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vendredi 25 avril 2025

Le triste sort d'Héctor

 

Les personnages d'Héctor (à gauche dans le pneu) le recherchent encore

À l'heure où un obscène dirigeant argentin confesse sa nostalgie pour la dictature de Videla et de ses séides, rappelons un cas parmi plus de 30 000 autres qui donnera une idée de l'ambiance de l'époque. 
Héctor Germán Oesterheld était un pur Argentin (donc issu de père Allemand et de mère Basque) né en 1919. 
Il fut un des plus grands scénaristes de bande dessinée de ce pays si prolixe en 7ème art, en massacres et en militaires sanguinaires.
À l'époque où la BD était encore un genre mineur réservé aux gamins.
Ouvrons ici une parenthèse, loin de nous l'idée de faire dans la délation ambiante mais l'anecdote est plaisante : signalons que lorsque le jeune Hugo Pratt, Italien ayant fait ses armes au pays du tango, des grillades et des traîneurs de sabres débarqua faire carrière en Europe, il "oublia" de mentionner que ses oeuvres ( Sergent Kirk, Tigerconda, Ann de la Jungle, Fort Wheeling, Ernie Pike -auquel il donna la gueule d'Héctor-) étaient scénarisées par Oesterheld. Un certain manque d'élégance de la part du maestro ! C'est depuis réparé.
Mais outre son boulot avec Pratt, Héctor fut, entre autres choses fondateur de maisons d'éditions (Frontera) de magazines (Hora Cero), scénariste de l'unique biographie en BD de Che Guevarra sous la (déjà) dictature du général Onganía, en 1968, ouvrage censuré, de La Guerra de los Antartes, mettant en valeur ses idéaux montoneros (Péronistes de gauche pourchassés par... Péron et exterminés par les militaires) aussitôt interdit.
Avec deux de ses filles, Marina et Estela
Mais son oeuvre majeure est restée L'Éternaute, publiée en 1957 / 1958 avec un deuxième tome en 1976.
Cette pseudo science-fiction narrait une invasion de l'Argentine par des extra-terrestres qu'on ne voit quasiment jamais et qui s'attachent à faire disparaître toute velléité de résistance. 
Ça vous rappelle quelque chose ?
Visiblement, aux crevures australes galonnées aussi.
Mentionnons qu'avant la date officielle de l'ultime coup d'État dégénérant en dictature, en 1976, la situation argentine était déjà ultra-violente, avec des escadrons de la mort, dont la "triple A", qui seraient recyclés en organes officieux dans les années suivantes, et un mouvement de guérilla urbaine, ERP gauchistes ou Montoneros, qui tentait de rendre les coups.
Membre de l'appareil clandestin montonero, comme responsable presse, Héctor vit, lors des premières années du processus de réorganisation nationale (aimable euphémisme) disparaître assassinées ses quatre filles, Estela, Diana, Beatriz et Marina ainsi que ses gendres.
Séquestré à son tour dans les centres de tortures clandestins El Vesubio et El Sheraton, au lieu de simplement le martyriser avant de la balancer à la mer depuis un avion (chose courante) les ganaches sadiques s'étant mis en tête de lui faire réaliser une BD... à la gloire des forces armées, elles le conservèrent un temps.  
Ce qui sera un franc échec et débouchera sur la disparition d'Oesterheld dans le néant après janvier 1978, à presque 60 ans.
Ce scénariste spécialisé dans les ambiances ténébreuses peuplées de personnages luttant pour la justice sans tomber dans le manichéisme a connu le sort de ses créatures.
Depuis, il est devenu une référence, objet de nombreux hommages.
Ce qui doit lui faire une belle jambe au cas où...
Sa veuve, Elsa Sánchez, est logiquement mais vaillamment devenue une figure des Mères et Grands-mères de disparus (ou de la Place de Mai). 

Notre hommage pour terminer : nonobstant la terreur ambiante, il fut assez remarquable que le rocker argentin Charly García ait osé cette chanson en 1983 : Los Dinausorios, dans laquelle si tout le monde est susceptible de disparaître, ce sera aussi le cas des dinosaures (qui n'allaient pas tarder à tomber suite à une lamentable guerre des Malouines). Même si à cette heure, les dinosaures prospèrent un peu partout.


Le régime argentin était tellement entré en putréfaction en cette année 1983 que les punks los Violadores, s'essayaient eux à ce titre : Represión
 

Autre bel hommage : Héctor de Léo Henry (lui-même scénariste).

mercredi 6 novembre 2024

L'empereur "nouveau" est arrivé

 


L'Empereur voudrait fuir de ses crimes
mais le sang répandu ne le laisse pas en paix.
Malgré les morts et l'air éteint
il tente en vain
de leur échapper.

D'abord, on arrive à effacer
à coup de peinture, l'ombre
que dans l'après-midi
le corps de l'Empereur finit par projetter
sur les murs du Palais.

El emperador de los cadáveres in No me preguntes cómo pasa el tiempo (trad maison)


Même si on doute fortement que le gangster pornographe devenu maître du monde a des insomnies, nous lui dédions ce poème de José Emilio Pacheco et cette chanson avec nos compliments.


