À Douarnenez, à Concarneau, les hommes sont généralement marins et les femmes travaillaient aux ateliers de conditionnement des prises, principalement des sardines. On appelait d'ailleurs ces ouvrières des Penn Sardin.
Travaillant jusqu'à 18h par jour, payées à la pièce, ces femmes déclenchèrent une série de grèves en 1905 pour exiger un paiement horaire. S'étendant à toutes les villes côtières, ce conflit se conclue par la victoire des ouvrières et la création du Syndicat des sardinières.
En 1924, elles perçoivent entre 80 centimes et 1,30 franc de l’heure. Elles sont en poste plus de 70 heures par semaine et il n’existe aucune prise en
compte du travail de nuit ou des heures supplémentaires.
Une grève réclamant une augmentation conséquente éclate en novembre 1924. Elle va durer 46 jours et, pour la première fois, les hommes se rangent derrière les ouvrières. Les marins entrent dans la danse et toute la côte est bientôt paralysée. Le maire communiste de Douarnenez, Daniel Le Flanchec, soutient le mouvement et organise des soupes populaires. Ce qui lui vaudra d'être destitué par l'État et la ville mise sous tutelle. Autre leader communiste, Charles Tillon, récemment sorti des geôles pour mutinerie se démène et connaît même quelques cuisants échecs en tentant d'étendre la grève à la côte basque et vendéenne.
Malgré la violence des gendarmes mobiles et le recours massif à des jaunes, la ville est paralysée. Le Flanchec est même victime d'un attentat causé par des nervis du patronat.
Les agriculteurs locaux ravitaillent les grévistes et des collectes sont organisées dans toute la France. Le ministre du Travail offre sa médiation.
Le 8 janvier 1925, les patrons finissent par cèder et les ouvrières gagnent 20 centimes d'augmentation.
Ces ouvrières, réputées catholiques et soumises, ont foutu un beau bordel sur toute la côte et, comme on chantait pas mal dans les ateliers, voici la chanson la plus célèbre qui leur rend hommage, paroles écrite par Claude Michel (une femme) musique de Jean-Pierre Dovilliers : Penn Sardin.
Un autre air fort populaire fut Saluez, riches heureux, repris aux ouvriers de Carmaux lors des grèves de 1909 et 1910. Ici chantée par Marie-Aline Lagadic et Klervi Rivière
On retrouve cette histoire dans une chronique d'Aliette de Laleu sur France Musique.
Le dernier mot du capitalisme sous ce rapport, le système Taylor, comme tous les progrès du capitalisme, combine la cruauté la plus raffinée de l'exploitation bourgeoise aux conquêtes scientifiques les plus précieuses concernant l'analyse des mouvements dans le travail, l'élimination des mouvements superflus ou maladroits, l'élaboration des méthodes de travail les plus rationnelles, l'introduction de meilleures méthodes de recensement et de contrôle, etc. La République des soviets doit faire sienne, coûte que coûte, les conquêtes les plus précieuses de la science et de la technique dans ce domaine.
Nous pourrons réaliser le socialisme justement dans la mesure où nous aurons réussi à combiner le pouvoir soviétique de gestion avec les plus récents progrès du capitalisme. Il faut organiser, en Russie, l'étude et l'enseignement des systèmes Taylor, l'expérimenter et l'adapter à nos fins.
Il faut aussi, en visant à augmenter la productivité du travail, tenir compte des traits spécifiques de la période de transition du capitalisme au socialisme qui exigent, d'une part, que soient jetées les bases de l'organisation socialiste de l'émulation et d'autre part, que l'on use de tous les moyens de contrainte de façon que le mot d'ordre de dictature du prolétariat ne soit pas discrédité par l'état de déliquescence du pouvoir prolétarien dans la vie pratique...
Vladimir Ilitch Oulianov "Lénine"
Les tâches immédiates du pouvoir des soviets
Vive la révolution sociale
La terre aux paysans, l'usine aux ouvriers
À bas le pouvoir et le capital
Tout le pouvoir aux soviets locaux
Pendant ce temps à Kronstadt
Cité par Alexandre Skirda, Kronstadt 1921
On précise à notre aimable lectorat qu'on ignore si cette chanson nostalgique est à la gloire des marins de Kronstadt "fers de lance" de la Révolution de 1917 ou à la gloire des mêmes devenus trois ans et demi plus tard et d'un coup de baguette magique déviationnistes anarcho-syndicalistes manipulés par des popes, des généraux blancs, des Finlandais et des agents provocateurs français.
