Ça faisait un bail qu'on entendait chanter les louanges de ce petit gars talentueux de Nancy. Et puis, avec son collègue, Mr. Verdun, (aaah, la Lorraine !) il avait réalisé la musique du documentaire de Nicolas Drolc, "Sur les toits" qui narre les mutineries des prisons de Toul et de Nancy en 1971. Le tout édité dans un joli vinyle de 25 cm à la maquette d'époque.
On a enfin eu l'occase de croiser le King dans un minuscule bled du Gers dans lequel,chaque fin du mois d'août, une bande d'indigènes du piémont pyrénéen préfère s'adonner aux joies du rock n' roll plutôt qu'à la castagne rugbystique. Et ce fut un bel apéro. Comme ce sont les autres qui en parlent le mieux, ci-dessous, un article de Marc A. Littler dont le ton emphatique nous a fait sourire. Comme il dit lui-même "c'est le retour du crétinisme originel et sublime du rock n' roll, sa sauvagerie nonchalante, sa désinvolture brinquebalante." Alors, s'il passe vers chez vous... D'ailleurs il sera à Toulouse le 24 de ce mois. Quel est le futur du Rock'n'Roll ?
Est-ce que nous allons continuer longtemps à recycler les vieilles
recettes jusqu'à ce que mort s'ensuive -3 accords, boum tchak boum-
à singer le passé et à s'agenouiller pour prier devant l'autel de Jerry Lee Lewis, des Ramones ou des Cramps ?
Ou allons-nous plutôt aller de l'avant et introduire de nouveaux concepts dans le Rock'n'Roll ? Allons-nous exclusivement nous borner à suivre les traditions
musicales de l'Hémisphère Occidental ?
Ou allons-nous fouiner et décloisonner la chose, trouver notre
inspiration aux 4 coins du globe, jouer un Rock'n'Roll réellement
transmondialiste ? Il est temps de repousser loin nos horizons et de défricher de
nouvelles terres, il est temps d'arrêter les conneries et de jeter
les mouchoirs morveux de nostalgie... et si ce processus d'
évolution prend la forme de King Automatic, bon sang c'est tant
mieux. Ce Gentleman puise son inspiration dans le Rocksteady jamaïcain le
plus enfumé, le Rhythm'n'Blues pas net, le Bebop de Mingus et les
percussions tribales d'Afrique occidentale pour ne citer là que
quelques sources.
Le King croqué par Jano dans "The Four Roses", scénario de Baru
En plus de cette diversité musicale, King Automatic libère
le Rock'n'Roll des clichés lyriques et éculés du genre : "I
picked up my baby in a '59 De Ville, we tore through the city
seeking cheap thrills". Pas de niaiseries de ce genre, non Monsieur.
Ici, un authentique travail de songwriter est à l’œuvre, ciselé comme
au bon vieux temps du trafic de diamants bruts, diamants que l'on voyait
ensuite sertis sur les bagues des jolies dames.
Ceci ajoute un intérêt supplémentaire et plus que bienvenu à cette
musique sur laquelle nous aimons tous boire, danser et faire des
bébés. Après avoir officié en tant que batteur dans le groupe
garage français Thundercrack au milieu des années 90, King
Automatic repart seul et prend un virage radical au début du nouveau
millénaire en injectant une nouvelle dimension dans son
répertoire. One man band atypique, il reste inclassable dans cette
discipline. Sur scène, il sample claviers, guitare, harmo, maracas, il chante,
cogne tambours et caisse claire en assignant de frénétiques coups de
cymbales à ses riffs de guitares, créant ainsi un paysage sonique inouï -
en fermant les yeux tu jurerais entendre un big band primitif au grand
complet, mon pote.
Coffeyville, 1892, Grat et Bob Dalton sont au milieu
Maintenant que nous voilà débarrassés d'au moins deux des quatre (Onze ? Vraiment ?) malfaisants pour subir, par défaut, les deux étrons restants (que par paresse, nous nommerons la Brute et le Truand), penchons-nous sur le cas d'une autre bande.
US marshall dans l'Arkansas, l'aîné de la fratrie Dalton, Frank, s'est fait abattre dans l'exercice de ses fonctions. Les frères restants, Robert "Bob", Emett, Bill et "Grat" vont se tailler une réputation, souvent calomnieuse, de bandits de grands chemins avec une prédilection certaine pour le pillage des trains et banques de la Southern Pacific.
Pas si méchants que ça et surtout pas du tout idiots, ces outlaws épongent les dettes des fermiers, se tissant ainsi un réseau de complicité dans une population qui les avertit des mouvements des forces de l'ordre.
Leur carrière criminelle s'arrête brutalement, lors du braquage des deux banques de Coffeyville (Kansas, 1892). Cernés par la population, Bob et Gratt Dalton sont abattus avec leurs complices Bill Powers et Dick Broadwell. Emett, truffé de vingt-trois balles, survivra pour partir vers quinze ans de prison, puis d'achever sa vie dans l'industrie du cinéma, scénariste à Hollywood, en 1937.
Le dernier frangin, Bill menait à cette époque une vie d'honnête fermier.
C'est par les chansons populaires que le gang des Frères Jesse et Frank James, belle bande d'assassins, a gagné une notoriété bien plus durable que ces bandits qui, eux, ne s'en prenaient vraiment qu'aux capitalistes.
Le coup de génie du scénariste René Goscinny fut d'avoir créé, à partir de ces personnages historiques, quatre méchants, d'abord assassinés*, puis ressuscités sous forme de cousins, dans la série Lucky Luke (1957). Les lecteurs adoptèrent immédiatement la bande des quatre.
C'est à Joe Dassin, fils de Jules, excellent cinéaste exilé des États-Unis pour cause de "chasse aux sorcières", comme on appelait l'hystérie anti-communiste, qu'il revint d'écrire la chanson qui fit la joie des petits et grands en 1967, à partir des personnages de Goscinny.
Et tagada, tagada, voilà le scopitone...
La version de Morris et Gosciny
Curiosité amusante, un groupe, plus ou moins surf rock, du tout début des années 60, avait déjà adopté le patronyme des bandits d'honneur. Il s'agissait de Long Chris et les Daltons qu'on retrouve ici, en 1962, dans l'adaptation de ce classique du sauvage et regretté Gene Vincent, I'm going home.
Terminons cette tournée Dalton par une version d'un petit gars de Nancy sur le cas duquel nous reviendrons : King Automatic, certainement un des "one-man band" (homme-orchestre, quoi) les plus réjouissants de ce pays à la con (et on cause pas là de Nancy, ville aux recoins tout à fait agréable, mais bien de la nation).
*Comme le fait justement remarquer Wrob en commentaire, les quatre premiers Dalton sont de Morris seul. Gosciny créera les personnages des cousins qui connaîtront la gloire.