Ainsi que celle-ci adressée ses valets



Tout ça n'est peut pas très lyrique mais que voulez-vous, y'a des jours comme ça.  

lundi 22 juillet 2024

Trump & fils

 

Donald et Fred
Une remarque pour commencer, les nord Américains ont beau être surarmés, ils tirent comme des cochons. Lee Harvey, reviens, tout est pardonné !
Ceci posé, quelques mots sur le miraculé "qui s'est fait tout seul grâce à son sens des affaires". 
Encore un mensonge : Donald est le fils et héritier de Fred Trump (1905-19999), sinistre personnage gouvernant un empire immobilier de 27 000 appartements new yorkais, de casernes et de logements pour la Marine. 
Comme son rejeton, cet abject promoteur immobilier collectionna quelques déboires judiciaires : une arrestation en 1927 au cours d'une émeute pour implanter le Ku Klux Klan dans le Queens, une inculpation pour abus de contrats publics en 1954 et une autre pour discrimination en 1973 (la crapule refusait purement et simplement de louer à des Noirs).
Autant dire que l'ex et éventuel futur président a hérité d'un domaine conséquent et de coquets revenus dès 1968.Voilà pour le self made man, menteur pathologique.
Là où le vieux Trump laissa des traces dans la culture populaire, ce fut lorsqu'il eut un locataire bien connu de nos services : le chanteur Woody Guthrie, grand maître de la chanson qui démange. 
En 1950, Woody, exilé de son Oklahoma natal, emménagea dans le complexe de Beach Heaven. Il en tira plusieurs chansons aux titres on ne peut plus explicites : Beach Haven Race Hate, Beach Haven Ain't My Home et Ain't got no home, qu'il eut l'occasion d'enregistrer.


Cette chanson fut doublée d'une autre, toute aussi explicite : Old Man Trump. Écrite en 1954, jamais gravée, elle fut exhumée comme manuscrit par un professeur de lettres en 2016. 
Et depuis largement diffusée. 
Ici par les Missin' cousins.


Bien entendu, la chanson oubliée du troubadour folk a connu une nouvelle vie ces ultimes années.
Il existe donc des dizaines de variantes, de parodies et de nouvelles versions tirant sur Donald Trump avec l'efficacité d'un AR 15 correctement manié.
On a un faible pour celle, tout à fait actuelle de Middle class Joe
Enjoy it before the flood !

dimanche 6 novembre 2022

José de Molina, trublion de la chanson mexicaine

 

Nuit de la Saint Sylvestre, 1994, état du Chiapas, situé au fin fond du Mexique, en bas à gauche. Une armée de rebelles surgie de la nuit s’empare des villes de San Cristobal de Las Casas, Ocosingo, Las Margaritas et Altamirano. Après avoir réglé leurs comptes aux prisons et polices locales, ils enfoncent les portes des mairies pour brûler les titres de propriétés. Puis, ces indiens zapatistes occupent les stations de radio et, entre deux communiqués maison, y jouent une chanson de José de (Jésús Núñez) Molina, La Bomba (Allumons la mèche de la bombe, la situation l’exige). La guerre est déclarée là où on ne l’attendait pas¹.

José de Molina, ménestrel des rues choisi pour mettre cette guerre en zizique, a déjà une carrière de poil à gratter de la chanson mexicaine derrière lui. 

 

 
 
Né en 1938 à l’autre extrémité du pays, à Hermosillo, Sonora, il en a gardé le goût de l’argot du Nord². Dans la grande tradition des chanteurs itinérants, il exerce d’abord divers boulots (paysan, ouvrier, vendeur ambulant, acteur) jusqu’en 1970 où il décide de devenir chanteur ambulant. Ensuite, tel un Traven de la rengaine, Molina met sa biographie en scène tout en brouillant les pistes.
Il dit avoir survécu au massacre de Tlatelolco, le 2 octobre 1968 à Mexico et à la manifestation sanglante du 10 juin 1971, dans la même ville. Prétend avoir eu des relations avec l’ACG, la guérilla de l’instituteur Genaro Vázquez Rojas (qui outre ses qualités de combattant était le sosie de Charles Bronson) au Guerrero, au début des années 1970. Et s’est retrouvé à pousser ses beuglantes dans les usines, aux piquets de grèves, dans les villages reculés et, dans les années 90, sur la grand-place du Zocalo de Mexico, tous les dimanches après-midi, devant un public de gueux lui réclamant ses « tubes » à cor et à cri entre deux sketches. 
 

Pour donner une idée de ces performances dominicales, il se lance dans une diatribe contre les abus du clergé avant d’attaquer sa salsa, Dialogo entre el Papa y Jesucristo dans lequel, miracle des miracles, le Christ apparaît au Vatican pour engueuler la Pape au sujet de son niveau de vie. Au dernier couplet, après que sa Sainteté ait manifesté quelques regrets, le toubib appelé auprès de lui diagnostique un délire dû à une forte fièvre qui envoie aussi sec Monseigneur vers sa sépulture.

 
Puis, après avoir rappelé le massacre des ouvriers agricoles de la noix de coco (Acapulco 1967) en parallèle avec celui des syndicalistes paysans de l’OCSS à Aguas Blancas (1995), il exécute son légendaire Corrido a Ruben Jaramillo (paysan et guérillero exécuté traîtreusement par l’armée avec toute sa famille sur une pyramide aztèque en ruine). Puis, un salut aux sans-abris du tremblement de terre de 1985, dont une bonne partie campe encore dans les parcs vingt ans après, pour enchaîner sur la cumbia Se acabo (La patience, c’est terminé) reprise dans toutes les manifs du pays.
 
