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lundi 22 juillet 2024

Trump & fils

 

Donald et Fred
Une remarque pour commencer, les nord Américains ont beau être surarmés, ils tirent comme des cochons. Lee Harvey, reviens, tout est pardonné !
Ceci posé, quelques mots sur le miraculé "qui s'est fait tout seul grâce à son sens des affaires". 
Encore un mensonge : Donald est le fils et héritier de Fred Trump (1905-19999), sinistre personnage gouvernant un empire immobilier de 27 000 appartements new yorkais, de casernes et de logements pour la Marine. 
Comme son rejeton, cet abject promoteur immobilier collectionna quelques déboires judiciaires : une arrestation en 1927 au cours d'une émeute pour implanter le Ku Klux Klan dans le Queens, une inculpation pour abus de contrats publics en 1954 et une autre pour discrimination en 1973 (la crapule refusait purement et simplement de louer à des Noirs).
Autant dire que l'ex et éventuel futur président a hérité d'un domaine conséquent et de coquets revenus dès 1968.Voilà pour le self made man, menteur pathologique.
Là où le vieux Trump laissa des traces dans la culture populaire, ce fut lorsqu'il eut un locataire bien connu de nos services : le chanteur Woody Guthrie, grand maître de la chanson qui démange. 
En 1950, Woody, exilé de son Oklahoma natal, emménagea dans le complexe de Beach Heaven. Il en tira plusieurs chansons aux titres on ne peut plus explicites : Beach Haven Race Hate, Beach Haven Ain't My Home et Ain't got no home, qu'il eut l'occasion d'enregistrer.


Cette chanson fut doublée d'une autre, toute aussi explicite : Old Man Trump. Écrite en 1954, jamais gravée, elle fut exhumée comme manuscrit par un professeur de lettres en 2016. 
Et depuis largement diffusée. 
Ici par les Missin' cousins.


Bien entendu, la chanson oubliée du troubadour folk a connu une nouvelle vie ces ultimes années.
Il existe donc des dizaines de variantes, de parodies et de nouvelles versions tirant sur Donald Trump avec l'efficacité d'un AR 15 correctement manié.
On a un faible pour celle, tout à fait actuelle de Middle class Joe
Enjoy it before the flood !

mardi 11 janvier 2022

Jesse James, populaire crapule

 

Jesse et Frank
 

L'Histoire joue parfois de drôles de tours à la postérité.
Ainsi, Jesse James, leader du gang James-Younger est-il devenu un des bandits les plus renommé des États-Unis, ce qui là-bas signifie un des plus chanté et des plus filmé. Et pourtant le bilan de ce "Robin des bois du Missouri" est loin d'être brillant. 
Fils de pasteur, deuxième d'un fratrie de trois, Jesse et son frère aîné Frank furent élevés dans une ambiance farouchement pro-sudiste. Bien avant le déclenchement de la guerre de Sécession, entre 1854 et 1861, deux états voisins, le Kansas et le Missouri connurent une série d'affrontements, de meurtres, d'émeutes, de fraudes électorales entre colons les peuplant ayant pour cause leur adhésion aux États-Unis et, de ce fait, la question d'y déterminer où l'esclavage était ou non légalisé. Même si la culture du coton y était inexistante, les colons sudistes du Missouri obtinrent dans un premier temps le statut d'état esclavagiste alors que le Kansas voisin et peuplé d'une forte minorité d'origine germanique était farouchement anti esclavagiste, favorisant les réseaux d'évasion vers le Nord (dit le "chemin de fer souterrain").    
Ayant grandi dans ces prémices de la Guerre civile, les frères James s'engagent chez les Sudistes dès que celle-ci est déclarée en avril 1861. 
Clement, Hendricks et Anderson

La ferme familiale étant ravagée par des irréguliers nordistes, James, à peine âgé de 16 ans va s'engager dans les troupes de William Quantrill, les bushwalkers, qui livrent une guérilla sans merci aux nordistes du Kansas qui répliquent avec d'autres francs-tireurs, les Red legs ou Jayhawkers. Et c'est parti pour deux années de massacres.     
C'est chez les écorcheurs de Quantrill que Jesse fait la connaissance de futurs associés tels "Bloody" Bill Anderson (collectionneur de scalps) Archie Clement ou Cole et Jim Younger tout en apprenant sur le tas ce qui assoira ensuite sa réputation. 
Le principal exploit de ces charmants jeunes gens sera le Massacre de Lawrence où après avoir occupé cette ville du Kansas, ils y exécutent 182 hommes et incendient 185 maisons. Inutile de préciser que dans cette guerre il n'y a pas de prisonniers et tout soldat nordiste capturé est assassiné. De même les soldats bleus se font un plaisir de pendre tout irrégulier du Sud sur lequel ils mettent la main. Le général fédéral Ewing fera même évacuer plus de 10 000 civils du territoire bordant la frontière du Missouri, rendant cette région désertique pour un bon moment. Traqués, harcelés, la bande de Quantrill s'en va piller le Texas, pourtant territoire confédéré. Puis,, vaincu, le Sud capitule.
Les soldats rebelles sont donc amnistiés sauf les irréguliers, ce qui est le cas de tous ces guérilleros. Qui n'ont aucun mal à se planquer dans le comté de Clay (Missouri) qui leur est acquis et où la haine du nordiste reste encore tenace jusqu'à nos jours. 
 
