Atteint par le virus de la mégalomanie, le ministre de l'agriculture a proposé hier d'envoyer 200 000 travailleurs inutiles aux champs. Ce matin, les comiques de la FNSEA annoncent 100 000 volontaires.
Sachant que la vague d'injustement nommés Parisiens (car il y a aussi des Bordelais, Lyonnais, Toulousains, etc.) qui ont fui la ville pour passer leur isolement au vert ont provoqué une vague de paranoïa et de ressentiments dans nos campagnes (Ces salopiots viennent nous contaminer !) imaginons comment seront reçus des milliers de gars qui n'ont jamais ramassé une fraise, une asperge ou cueilli une cerise, qu'on va entasser dans des granges (sinon où ?) et à qui on va donner un boulot de merde payé des miettes habituellement réservé aux Polonais, Maghrébins, voire Espagnols qui peuplent nos champs à la belle saison.
On souhaite bonne chance à nos gendarmes pour rétablir un semblant de calme là-dedans.
Pour approfondir le sujet nous avons pris l'avis d'un parisien, anciennement petit commerçant,
et d'un provincial (ça se dit encore ?) qui compte bien tirer son épingle du jeu.
Ces deux là avaient chanté ça en 1968. C'était mieux avant.
La marque de moto la plus classe de cette décennie là
Rendons grâce au sieur John Warsen, qui exhuma dernièrement l'ensemble des EP quatre titres de notre cher Ricet Barrier (de 1959 à 1964), celui dont ceusses de ma génération se rappellent qu'il fut un chanteur touche-à-tout, c'est à dire rigolo ou mélancolique, bien avant de prêter sa voix à Saturnin le canard.
Notre chantre d'un monde déjà révolu dans les années soixante ne daignait pas se gausser, au passage, de la modernité ambiante.
En témoigne ce microsillon de 1966 (Philips 434.839 BE) dans lequel il sacrifia au culte de la Horde Sauvage à lui tout seul.
Avec toutefois une dizaine d'années de retard sur l'imbattable Édith mais en misant sur une marque britannique nettement plus élégante que cette grosse vache de Harley Davidson (et néanmoins fâcheusement instable dans les virages).
Et Vrooaapp, comme on écrivait dans les BD de mon enfance.
En 1958, Ricet Barrier sortait son premier disque chez Jacques Canetti et passait aux Trois Baudets en compagnie de Serge Gainsbourg au piano, Raymond Devos, Bernard Haller et un petit nouveau nommé Jacques Brel.
En 1961, il enregistra Rendez-vous, ou Stanislas, pour son deuxième huit titres chez Philips.
Comme souvent (Dolly, la Marchande de poisson, les Spermatozoïdes), les Frères Jacques se chargèrent de la populariser en la reprenant.
Et en s'offrant, au passage, une figurante de luxe dans ce scopitone où la belle enfant s'exhibe dans un superbe manteau d'ocelot.
Elle n'avait pas encore épousée la cause animale doublée d'une déplorable paranoïa vis à vis du genre humain.
Un petit supplément à notre émission de mars sur le tapin.
Remarquez, ça passe aussi dans le thème turbin en général ou de la religion ...
Reprise inattendue que celle-ci : Sue et les Salamandres rejouent une méconnue du sympathoche Ricet Barrier.
La version originale est de 1977 (album Y'a plus de sous)
Outre être un des philosophes emblématiques du XVIIIème siècle François-Marie Arouet était un joyeux libidineux qui suivait l'exemple de ses prédécesseurs poètes. À l'instar de du Bellay, Marot ou Ronsard, il avait compris qu'un compliment bien troussé pouvait vous garantir un office cérémonieux au temple de Vénus.
Curieusement, peu de chanteurs ont puisé dans ce fond galant.
Un exception, cetteGaillardise interprétée par Ricet Barrier sur le disque "Furieusement heureux" (2006) dans lequel un empressé tente de convaincre la belle Aminthe de venir jouer à la bête à deux dos.
Un mystère demeure : il manque dans cette version chantée du sonnet de Voltaire un couplet, le dernier, celui de la réponse de la Belle à son impatient :
Je voudrais bien, mon cher amant,
Hasarder pour vous plaire ; Mais dans ce fortuné moment,
On ne se connaît guère. L’amour maîtrisant vos désirs,
Vous ne seriez plus maître De retrancher de nos plaisirs
Ce qui vous donna l’être.
Hors de question pour la charmante d'aller héberger un polichinelle !
Gabriel Randon dit Jehan-Rictus (1867-1933) était un poète chansonnier du Montmartrois du début XXème.
Proche des anarchistes jusqu’en 1914, Dreyfusard, il sera, comme tant d'autres, contaminé par l'union sacrée et finira son existence en sympathisant monarchiste.
Ses recueils de poèmes, notamment Les soliloques du pauvre (1897) ou Doléances (1900), évoquent l’amour, la souffrance, la mort, le travail, le bistrot, la guillotine...
Il donne la parole aux victimes, vagabonds, prostituées et marginaux.
Lui-même s'était retrouvé à la rue, survivant de boulots minables jusqu'en 1889, année où il fut embauché par la municipalité de Paris avant d'en être renvoyé deux ans plus tard.