Un sketch sur les minables pelotant les femmes dans le métro (et si je te mets la main aux couilles, crétin, tu vas aimer?) et, sans autre transition, sa fabuleuse Salsa Roja, tropicale dont les paroles méritent qu’on s’y arrête : Tu fais semblant de me payer / je fais semblant de travailler. Tu fais semblant de m’apprécier / je t’envoie te faire foutre. Patron, on peut pas être amis / ni faire la paix. Ceci n’est pas un baloche / c’est la lutte des classes. Une valse norteña à l’accordéon pour ridiculiser les Charros, syndicalistes officiels aux ordres du tout-puissant et indétrônable Fidel Velázquez³, mieux connu sous le sobriquet de « la Momie ». Le tout accompagné de sa guitare et d’une bande enregistrée tout en demandant au public laquelle il souhaitait entendre. En conséquence, il termine immanquablement par La bomba, citée plus haut. « Oh, non ! Vous faîtes chier, ils vont encore me traiter de terroriste et me foutre une amende ! » Minaude-il ravi.
 
Cabotin sublime, Molina est à mille lieux de la tradition des chansonniers gauchistes pompeusement ennuyeux. Ses enregistrements alternent systématiquement musique et discours incendiaires, descriptions d’un massacre rural, d’une grève réprimée, de disparitions d’activistes sans dédaigner réaliser un disque de poèmes surréalistes au passage. Comme l’a dit Emma Goldman, pas question de faire la révolution sans danser. Et Molina mêle salsas, cumbias, valses à ses corridos à ses complaintes. 

Affirmant sut tous les tons qu’un gouvernement, autant de gauche fut-il, devient fatalement despotique et tyrannique, Molina ne s’est jamais inscrit à aucun parti ou groupuscule.

   

Tâchant de survivre de sa musique, il a enregistré une douzaine de disques entre 1971 et 1996. Il fut un temps où on ne les trouvait qu’en cassettes sur les trottoirs de la ville ou dans une librairie vieillotte de la rue Articulo 123, spécialisée en pornographie et littérature semi-clandestine de guérilla. Ce curieux commerce était situé dans un quartier encore populaire jusqu’au années 2010, prisé par les indiens Zapotèques venus de Oaxaca et les Espagnols de l’armée en déroute venus de 1939. 
Il reste un des chansonniers les plus populaires du pays un autre grand chanteur ambulant prolétaire, León Chavez Teixeiro. 
Bien entendu interdit de radios et télévisions, il bouffe de la vache enragée, particulièrement dans la décennie 1990 où ses amis lancent des appels aux comités de quartier, syndicats indépendants, grévistes pour l’inviter à se produire. 
Le Mexique étant un pays civilisé où, avant de vous faire disparaître ou de vous flinguer, on vous propose d’abord un marché, cet irrécupérable s’est toujours vanté d’avoir refusé toute offre de corruption. Ce qui ne lui a pas porté chance : plusieurs fois tabassé ou mis à l’amende par la police, il est enlevé en mai 1997, au cours de la visite du président Bill Clinton à Mexico. On le retrouve dans un état si lamentable qu’il doit être hospitalisé des mois durant. Ces séances de torture alliées à un cancer détecté à ce moment n’ont certainement pas été pour rien dans son suicide en 1998.
Dans une contrée où Emiliano Zapata, criblé de balles en 1919, et Doroteo Arango, dit Pancho Villa, tout aussi criblé de balles en 1923, cavalent encore, quoi de plus naturel que les refrains de José de Molina soient encore sur les lèvres des misérables ? 
 
¹ N’exagérons pas : les services de renseignements militaires s’attendaient à un soulèvement et l’armée avait pris quelques précautions en conséquence. L’amour entre différents corps répressifs étant légendaire, ils ont simplement « oublié » de passer l’information aux policiers et les ont abandonné à leur triste sort.
² Desde buki jineteaba, (cavalier dès l’enfance) chantait-il.
³ Chef des syndicats dépendant du Parti Révolutionnaire Institutionnel, 84 ans de pouvoir. Le Mexique est le pays surréaliste par excellence (André breton).

samedi 8 octobre 2022

La Russie qu'on aime

 

Comme le montre la carte ci-dessus, les centres de recrutements de l'armée russe ont une fâcheuse tendance à l'auto-combustion. 
Outre le nombre de ceux qui en ont les moyens ou la possibilité de quitter le pays, il semble que les manifestations contre la guerre et la conscription se multiplient, particulièrement dans les régions asiatiques, grandes pourvoyeuses de chair à canon.
Manifestations très majoritairement formées de femmes, leurs copains, frangins, fistons, etc. risquant de filer directement à la caserne en cas d'arrestation. 
Même si on ne se fait guère d'illusions (on se souvient que le rappel du contingent en France, pour la guerre d'Algérie ne s'est pas passé en douceur mais que ça n'a jamais arrêté ladite guerre) il se pourrait que la position du barbouze en chef soit plus que fragilisée. Peut-être vient-il même de commettre une bourde monumentale. 
Dans cette course vers la mort, il est au moins réjouissant que deux des régimes les plus autoritaires et impérialistes de cette planète se retrouvent à vaciller sous la pression de la rue.
Et question réjouissance, on se fait un plaisir de mettre en lien ce passionnant entretien avec des camarades Russes.
En Iran comme en Russie, il est désormais clair que la solution viendra de ceux de l'intérieur. Et qu'il serait immonde de les laisser seuls face à leurs bourreaux.   
 