Ce ne sont pas deux mois d'enfermement et un été ponctué de sauts de puces qui vont nous faire passer l'affection, bêtement romantique, qu'on porte aux gens de mer. On en fit même un thème d'émission du temps où nous nous préoccupions surtout de chansons en français.
Le dernier confinement et quelques kilomètres parcourus en zizique et en suivant nous ont donné l'envie d'exhumer les très recommandables disques conçus par le producteur américain Hal Willner : Rogue's Gallery, Pirates ballads, sea songs ans chanteys.
Un mot du bonhomme qui décéda du (ou de la ?) Covid-19 au mois d'avril dernier à son domicile new-yorkais. Né en 1956, de parents rescapés de justesse du grand massacre de la décennie précédente, Willner eut, à son catalogue de producteur de disques, des gens comme Lou Reed, Marianne Faithfull, Laurie Anderson, les Neville Brothers mais aussi William S. Burrough ou Allen Ginsberg. En 2006, il décida de ressusciter les chants de marins, pêcheurs, soldats et autres forbans des mers dans un premier double album : le Rogue's gallery (qui à l'origine désigne une collection de pièces à conviction judiciaire).
Là où l'affaire est surprenante c'est que le gars fit appel à un parterre improbable d'interprètes de folk, de country et de rock mélangeant artistes très connus dans leur spécialité et parfois tout à fait inattendus (Nick Cave, Bob Neuwirth, Lou Reed, Bryan Ferry, Marianne Faithfull, Sting (si !) Richard Thompson, Martin Carthy, etc.) avec d'autres beaucoup plus confidentiels.
Et l'ensemble, un double album de 43 titres marche plutôt bien vu que la majorité des interprètes semblent s'être pris au jeu et donc, s'être mis au service de leur chanson plutôt que le contraire.
Ça a tellement bien carburé qu'il y eut une suite en 2013, logiquement intitulée Son of Rogue's gallery dans laquelle il fit appel à d'autres pointures comme Tom Waits, Iggy Pop, Shane Mc Gowan, Todd Rundgren, Robyn Hitchcock, Dr John, etc.
Mais c'est une autre histoire, petit aperçu du premier volume : Richard Thompson dans Mingulay boat song, complainte de pêcheurs des années 1930 tirée d'un vieil air gaélique, Òran na Comhachaig.
Nick Cave, très en jambe pour ce Fire down below, chant de cabestan où on bossait en insultant ses propres officiers, pratique tolérée dans toutes les marines, même militaires.
Et les très insolites Jack Shit, trio californien formé de Beau, Pete et Shorty Shit reprenant un classique de la Royal Navy, Boney was a warrior, hommage moqueur et dérisoire à Napoléon Bonaparte, surnommé Boney the Bogeyman, fils de Lucifer et bouffeur de gamins.
On vous l'a dit et répété, "Nous sommes en guerre".
Et jusque là tout était dans l'ordre des choses : hospitaliers, éboueurs, routiers, caissières, et autres prolos fournissaient la chair à canon habituelle.
Mais il semble que le front soit en train de craquer là où on ne s'y attendait pas (là aussi rien que de très naturel).
En témoigne cet article de France Bleu du 15 avril qui recueille les confidences d'un petit gars de la Royale "Alors qu'au moins 668 marins du groupe aéronaval (Charles-de-Gaulle et frégate Chevalier Paul) sont positifs au Covid-19 selon le Ministère des
Armées, un des membres d'équipage témoigne, sous couvert d'anonymat, pour France Bleu Provence. L'homme se dit "en colère" : "L'armée a joué avec notre santé, notre vie."
On étouffe (c'est le moment, tiens) d'indignation.
L'armée jouerait donc avec la vie de nos matafs et de nos biffins !
Et nous qui croyions bêtement qu'une guerre moderne correctement menée consistait à bousiller le plus possible de civils.