Il prit son pseudonyme en débutant au cabaret des Quat'zarts, place Clichy, en 1895, créant un personnage de clochard gouailleur.
Il devint ensuite un habitué des cabarets et des meetings politiques et syndicaux où on l'invitait à déclamer.
Dans ses textes, il a mélangé le parler picard du Boulonnais de son enfance (placé chez des paysans car il n'avait pas été reconnu par ses parents) et l’argot parisien. Les Soliloques ayant connu un succès immédiat, ils seront réédités en 1903 illustrés par Steinlen, qui a croqué l'auteur ci-contre.
Il plaça chroniques et poèmes dans plusieurs revues : L'Assiette au Beurre, en 1903, Comœdia et Les Hommes du Jour.
Il a publié une dizaine de recueils de son vivant. Son journal et des inédits sortiront à titre posthumes car après, la Première Guerre Mondiale, il n'a plus rien sorti, se contentant de recevoir une légion d'honneur en 1933.
En 1931, il a enregistré trois 78 tours de ses textes. Marie Dubas l'avait mis en musique dans les mêmes années.
Depuis, il a été repris, entre autre par Monique Morelli.
et par Ricet Barrier, pour un très émouvant texte autobiographique sur son enfance pourrie, évoquée dans son unique roman Fil de Fer (1906).
vendredi 17 janvier 2014
A LAURENT S.
Laurent, tu m'as fait croire que ton nom signifiait en Gascon "crétin d'Ariège" et je ne sais toujours pas si c'est vrai ou s'il s'agit encore d'une de tes plaisanteries. Tu m'as raconté internet en 1988 et je n'y ai rien compris. Tu as démontré qu'on pouvait être situationniste et homme d'action. Tu as réalisé, avec ton complice nyctalope, le plus beau graffiti toulousain de ces 30 dernières années au moins. Tu fus un de ceux qui firent la première émission pour les taulards avec pour horizon la destruction définitive de ces concentrés de société. Tu as aussi vécu quelques aventures dignes des Freak Brothers. Tu as appris le navajo et la japonais pour ne pas trop fainéanter dans la Colorado. Et tu m'as appris James Joyce et Spinoza lors des années Toulouse-la-canaille.
Malgré tous tes efforts tu n'as jamais viré aigri. Ironique, sarcastique, pénible parfois, ça oui...
Et comme il est hors de question de coller ta belle gueule pyrénéenne sur internet, un texte d'une personne qui t'as certainement gonflée mais qui est tellement juste.
Il me semble que tu n'étais pas pour rien dans l'affiche originale
C’est le petit matin et, si on me posait la question, ce que personne
n’a fait, je dirais que le problème avec les morts, ce sont les
vivants.
Parce que le plus souvent ça donne lieu à des disputes absurdes, oiseuses et révoltantes autour de leur absence.
Les sempiternels « moi, je les ai connus / je les ai vus / on m’a dit que » sont autant d’alibis qui cachent un « moi, je suis l’administrateur de cette vie parce que je gère leur mort ».
Quelque chose comme le copyright de la mort, alors convertie
en marchandise que l’on possède, qui s’échange, circule et est
consommée. Tiens, il y a même des établissements faits pour ça : des
livres d’historiographie, des biographies, des musées, des éphémérides,
des thèses, des journaux, des revues et des colloques.
Et puis, il y a ce trompe-l’œil de la publication de sa propre histoire pour pouvoir en limer les erreurs.
D’aucuns s’appuient ainsi sur les morts pour élever un monument à leur propre gloire.
Mais, à mon humble avis, le problème avec les morts, c’est de leur survivre.
Soit on meurt avec eux, un peu ou beaucoup à chaque fois.
Soit on se proclame leur porte-parole. En fin de compte, les morts ne
peuvent plus parler et ce n’est pas leur histoire, leur histoire à eux,
que l’on raconte : ce qu’on fait, c’est justifier la sienne propre.
Soit on les utilise encore pour pontifier d’un ennuyeux « moi, à ton / à leur âge ».
Alors que la seule façon honnête de compléter ce chantage affectif bon
marché et en rien original (presque toujours destiné à des jeunes et à
des enfants), ce serait d’achever par « il a commis plus d’erreurs que toi / que vous ».
Ce que cache une telle prise en otage de ces morts, c’est le culte de
l’historiographie, si typique d’en haut, si incohérent, si inutile : à
savoir, prétendre que la seule histoire qui vaille et qui compte, c’est
celle qui est dans les livres, les thèses, les musées ou monuments et
dans leurs équivalents actuels et futurs, qui ne sont rien d’autre
qu’une manière puérile de vouloir domestiquer l’histoire d’en bas.
Il existe en effet des gens qui vivent de la mort des autres et qui
se servent de leur absence pour échafauder des thèses, des essais, des
écrits, des livres, des films, des corridos et des chansons et autres façons plus ou moins sophistiquées de justifier leur propre inaction… ou leur action stérile.
« Tu n’es pas mort », ça peut rester un simple slogan si personne ne
continue sur la même voie, parce qu’à notre modeste et non académique
point de vue ce qui compte c’est le chemin choisi et non la personne qui
le suit.
SCI Marcos, Extrait de "Rembobiner deuxième partie"
Et un peu de déconnade pour ne pas en rester là. Adios, amigo.