Une chanson anti-guerre du groupe punk Adaptatsiya, formé par Yermen Anti Erzhanov dans son Kazakhstan natal.

lundi 12 septembre 2022

Quand les moineaux pourchassaient les faucons: les Irmandiños

 

En ces temps, la terre entière s'est soulevée. Et ce fut à cause des chevaliers de mauvaise vie qui ne savaient que piller et voler. Pour cela, notre Seigneur voulut regagner ses terres qui étaient le royaume de Galice, tout ravagé par la mâle conduite de ses chevaliers... 
Rui Vázquez, Chronique de Santa María de Iria, 1467.

On vous en avait touché deux mots à l'émission de mai 2019 sur les révoltes paysannes mais celles-ci sont si méconnues qu'elles méritent d'y revenir. 
Précisons d'abord que le terme d'irmandiños signifie tout simplement "frères" dérivé de la Irmandade, fraternité.  
En ce XVème siècle*, après plusieurs querelles dynastiques sanglantes et malgré son rattachement à celui de Castille et Léon, le royaume excentré de Galice conserve une large autonomie. Les nobles locaux avaient déposé Henri IV pour donner le royaume à son frère Alfonso, conservant pour eux le droit de justice civile et criminelle, étant exempts d'impôts qu'eux-mêmes pouvaient lever à leur profit, exigeant tout type de corvées et vivant dans un luxe insolent. Bien entendu, paysans, pêcheurs, métayers et artisans, qui avaient payé les pots cassés des guerres civiles, devaient désormais s'épuiser en journées interminables pour entretenir tout ce petit monde.
C'est là, où ces révoltes sont remarquables : contrairement à bien des soulèvements contemporains, on n'y découvre guère de trace de raisons religieuses ou de prophéties millénaristes, juste des pauvres qui partent simplement exproprier des riches.   
Une première rébellion éclate en 1431, provoquée contre les abus du seigneur d'Andrade, Nuno Freire. Menée par un bourgeois de la Corogne, Roi Xordo, elle rameute des fraternités de Pontedeume, Betanzos, Lugo, Mondoñedo et Saint-Jacques-de-Compostelle. Quatre ans d'embuscades et de châteaux brûlés qui s'achèvent par l'exécution publique de Roi Xordo. 

En 1467, les paysans, organisés dans la Sainte Fraternité dos Irmandiños qui regroupe environ 80 000 combattants, dévastent la bagatelle de 150 forteresses et débordent sur la région voisine du Bierzo.
Guidés par le chevalier Alonso de Lanzós, les rebelles fabriquent des armes de siège, réduisant à néant les domaines des puissants seigneurs Andrade, Lemos, Moscoso, Ulloa, Sotomaior… Et mettent bas les tours et donjons, symboles les plus visibles du pouvoir féodal. 
Le très puissant comte de Lemos se réfugie à Ponferrada (Léon) et l'évêque Fonseca court jusqu'au royaume du Portugal. 
Deux ans durant, la Galice sera gouvernée par des communes municipales, élues en assemblée, ce qui ne sera guère du goût du roi Henri IV qui avait profité de l'occasion pour revenir par la fenêtre. 
Trois armées seigneuriales, commandées par le comte de Lemos, l'évêque Fonseca et le comte de Benavente, seront nécessaires pour réoccuper la Galice et vaincre les insurgés à la bataille d'Almáciga, près de Santiago.
Dispersés, anéantis, les rebelles ne sont toutefois pas exterminés, les nobles locaux ayant besoin de main d’œuvre pour rebâtir leurs châteaux détruits.
Toutefois, l'ordre ancien est bousculé. Changement de propriétaire pour les gueux : le roi de Castille nomme un gouverneur (capitaine-général) et retire le pouvoir de justice à la noblesse en mettant un coup d'arrêt intéressé à la reconstruction des forteresses. Les fraternités seront finalement "légalisées" et le servage aboli en 1480.
Et c'est parti pour mille ans de justice et de bonheur...
Le souvenir de ces révoltes est trop souvent folklorisé ou confisqué par les nationalistes galiciens. Une des plus belles et des plus sobres chansons reste celle de Miro Casabella sur son disque Treboada (1977) 


On trouve aussi une belle allusion aux rebelles chez le groupe Ruxe-Ruxe dans Rock do país
 
 
* Siècle de révoltes paysannes s'étendant sur toute l'Europe dont la Catalogne et les Baléares, en ce qui concerne la péninsule. 

lundi 8 août 2022

Charniers universels

 

La Bornaina (Asturies)

Ce n'étaient ni des héros ni des martyrs, ils sont seulement partis se battre, avec la rage des pauvres, contre un fascisme brutal.
Ils ont combattu les caciques et le mépris militaire et y ont perdu leurs vies simplement pour la dignité.
Les tueurs rigolaient et le putain de curé les bénissait pendant qu'ils les flinguaient au nom de son Dieu.
Face au soleil, à l'aube, avec une chemise bleue, on les a jetés comme des chiens dans une fosse commune.
Le silence des morts crie à la liberté.
Ils les ont tué d'un tir dans la nuque ou fusillé contre un mur, les ont éliminé avec une fureur criminelle. 
Les tueurs rigolaient et ce putain de curé les bénissait pendant qu'ils flinguaient au nom de son Dieu.
Ceux qui ont appuyé sur la gâchette ne devraient jamais oublier que leurs balles n'ont pas tué tout le monde. Que personne ne tue la vérité. 
Dans une tranchée, entre cadavres criblés, est née une démocratie.
Face au soleil, à l'aube, avec une chemise bleue, on les a jetés comme des chiens dans une fosse commune.
Le silence des morts crie à la liberté.
LA PLAIE RESTE OUVERTE !    
Gatillazo Fosa común (trad. maison)  
 

 

Photo certainement montage (on ne tire pas si près d'un mur, ça ricoche !)

