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vendredi 20 juin 2025

On a chanté les narcos avec talent (il y a longtemps déjà)



Le film de 1978
 
Un des nombreux charmes du Mexique est la vivacité toujours réelle des corridos.
Équivalents à nos anciennes complaintes, ces chansons dont l'origine remonte à la colonisation espagnole sont des chroniques obéissant à quelques règles musicales qui narrent les faits divers, les bouleversements politiques, les faits glorieux, dérisoires ou catastrophiques parvenus dans le pays, la région, le quartier.
La longue tradition de banditisme mexicain a été bien entendu un des thèmes centraux de ces chansons populaires alors propagées toujours encore par des musiciens ambulants mais désormais popularisées par les radios, l'industrie du disque puis internet. 
Et voici l'entrée en scène du plus populaire des groupes de corridos, señores y señoras, j'ai nommé Los tigres del norte :

Bon goût typique du Nord

 Aussi incroyable que cela paraisse, cet ensemble de 
musique norteña, c'est à dire du Nord, avec accordéon omniprésent, fondé en 1968 au Sonora (État historiquement de narcotrafic) a dans le pays toujours une popularité seulement comparable ailleurs à Oum Kalthoum, Édith Piaf ou Johnny Cash.
Talentueux, non dépourvus d'une bonne dose de démagogie, les Tigres chantent, comme tout bons Mexicains la vie quotidienne, les amours malheureuses, la vie des migrants, les rapports conflictuels avec le voisin du dessus (présentement Trumpland) des saloperies politiques nationales et surtout... des histoires de voyous.
Coup de maître en 1974 : Contrabando y traición (contrebande et trahison) aventures d'un couple infernal qui s'achève par un meurtre amoureux (où c'est la femme qui flingue l'homme) dans une ruelle californienne. Cette chanson accouchera de deux suites en zizique (Ya encontraron a Camelia et El Hijo de Camelia), de trois romans, d'un film (Contrabando y traición, Camelia la Texana, 1975), d'un opéra (Únicamente la verdad) et de droits d'auteur qui auraient dus plonger le groupe dans une saine inactivité.
Mais en 1975, re-belote selon la même recette : La banda del Carro rojo va devenir le morceau qui tourera en boucle pour une trentaine d'années au moins.  
L'histoire (imaginaire) des frères Rodrigo y Lino Quintana et de leurs deux complices forcés par l'injustice sociale et les dettes à se convertir en trafiquants et qui en paieront le prix sera reprise par tous les groupes de baloches du pays.
Faut dire que le texte est assez habile pour poser une situation : Il paraît qu'ils venaient du Sud / dans une bagnole écarlate / chargée de 100 kilos de coke / en route vers Chicago... Ainsi le dit le mouchard / qui les avaient balancés.
Ou pour la conclure dignement : Et "Nino" Quintana disait / Ça devait arriver / mes copains sont morts / ils ne peuvent plus se mettre à table / et je le regrette, shérif / mais je ne sais pas chanter. 
Avec même la morale de rigueur : Des sept qui y sont passés / Il n'est resté que des croix / Quatre étaient de la bagnole rouge / les trois autres du gouvernement / Pour ceux-là, vous en faîtes pas / ils rejoindront Lino en enfer.


Évidemment, ça va donner un aimable nanard en 1978, réalisé par Rubén Galindo, un genre de Sam Peckinpah du pauvre.... 


Mais surtout ça va déboucher sur un certain nombre de reprises, y compris par des groupes de rock qui ne peuvent qu'être séduits par ces destins de hors-la-loi.
Et voici donc le type même de la reprise intelligente par La Barranca de Mexico sur un disque d'hommages aux Tigres en 2001.


Bon, inutile de préciser qu'au Mexique, le narcotrafic est devenu tout sauf folklorique depuis, qu'il a gangréné la société à tous les niveaux et que les chansons sont devenues vulgaires, grossières et à la gloire de parrains qui payent sans compter.
Au moins, les Tigres inventaient-ils leurs chroniques...

lundi 25 mars 2024

Un an déjà !

 


Communiqué n°7 : Un an après

Le 25 mars à Sainte-Soline ne sera jamais un anniversaire que l’on célèbre. Loin d’une victoire politique, cette date rappelle plutôt le carnage que l’Etat français a perpétré à l’encontre de celles et ceux qui avaient fait le choix de lutter. 
 
Mais certains récents événements nous ont permis de nous réjouir et de fêter ça ensemble. Le S, après un échec d’opération due à une infection en octobre dernier, a été de nouveau opéré. L’objectif de l’opération (cranioplastie) était de reconstituer la boite crânienne percutée par la grenade.
 
Tout s’est bien déroulé et le S a de nouveau un crâne opérationnel ! C’est une étape-clé dans son processus de reconstruction qui a été franchie. Il continue à récupérer chaque jour des aptitudes, au prix d’efforts de rééducation importants. De lourdes séquelles persistent, mais sa détermination et la solidarité qui la nourrit nous renforce dans ce qu’on a défendu depuis le début : le refus de s’écraser. Preuve s’il en fallait qu’il ne faut jamais rien lâcher, quelle que soit la force des puissants. En être ici un an après la tentative de meurtre, ça donne l’impression de sortir vainqueur d’une défaite !
    
À l’heure des bilans, que tirer de Sainte-Soline ? La manifestation du 25 mars 2023 a été l’occasion pour nombre d’entre nous de participer à un élan collectif puissant autour du refus en acte de céder, ne serait-ce qu’un pouce de terrain, aux intérêts capitalistes, ici contre un projet d’accaparement de l’eau au profit d’une industrie agraire faiseuse de cancers, de pauvres et de sécheresses. Tandis que certaines fractions politiques ont fait de la lutte contre les grands projets un programme à long terme pour la constitution d’un camp social-démocrate que nous gerbons, nous y avons participé principalement pour ce que ce moment représentait : une reprise d’initiative en faveur de la force collective. 
 
