Le 9 octobre 1981, Robert "les Gros sourcils" priva notre beau pays de l'outil qui, comme la Tour Eiffel ou le camembert, lui assurait une notoriété mondiale. Rassurez-vous, les socialos mettront vite en fonction des Quartiers d'isolement, des peines incompressibles et tout un attirail destiné à faire miroiter une mort lente aux voyous et autres malfaisants. Pour mémoire, le regretté Giscard d'Estaing doté "d'une aversion profonde à la peine de mort" avait fait raccourcir trois personnes et au moins quatre autres attendaient la visite matinale du coiffeur au 10 mai 1981.
Auparavant, l'immonde joujou des Deibler (bourreaux de père en fils de 1853 à 1939) avait excité les imaginaires, surtout lors d'une "Belle époque" où il s'agissait de vivre vite et de laisser un beau cadavre.
Anatole Deibler (400 exécutions au compteur) et deux apaches de la bande de Béthune dont il se chargea.
Rappel historique : dans un souci d'humanisme, d'égalité, de sérénité et d'abolition des privilèges (seule la noblesse avait alors droit à la décapitation) l'Assemblée nationale adopta la guillotine le 6 octobre 1791.
Contrairement à la légende, cette loi n'est pas l’œuvre de Joseph Ignace "appelez-moi docteur" Guillotin mais des députés Lepeltier et Saint Fargeau. Le bon docteur s'était contenté de suggérer pour accompagner les exécutions équitables un instrument déjà populaire dans les pays germaniques depuis le XVIème siècle, visant "à supprimer des souffrances inutiles".
Son engin fut rebaptisé du nom de son promoteur qui sera assez vite écœuré par l'utilisation industrielle qu'on lui trouvera. Contrairement à la légende, Guillotin mourut dans son lit à 75 ans.
Mais l'enthousiasme des patriotes se traduisait déjà en chansons, dont une qui dut ensuite inspirer le Père Léon, La guillotine permanente, tube de 1793, ici repris par Catherine Ribeiro dans un disque commémorant le bicentenaire de la Révolution.
L'image d'Épinal veut que la béquillarde ait tourné à plein rendement lors de la Terreur robespierriste. Certes, Samson (ça ne s'invente pas) exécuteur des basses œuvres n'a pas chômé, pas plus que les pauvres rémouleurs chargés d'aiguiser la bête. Mais, contrairement à bien d'autres symboles, la Restauration ne se débarrassa pas d'un engin si ingénieux et durant tout le XIXème, la bascule à Charlot ravagera le pays. A l'instar du bagne, on y passait pour un oui ou pour un non, en témoigne le fameux Derniers jours d'un condamné que Victor Hugo a mis trois années à oser signer de son vrai nom. C'était l'époque des complaintes criminelles.
Pour les grandes occasions, l'État préférait tout de même les canons chargés à la mitraille et la troupe qui chargeait pour calmer les ardeurs du populo.
Au tournant du siècle, vint la mode du voyou faubourien, mi-romantique, mi-épouvantail à bourgeois, qui trouva son accomplissement avec la figure de l'Apache* de la soi-disant Belle époque. Malgré l'opposition déclarée à la peine de mort du débonnaire président Armand Fallières, les exécutions en public restèrent encore le spectacle gratuit devant lequel on s'indignait, voire on se bastonnait avec les sergots (comme celle de Liabeuf en 1910) lorsqu'on ne se réjouissait pas du balcon en sablant le champagne.
C'était l'âge d'or des cabarets et des chants d'apaches. Devant un tel déferlement, on vous en pose deux, l'inévitable décrivant les derniers instants d'un voyou, écrite par Bruant, À la Roquette, ici par Bromure, des skins parisiens (2017).
On ne saurait oublier l'impeccable Jacques Marchais dans son anthologie On a chanté les voyousun de nos disques de chevet, qui chanta une chanson de Desforges et Gueteville, créée par Reschal au cabaret l'Horloge, les confidences ironiques d'un futur guillotiné : Monte à regret
Ce qui n'est par ailleurs qu'un autre nom de la Veuve ou la rue de Limoges qui va de la taule à la place fatale.
Mais les beaux jours s'enfuient et le spectacle des exécutions au petit jour devient pénible à un public avide de happy ends avec l'arrivée du cinématographe.
Ainsi, vu le flou, le photographe qui prit le document ci-dessus devait être quelque peu ému ou frigorifié à l'occasion de l'ultime exécution publique, celle d'Eugène Weidmann, à l'aube du 17 juin 1939.
Désormais, on planquera les assassinats légaux derrière de hauts murs et la peine de mort se trimballera une réputation de plus en plus honteuse même si elle eut et a encore de chauds partisans. De 1968 à 1978, elle sera encore prononcée trois à quatre fois par an aux assiettes.
Mais on trouvait alors peu d'amateurs pour la braver ouvertement. et quelques indécrottables réacs pour la célébrer. Les années 1970 sont plutôt au chagrin et à la pitié.