Pravia (Asturies)


lundi 28 février 2022

Java around the bunker

 

Passons sur le fait de savoir jusqu'à quel point Vladimir Poutine serait paranoïaque. À notre avis, cet état mental est une condition nécessaire à tout chef d'État se voulant un tant soit peu crédible. Il y a tout de même quelque chose de fascinant à cette mise en scène du pouvoir comme exercice absolu par l'humiliation télévisée de son propre chef des services secrets ou celle de son ministre de la guerre et son chef d'état-major placés devant un fait accompli.
Pour quelqu'un se piquant d'histoire, le gars a certainement été mal renseigné sur la fin de carrière de divers autocrates. Révisionnisme; quand tu nous tiens... 
Quoi qu'il en soit, les meilleurs stratèges du monde libre sont parés à toute éventualité (photo ci-dessous)
Remercions tout de même Vladimir Vladimirovitch de nous permettre de revoir le grand Serge Reggiani dans ce classique de 1955 écrit par Boris Vian et Alain Goraguer. Ces deux minutes trente trois de de détente (comme on disait à l'époque) vous sont offerte par Kremlin- Nato Ltd.

dimanche 6 février 2022

Le camarade Rachid Taha et une traduction mystérieuse

On l'a déjà dit ici même, on avait une réelle affection pour Rachid Taha. Qui a toujours professé des opinions pour le moins sympathiques.
Seulement voilà, ne causant pas l'arabe dans sa version algérienne dans le texte, on va quelques fois chercher des traductions sur forums ou sites dédiés. En évitant d'avoir recours à ces immondes traducteurs numériques plus artificiels qu'intelligents (essayez donc de leur faire traduire des expressions comme hell or black water ou comerse el marrón pour rire). Enfin, ces gadgets peuvent avoir une certaine utilité à l'occasion mais là n'est pas le problème.
Dernièrement, on a cherché une traduction de Barra barra, premier titre de l'album Made in Medina en 2000 (utilisé par Ridley Scott dans Black hawk down, film de guerre léger comme un panzer). 

 Et là, magie de la traduction, on tombe sur deux trucs complètement différents. La première version est tirée d'un article en ligne du quotidien algérien El Watan. Ça donne:
Dehors, dehors, la haine et le règne de l’arbitraire/ Dehors, dehors, la destruction, la tristesse, rien n’est fiable et sûr/Dehors, dehors, la soif et des gens qui portent la poisse/ Dehors, aucun respect, l’oppression et l’esclavagisme/ Dehors dehors, les rivières ont été asséchées et les mers ont ruiné tout/ Dehors dehors, les étoiles sont éteintes et le soleil s’est caché/Dehors, dehors, il n’y a plus d’opulence ni bonheur ni chance/Dehors, dehors, Il n’y a plus d’arbres et les oiseaux se sont tus/Dehors dehors, il n’y a plus ni nuit ni jour, que les ténèbres/Dehors, dehors, que l’enfer, il ne reste plus de beauté/Dehors, dehors, l’indigence augmente, il ne respecte plus(le peuple)/Dehors, dehors, il ne reste que des murs, des murs dressés/Dehors, dehors, la peur et les gens demeurent silencieux.
 
Une chanson "dégagiste", comme dit ce néologisme, écrite dix ans avant la révolution tunisienne et la vague suivante nommée des printemps arabes, donc.
Là où ça se corse, c'est qu'en tombant sur un forum de discussions sur la musique, on découvre une version bien différente.
Dehors, dehors / Il y a la convoitise, le tourment et les youyous/ Dehors, dehors/   Le désordre règne, la désolation et l'insécurité/ Il y a la soif (de vivre) malgré le désarroi des gens / Il n'y a plus de respect, plus de dignité mais l'obscurantisme / Dehors, dehors / Les rivières se sont asséchées et les mers polluées/ Les étoiles se cachent pour laisser tomber le soleil/ Dehors, dehors / Il n'y a plus ni bien, ni joie, ni destin / Il n'y a plus d'arbres, les oiseaux ont cessé de chanter/ Il n'y a ni nuit, ni jour, (mais) plus que l'obscurité/ Dehors, dehors / Et l'enfer, plus rien n'est beau/ Il y a la débauche, il n'y a plus de respect/ Il y a la corruption, la guerre et le sang qui coule/ Dehors, dehors/ Il ne reste que des murs, des murs debout/ La peur règne et les gens se taisent/ Dehors, dehors/ Il y a de la convoitise, du tourment et les youyous/  Le désordre règne, la désolation et l'insécurité/ Les rivières se sont asséchées et les mers polluées/ Les étoiles se cachent pour laisser tomber le soleil.
 