En effet, fort du succès de la première manifestation, le deuxième acte de Sainte-Soline avait la particularité de faire écho à ce qu’il se passait dans la rue alors. Le mouvement contre la réforme des retraites avait connu un regain d’intensité après le 49.3 et les manifestations de rue, inondées de gaz lacrymogènes, s’échappaient peu à peu du nuage soporifique que les directions syndicales avaient installé depuis le mois de janvier. 
Sainte-Soline s’est transformé en enjeu symbolique et un symbole se défend souvent au canon. L’Etat ne voulait pas perdre la bassine, parce qu’il ne voulait pas perdre la face. S’en est suivie la démonstration d’un corps militaire surarmé, qui avait pour instruction de mutiler les corps et les esprits, dans un affrontement asymétrique, en rase campagne, depuis une position en hauteur. Notre camarade a échappé à la mort grâce à la détermination de celles et ceux qui l’ont protégé et soigné, sous le regard goguenard des militaires. Nous n’oublierons pas.
 
Depuis mars 2023, rien n’a cessé. Les démonstrations de force se sont succédé. Tout est symbole. L’Etat impose la terreur partout où il passe et convoque le pire pour nous convaincre de lui laisser le champ libre. Nous ne pourrons pas ici énumérer toutes les personnes, dans les cités ouvrières principalement, à qui la police a enlevé la vie depuis mars 2023. Les révoltes après l’assassinat à bout portant de Nahel ont reçu comme réponse immédiate la puissance de feu des équipes tactiques de la flicaille. Au lendemain des assauts des jeunes prolétaires contre les blindés et les fusils à pompe, l’Etat n’avait qu’un mot à la bouche : la discipline contre les prolétaires, jeunes et moins jeunes. Il veut une population aux ordres, pour que la classe se tienne sage. Il ne parle que de guerre prochaine et de sécurité, à grand renfort de coups de communication patriotiques, de financement du SNU et de répression tous azimuts. À entendre ses représentants, échapper au destin funèbre dont nous sommes témoins en plusieurs endroits du monde ne tiendrait qu’à notre soumission aux ordres.
 
Aujourd’hui, difficile de parler de la terreur d’Etat sans évoquer le massacre au grand jour des Palestiniens par l’Etat israélien. Pour rédiger ce communiqué, nous avons beaucoup discuté de la manière, et même de la pertinence, de lier dans un seul texte, un retour sur Sainte-Soline avec la colère sourde qui nous tient quand nous portons notre regard sur cet épisode et sur d’autres, constitutifs d’une situation internationale terrifiante. 
Il ne s’agit pas de comparer ces situations pour produire des équivalences, mais d’essayer de les lire à partir d’une même lunette, celle de la gestion prévisionnelle de notre répression. Le génocide des Palestiniens de Gaza signale aux prolétaires du monde entier ce que les gouvernants sont capables de faire, en chœur, pour le maintien de leur classe. C’est une blessure mondiale qui nous renvoie à notre impuissance.
 
Voilà le sale boulot des Etats : ils savent que, par leurs ravages et leurs carnages, ils produisent des traumatismes et s’en frottent les mains. Ils nous veulent saisis d’effroi et savent profiter de ce moment pour avancer encore, toujours plus, pour leur profit et vers notre écrasement. 
 
Mais ce monde n’est pas réductible à leurs calculs glacés. Nous qui sommes des milliards, nous les exploités, avons aussi un langage qui nous est propre et s’invente au gré des luttes. Il parle de solidarité, de force collective et de victoires, y compris dans les moments les plus sombres de leur Histoire comme aujourd’hui. Il permet aussi de désigner un horizon : celui d’une révolution mondiale, seule visée suffisamment ambitieuse pour gagner la puissance de libération nécessaire à la mise en PLS de ce monde de merde !
 
On ne lâchera pas l’affaire. 
 
Les camarades du S
 
PS : 
Après les épreuves traversées, nous souhaitons produire un bilan des Camarades du S pour paver le chemin de la résistance aux répressions qui jalonneront nos luttes. Pour y parvenir, nous serions intéressés par des retours critiques de la part de ceux et celles qui ont suivi et participé, de près ou de loin, à cette initiative. 
Vous pouvez envoyer tout témoignage, texte, réflexion ou analyse en ce sens à l’adresse      « s.informations@proton.me ».


samedi 22 juillet 2023

Bassines ou cuvettes ?

 

Le lieutenant Morel en famille et en vacances

Voici l'histoire pas très banale du lieutenant des gardes mobiles Xavier Morel qui risqua sa peau le 25 avril dernier à Ste Soline.
Pris sous un feu roulant de cailloux, le malheureux officier invoqua très fort les mânes de son grand-oncle tombé en défendant l'Occident et la Banque d'Indochine dans la cuvette de Dien Bien Phu (1954). Non, l'histoire n'avait pas le droit de se répéter même en tragi-comédie !
Aussi le lieutenant ordonna à sa compagnie d'ouvrir le feu de toutes la puissance de ses cougars, LBD et autres grenades assourdissantes, offensives ou bean bags.
L'ennemi s'appelait-il Serge, Mickael, Alix ? Peu importe, pour cette fois l'occident (et la FNSEA) étaient sauvés.
Ce conte absurde pour illustrer, le dernier né des Nuclear Boogie (avec Bogmallow, Marc et Alex) vibrant hommage à la tradition St Cyrienne.
Sur ce bonnes vacances sous contrôle des CRS maîtres-nageurs.

lundi 27 mars 2023

Ils veulent nous tuer

 

Communiqué au sujet de S., camarade au pronostic vital engagé à la suite de la manifestation de Sainte-Soline

Samedi 26 mars à Sainte Soline, notre camarade S. a été atteint à la tête par une grenade explosive lors de la manifestation contre les bassines. Malgré son état d’urgence absolue, la préfecture a sciemment empêché les secours d’intervenir dans un premier temps et d’engager son transport dans une unité de soins adaptée dans un second temps. Il est actuellement en réanimation neurochirurgicale. Son pronostic vital est toujours engagé.