Voilà-t-il pas que non seulement nos militaires sont atteints mais qu'en plus ils en éprouvent de l'amertume. Limite mutins de la Mer Noire, les gars...
Et si un porte-avion se métamorphose en hôpital flottant, on frissonne à l'idée de ce qui se produit chez les confinés de nos formidables sous-marins nucléaires.
Allons, vaillants matelots, ressaisissez-vous ! La Marine française a des traditions : ils s'agit de tenir avec panache. Comme à Trafalgar ! Comme à Mers el Kebir !
Rappelez-vous que la Nation vous regarde.
Et arrêtez de chanter des conneries...
Si on ajoute aux galères de notre flotte la perte d'un fleuron de notre aviation on frémit à l'hypothèse que la perfide Albion ne vienne profiter de notre désarroi pour nous piquer nos zones de pêches. Ou que les troupes luxembourgeoises n'aillent contourner le front en passant par la Belgique.
Définitivement, on n'est pas protégés.
Allez, pour la route, un classique d'un folkeux néo zélandais disparu il y a deux mois.
Et un supplément pour vous apprendre que ce n'est pas mieux ailleurs. Monsieur Pop Iggy, de Detroit, Michigan, nous chante Asshole rules the navy. On approuve ce message.
Le collectif Mary Read (du nom de la célèbre pirate) s'est formé il y a un peu plus d'une quinzaine d'années à St Étienne.
Monté par deux MC, Calavera et Trauma qui avaient sorti des démos dès 2001, ce duo est devenu collectif en étant rejoint par Nergal et Mina en 2002 et 2006.
Issus tout autant du rock que du hip-hop, ils sont partis écumer les petites scènes en restant proche de la mouvance punk / DIY*
Ils avaient pour habitude, lors de leurs concert à l'étranger (Pologne, Espagne, Allemagne) de traduire leurs paroles et de les distribuer imprimées.
Aux dernières nouvelles Mina serait retournée au chagrin et Calavera à son bistrot.
N'hésitez pas à reprendre la route, camaros...
Une chanson en hommage aux gueux des mers.
Pour la fin de l'année, un petite fantaisie cinématographique.
Blousons noirs et bottes de cuir : Tunnel of love est un court-métrage complètement kitch de Robert Milton Wallace (1997). Ou les tribulations énamourées d'un rocker en Norton dans le Londres des années d'avant.
La musique est de Joe Strummer et Pablo Cook (qui officiaient dans ces mêmes eaux chez Kaurismäki dans I hired a contract killer) ce qui ne gâche pas notre plaisir.
Et les Revillos (ou Rezillos, ça dépend de l'année) groupe d'écossais déconneurs d'Édimbourg menés par Fay Fife et Jo Callis, en play-back dans Motorbike beat.
Allez, on vous la souhaite bien plus honorable que la précédente.
Marcel, remets-moi le p'tit Minervois !
Casquettes qui ne s'envolent jamais (et illustration abusive : c'est une Triumph )
On avait autrefois cité la Norton en la taxant de plus belle moto du monde.
À vrai dire on s'en fout un peu de l'esthétique des grosses chromées, il s'agit juste ici de se repasser ce que d'autres nomment une rengaine entêtante.
Remarquons tout de même que la Harley-Davidson, débarquée dans nos contrées en 1944 dans les fourgons des GIs, fut l'engin qui symbolisa le mieux monde des bikers, des grands espaces (pas trop pourvus en virages vu la maniabilité du truc) et de la conso à go-go des années soixante.
Toujours à l’affût de l'air du temps, Gainsbourg fit chanter ce blindé à deux roues par Brigitte Bardot en 1968.
Tube que reprirent les Bordelais de Gamine en 1984
Fermons le ban de cette rubrique anti-écologique avec OTH en concert
Retrouvons le grand large et les embruns avec un classique des chansons à virer. De celles que les marin entonnaient pour virer le cabestan pour relever l'ancre (Wae, Hey, and up she rises !).