Curieusement, vu notre méfiance maladive vis à vis d'une certaine presse, on aurait tendance à croire en la deuxième version. Mais on n'affirme rien. Si quelqu'un a une troisième option, on est preneur. 
La même en concert à Bruxelles (2001)

mercredi 29 septembre 2021

MAQUIS


Groupe "Roberto" sierra de Grenade, 1948
 
La mort est omniprésente. Maladies, affrontements avec les forces de l'ordre et dangerosité des actions économiques posent un cadre de vie hautement précaire. Le guérillero est un mélange d'audace, de courage et de fatalisme. Évoquant « Machado », Victorio Vicuña signale « Je me souviens qu'il se disait courageux, car il savait qu'il allait se faire tuer. Et que ça lui était bien égal que ça lui arrive aujourd'hui ou demain ». On le constate, la montagne n'est pas le lieu le plus approprié pour les lâches. Dans tous les témoignages des survivants, on rencontre une plus grande appréhension pour la blessure ou l'arrestation que pour la mort elle-même. La détention est particulièrement redoutée, la condition de prisonnier de guerre n'étant pas reconnue, son sort et sa vie dépendent alors exclusivement de l'attitude de ses gardiens. 
À partir de 1947, il est clair qu'être arrêté équivaut à une mort certaine précédée de tortures en tous genres induisant le risque de dénoncer ses compagnons et les agents de liaison. En connaissance de cause, de nombreux guérilleros préfèrent se suicider plutôt que de tomber aux mains de la Garde civile. Ou ils mènent une attaque désespérée en sachant que l'issue leur sera fatale.
 
Maquis. Histoire des guérillas anti-franquistes. Secundino Serrano.

Le livre de l'historien Secundino Serrano, étude complète et surprenante sur les maquis et la résistance active dans l'Espagne post-guerre civile sort enfin en français (édition Nouveau Monde). Cette petite vidéo* de 23 minutes présente plusieurs aspects de l'ouvrage. On peut trouver une version courte de 6 minutes à ce lien.

 

Et pour quelques traces laissées dans l'imaginaire populaire, un rap de Mala Fama en mémoire des deux derniers guérilleros de Cantabrie, Juanin  et Bedoya.

 

 

* Montage réalisé avec des extraits de Los ultimos guerilleros de José Vicente Viadel et Los del monte de Reyes Ramos.


jeudi 16 septembre 2021

Un poème de Cara Quemada

 

Je veux que ma tombe 
se trouve loin des champs consacrés,
là où il n'y a ni blouses blanches
ni caveaux dorés.
Loin de ces lieux trompeurs
où les gens passent une fois l'an
déposer leurs pleurs.
Je veux être enterré
en haut de la montagne
près de ce pin blanc
qui ne pousse qu'au fond du ravin.
Ma tombe sera
entre deux galets  
et mes compagnons seront
couleuvres multicolores et lézards verts.
À mon enterrement, je ne veux 
ni curés laïques ni romains
et les fleurs seront
un bouquet de chardons acérés.
Je ne veux pas plus
de discours ou de psaumes,
de drapeaux ou de gerbes,
oripeaux du monde civilisé.
Pour oraison, les croassements
des corbeaux et des corneilles
le glapissement du vieux renard
aveugle et abandonné.
Pas de lumière de cierges,
éclairant l'effroi.
Je serai illuminé
par les rayons du soleil et les éclairs.
Que ma tombe soit recouverte
de hautes épines,
de ronces épaisses,
de chardons sauvages
et que pousse autour
de l'herbe pour le bétail
pour que se repose à son ombre 
le chien noir fatigué.
Je veux que mon corps repose,
loin du tapage humain,
contre le plus haut pin du ravin solitaire.
Trad. maison

 

Le vœu de Ramon Vila Capdevila, dit "Cara quemada" (visage brûlé) dit "Pasos largos" (grands pas) dit "Capitaine Raymond" dans les FFI, ne fut jamais exaucé. Il dut se contenter d'un enterrement à la sauvette dans une tombe anonyme, ce qui est presque aussi beau. Il fut l'ultime maquisard de sa génération en activité en territoire espagnol. Mineur anarchiste de la CNT, volontaire de la colonne de Fer en 1936, guérillero jusqu'en 1939, héros de la résistance française ayant refusé la légion d'honneur, il continua la guerre contre la dictature jusqu'au 7 août 1963 où il tomba dans une embuscade de la Garde civile qui le laissa se vider de son sang six heures durant sans oser l'approcher. Il avait 55 ans.  

vendredi 16 juillet 2021

Savoir terminer une révolution

 

Le canon de San Lazaro continuait de tonner (...)
Belarmino était hors de lui parce que ce canon semblait prouver que les ouvriers ne respectaient pas le pacte. Il décidé d'aller lui-même les mettre au pas, suivi d'un groupe de fidèles.
Le canon était servi par un artilleur de Trubia qui obéissait aux ordres d'un groupe de Mieres. Belarmino se dirigea vers lui.
- Mais vous n'avez pas reçu l'ordre de cessez-le-feu ?
- C'est qu'ils m'obligent. Je dois tirer de force.
- On va voir ça. Où est le chef de groupe ?
Le chef, un petit jeune trapu à la chemise déboutonnée et à l'air hostile apparut à la porte d'une maison voisine. Il avait le pistolet au poing et était escorté d'une demi-douzaine d'hommes armés. Belarmino l'interpella.
- Tu ne me reconnais pas, camarade ?
L'autre le regarda, un peu sombrement avant de répondre.
- Si, je sais que tu es Belarmino, celui de Sama.
- Pourquoi n'a-tu pas exigé le cessez-le-feu ? Le comité l'a exigé.
- Le comité, connais pas, répondit le mineur excité. Y'en a qui disent que les comités se sont enfuis, d'autres qu'ils négocient avec les militaires. Moi, j'en sais rien. Moi, c'est Peña qui m'a nommé ici et il ne m'a pas encore donné l'ordre d'abandonner.
- Nous autres on se rend pas, intervint un autre jeune en arme. S'ils veulent le canon, qu'ils viennent le chercher.
Belarmino Tomàs expliqua calmement dans quelles conditions la reddition avait été décidée. La lutte était perdue et il fallait éviter des représailles dans les foyers des bassins miniers. L'idée socialiste n'était pas vaincue et ils auraient l'occasion de retourner au combat en son nom. Mais y faire obstacle désormais ne ferait que nuire à la classe ouvrière.
Face à ses paroles, les révolutionnaires ont cédé.
- Mais on rend pas les fusils, hein ? Ça, à aucun prix.
 