Le déferlement de violences que les manifestants ont subi a fait des centaines de blessés, avec plusieurs atteintes graves à l’intégrité physique comme l’annoncent les différents bilans disponibles. Les 30 000 manifestants étaient venus dans l’objectif de bloquer le chantier de la méga-bassine de Sainte-Soline, un projet d’accaparement de l’eau par une minorité au profit d’un modèle capitaliste qui n’a plus rien à défendre sinon la mort. La violence du bras armé de l’État démocratique en est la traduction la plus saillante.

Dans la séquence ouverte par le mouvement contre la réforme des retraites, la police mutile et tente d’assassiner pour empêcher le soulèvement, pour défendre la bourgeoisie et son monde. Rien n’entamera notre détermination à mettre fin à leur règne. Mardi 28 mars et les jours suivants, renforçons les grèves et les blocages, prenons les rues, pour S. et tous les blessés et les enfermés de nos mouvements.

Vive la révolution.

Des camarades de S.

PS : Si vous disposez d’informations concernant les circonstances des blessures infligées à S., contactez-nous à : s.informations@proton.me

Nous souhaitons que ce communiqué soit diffusé le plus massivement possible ...

(Dont acte)

 



lundi 19 juillet 2021

Morves écarlates

C’est un de ces jours où tu vas peinard, en plein registre zen, avec ta respiration biodynamique et tes chakras ouverts plein pot, te faire vacciner à cause de l’autre cochonnerie chinoise et il faut que débarque le flic municipal le mieux noté de sa promotion para-olympique pour te prendre le chou alors que ça fait à peine deux minutes que tu es stationné là et qu’il te sort que ça fait une demi-heure que tu es garé et alors, tu lui réponds la vérité, que ça fait trente secondes, qu’il n’est qu’une merde et qu’il peut toujours te la sucer et qu’il le prends super mal alors qu’il devrait être habitué vu qu’on les entraîne à ça dans leurs académies de chiens de garde mais qu’il te lâche la totale, qu’il va le dire au juge et toi tu réponds que d’accord, que le juge vienne te la sucer aussi. Le tout s’est déroulé en deux secondes, puis tu prends l’amende, en fait une boulette, la jette et elle atterrit sur le front du grand connard qui recule et donc, tu as gagné, comme c’est justice, et tu penses que tu lui as fermé le bec et que tu es enfin libre.

Et puis finalement non. Vient le jour du procès où revoilà l’autre enfoiré de municipal avec d’autres têtes de nœuds et tu le défie du regard jusqu’à qu’on passe à autre chose puis tu entres dans la salle parce qu’on t’appelle et que lorsque le procureur te demande si c’est vrai que tu as dit au municipal qu’il te la suce, tu réponds la vérité. Que pas du tout. Et lorsqu’il te demande si c’est vrai que tu as dit que le juge te la suce aussi et qu’il se trouve que la juge est une pure beauté, alors tu réponds que ça, tu l’as peut-être dit mais que tu ne t’en souviens pas vraiment bien parce qu’on t’avait vacciné et que t’avais encore des traces de junkie au bras et que t’étais mort de trouille de te choper un AVC. Et pour conclure, on en vient au truc de la boulette de papier et toi, ben non, ça c’est pas passé comme ça, juré, craché. Puis vient la sentence et tu te retrouves à devoir payer trois cent euros, que tu n’as pas, à un imbécile qui touche deux mille balles par mois pour arrêter des boulettes de papier avec son front. Si c’est à ça qu’il se consacre, qu’il se fasse clown dans un cirque, l’autre con. En fin de compte, au moins, la nuit même, tu te branles en pensant à la juge. Branlette un peu hors de prix mais bon, on est pas là pour jeter l’argent par les fenêtres.

Pour commencer, à cause du speed, on a saigné des gencives puis on perdu nos dents, puis finalement la garde des enfants pour avoir transité des afters aux urgences puis on a accumulé des séparations, des procès pour agressions, résistances à l’autorité, comparutions immédiates, comparutions au long cours, comparutions perdues, moitié regagnées, séparations de biens, assistantes sociales, poli toxicomanies, gosses qui te haïssent, chômage, boulots de merde, parents qui finissent par pardonner, copines qui ne le feront jamais, voisins qui ne t’adressent plus la parole, contrôles anti-terroristes, copains morts les bottes aux pieds, disques vinyles, maquettes et fanzines. Et voilà qu’il faut que je dégotte trois cent balles et que je dois vendre ma collection de fanzines Masakre et Si Volem, la première maquette de Nocivo, un CD de Cólera qui sonne génial parce que même si mon ex à la somme, elle ne veut pas me la refiler mais je vais me les démerder rapidement.

Ouvrir un crowfunding parce que j’en peux plus de cette bande de fils de chiennes. Vous pigez ou je dois tout réexpliquer sans le côté biodynamique ? Il me faut trois cent balles là, tout de suite !

Sinon, allez vous faire un selfie avec vos morves écarlates sur Instagram. 