Même à l'âge d'or de la Royal Navy, un des corps les plus répressifs de ce temps, il était permis aux hommes d'équipage de se défouler en chantant n'importe quelle obscénité pourvu qu'elle permette de supporter cette manœuvre de force. Les officiers de bord étaient alors l'objet de tous les quolibets
Il est prouvé de puis belle-lurette que c'est pas tant la mer qui tue l'homme, mais plutôt la gnôle. Encore que de nos jours, la coke et l'héro ont pas mal remplacé la bibine sur les chalutiers.
Ce classique irlandais du chant de marins s'en prend donc à l'état lamentable des camarades encore pris de boisson ou en sévère gueule de bois qui se retrouvent incapables d'aider efficacement leurs collègues à l'appareillage. En leur promettant une vingtaine de châtiments en représailles.
Ce Drunken sailor (Qu'allons-nous faire du marin ivre ?) a été entonné par des dizaines d'ensembles. Même si un des tous premiers enregistrements est celui, uniquement musical, du violonidte John Baltzell on a un faible pour la version des Irish Rovers qui, eux au moins, osent les paroles (Rasez-lui ventre et couilles / Mettez-le au sel et à l'eau / Collez-le dans le lit de la fille du capitaine, etc...)
Noir Désir ne dédaignait pas la reprendre en concert. Pas seulement lors des tournées bretonnes. Là, c'était en 1989. En disque, le titre ne se trouve que sur la compilation En route pour la joie (2000).
Allez, on souffle un peu... La guerre civile qui suivit la révolution russe fit également rage dans une Sibérie au sens large. Nous entendons par là un territoire qui va de l'Oural à la Mandchourie et à la Mongolie, des lignes du Transsibérien aux steppes glacées, où s'affrontèrent des armées russes rouges, blanches, vertes, japonaises, tchèques, chinoises, bouriates et divers autres corps expéditionnaires. Comme bien d'autres, notre découverte de ces événements a débuté par la BD d'Hugo Pratt : Corto Maltese en Sibérie.
"Roman graphique" (terme ô combien prétentieux) dans lequel apparaît la figure haute en couleur du Baron Fou ou Sanglant, Roman Ungern von Sternberg, aristocrate russe blanc descendant d'un chevalier teutonique qui, après avoir commandé sa "Division Sauvage" pour le compte des blancs, tenta de créer un empire basé sur un ordre militaire bouddhiste en Mongolie avant de finir livré par ses officiers aux rouges qui se firent un plaisir de le fusiller.
Si nous n'avions alors pas encore lu les fabuleux livres de Ferdynand Ossendowski, Bêtes, Hommes et Dieux et Asie fantôme, Pratt, lui, les avait à coup sûr attentivement décortiqués. Géologue et explorateur polonais (la Pologne faisant alors partie de l'empire russe) Ossendowski, envoyé par l'Académie des sciences, parcourut la Sibérie de 1901 à 1921. Socialiste, il prit part à la révolution de 1905 dans un soviet sibérien, fut condamné puis gracié avant de se retourner contre les bolcheviks en 1917 et d'entrer au service l'amiral Koltchak, chef suprême des blancs de l'Est. Or, dans son premier ouvrage, narrant sa fuite désespérée des bolcheviks dans une situation de déliquescence du camp contre-révolutionnaire, Ossendowski tombe, en Mongolie, dans les griffes du Baron Ungern.
Non seulement sa situation établit un parallèle avec celle de Corto Maltese mais, dans la BD, les échanges du Baron avec le héros de papier, y compris le passage des prédictions chamaniques, semblent calquées sur le récit du savant polonais.
Un exemple de la prose du baron cinglé : La grande guerre a prouvé que l'humanité doit s'élever vers un idéal toujours plus haut, mais elle a marqué l'accomplissement de l'antique malédiction que pressentirent le Christ, l'apôtre saint jean, Bouddha, les premiers martyrs chrétiens, Dante, Léonard de Vinci, Goethe, DostoÏevsky... La malédiction a fait reculer le progrès, nous a barré la route vers le divin. La révolution est une maladie contagieuse; l'Europe, en traitant avec Moscou s'est trompée elle-même comme elle a trompé les autres parties du monde. (...) Ce qui nous attend, c'est la famine, la destruction, la mort de la civilisation, de la gloire, de l'honneur, la mort des nations, la mort des peuples. Évidemment, si Corto détruit un canon japonais avant d'être relâché, Ossendowski finit par poursuivre sa route vers Vladivostok plus modestement, non sans nous avoir livré, au passage, les prophéties du Bouddha vivant. Il regagnera la Pologne en 1922 et y mourra en 1945, non sans avoir fait partie du gouvernement clandestin durant l'occupation sous la tutelle des nazis de Hans Frank. Avec leur goût prononcé pour la soldatesque perdue, la Souris Déglinguée ne pouvait se priver d'une allusion au Baron tragique et à ses trains. Cheval de fer est issu de leur huitième opus Tambour et soleil (1995).