Dos au mur, les fugitifs du groupe Quantrill se reconvertissent dans les attaques de banques dès février 1866 avec celle de Liberty (60 000 dollars) Lexington (2000 dollars seulement) Richmond (trois citoyens tués et un bandit lynché), Russelville (1450 dollars) et Gallatin (500 ridicules dollars et un caissier flingué).
Bien entendu, s'en prendre aux banques n'est pas pour déplaire à une population de fermiers pressurés par ces agences. Le gang étend ses activités à l'Iowa et tâte du braquage ferroviaire, spécialité qui va les rendre à jamais célèbres. Et leur assurer une réputation de bandits d'honneur grâce à la stupidité et à la brutalité de l'Agence Pinkerton, chargée de les traquer qui assassinera le jeune John Younger (16ans) qui ne fait pas partie du gang, ainsi qu'Archie James, âgé de 8 ans et benjamin de la fratrie. On retrouvera des restes d'agents de la Pinkerton dans une auge à cochons.  
Cette légende dorée des James a été très vite fredonnée dans les campagnes. Les Lomax en ont tiré quelques enregistrements et même Woody Guthrie y est allé de son refrain.
 
 
Malgré une amnistie promise par plusieurs politiciens, le gang lance un raid sur le Minnesota et cette fois, tout va de travers. Le 7 septembre 1876, l'attaque de la banque de Northfield vire au désastre: les habitants tirent massivement sur la bande, deux outlaws sont tués et tous les autres plus ou moins gravement blessés. Divisés en deux groupes, le premier d'entre eux est ensuite exterminé tandis que les frères James s'enterrent un temps dans le Tennessee sous une fausse identité. Fin 1879, attaques de trains et de diligences reprennent. Mais règlements de compte (Jesse abat Ed Miller qui voulait quitter le gang) et chutes se multiplient simultanément au sein de la bande. Qui se trouve bientôt réduite aux frères James et aux frères Ford (Robert et Charlie) 
Le gouverneur du Missouri avait offert 10 000 dollars pour la capture ou la mort des concernés. Et comme dans toute belle histoire de bandit d'honneur c'est Bob Ford qui tiendra le rôle du dirty little coward qui tue Jesse James dans le dos alors qu'il époussette un tableau. Et ça donne une autre ballade avec en intro le début du film de Samel Fuller, J'ai tué Jesse James (1949). C'est Johnny Cash qui s'y colle.

 

Et comme dans toute bonne chanson de geste, les frères Ford ne profiteront guère de leur traîtrise : après avoir touché bien moins que prévu, Charlie se suicide en 1884 et Robert est tué dans un saloon en 1892 par un admirateur de Jesse James. Frank James, qui a négocié sa reddition, est acquitté à son procès et finira garde du corps du président Théodore Roosevelt. Bob Younger est mort en prison, Jim se suicide à sa sortie en 1902 et Cole devient prédicateur.
Une vraie histoire américaine !
Restent plus d'une quinzaine de films dont certains très recommandables, quelques BD (dont un excellent Lucky Luke) et un nombre effarant de chansons. Pas mal pour un petit gars somme toute plutôt sanguinaire. 
 

 

dimanche 2 février 2020

Les grèves d'Harlan County



Le comté d'Harlan (Kentucky) est logé dans les bassins miniers des Appalaches.
De 1931 à 1939, une série de grèves, les Harlan county war, vont voir s'y produire la mort d'un nombre indéterminé de mineurs et de flics, une douzaine d'occupation des bourgades par l'armée fédérale ou la Garde nationale, l'émergence d'un syndicat teigneux ainsi qu'une chanson promise à une belle postérité.