Josu Arteaga

Traduction maison  



dimanche 7 juin 2020

L'insurrection qui court

Les Black Riders dans le centre de Houston
Il est parfois un assassinat de trop. Pour quoi celui-ci et pas un autre ? Nul ne saura le dire avec certitude et nul ne saurait donc prédire quelle iniquité est susceptible de soulever les foules. Amateurs de charognes, passez votre chemin...
Pourquoi, le tabassage de Rodney King a-t-il ravagé Los Angeles en 1992, pourquoi le suicide de Mohamed Bouazizi, a-t-il déclenché la révolution tunisienne de décembre 2010, pourquoi l'électrocution de Zyed Benna et de Moussa Traoré a-t-elle enflammé la France d'octobre 2005, pourquoi eux et pas d'autres ? Et pourquoi le meurtre de George Floyd a-t-il embrassé les États-Unis ? Pourquoi était-ce à lui de passer du statut d'une victime de plus sur la liste à celui de symbole ?
 On ne peut qu'affirmer qu'il est des gouttes de sang qui font déborder la coupe. Et qu'il n'est certainement pas innocent que ce crime ait eu un tel retentissement dans le cadre d'une crise sanitaire qui est essentiellement marquée par un massacre des plus fragiles, des mesures autoritaires généralisées et une guerre aux pauvres pendant et après (sic) le passage de l'épidémie.
Au temps du totalitarisme, technologique ou pas, du victimisme communautaire, voire concurrentiel, les rues de plus de 140 villes des USA se sont retrouvées aux mains de Noirs, Blancs, Latinos, Asiatiques et autres êtres humains qui ont pris la justice en main. Et ce mouvement a fait tâche d'huile  partout où, appelons-les des prolos, sont confrontés au racisme et à un appareil d'État armé.

Ce n'est sans doute pas un hasard si les derniers mots du malheureux George Floyd sont devenus un cri de ralliement pour ceux qui trouvent ce monde de plus en plus irrespirable.
On a même eu la joie de voir cette obscénité humaine de président parvenir à se mettre à dos à la fois une partie de son électorat évangéliste après son exhibition de la Bible et une part de ses militaires pour avoir joué à la guéguerre civile.
Et on est désolé, Gil, il semble que de nos jours, la Révolution sera filmée et même archi filmée. On va finir par s'y faire.

 
Alors, on n'ose trop rêver car tout est en ordre de marche pour éteindre l'incendie : la justice qui rectifie le tir, les artistes qui performent, les sportifs qui crachent au bassinet, les potentats locaux dans la grande scène du 2, le candidat centriste en rassembleur de la Nation et tous les habituels intermédiaires, récupérateurs ou négociateurs autoproclamés qui y vont de leurs simagrées.
Mais tout de même on va pas bouder, merci pour ce beau moment de dignité, camarades.

Rappelons aux connards racistes ce superbe graffiti vu à Brixton, en 1984 en réponse à une Thathcher qui qualifiait les troubles d'alors "d'émeutes raciales" : There is no race but the rat race*.

*

*Intraduisible, Le "Rat race" étant la course à l'ascension sociale.


mercredi 6 mai 2020

Tranche de vie (Ibérique)


Le pire est que le système consistant à arracher des aveux de culpabilité aux innocents n'était pas seulement utilisé avec les prisonniers politiques mais aussi et, je le crains, de façon plus généralisée, avec les délinquants de droit commun.
Mais eux, personne ne prend leur défense, les héros sont les activistes politiques, les ouvriers et les étudiants, personne ne parle de la pauvre andouille qu'on arrête, à qui on essaie de coller le délit d'un autre et qu'on massacre de la même façon. Personne ne demande la libération des voleurs qui ont souffert plus que tout autre du système policier, judiciaire et pénitentiaire franquiste, ils en ont certainement souffert plus, parce que le traitement qu'ils subissaient ne faisait pas scandale comme celui des prisonniers politiques, ils ne soulevaient aucune protestation internationale, ne provoquaient ni grèves ni manifestations, ils n'avaient pas d'avocats prestigieux en mesure d'arracher pour eux un minimum de garanties dans le déroulement d'un procès.
Quelqu'un devrait écrire l'histoire de la petite délinquance sous le franquisme car de nombreux escrocs minables mériteraient une plaque commémorative ou au moins une tombe décente, étant donné ce qu'ils ont souffert. Un jour on videra les barrages et remonteront à la surface les voleurs de poules qui sont entrés un soir dans un commissariat ou une caserne et n'en sont pas sortis vivants, ceux que personne n'a réclamé.
Isaac Rosa La mémoire vaine


mercredi 27 mars 2019

Insupportables Gilets jaunes


"Vient le moment où le lapin en a assez d'être lapin et veut devenir chasseur"

Docteur Stéphane Barsoni (35ème Brigade FTP-MOI. Toulouse)



Samedi 23 mars, dans la soirée, un incendie s'est déclaré dans les geôles du commissariat central de Toulouse. Les pompiers sont intervenus et deux policiers ont été intoxiqués.
Selon nos informations, un détenu, repéré le jour-même en train d'embraser la barricade de l'avenue Camille Pujol, interpellé par les policiers et qui était gardé à vue, serait à l'origine du sinistre et 25 personnes gardées à vue ont dû être transférées vers les autres commissariats de l'agglomération. 
L'acte 19 des gilets jaunes a engendré au moins 13 interpellations à Toulouse. 
Actu Toulouse 24 mars 2019 8:57

On souhaite bien de la sagesse aux occupants habituels du commissariat de l'Embouchure.

Et on se met un très récent titre de Michel Cloup, Les invisibles, tout droit venue de son album Danser sur des ruines.

mardi 19 février 2019

La valse des gilets et ses suites

Toulouse 01 12 2018 (photo J. Fourcade)
Une série d’images prises depuis un téléphone portable navigue sur la Toile des affects. On y voit une « ZAD » du pauvre bâtie à la va-vite sur un rond-point haut-savoyard, une baraque en flammes et des forces du désordre faisant cordon autour de femmes et d’hommes occupant les lieux et dansant en nombre sur la chanson La Foule d’Édith Piaf. À les regarder, ces images, on comprend l’essentiel d’un incroyable défi : détruisez, nous reconstruirons ailleurs. C’est l’expression même d’une authentique puissance fondée sur une claire conscience des fraternités et des connivences qui s’arriment depuis trois mois à ces éclats de fugue en jaune majeur que sont les ronds-points, les dérives en zone dangereuse, les coups de main échangés, les histoires partagées, les traverses empruntées, la vie réinventée.