Quant à Ferdynand Ossendowski, si vous ne l'avez pas encore lu, bande de veinards, on vous le recommande vivement. Ça vaut tous les romans d'aventure.
En préambule, hommage à une vieille connaissance, figure des voyages immobiles des nuits locales, partie aujourd'hui pour son dernier trajet. À la tienne !
Les survivants se transportèrent ainsi :
Philippe Léotard Le bateau ivre
Charles Trenet Je t'attendrai à la porte du garage
Sanseverino Les embouteillages
NTM Ma Benz
Anne Sylvestre La reine du créneau
Gilles & Julien Hommes 40, chevaux 8
Henri Salvador SNCF blues
CUGI Travailleurs, usagers
Nino Ferrer Sud Express
Lili Drop Sur ma mob
Nakk Le syndrome du trom'
Bourvil À pied, à cheval, en voiture (enfin, non)
Zao Corbillard
Guy Marchand Taxi de nuit
Bobby Hachey Mon sourire, ma limousine
Les Chiens des ruelles Road trip
Les Colocs La traversée
Marc Robine Les mangeux d'terre
Gilbert Bécaud Orly le dimanche
Chez Là La voiture
Les Frères Jacques En sortant de l'école
Bourvil 2 À bicyclette
Enjuin 2012, à l'occasion de sa deuxième édition, la flambante neuve émission l'Herbe Tendre s'était penchée sur le thème des transports (amoureux, voitures, bateaux, vélos, charrettes...)
En juin 2018, ces feignasses de l'Herbe Tendre revisiteront ce même sujet.
Ce sera le lundi 4 juin à 17h30 sur les 92.2 deRadio Canal Sud.
À l'instar de ce film de René Clément (1946) dans lequel tous les cheminots sont beaux et résistants, nous reviendrons sur les mille et une manière de perturber un trafic fort encombré.
Et pour mieux embarquer, une fantaisie de Georgius, Ça c'est d'la bagnole, musique d'Henri Poussigue (1938).
Une petite histoire qui semble bien écrite en 1911* par le ménestrel des syndicalistes IWW Joe Hill (Joel Hägglund), fusillé à Salt Lake City (Utah) en 1915 suite à un procès truqué.
Ce travailleur, poète et chanteur n'ayant pas été enregistré, nombreux et nombreuses furent ceux qui reprirent ses chansons là où ses héritiers s'appellent Woody Guthrie ou Bob Dylan, entre autres.
Pete Seeger, figure du folk qui proteste, interprète ici ce détournement.
Chauffeur de locomotive, Casey Jones, fut tué dans un accident ferroviaire où, en évitant une plus grosse catastrophe, il fut considéré comme un héros national, sujet de ballades ou même de gospels.
Suite à un conflit entre cheminots et patrons des chemins de fer, les syndicalistes lassés de la pieuse figure de l'ouvrier modèle, chantèrent une variante : Casey Jones, the Union scab (Casey Jones, le jaune).
Refusant la grève, l'obstiné crétin finit par dérailler (à cause d'un sabotage ou de l'état lamentable du matériel ? Le doute demeure).
Arrivé au paradis, la bourrique se retrouve embauchée par Saint Pierre pour briser la grève des anges nouvellement syndiqués. Qui, indignés, le précipitent au bas de l'escalier céleste et le Diable se fait un plaisir de lui faire entretenir les chaudières infernales. "Voilà ce que tu as gagné à faire le jaune sur la SP Line..."
Bon, tirez-en les conclusions que vous voudrez, tout ça, est un prétexte à exhiber cette affiche qu'on peut trouver sur les murs de Toulouse et de quelques autres lieus.
