En Alexandre Jacob dans le film de Mathieu Mathurin
en 2015, il nous avait fait l'honneur d'une visite pour évoquer le cabaret la Colombe du début des années soixante et ses souvenirs en chanson.
Anarchiste inébranlable, dessinateur émérite, ami des arts et de la table, il va nous manquer.
Que la terre te soit légère, ami.
Un p'tit clin d’œil à ce fin pratiquant du jargon parigot tel qu'il fut.
Poète et pamphlétaire libertaire issu de la meilleure société, ami de Verlaine et d'Aristide Bruant, Laurent Tailhade est surtout resté dans les mémoires pour avoir perdu un œil dans un attentat commis par un autre anarchiste, celui de la bombe déposée (par Félix Fénéon ?) au restaurant Foyot. On était alors en pleine instruction de l'affaire Émile Henry, auteur, entre autre, de l'explosion de la rue des Bons-enfants, hécatombe de policiers qui fut popularisée par la chanson faussement attribuée à Raymond Callemin.
Ironie de l'histoire Tailhade s'était fait un renom pour avoir ainsi commenté l'attentat d'Augute Vaillant au palais Bourbon (1893) par la fameuse formule "Qu'importe de vagues humanités pour vu que le geste soit beau" !
Devenu œuf cassé de l'omelette, le poète ne garda aucune rancœur à l'individu responsable de l'attaque du restaurant Foyot. Il avait d'ailleurs récolté moult blessures au cours de la trentaine de duels menés contre ses adversaires, parmi lesquels Maurice Barrès.
Autre curiosité de sa renommée, on lui attribue, selon les versions, l'ensemble ou quelques couplets de la célébrissime chanson paillarde Les filles de Camaret.
Marié par sa famille à une bonne bourgeoise, Tailhade passait la belle saison à Camaret, occupant une chambre d'hôtel à trois, avec son épouse et un ami. La population avait donc créé une chanson ciblant la Dame. De son côté Tailhade traitait sans nuance les Bretons à la fois d'ivrognes et de grenouilles de bénitier.
Le 15 août 1903, il perturbe la procession locale en y déversant, depuis sa piaule, le contenu d'un pot de chambre. Notre libertaire provoque ainsi une émeute et seule l'arrivée des gendarmes l'empêche de finir balancé dans le port !
Talihade se serait donc vengé des Camaretois et de leur curé, Le Bras*, en créant ces quelques couplets qui rendront le petit port immortel dans les noces et banquets.
Toutefois, si on se réfère à un site fort documenté, celui de Xavier Hubaut consacré à la chanson paillarde, cette rengaine existait depuis belle lurette, elle daterait au moins de 1649.
La mélodie est, en mode mineur, une version du timbre de nombreuses chansons populaires.
Sa structure est fort simple : il s'agit de 4 vers de 7 pieds ;
les deux premiers pouvant, ou pas, être bissés. Elle se termine
par un vers de 3 syllabes répété 3 fois.
Dès 1649, on trouve dans le Chansonnier de Maurepas, des chansons construites sur ce modèle nommées Les rideaux de notre lit, (un couplet des Filles... commence ainsi) ou Jardinier, que vois-tu là ? ou bien encore du fort repris Air des Fraises.
Dans le Manuscrit de Dallichamps (1713), est ajoutée une partition musicale et l'annotation de ce couplet :
Mon mary s'en est allé À Vienne en Autriche Il me défend de baiser Moi qui ne m'en puis passer Je triche (ter).
En 1726, on tombe dans Recueil de chansons sur différents sujets un complément :
Et le mien s'en est allé À Châlons en Champagne, Il m'a laissé sans argent, Mais à mon contentement J'en gagne (ter).
Les ajouts ou variantes de couplets se sont rajoutés régulièrement. Alexandre Dumas fait même allusion à cette bluette dans un article de 1854.
Il semblerait donc que Laurent Tailhade se soit, au mieux, contenté d'adapter quelques couplets rancuniers visant spécifiquement les indigènes de la presqu'île de Crozon.
Une version de Pierre Perret pour conclure.
* qui, dixit Tailhade, "mendie à domicile et quête en personne chez tous les baigneurs,
accompagné d'une cinquantaine d'ivrognes qui stationnent devant les
hôtels suspectés d'abriter des Parisiens".
En préambule, tonton Pierre Perret dans un classique des salles de garde : Adieu, fais-toi putain :
Pour introduire la stupéfiante histoire du lieu-dit "Le Poteau" à Captieux, en Gironde landaise.
D'abord promu base militaire américaine garnie de soldats Polonais, (si!) ce trou perdu au milieu des pins devint un des haut lieux des nuits du sud-ouest grâce à la multiplication de ses bars de nuit qui n'étaient que des claques assez rudimentaires.
L'étonnant ne réside pas qu'une flopée de bordels ait poussé autour d'un nid de bidasses mais que ces derniers ayant plié bagage en 1966, le Pigalle des Landes va persister à briller de tous ses feux jusqu'en...1987 !
Malgré le côté sordide de l'affaire, on sourit pas mal à l'écoute de ce documentaire d'Olivier Chaumelle et Renaud Dalmar qui fleure bon le rugby de village, les magouilles américano-polonaises, les macs bordelais et quelques petits commerçants dont on reconnaît le grand cœur, toujours près du larfeuille.
C'était à "La fabrique de l'histoire" du 20 novembre 2007.
Puisqu'il semble que ça ne veuille pas bien fonctionner, le poadcast est à ce lien.