Ainsi débute ce long article signé Freddy Gomez qu'on vous encourage à lire en cliquant sur le lien.
Peu importe que l'on partage ou pas toute l'analyse avec l'ex-directeur de publication de l'excellente revue À contretemps (en particulier sa classification bien trop simpliste d'un certain milieu), on lit son élégante prose avec profit.
La vidéo tournée à Margencel (Hte-Savoie) à l'aube du 19 décembre sur la RD 1005

 


Autres extraits grappillés :
C’est encore ce murmure que des « intellectuels » atones, puis désemparés, se sont tardivement mis en tête d’interpréter, ou de sur-interpréter, à partir de leur savoir théorique et des quelques critères – historiques et sociologiques – qu’il leur confère. Jacquerie, fronde, charivari, mais qu’est-ce ? Peuple, pas peuple, quart de peuple, plèbe, tiers de plèbe, comment dire ? 1789, 1830, 1848, quelle filiation ? Gauche, droite, ultragauche, ultradroite, d’où ça vient et où ça va tout ça ? Ils ont débattu, les intellectuels. Ils sont payés pour ça – pas cher, parfois, mais peu importe. Ils sont payés pour construire une vérité ou la déconstruire, ce qui somme toute revient au même.
 (...)
Ce n’est pas rien, trois mois, après des décennies d’humiliation sociale, de traque aux pauvres, d’insultes répétées, de silences impuissants. C’est plus qu’un réveil ; ça ressemble à une sécession.(...)

Afin d'illustrer le propos, revoici le camarade D1ST1 qui, comme nous tous, à Toulouse comme ailleurs, ne veut désespérément pas rentrer à la maison mais rester encore dans la rue avec les autres.

samedi 26 janvier 2019

Des gilets, du rap et un joyeux merdier


Vous êtes un jeune rappeur provincial, vous rêvez d'un clip genre superproduction, avec milliers de figurants et charge de cavalerie (Bondartchouk, reviens ! Tout est pardonné). Mais vous n'avez pas un rond, ni de label fortuné pour votre promotion, ni de radio pour vous matraquer.
Qu'à cela ne tienne, les samedis toulousains sont fait pour vous.
Une petite caméra, un montage rapide et D1ST1 nous livre à son tour un hymne aux Gilets Jaunes tourné dans la Ville rose entre les 5, 12 et 19 janvier dernier.
Saluons la performance car que ce soit par la complicité entre les gens ou la revanche des habitants dépossédés de leur ville, c'est du vécu.
Et comme disait l'autre ennemi du spectacle, Disti's not a love song.
Encore que...



Toujours prêt à jouer en soutien aux emprisonnés, gars ? Merci d'avance.

dimanche 13 janvier 2019

Quoi de neuf dans le nouveau monde? Une loi anti-casseur

Frapper un homme à terre est indigne d'un policier (instruction du préfet Grimaud)


"Foule haineuse", "complices de casseurs", "fainéants", etc. La litanie des qualificatifs utilisés par les gouvernants n'est pas sans évoquer celle qu'écrivit Prévert dans La chasse à l'enfant, en souvenir de la mutinerie d'août 1934 à la maison de correction de Belle-Île-en-Mer. À l'époque, une prime de 500 francs avait été offerte pour la capture de tout gosse évadé. Une piste à creuser auprès de certains voisins vigilants ? Utilisez la hotline de votre Kommandantur sous-préfecture, discrétion assurée.



Après les beaufs à diesel et à clopes, les fafs, les supplétifs de Poutine, voici les vilains gilets jaunes de janvier (à qui on promet désormais fer, feu et prison) suivant les honnêtes et authentiques gilets jaunes de décembre (qui ont connu le fer, le feu et la prison). Pour couronner le tout, on nous annonce un fichage généralisé pour accompagner la énième loi anti-casseurs, tradition nationale remontant à Raymond "la matraque" Marcellin en 1970.
Bilan provisoire au 8 janvier :
1 personne tuée (par grenade lacrymogène)
4 mains arrachées 
12 personnes éborgnées
1 personne rendue sourde (par grenade assourdissante, justement)

Place du Capitole, hier
Bilan provisoire du samedi 13 à Toulouse : 33 interpellations, 5 blessés (une main arrachée, une joue perforée, des tirs à la tête...)
Vu le nombre de flics plus ou moins isolés qui auraient pu morfler ce samedi, on s'interroge encore sur la patience manifestée par cette foule soit-disant "haineuse".
Un classique venu de Belfast, The Outcasts, The cops are coming (1979)




jeudi 13 décembre 2018

Revue de presse et karaoké


Les deux samedis précédents, il avait déambulé avec un équipement de protection complet : masque, casque, veste de protection coquée. Samedi 8, cet équipement lui a été confisqué par des policiers, dès 9 h 15, dans une des rues donnant sur l’Arc de triomphe. « Je ne suis pas d’accord, mais je peux éventuellement comprendre qu’on m’enlève mon masque et mes lunettes, témoigne-t-il. Ce que je ne comprends pas, c’est qu’on a aussi pris, volé, devrais-je dire, 120 fioles de sérum physiologique, que j’avais apportées pour aider et soulager les gens qui seraient forcément pris dans les gaz lacrymogènes. »

« Mon ami a demandé pourquoi on nous enlevait nos masques si les policiers y avaient toujours droit. Réponse de l’un d’eux, très menaçant, à deux centimètres de son visage : “C’est pour mieux te casser la gueule.” » Lassé d’avoir assisté à des violences de la part des policiers, dont des tirs de flashball au visage, à plusieurs reprises, Jean-Philippe s’interroge à haute voix sur la « dictature » que serait en train de devenir la France. « En fait, on te dit de fermer ta gueule, c’est tout », s’indigne-t-il. Il promet néanmoins de revenir manifester le 15 décembre à Paris. Avec de moins en moins l’intention de « rester pacifique, puisque ça ne sert à rien ».