* Précision de Serge : en septembre/octobre 1911, à San Pedro, où passait la Southern Pacific dont il est question dans la chanson, en pleine grève nationale
des cheminots. C'est une parodie, l'original du même nom date de 1909,
histoire d'un mécano qui se sacrifie pour son chauffeur dans un accident. Elle a été tirée en format carte à jouer et vendue en soutien aux grévistes de l'époque.
Lors de la dernière émission, Humphrey nous apprit que Damia l'avait surnommée la "Sous-préfète". Amabilité sans doute due au fait que ces deux dames jouaient dans un registre très proche. Il est d'ailleurs parfois difficile, à une simple écoute, de distinguer l'une de l'autre.
Belle longévité que celle d'Alice Gauthier (1900 Levallois-Péret, 1994 Monte-Carlo) née dans une famille de modestes travailleurs, devenue dactylo, vendeuse de chapeaux, modiste et prenant des cours de chant sur ce que ses parents lui laissaient de son salaire.
Elle aurait fait ses débuts de cabaret Chez Fyscher en 1924, y rencontrant son futur mari, Gaston Gröener, qui devient à la fois son manager et co-auteur de chansons.
On la verra ensuite en1926, au Théâtre de Dix-Heures à Bruxelles et à Paris à La boite aux Matelots, en 1932, puis à Bobino en 1933, à l'Alhambra en 1934 et à l'ABC en 1936. Elle est déjà devenue un vedette à ce moment-là.
Parallèlement, elle apparaît dans plusieurs films : Jours de noce (Maurice Gleize, 1930) La goualeuse, du sur-mesure taillé pour elle (Fernand Rivers 1938) où elle chante Dis-moi pourquoi.
En 1933, elle créé son immortel succès, Le chaland qui passe, version française de Parlami d'amore, Mariu de Vittorio de Sica.
La chanson sera un tel carton qu'en 1937, elle en fera une parodie : Le chaland qui reste.
Elle se spécialise alors dans des interprétations de Kurt Weill et sera la première à chanter du Prévert en 1939 : Les escargots qui vont à l'enterrement (1940). Le tout en tournant jusqu'en Amérique du Sud dans ses robes blanches qui l'avaient rendue fameuse.
Entre 1941 et 1944, elle enregistre Les petits pavés, Fumée sur le toit et un texte Françis Blanche sur une musique de Django Reinhart, Crépuscule.
Elle qui avait, avant-guerre dénoncé l'antisémitisme ambiant, se fourvoie sur les ondes de Radio Paris pendant l'occupation et fait une tournée, promotionnée par Kraft durch freude (organisation kulturelle nazie) , en compagnie de Fréhel et Raymond Souplex, en 1942, entre stalags et STO.
Du coup, son retour d'après-guerre sera fort discret. Après avoir tâté de l'opérette et employé le jeune Léo Ferré comme pianiste en 1947, elle abandonne la scène en 1953 pour diriger un cabaret niçois et ouvrir une école de chant.
Un autre succès tiré du film de René Clair 14 juillet, (1933) À Paris, dans chaque faubourg :
Le 15 décembre 1948 l'émission de Maurice Séveno, "Les quais des brumes" amenait les auditeurs sur les canaux de Paris à Rotterdam et Londres. En outre, il évoquait les chansons de bistrots et de mariniers. Vu le titre du programme, il se voyait obligé de prendre brièvement à son bord et au passage, un Pierre Mac Orlan, bien entendu, bavard à souhait.
C'était le temps ou un reporter "embarqué" ne se traduisait pas stupidement par "embedded". Et où ça beuglait dans les rades.
Ça a été rediffusé le 18 novembre dernier.
En supp', une rengaine de Roda-Gil et Mort Shuman chantée par Marc Robine
La chanteuse Monique Morelli s'est éteinte mardi à Paris, à l'âge de
soixante-neuf ans. Sa vie, c'est tout un poème, ou plutôt une longue
suite de poèmes. Elle a chanté Aragon, Ronsard, Villon, Pierre Seghers,
Carco, Verlaine, Luc Bérimont, Mac Orlan... Elle avait une voix
d'entrailles, identifiable dès les premiers accents. Héritière des
«goualeuses» sublimes (Lys Gauty, Fréhel, Damia ou Piaf) elle s'était
mise à personnifier Montmartre, étant pourtant née à Béthune
(Pas-de-Calais) dans une famille de fonctionnaires qui la destinait à la
pharmacie! Ce n'était pas son fort. Successivement virée de quatorze
établissements scolaires, elle vint à Paris pour vivre sa passion
poétique. En 1969, elle passait en première partie de Brassens à Bobino.
