanter devant des copains." Mais les apaisantes paroles d'Yves Mathieu n'étaient pas d'immense secours. "C'est de la panique que je sentais en lui. Il était tellement intimidé qu'il n'osait demander un verre d'eau. Je lui amenais une bouteille. Pourrait-il chanter ? Je me disais : si Grello l'a recommandé à Paulo, c'est qu'il a du talent. Je me rassurais...


Au Lapin, il n'y a ni micro, ni scène. On est seul devant le public que, d'un geste, on peut toucher tant il est proche. Brassens était livide. Il posa son pied sur un tabouret, plaqua quelques accords sur sa guitare et chanta Le Petit cheval de Paul Fort. De sa moustache mouillée par la transpiration qui coulait sur son visage sortait une voix blanche, bredouillante, sans articulation, souffle Yves Mathieu comme s'il revivait la scène. Le texte était incompréhensible. Le trac qui paralyse y allait de toute sa cruauté. J'avais mal pour cet homme que je ne connaissais pas il y a deux heures. Il m'attendrissait. Le public percevait cette panique. Bon enfant, il applaudissait, encourageait. N'a-t-on pas plus besoins de bravos dans la vie, que de sifflets ?
Ce fut encore Le Gorille, Les Bancs publics, Brave Margot. Voilà, c'était terminé. (...)
Il persévérera deux semaines. parfois, quand venait le moment où il devait chanter, la salle se vidait : l'heure était trop tardive et et il était difficile d'inverser l'ordre de passage des artistes. À la fois triste et soulagé, Brassens partait en lançant son "À demain!" (...)
Un matin, vers deux heures, Brassens fit part à Paulo de sa décision : il renonçait à interpréter lui-même ses chansons. "Il m'est impossible de surmonter le trac... Devant le public, je perds tous mes moyens. Je crois que je ne suis pas fait pour ça. Tant pis, je ferai chanter mes chansons par d'autres.'"

Louis Nucéra Les contes du Lapin Agile

Remarquons que, vingt ans plus tard, le gars avait appris à se détendre et à se marrer.