Mediapart 10/12/2018

Tiens, voilà-t-il pas que les camarades de LKDS se mettent au karaoké :



Ce matin, la presse parle de douze blessés à Toulouse. Ce n’est même pas le nombre de personnes que j’ai pu prendre en charge dans l’après-midi. Certains parmi nous ont raconté avoir chargé les personnes quatre par quatre dans les véhicules de secours qui parvenaient jusqu’à nous. J’ai même du mettre un blessé à bord de la voiture d’un riverain qui passait par là, à quelques mètres de la charge de police, et qui a rapidement accepté de le conduire à l’hôpital.
Ce matin, la préfecture comptait 5.500 manifestants dans Toulouse : il faut vraiment être resté chez soi toute la journée pour y croire. A 14h, le boulevard Lacrosses dégueulait une foule compacte, un cortège tellement long qu’il permettait aux premiers de ne pas entendre les grenades qui visaient les derniers. (...) 

Je n’ai pas envie ici d’exprimer mon point de vue sur la violence en manifestation ; la vérité, en tout cas, est qu’il ne s’agissait pas d’une « centaine de casseurs » comme l’évoquent les journaux, mais de milliers de personnes qui se succédaient, se soutenaient, se soignaient, s’encourageaient. Impossible pour les gendarmes de faire quoi que ce soit, hormis contenir bien imparfaitement l’émeute et répliquer à coups de flash-balls et de grenades. Médiatiquement, les violences qui ont eu lieu sont peut-être un mauvais coup mais elles ont été un vrai coup de génie tactique. La queue de cortège a concentré l’essentiel de l’attention sur elle, servant de point de fixation pour les forces de l’ordre qui étaient déjà trop peu nombreuses pour l’enrayer. Pendant ce temps, la tête de cortège continuait sa route et s’emparait de la ville.
La presse raconte que les « casseurs » étaient des banlieusards profitant de l’occasion pour « tout casser » -comme si la violence révolutionnaire était un simple loisir. De mon côté, j’ai passé la journée à soigner des gens très divers : lycéens voulant riposter à la violence subie toute la semaine, étudiants, travailleurs de tous secteurs et tous âges (vers 18h30, j’ai même administré du sérum phy à un retraité qui avait été gazé), filles et garçons, « anars » comme gilets jaunes et écolos, tous unis et constamment solidaires sans regarder leur origine.
Témoignage d'un street medic Toulouse 09/12/2018

mardi 18 septembre 2018

Chez les biffins

Depuis que les villes existent, elles ont eu à résoudre le problème des déchets qui y sont générés.
Les chiffonniers ont effectué cette besogne depuis des siècles pour la ville de Paris. Leur utilité fut reconnue par les lieutenants puis les préfectures de Police qui leur accordèrent un statut spécial. On leur attribuait donc un crochet, une hotte, un secteur et une plaque. Outre rendre quelques menus services à la flicaille, ils effectuaient ce que l'on appelle aujourd'hui le tri sélectif. Bon nombre de livres anciens proviennent des chiffons sélectionnés chaque matin par ces chiffonniers qui permettaient le recyclage des matériaux.

Quand, en 1832, la municipalité de Paris, réduisit le secteur des biffins pour en confier une partie à une première société de ramassage, il en résulta une émeute de plus de deux milles hommes armés de crochets.
Pour sa part, le terme Biffin viendrait de la médiévale biffe (étoffe sans valeur) et désigna donc, naturellement, les chiffonniers.
Par extension, au XIXème siècle, les snobinards de la cavalerie baptisèrent ainsi des fantassins dépenaillés et portant sac au dos.  

Comme tous les métiers de rue, ils furent mis en chanson. La java des crochets  de Willemetz, Pothier et Moretti enregistrée le 2 Avril 1932 par Marie Dubas en est un exemple. Cette rengaine un tant soit peu démagogue, nous rappelle, au troisième couplet, que le populisme politique, dont les pisse-copies en manque d'imaginaire nous rebattent les oreilles, ne date pas d'hier.


Dans une qualité supérieure, Le vin des chiffonniers, de Baudelaire, extrait des Fleurs du mal, ici chanté par Georges Chelon.
Un héros déchu de la Grande armée y est devenu chiffonnier par circonstance et mouchard de la police par nécessité... 

lundi 30 juillet 2018

Mort aux cons


Le pacha de Georges Lautner restera comme une série B relativement honorable qui connut quelques ennuis avec la censure pour cause de violence policière assumée.
Parmi les quelques scènes marquantes, on trouve l'enregistrement du Requiem pour un con (dans le film l'inspecteur « Albert, la galoche » est surnommé « l'empereur des cons ») par Serge Gainsbourg.
Appelé à la demande de Gabin, acteur et coproducteur du film, le Serge n'hésita pas à reprendre, une fois encore du Dvorjack, (en l'occurrence, le dernier mouvement de la Symphonie du Nouveau Monde)


Jugée excessivement vulgaire par la censure, cette chanson se verra interdite d'ondes (on comptait cinq radios à l'époque) par la commission de censure. Ce qui lui attirera certainement sa renommée suite au 45 tour (Philips 370 617 F) qui comportait Psychasténie en face B.
Du coup, ce thème fut copieusement repris.
Les punks parisiens d'Oberkampf conclurent leur premier album de 1983, P.L.C., par cette aimable version :



Plus récent et plus inattendue, une version enregistrée à Sainte-Marie aux Mines le 10 juin 2006, par le trio dynamique Jacques Higelin, Daniel Darc et Rodolphe Burger.

jeudi 26 juillet 2018

Il n'y a pas d'amour (ni heureux, ni malheureux)

Anti Brexit. Derry, 1972.

La nature, le spectacle et les magazines ayant décrétés le mois d'août comme celui des amours, quelques remarques désagréables sur le sujet.
À l'origine, de notre vague à l'âme, le tout dernier morceau du troisième album (Salda baldago, 1988) du groupe basque Hertzainak*.