Sa belle présence tragique et populaire s'efface. Restera la voix,
comme le témoignage ineffaçable d'un riche tempérament et d'une bonté
native.
L'Humanité, 28 avril 1993
Les Quatre saisons (Mac Orlan)
Agathe Fallet se souvient de ces ambiances d'hommes dans les bistrots : "Quant il y avait des femmes, c'étaient des folles ! Elles résistaient. (...) Il fallait faire partie du groupe." Il fallait le tempérament d'une Monique Morelli (qui avait débuté, il est vrai, comme dompteuse chez les Fratellini ) ou d'une Youki Desnos, des caractères bien trempés, pour se mélanger sans se dissoudre dans cette compagnie de mâles qui se représentaient les femmes d'une manière bien conventionnelle.
Roule au loin roule ô train des dernières lueurs les soldats assoupis que ta danse secoue laissent pencher le front et fléchissent le cou cela sent le tabac, l'haleine, la sueur. Aragon, Tu n'en reviendras pas.
Il arrivait donc à Aragon d'écrire de fort belles choses qui mettent à jour cet immense mélange de déprime, de fatigue, de crasse qui a toujours fait le quotidien des armées en campagne.
L'industrie mettant ses dernières production au service de la guerre (et inversement) on peut considérer que c'est à partir de la Guerre de Sécession qu'un réseau ferroviaire conséquent permit de trimballer la chair à canon d'un bout à l'autre des territoires en conflit. Et de considérer les voies ferrées en tant qu'objectifs militaires, comme lors de la campagne de destruction des infrastructures ennemies menée par le général Sherman.
Au Mexique, Pancho Villa, après avoir utilisé un train comme cheval de Troie à Cd. Juarez, réalisa toute sa guerre éclair grâce à un ensemble ferroviaire dont la responsabilité revenait au redoutable Rodolfo Fierro. Les monuments à la Révolution sont souvent là-bas de vieilles locomotives.
Quelques années plus tard, les régions bordant le Transsibérien furent le théâtre de tueries interminables, de retournements d'alliances, et d'une multiplication de seigneurs de la guerre.
Et comme de la chair à canon, à la chair à charnier, il n'y a qu'un pas, on sait la rationalisation qu'appliquèrent les nazis aux réseaux ferrés, un certain Adolf Eichmann étant chargé du ballet de mort.
Outre, la boue, les poux, les éclats d'obus, de grenades et de multiples autres projectiles, les survivants de la Guerre de 14-18 sont restés marqués par ces transports qui les amenaient au casse-pipe ou les en ramenaient dans un plus ou moins sale état.
Un bel exemple en est cette chanson de Michel Vaucaire et Ivan Devries, enregistrée en 1935 par le duo Gilles et Julienqui, dans les années 30 préfigurèrent tout un pan du cabaret d'après guerre, en paroles et gestuelles.
Voici donc, en référence aux sinistres écriteaux cloués sur les wagons Hommes 40 ... Chevaux 8
On savait que Brassens, lorsqu'il empruntait un texte, aimait tailler dans le gras pour en faire une chanson efficace.
Au point de nous faire parfois oublier le poème original. Une des plus belles réussites du Sétois restant, à notre goût, La Marine du "Prince des poètes", comme se plaisait à l'appeler Jacques Yonnet, on s'est rendu compte que le texte, à la base intitulé L'Amour marin (qu'on retrouve donc en cliquant sur le lien) comportait en tout 27 strophes !
Inadaptable, donc ?
Pas vraiment, il suffisait d'oser.
À preuve et pour notre édification, cette version de Gabriel Yacoub, ci-devant fondateur du groupe (parfois pénible) Malicorne
qui est ici entouré de BJ Cole, John Lester, Jeff Boudreaux, Ronnie Caryl,
Rob Armus, Gabriela Arnon et Paul Tiernan.