On terminera donc ce tour d'horizon incomplet par un sympathique chanteur de variétoche, Julien Clerc, qui met en musique une chanson de Jean-Loup Dabadie en 1980, L'assassin assassiné.
* À creuser aux rubriques "Cabaret" ou "Bandits bien aimés" sur ce même blogue.
Comme on y fit allusion dans cette aimable émission, Jean-Jacques Liabeuf, honnête cordonnier persécuté par deux argousins des mœurs, Maugras et Vors, qui lui avaient taillé un costard de proxénète, fut injustement condamné à la prison et à l'interdiction de séjour en 1909.
Fou de rage, l'ouvrier se confectionna des poignets de cuir hérissés de pointe, y rajouta un poignard et un revolver browning pour régler ses comptes avec les deux bourriques responsables de sa disgrâce. Le 8 janvier 1910, contrôlé par des agents, il tue un flic et en blesse quatre autres, dont un grièvement, avant d'être maîtrisé.
Sale ambiance
C'était mal barré pour l'homme d'honneur qui malgré son manque de chance sera défendu par une bonne partie des socialistes* et des anarchistes.
Le premier juillet 1910, Liabeuf est guillotiné sur le boulevard Arago, contre le mur de La Santé. Il aura clamé jusqu'à son dernier souffle qu'il n'était pas un souteneur. Son exécution fut l'occasion d'une des plus belles émeutes du Paris des années 1900 : des milliers de personnes s'affrontent à la police, les cuirassiers chargent la foule dans laquelle se trouvent quelques futurs "bandits tragiques" dont certains feront eux aussi parler la poudre (Soudy, Valet, Kilbatchiche).
Or, Robert Desnos a prétendu avoir assisté à l'arrestation de Liabeuf, dans la
rue Aubry-le-boucher. Il avait dix ans et c'était pas pourtant pas à une heure où on laisse traîner les moutards.
Trente ans plus tard il écrivit une chanson en argot, en hommage à Liabeuf et son action dans la rue
Aubry-le-boucher. Ce texte sera publié pendant la guerre sous pseudonyme, il est intitulé
À LA CAILLE** Rue Aubry-le-Boucher on peut te foutre en l’air, Bouziller tes tapins, tes tôles et tes crèches Où se faisaient trancher des sœurs comaco blèches Portant bavette en deuil sous des nichons riders.
On peut te maquiller de béton et de fer On peut virer ton blaze et dégommer ta dèche Ton casier judiciaire aura toujours en flèche Liabeuf qui fit risette un matin à Deibler***.
À Sorgue, aux Innocents, les esgourdes m’en tintent. Son fantôme poursuit les flics. Il les esquinte. Par vanne ils l’ont donné, sapé, guillotiné
Mais il décarre, malgré eux. Il court la belle, Laissant en rade indics, roussins et hirondelles, Que de sa lame Aubry tatoue au raisiné.
On ne connaît pas de mise en musique de ce petit bijou. Si ça vous inspire, n'hésitez surtout pas, on se fera une joie de diffuser. Camarades musicos, à vous.
Autre représentation fantaisiste
* Je trouve que dans ce siècle d'aveulis et d'avachis, Liabeuf a donné
une belle leçon d'énergie et de courage à la foule des honnêtes gens. À
nous-mêmes, révolutionnaires, il a donné un bel exemple. Gustave Hervé dans La Guerre Sociale.
**En rogne, en pétard, en colère...
*** Famille de bourreaux de génération en génération.
Et puisqu'il faut terminer sur une rengaine, voilà l'occase d'envoyer encore une fois celle qui ne fut pas écrite par Raymond Callemin mais par qui vous savez. L'occase aussi d'écouter ce cher Jacques Marchais.
Voilà un trop long moment qu'on n'avait pas évoqué notre cher disparu, Jacques Marchais (1931-2006). Alors, en guise de respiration en cette époque de brutes, il nous revient chantant un Bernard Dimey aux accents courtois, morceau édité dans le 30 cm BAM C 432 "Récital n°2" ou dans le maxi 4 titres BAM EX 624 "Jacques Marchais chante"... Sortilèges avait également été chanté par Barbara. À la guitare, on entend Jacques Marchais et Jean-François Gaël, à la basse, François Rabbath. Merci à Dominique HMG pour cette pause.
Achtung ! Achtung ! Vu la riche programmation, l'émission radio du lundi 8 mai commencera à 17h30, qu'on se le dise ! (sur canalsud.net)
Une plaisante (re)découverte sur laquelle on tombe en fouinant suite à l'article sur Charles Cros.
Notre très cher Jacques Marchais n'a pas fait que remporter plusieurs fois le grand prix de l'académie Charles Cros, il a aussi chanté le monsieur.
En l'occurrence, il s'agit du très moyenâgeux L'orgue (légende allemande) co-écrit par Frédéric Navarre et mis en musique par Louis Loréal.
Cette pièce se trouve sur le disque Récital N°1 (BAM C 149) de 1965 qui comprend également des textes d'Apollinaire, Chaulot, Vaucaire, Aragon, etc...