Manuel Grossi Mier L'insurrection des Asturies
cité par Ignacio Diaz, Asturies 1934, une révolution sans chefs 
Belarmino Tomàs  

Germaine Montéro dans une chanson de Paul Lançois et Paul Arma (1934)

Et pour détendre l'ambiance, Cuenca minera (bassin minier) de Siniestro Total (1993)


lundi 17 mai 2021

La légende des frères Quero

Paco, Pepe et Antonio en 1943
Puisque nous étions à Grenade la semaine dernière, prolongeons le séjour dans la perle d'Al Andaluz. 
Voici l'histoire d'une guérilla urbaine anti-franquiste qui possédait deux particularités : ses membres étaient anarchistes et elle était menée par trois, puis quatre frères.
Les frères Quero Robles étaient toujours tirés à quatre épingles, ils passaient dans le centre de la capitale andalouse en saluant leurs connaissances sans se dissimuler et poussaient leur bonne éducation à laisser de généreux pourboires dans les bars et restaurants accompagnés d'une note précisant "Ici se sont restaurés les frères Quero" ! Ces Robins des rues connaissaient comme leurs poches les quartiers populaires de l'Albaicín et du Sacromonte.
 
De 1940 à 1947, on leur attribue l'exécution de nombreux phalangistes, policiers, gardes civils, collaborateurs du régime et délateurs, d'un colonel, d'un général ainsi qu'un nombre conséquent de braquages grâce auxquels ils ont alimenté tant leurs activités que les caisses de la CNT clandestine. 
Malgré quatre jours de combats dans l'Albaicín, Grenade était très vite tombée aux mains des fascistes le 23 juillet 1936. 
Fils d'un boucher du quartier, les frères Antonio et José parviennent à gagner la zone républicaine. Engagés dans la 78ème brigade mixte, ils combattent au sein des Fils de la nuit, guérilleros spécialisés en infiltration du territoire franquiste pour sabotages, évasions ou espionnage. 
À la fin de la guerre, Antonio et José sont internés à la prison de la Campana d'où ils s'évadent pour éviter les nombreuses exécutions sommaires menées par les phalangistes et mieux connues sous le charmant euphémisme de paseos (promenades). Ils rejoignent, dans la sierra, le maquis de l'anarchiste Juan Francisco Medina "Yatero". Reprochant à celui-ci un manque d'activité offensive, ils regagnent la ville pour monter leur propre groupe avec l'aide d'un autre frère, Francisco, et de quelques libertaires, dont Loquillo et Mecanico. Plusieurs membres de leur famille avaient été assassinés par les vainqueurs et, soumis à de nombreux tabassages, le benjamin, Pedro, qui était un de leurs agents de liaison, les rejoint dans la clandestinité en 1944.
Évidemment, tout ce que la région compte de flics et militaires est à leur trousse mais, couverts par les quartiers pauvres, ils échappent à tous les pièges, même si, encerclés dans une grotte du Sacromonte le jour de noël 1943, ils doivent s'échapper en fonçant dans le tas ou si en janvier 1945, la police doit dynamiter plusieurs maisons de la rue de la Cuesta pour abattre six membres du groupe. 
En juillet de la même année, Pedro, à nouveau cerné dans une grotte se suicide non sans avoir descendu deux flics. En novembre 1944, José avait été flingué dans le dos lors d'un braquage. Loquillo est abattu en janvier 1946 et Francisco en mars 1947, dans une maison assiégée de l'Albaicín. Le 22 mai 1947, Antonio est tué dans une planque du Camino de Ronda suite à une dénonciation. Les deux traîtres ont été ensuite exécutés par les ultimes survivants d'une bande désormais éteinte.
Depuis, les frères Quero sont devenus une légende et l'orgueil de la cité.Une bibliothèque porte même leur nom. 
Et c'est là que nous retrouvons les Lagartija Nick, dont il a été question précédemment. Voici un single tiré de leur album de 2017, Crimen, Sabotaje y Creación, tout simplement nommé La leyenda de los hermanos Quero.
Pour boucler la boucle, précisons que l'idée de faire cette chanson provient du défunt Morente, grand admirateur de ces indomptables. Viva el arte !

mercredi 17 février 2021

Lèse-majesté

 

Maison Bourbon & fils

Contrairement à ce que sa vie politique pourrait laisser supposer, l'Espagne n'a rien d'une république bananière mais est une authentique monarchie constitutionnelle.
Pour mémoire, rappelons que le monarque précédent (à gauche sur la photo) avait été mis en place par un certain Francisco Franco après qu'il se fût débarrassé de son grand frère lors d'un très opportun accident de tir. Après avoir sauvé la démocratie, exterminé les éléphants du Bostwana et quitté subrepticement sa patrie avec la caisse, l'individu laissa son trône au barbu de droite. 
Et la farce continue.
Sauf qu'au pays de Rafael Sánchez Alegre* ou de Buenavantura Durruti, on ne plaisante pas avec l'étiquette. 
Après la condamnation de trois ans et demi de prison distribué au rappeur majorquin Valtònyc** (Josep Miquel Arenas Beltran) pour "insulte à la couronne et apologie de l'action passée de groupes armés dissous" (sic) la justice d'outre-pyrénées persiste et signe en condamnant Pablo Hasél à deux ans fermes pour "apologie de terrorisme, injures et calomnies à l'encontre de la couronne et de l'État". Il a été arrêté le 15 février dernier à Lérida. 
Ne reculant devant aucun risque, la maison se fait une joie de partager et diffuser l'objet du délit.

