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dimanche 23 décembre 2018

Terroristes et casseurs : le capitaine et le général qui n'existaient pas


Comme le reste de l'Europe, le royaume d'Angleterre connut une vie sociale agitée au XIXème siècle. La particularité des Brits, héritiers des insaisissables Robin Hood ou Dick Turpin, fut d'avoir résolu le problème des représentants du mouvement en créant des personnages mythiques qui prenaient la tête d'armées de gueux et sur les traces desquels les bataillons des autorités s'épuisaient en vaines poursuites.
En 1830, les campagnes britanniques sont ravagées par l'introduction des premières machines batteuses, les abus de propriétaires maintenant une partie des ouvriers en chômage, profitant de cette situation pour sous-payer une main d’œuvre corvéable à merci.
Le Captain Swing

Nées dans le Kent, une suite d'émeutes paysannes, les Swing Riots, vont s'étendre dans tout le royaume. Les cibles en sont les Landlords, gros propriétaires fonciers dont les machines ou les maisons étaient incendiées s'ils avaient le malheur de ne pas accéder aux revendication salariales des métayers (sous forme d'argent, de nourriture ou de...bière).
Les pétitions sont signées par le chef suprême des insurgés : le Capitaine Swing, héros imaginaire dans lequel tous pouvaient se reconnaître.
Le nom du leader fut certainement choisi en référence à la sentence de mort par pendaison qui menaçait quiconque prenait part au mouvement (le verbe "to swing" signifiant "se balancer").

Après une année qui vit les contrées en flammes, l'armée reprit progressivement le contrôle de la situation : on compta alors 19 exécutions officielles, plus de 600 peines de prison et un demi-millier de déportations aux colonies (Canada, Australie).
Il exista plusieurs chansons à la gloire des saboteurs, cette balade, ici par Robb Johnson, connut un regain de popularité lors de la révolte contre Thatcher et sa Poll Tax, en 1990.

 

Mais avant l'irruption du facétieux capitaine, l'agitée Albion avait eu à subir les agissements du Général Ludd de 1780 à 1820. Là aussi, l'introduction du machinisme et de l'industrie avaient mis au rencard une foule de tondeurs, tisserands, et autres artisans qui se virent privés de toute maîtrise sur leur office, réduits à l'état de prolétaires allant mendier un salaire.

Menés par le chimérique John ou Ned (selon les endroits) Ludd (aussi bombardé général, capitaine ou carrément roi) les ouvriers insurgés n'aimaient rien tant que s'armer de masses pour briser les machines responsables de leur exploitation. Dans les Midlands, le gouvernement envoya contre eux plus de troupes que celles expédiées sur le continent combattre les armées de Napoléon.

Malgré quelques victoires partielles, en 1812, la peine de mort fut introduite contre le sabotage et treize luddites furent pendus.
La création des syndicats prit peu à peu la pas sur la révolte spontanée et auto-organisée.

Lord Byron écrira un poème en hommage aux Luddites.
Méprisés par les courants progressistes, ces Luddites vont bénéficier d'une belle renommée grâce aux courants anti-industriels modernes.
Chumbawamba dans The triumph of general Ludd


À part ça, l'acte 6 a donné une quatrième journée d'affrontements dans Toulouse et la presse régionale a vomi son eau-forte (ce qui va à ravir avec l'utilisation des canons à eau).

mercredi 21 novembre 2018

Terroristes et casseurs (4) la bande à Winstanley

Diggers ridiculisés par leurs ennemis
À tort ou à raison, il est beaucoup question de jacqueries ces derniers temps. Voilà l'occasion de se pencher sur des événements survenus outre-manche autour de 1649.
Résumons à la louche : de 1642 à 1651, le royaume d'Angleterre connaît une série de guerres civiles résultant de l'affrontement entre son souverain, Charles I, et son parlement qui se dote pour l'occasion d'une force baptisée New model army, dirigée, entre autre, par le hobereau et futur dictateur Oliver Cromwell. 
Ce conflit entre deux pouvoirs, également voraces, s'est déroulé au sein d'une kyrielle de sectes, hérésies, variantes du protestantisme, qui connurent un franc succès au sein des Têtes rondes, soldats du parlement, ainsi nommés pour leurs coupes au bol les différenciant des aristocrates chevelus.
Au nom d'idéaux qu'on peut qualifier de millénaristes, d'anarchistes ou de communistes primitifs, ces ancêtres des conseils de soldats n'hésitèrent pas à répandre des idées remettant en cause les différences sociales ou la sacro-sainte propriété. "Quand Adam bêchait, quand Ève filait, où donc était le gentilhomme ?" proclame un des innombrables pamphlets circulant dans l'armée, souvent au mépris de l'interdiction formelle des officiers.

Parmi ce fouillis de révolutionnaires, trois groupes furent particulièrement populaires : les Levellers ( Niveleurs) dont certains devinrent Diggers (Bêcheurs) ainsi appelés pour leur communisme chrétien agricole et les Ranters (Divagateurs) terme péjoratif donné à ces ennemis radicaux de la propriété et de la morale considérés par les puritains comme des hérétiques de la pire espèce.


Vers 1649, un ex marchand de draps, ancien soldat de Cromwell, Gerrard Winstanley, écrit une série de manifestes dans les quels on peut lire : "Lorsque l'humanité commença à acheter et à vendre, elle perdit son innocence et les hommes commencèrent alors à s'opprimer les uns les autres et à frauder leur droit naturel" ou " C'est indéniablement affaire de justice que le peuple travailleur puisse bêcher, labourer et habiter sur les communes, sans avoir à louer ni a payer une redevance à quiconque". Et joignant la pratique à la parole, ces anciens soldats devenus chômeurs occupent (on emploie alors le mot squat, promis à un bel avenir) des terres sur la colline St George dans le Surrey pour y réaliser leurs rêves de communauté égalitaire de travailleurs.


Bien évidemment les propriétaires et notables locaux, terrifiés à l'idée que paysans et soldats s'emparent des terres, se font un devoir de mettre fin à cette expérience avec la brutalité qui leur est coutumière. À l'été 1650, la soldatesque a déjà détruit les diverses communautés inspirées par les diggers. D'après plusieurs historiens, une partie de leurs idées se retrouveront chez quelques pirates britanniques qui créeront d'autres communautés, lointaines et maritimes, celles là.

Il nous en reste au moins un hymne, Digger's song, qui aurait été composé par Winstanley lui-même, ici interprété par Chumbawamba.


Une autre marche narre l'histoire de la colline St George, World turned upside down (Le monde à l'envers). Elle fut composée par le chanteur folk et écrivain de livres pour enfants Leon Rosselson en 1975.


Ou celle de l'agitateur chantant, Billy Bragg (1987)