Le texte est ici dans son intégralité et ça lui rend une belle justice.
Le « Torrey Canyon » fut le premier supertanker à provoquer une marée noire majeure, le 18 mars 1967 au sud de l’Angleterre.
Battant pavillon libérien, propriété de l'Union Oil Company of California, ce monstre chargé de 120 000 tonnes de brut s'échoua sur les îles Sorlingues.
Pris de court, le gouvernement britannique commença par envoyer des bombardiers pour tenter d'incendier le bateau et la nappe. 42 bombes rateront d'ailleurs leur cible sous le regard incrédule des riverains.
Puis l'utilisation massive de détergents se révélera un remède pire que le mal.
On estime que plus de 15 000 oiseaux et phoques furent étouffés sous le mazout au long des 200 km du littoral de Cornouailles puis de Guernesey et des côtes bretonnes, trois semaines plus tard.
Serge
Gainsbourg, en fit une
petite chanson très rhythm 'n blues trois mois plus tard, en juin
1967, enregistrée au studio Chappell de Londres et incluse dans l'album Initial B.B. Le morceau est co-signé avec David Whitaker, arrangeur musical, entre autres, des Rolling Stones. La choriste est Madeline Bell.
À part la déploration cette
première catastrophe pétrolière, c’est un chouette démontage de la chaîne capitaliste et au passage un manifeste écologiste, même si ce genre de sujet n'est pas la tasse de thé du beau Serge.
La catastrophe est résumée aux actualités britanniques à ce lien.
Admirez l'accompagnement musical digne des meilleurs films de guerre.
Et encore une chanson nostalgique en hommage à nos amours fugaces.
Faut avouer que question adaptation et mise en musique, le Père Georges se posait un peu là.
Il l'envoyait même derrière le portrait du poète
En contrepoint, une version de la même entièrement dédicacée à tous ceusses qui supportent pas le reggae par les très honorables Étrangers Familiers.
Avec Éric Lareine au chant :
Mutins sur le cuirassé Waldeck Rousseau. Mer Noire (1919)
"L'allocation alimentaire par tête de pipe avait été augmentée sans que jusque-là rien ne fût changé à l'ordinaire. J'avais proposé à notre petit groupe de la machine, en accord avec Scouarnec et quelques autres du pont, l'envoi d'une délégation auprès du nouveau maître-commis qui nous reçut fort bien. Il nous confia qu'il allait faire jeter à la mer, à cause de la teneur en acide cyanhydrique, une quarantaine de sacs de haricots rouges.
Quant à notre proposition d'une commission des vivres, composée par roulement d'un quartier maître et d'un matelot (machine et pont alternant chaque semaine) il s'en déclarait partisan. (...)
- Si tous les galonnés étaient comme ça, moi je rempilerais, disait Fragne, le boulanger-coq."
(...)
" - Heureusement qu'on n'a encore tiré sur personne, plaida Boniface.
Fragne s'emporta :
- Est-ce qu'on ne charrie pas de la viande à canon tous les jours d'un bord à l'autre. Est-ce que tu sais, toi, pour quel casse-gueule on les pousse, tous les moricauds qu'on débarque de Tarente ?
- T'as raison, m'écriais-je, c'est la question. C'est ça qu'il faut qu'on réponde. Faut être complètement cons pour croire que c'est le peuple russe qu'a appelé la France à son aide.
Plusieurs voix s'interpellaient.
- Faut rentrer en France !
- Y'en a marre. Vive la classe !
Comme quelqu'un se dressait au fond de la salle pour demander qu'on chante la Chanson des fayots*, des voix s'élevèrent :
- Non, pas ici, on la chantera quand on rentrera en France..."
( Charles Tillon**, La révolte vient de loin. 1969)
* En argot de marine, les fayots sont bien entendu les haricots, les lèche-culs et les officiers rengagés.
** (1897/ 1993) Mécanicien sur le croiseur Guichen, mutiné en 1919, condamné à 5 ans de bagne, membre du comité central du PCF à partir de 1932, commandant en chef des FTP en 1941/1944, purgé du parti en 1952, exclu en 1970.