En 1931, sous prétexte de Grande dépression, l'Association patronale des mines de réduire les salaires de 10% et de virer, au passage les mineurs membres du syndicat traditionnel UMW (united Mine Workers).
Dans cette région où la vie ne vaut pas grand chose, l'immense majorité des travailleurs part en grève sauvage avec dynamite et bagages. S'ils sont 6 000 à bloquer les puits, quelques centaines de jaunes persistent à tenter de forcer les piquets.
Dans un premier temps, les grévistes doivent affronter les vigiles des compagnies minières qui se permettent légalement d'intervenir hors des murs des entreprises. Face aux corrections infligées à ces vigilantes, un autre acteur intervient dans le conflit, le shériff J.H. Blair qui ne fait aucun mystère de son allégeance au patronat minier ni de sa haine des "rouges".
Outre la chasse aux grévistes, le brave homme se charge d'escorter des briseurs de grèves amenés par camions entiers. Le 5 mai 1931, c'est la "bataille d'Evarts" au cours de laquelle les mineurs prennent ces véhicules de "renards" en embuscade à l'arme automatique. Quatre flics et jaunes ne s'en rélèveront jamais.
Grévistes Blair Mountain (1921)

Trouille des autorités due au souvenir de la grève de Blair Mountain (1921) dans la partie virginienne des Appalaches, au cours de laquelle 10 000 mineurs du UMW, noirs, blancs, immigrés récents avaient affronté les milices patronales en armes et où l'armée fédérale avait été dépêchée pour bombarder les grévistes au canon ? Toujours est-il que le Kentucky envoie la Garde nationale qui gaze copieusement les piquets et le shériff déclare l'état d'urgence.
Face aux baïonnettes, la grève de 1931 échoue.

Un épisode restera dans les mémoires. Une nuit, les tueurs du shériff Blair font irruption au domicile de Sam Reece, éminent membre du UMW, dans l'intention de l'assassiner. Prévenu de cette descente, Reece évite le lynchage en se trouvant planqué hors de chez lui. Les sbires ne trouvent donc rien de mieux à se mettre sous la dent que de ravager son domicile et tourmenter sa femme, Florence, et ses enfants durant des heures.
Loin d'être terrorisée, Florence Reece écrit aussi sec une chanson (en collant ses paroles sur l'hymne baptiste Lay the Lily low) qui deviendra un classique* des chants prolétaires américains puis anglais ou australiens : Which side are you on ? Elle sera également l'hymne officieux du UMW.
Ici par les Almanac Singers ( Woody Guthrie, Pete Seeger, Josh White, Cisco Houston, Lee Hays...)


Le comté d'Harlan verra des grèves armées se multiplier durant toute la décennie avec l'irruption d'un syndicat plus combatif, le NMU (National Miners' Union) d'obédience communiste, et les troupes occupent la région en 1932, 1935 et 1939.
En 1973, au cours d'une nouvelle grève, Florence Reece est filmée dans le documentaire de Barbara Kopple, Harlan County, USA, où elle chante dans une AG (j'ai écrit ça dans les années trente...).



Piquet de grève face aux jaunes, 1973


On finit sur un hommage de Bob Dylan à la Dame de Harlan dans Desolation row (1965)
Everybody's shouting, "Which side are you on?!" 
And Ezra Pound and T.S. Eliot fighting in the captain's tower...




* De Pete Seeger à Billy Braggs, d'Ella Jenkins aux Dropckick Murphys, plus d'une quarantaine de versions recensées. 

jeudi 19 avril 2018

Béranger reprend Guthrie


Quelle mouche a donc piquée François Béranger pour, en 1978, chanter cette ode aux sections syndicales (sur l'album Participe Présent) ?
On suppose que ce fut certainement l'envie de rendre un hommage à Woodrow Wilson "Woody" Guthrie (1912-1967), immense chanteur américain country et folk des années 1930 et 1940.
Grâce à ce Blues parlé du syndicat adaptation de son Talking Union écrit fin 1941, on comprend  entre les lignes, que cet individualiste anarchisant de Woody avait du mal à suivre les dernières consignes, suite aux contorsions politiques du PC des États-Unis. En effet, les USA entrant finalement en guerre aux côtés de l'URSS, plus question d'entraver la production de l'effort de guerre, on ne veut plus voir les prolos qu'au boulot ou à l'armée.
Ne trouvant pas la version de Woody en solo, en voici une, contemporaine de son écriture, interprétée par les Almanac Singers, collectif d'agit-prop monté par Pete Seeger, Lee Hays (communistes orthodoxes, eux), Cisco Houston, Josh White, Millard Lampell, Sis Cunnigham, etc... dont Woody fit partie de 1941 à 1943 avant de laisser les staliniens jouer entre eux.


On constatera que Béranger écrivit une traduction tout à fait fidèle à l'originale, ce qui nous renforce l'idée d'un hommage à l'auteur bien plus qu'une apologie d'appareils sur lesquels plus grand monde ne se faisait d'illusions, même il y a une trentaine d'années.


Comme il y est fait allusion à la fin de cette version, une fameuse photo d'une grève qui dura plus de trois mois en Bretagne :
Grève du joint français (1972)
Et un joli portrait de l'auteur par le talentueux Robert Crumb.