 

* Exécuteur malheureux du roi Alphonse XIII

** Réfugié en Belgique, objet d'un mandat d'arrêt européen, la justice belge refuse toujours son extradition.

Mural de Barcelone détruit sur ordre de la municipalité de gauche

mardi 12 janvier 2021

1921 année du centenaire

 

Mort aux bourgeois

Le dernier mot du capitalisme sous ce rapport, le système Taylor, comme tous les progrès du capitalisme, combine la cruauté la plus raffinée de l'exploitation bourgeoise aux conquêtes scientifiques les plus précieuses concernant l'analyse des mouvements dans le travail, l'élimination des mouvements superflus ou maladroits, l'élaboration des méthodes de travail les plus rationnelles, l'introduction de meilleures méthodes de recensement et de contrôle, etc. La République des soviets doit faire sienne, coûte que coûte, les conquêtes les plus précieuses de la science et de la technique dans ce domaine.  
Nous pourrons réaliser le socialisme justement dans la mesure où nous aurons réussi à combiner le pouvoir soviétique de gestion avec les plus récents progrès du capitalisme. Il faut organiser, en Russie, l'étude et l'enseignement des systèmes Taylor, l'expérimenter et l'adapter à nos fins. 
Il faut aussi, en visant à augmenter la productivité du travail, tenir compte des traits spécifiques de la période de transition du capitalisme au socialisme qui exigent, d'une part, que soient jetées les bases de l'organisation socialiste de l'émulation et d'autre part, que l'on use de tous les moyens de contrainte de façon que le mot d'ordre de dictature du prolétariat ne soit pas discrédité par l'état de déliquescence du pouvoir prolétarien dans la vie pratique...
Vladimir Ilitch Oulianov "Lénine"
Les tâches immédiates du pouvoir des soviets

 Vive la révolution sociale

La terre aux paysans, l'usine aux ouvriers

À bas le pouvoir et le capital

Tout le pouvoir aux soviets locaux

Pendant ce temps à Kronstadt

Cité par Alexandre Skirda, Kronstadt 1921


On précise à notre aimable lectorat qu'on ignore si cette chanson nostalgique est à la gloire des marins de Kronstadt "fers de lance" de la Révolution de 1917 ou à la gloire des mêmes devenus trois ans et demi plus tard et d'un coup de baguette magique déviationnistes anarcho-syndicalistes manipulés par des popes, des généraux blancs, des Finlandais et des agents provocateurs français.

jeudi 19 novembre 2020

Suites polonaise


C'était il y a une trentaine d'années. Vautrés devant le magnétoscope, nous regardions le pachydermique film de David Lean, Docteur Jivago. Plus exactement, la scène de la manifestation de 1905 avec orchestre. Et l'amie Maria G. émit cette interrogation mémorables :
- Pourquoi les Popovs jouent-ils A las barricadas ?
- Parce qu'à la base, ça s'appelle La Varsovienne et que les Russes la chantaient aussi.
- M'enfin, c'est l'hymne de la CNT.
- Pas à l'origine. Varsovie n'est pas dans la péninsule ibérique, si je me souviens bien.
- Tu dis vraiment n'importe quoi ! C'est de chez nous, ça.
Si elle n'avait pas disparu, je crois qu'elle en serait encore persuadée. 
 
Examinons l'objet du délit.
Ce tube universel, Warszawianka serait né comme chant de révolte des internés anti tsaristes en 1893 et aurait été écrit par le poète Wacław Święcicki. À ne pas confondre avec la Varsovienne de 1831 qui se jouait sur l'air de la Marseillaise.
La chanson fut massivement entonnée par les révolutionnaires russes de 1905, puis de 1917, qui l'ont popularisée dans l'imaginaire des révoltés du Monde.
Ce qui fait que l'immortel pom pom popoom fut adapté dans différentes langues.
Contrairement à ce qu'affirme certaine encyclopédie en ligne, la version française ne vient pas des guérilleros espagnols de la Résistance. elle fut écrite par Stefan Priacel et Pierre Migennes. Et fut particulièrement populaire dans la mouvance communiste.
Une version par Catherine Ribeiro qui ne plaisante pas


Là où l'Histoire a de belles ironies et que l'amie Maria avait quelques raisons de sursauter, c'est lorsque cette scie, nationalisée en par les bolcheviques en URSS, fut adoptée par les anarchistes espagnols dans sa version écrite par Valeriano Orobón Fernández, publiée en 1933 dans la revue Tierra y Libertad
Ce qui en fit le chant de guerre de la CNT et son hymne officieux.


Donc, le chant résonna bien dans les maquis de France et aux barricades parisiennes. 
Et voilà encore une chanson partagée par des gens aux idées incompatibles. J'en connais même qui collectionnent les versions.
On avoue un faible pour celle qui ouvrait le deuxième maxi de La Souris Déglinguée en 1982. Sauvage plus que martiale, comme on aime, quoi.