Outre que les petits gars de Gasteiz (Vitoria) ont interprété exceptionnellement une chanson au titre anglais, No time for love, la superbe musique est d'une évidente inspiration irlandaise.
Aaaah, les projections basco-irlandaises de l'époque...
Sauf que Bilbao n'a jamais été Belfast, enfin passons, là n'est pas le propos.
Notre connaissance de l'euskera étant plus que limitée, on avait tout de même compris que dans un monde hanté par le bruit des sirènes et des rafles au petit matin, par les larmes et les cris de terreur il ne pouvait exister d'amour.
Particulièrement si on vit à Chicago, Santiago, Varsovie, Belfast ou Gasteiz. Entre autres.


En réalité, le groupe n'a jamais caché avoir emprunté ce titre au chanteur de folk américain exilé au Royaume-Uni pour cause de conflit au Vietnam, Jack Warshaw qui créa cette chanson en 1979 sous le titre "If they come in the morning". On trouvera l'original ICI et les paroles (avec accords) .
Le chanteur irlandais Christy Moore la fit sienne en la rebaptisant No time for love avec la bénédiction de son auteur.
C'est d'ailleurs lui qui mit cette version en ligne. Ici en duo avec le guitariste Declan Sinnott.



Les paroles n'ayant pas pris une ride, vous constaterez que nos amours d'été ou pas, sont mal barrés. Et que, les prolétaires n'ayant pas de patrie, cette mélodie a toute sa place ici.
Salud !

* (1982-1993) Auteurs de "l'hymne" des autonomes Pakean utzi arte, ils sont bien moins connus ici que Kortatu (qui, eux, ne chantaient pas qu'en euskera) et c'est assez dommage. Surtout en ce qui concerne les trois premiers albums.

samedi 2 juin 2018

Pia Colombo, teigneuse méconnue


Par l'effet d'un manque d'imagination récurrent des médias, voici une chanteuse qui fut un temps pressentie pour prendre la place vacante d'Édith Piaf (décédée en 1963 et dont la grande Damia disait qu'elle lui avait tout piqué).
Mais ses positions très à gauche, une réputation "d'intellectualisme", de "réservée à la rive gauche" et, surtout, une censure fort vigilante firent chuter la Dame dans un certain oubli.
Fille du Nord née Éliane Marie Amélie Pia Colombo à Homblières (1934) et morte à Créteil en 1986, elle fut danseuse, comédienne et hanta les cabarets et meetings communistes.
Laissée à sa grand-mère, elle fut d'abord une grande adepte de l'école buissonnière, à tel point que sa famille considérait miraculeux qu'elle sache lire et écrire.
En 1946, ses parents l'ayant reprise en région parisienne, ils l'amenèrent au Châtelet où elle devint amoureuse de la danse.
Tombée malade à quinze ans, elle en restera très chétive et pourra faire une croix sur sa carrière de danseuse.

Elle tente alors le Cours Simon où elle est encouragée par un jeune professeur, Maurice Fanon, chez qui elle emménage en 1956.
Après divers refus sanglants, elle débute en chanson au cabaret l'Écluse cette année-là.
Elle y chante des chansons de Fanon, avec lequel elle se séparera quelques années après sans que jamais leur amitié ne soit remise en cause et sort ses premiers tours chez Versailles, puis chez Philips.
Au fil des années, elle sortira huit albums en studio, deux en public et treize EPs quatre titres.

Retrouvons-la dans un classique Fanon, l'Écharpe, filmée en 1963


À partir de 1958, elle fait des premières parties de Georges Brassens, se lie d'amitié avec Barbara, chante un débutant nommé Gainsbourg puis connaît la dèche médiatique due à l'irruption des yé-yés.
Se remettant à la vache enragée, elle passera aux Trois Baudets, à la Tête de l'art, à La Colombe et surtout à la Contrescarpe, en doublé avec Francesca Soleville.
Repérée par Roger Planchon, elle alterne scènes de théâtre et quelques brèves apparitions cinématographiques. Elle devient alors une grande interprète de Kurt Weill et Bertold Brecht comme dans ce Tango des matelots


Elle triomphe enfin dans l'opéra brechtien Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny, commentant à son propos "J'y ai tout appris. Avant je ne savais pas ce que c'était que chanter."
En 1967, elle enregistre Rue des Rosiers, de Sylvain Reiner et Maurice Holmès, sur la Rafle du Vel d'Hiv, puis tourne avec Aznavour, Alain Barrière, Marcel Amont....
 
En mai 1968, avec Jean Ferrat, Maurice Fanon, Francesca Solleville, Colette Magny, Isabelle Aubret et Dominique Grange, elle tente des tournées aux piquets des usines en grève avant que tout ce petit monde ne se fasse virer par une CGT inquiète de voir ses propres troupes lui échapper.
Puis elle remontera sur les scènes théâtrales, défendra l'écologie, se fera une autre spécialité à chanter Léo Ferré, tournera en Europe de l'Est et, pas rancunière, passera finalement en vedette à la Fête de l'Huma en 1973.
Rongée par le cancer, elle crée, entre 1979 et 1981, un spectacle autobiographique, Requiem autour d'un temps présent, écrit par le toujours fidèle Maurice Fanon.
Après quelques concerts et apparitions télévisées, le crabe finit par avoir sa peau en 1986.
Manière de rappeler que la sauvagerie policière ne date pas d'hier, un dernier pour l'émotion : Un Soir de mai, enregistré à l'Olympia en 1968 :


vendredi 13 avril 2018

Usage judicieux de Maurice Chevalier dans une gendarmerie

Un homme de trop de Costa Gavras (1967)

Tiré d'un roman de Jean-Pierre Chabrol*, Un homme de trop est le deuxième film de Costa-Gavras qui, suite au succès de Compartiment tueurs, avait eu les coudées franches pour réaliser un authentique western cévenol avec un casting de luxe.
Voyez un peu la brochette... Par ordre d'apparition : Med Hondo, Jean-Claude Brialy, Patrick Préjean, Claude Brasseur, Jacques Perrin, Gérard Blain, Bruno Cremer, François Périer, Pierre Clémenti, Charles Vanel et Michel Piccoli.
Las, ce film trop particulier sur la résistance se révélera un échec commercial. Costa se rattrapera deux ans plus tard avec Z.
Là où ce réalisateur nous intéresse, c'est que dans ses six premiers films, c'est à dire jusqu'à Section spéciale (1975) il accorde une importance toute particulière et parfois franchement inhabituelle au son, que ce soit au niveau des bruitages ou de la musique.
En témoigne cette réjouissante séquence du saccage de la gendarmerie sur fond d'un Maurice Chevalier tonitruant qui donne à tous du cœur à l'ouvrage.
On dédie la séquence à tous ceux et celles qui ont trop subi les gendarmes, ces derniers temps.



Ce Galopin de Costa profite de l'occasion pour rappeler, au passage, qu'outre le Momo, Herbert von Karajan fit aussi une très belle carrière à l'ombre du troisième Reich.
La Chanson du maçon était sortie en 1941 (et youp la boum !) Elle était signée de Maurice Vandair, Maurice Chevalier et Henri Betti.




* Seul changement notable par rapport au roman : le personnage interprété par Piccoli n'y est plus un simplet de village criminel mais un pacifiste anarchiste.


jeudi 18 janvier 2018

Évacuation prochaine de la ZAD ?



Ubi solitudinem faciunt, pacem appellant (Tacite)
Ils ont fait un désert et appellent ça la paix.

Du moins c'était ce qui était prévu, dans la grande tradition nationale.
Et puis, ils ont arrêté les frais, balancé un gros nonosse à un ministre de l'écologie dévalué, un autre à Vinci, dont la taille est à évaluer. Et roulé une dernière fois des mécaniques avant de s'éloigner la queue entre les jambes.
Une petite chanson de Marc André d'après un texte du collectif de la Roche-sur-Yon et une musique de qui vous savez. En honneur à la tronche tirée par l'ex président de région :



Allez savoir pourquoi, les rodomontades finales du ministre de l'intérieur qui rêve de rendre quelques hectares à l'autorité de l'État et de la SAFER inspirent quelques associations d'idées. Du Eugène Pottier en rapport avec l'authentique affiche ci-dessus.



vendredi 28 juillet 2017

Desnos, Liabeuf et la chanson qui ne fut pas (ou pas encore)


Presse à sensations
Comme on y fit allusion dans cette aimable émission, Jean-Jacques Liabeuf, honnête cordonnier persécuté par deux argousins des mœurs, Maugras et Vors,  qui lui avaient taillé un costard de proxénète, fut injustement condamné à la prison et à l'interdiction de séjour en 1909.
Fou de rage, l'ouvrier se confectionna des poignets de cuir hérissés de pointe, y rajouta un poignard et un revolver browning pour régler ses comptes avec les deux bourriques responsables de sa disgrâce. Le 8 janvier 1910, contrôlé par des agents, il tue un flic et en blesse quatre autres, dont un grièvement, avant d'être maîtrisé.
Sale ambiance

C'était mal barré pour l'homme d'honneur qui malgré son manque de chance sera défendu par une bonne partie des socialistes* et des anarchistes.
Le premier juillet 1910, Liabeuf est guillotiné sur le boulevard Arago, contre le mur de La Santé. Il aura clamé jusqu'à son dernier souffle qu'il n'était pas un souteneur. Son exécution fut l'occasion d'une des plus belles émeutes du Paris des années 1900 : des milliers de personnes s'affrontent à la police, les cuirassiers chargent la foule dans laquelle se trouvent quelques futurs "bandits tragiques" dont certains feront eux aussi parler la poudre (Soudy, Valet, Kilbatchiche).

Or, Robert Desnos a prétendu avoir assisté à l'arrestation de Liabeuf, dans la rue Aubry-le-boucher. Il avait dix ans et c'était pas pourtant pas à une heure où on laisse traîner les moutards.
Trente ans plus tard il écrivit une chanson en argot, en hommage à Liabeuf et son action dans la rue Aubry-le-boucher. Ce texte sera publié pendant la guerre sous pseudonyme, il est intitulé

À LA CAILLE** 

Rue Aubry-le-Boucher on peut te foutre en l’air,
Bouziller tes tapins, tes tôles et tes crèches
Où se faisaient trancher des sœurs comaco blèches
Portant bavette en deuil sous des nichons riders.

On peut te maquiller de béton et de fer
On peut virer ton blaze et dégommer ta dèche
Ton casier judiciaire aura toujours en flèche
Liabeuf qui fit risette un matin à Deibler***.

À Sorgue, aux Innocents, les esgourdes m’en tintent.
Son fantôme poursuit les flics. Il les esquinte.
Par vanne ils l’ont donné, sapé, guillotiné

Mais il décarre, malgré eux. Il court la belle,
Laissant en rade indics, roussins et hirondelles,
Que de sa lame Aubry tatoue au raisiné.
 


On ne connaît pas de mise en musique de ce petit bijou. Si ça vous inspire, n'hésitez surtout pas, on se fera une joie de diffuser. Camarades musicos, à vous.
Autre représentation fantaisiste

Je trouve que dans ce siècle d'aveulis et d'avachis, Liabeuf a donné une belle leçon d'énergie et de courage à la foule des honnêtes gens. À nous-mêmes, révolutionnaires, il a donné un bel exemple. Gustave Hervé dans La Guerre Sociale

** En rogne, en pétard, en colère...

*** Famille de bourreaux de génération en génération.

Et puisqu'il faut terminer sur une rengaine, voilà l'occase d'envoyer encore une fois celle qui ne fut pas écrite par Raymond Callemin mais par qui vous savez. L'occase aussi d'écouter ce cher Jacques Marchais.