La chanson avait déjà été interprétée par Damia en 1929.
On vous a longuement causé de ce disque mythique.
Pour le coup, cet album n'a jamais été édité en cd.
C'était en avril 2013 et les notes sont disponibles ici même.
Notre allié, George, avait publié l'intégralité du disque sur son blog
Ledit blog étant victime d'un site de stockage, on reprend donc le collier pour rétablir l'écoute perdue de ce chef d’œuvre chanté par Jacques Marchais mis en musique par M. Villard.
L'hébergeur nous ayant viré, on peut déjà choper la face 1 à cette adresse. La face 2 est accessible là ... en attendant mieux.
Au sommaire :
A1 Bifton aux potes (1897 anonyme) A2 Ma tête ( Gaston Secretan) A3 Jean Fagot (Miet) / la valse des monte-en-l'air (Daris, Ronn, Daniderff) A4 À la Santoche (1907 anonyme) A5 Chanson des pègres (Abadie 1855 / Philippe Clément 1879 selon les versions)
B6 Le ruban (Leca 1901) B7 Un chat qui miaule ( Zwingel, Pisanti) B8 Raccourci (1900 anonyme) B9 Marche des cambrioleurs (Daris, Berger) B10 Monte à regret (Desforges, Gueteville) B11 Chant d'apaches (A. Bruant)
Notre cher Jacques Marchais semble avoir été le seul a avoir
interprété cette chanson d'amour écrite par Roger Riffard et Lise
Médini.
Alors, en attendant des beaux jours...
A l'heure où sur tout le territoire ukrainien les affrontements ont repris entre de soi-disant désireux de rejoindre l'Union Européenne et de soi-disant ploutocrates inféodés à la Mère Russie (la réalité est à coup sûr ailleurs) chaque cuistre médiatique y va de sa petite (mé)connaissance de l'histoire de l'Ukraine.
Il est piquant de constater qu'ils vont chercher comme références la Rada* (assemblée des cosaques), l'infâme Simon Pétlioura, président d'un éphémère directoire ukrainien en 1918-1920 et grand instigateur de pogroms anti-juifs** ou même à une pseudo autonomie accordée un temps par les nouveaux maîtres bolcheviks (je jure l'avoir entendu aujourd'hui même sur une station de la radio nationale !)
Evidemment, le paysan Nestor Makhno (1889-1934) est plus rarement cité.
Pour mémoire, cet anarchiste originaire de Goulaï-Polié, fut l'âme d'un soulèvement mené par l'Armée Insurectionnelle*** qui combattit coup sur coup les occupants Allemands, Autrichiens, nationalistes ukrainiens, pogromistes divers, armées blanches de Denikine puis Wrangel et furent finalement trahis par l'Armée Rouge de Trotsky qui les extermina non sans leur tailler par la suite une réputation calomnieuse d'antisémites**** pour la postérité.
Nestor et sa bande
On trouvera sur ce lien un très chouette documentaire d'Héléne Chatelain sur la postérité du Batko (Petit Père) à Goulaï-Polié après l'implosion de l'empire.
Mais revenons à la chanson :
Comme raconté dans cet article c'est en 1972 que Nestor Makhno est le héros d'une chanson écrite par Etienne Roda-Gil et interprétée par notre cher Jacques Marchais dans le disque "Pour en finir avec le travail"
A écouter cette chanson, on remarquera
- qu'il s'agit du détournement d'un chant communiste
- lui-même repompé sur un chant célébrant le cosaque Stenka Razine (1630-1671)
- et que ce chant a connu d'innombrables versions (Serge Utgé-Royo, Bérurier Noir, René Binamé, etc.)
On pourrait en rester là, mais là où ça devient rigolo, c'est que depuis quelques années notre cher Nestor Makhno a connu une gloire posthume et exponentielle auprès des musiciens les plus divers. Allez taper son nom sur les sites habituels pour voir.
Voici quelques exemples de versions en son honneur :
La plus marrante ( et quelque peu ridicule)
La plus casserole (admirez la mitrailleuse d'époque)
La plus folk juvénile (en Anglais ce coup-là)
Précisons, pour terminer, que contrairement à ce qu'affirme la rumeur, la chanteuse Sophie Makhno, secrétaire d'Anne Sylvestre et de Barbara, n'a pas de lien de parenté avec Nestor Ivanovitch. Elle a choisi ce nom tout simplement par admiration pour notre cosaque préféré.
* Et pratiquement jamais la volnitza, assemblée du peuple, synonyme de "vie en liberté".
** Ce qui lui vaudra d'être exécuté à Paris, en 1926, par l'anarchiste Samuel Schwartzbard qui sera acquitté aux assises (Samuel Schwarzbard, Mémoires d'un anarchiste juif, préf. Michel Herman, Paris, éditions Syllepse, coll. Yiddishland, 2010) *** Un manifeste de l'armée makhnoviste à cette adresse
**** Les troupes makhnovistes comptaient plusieurs bataillons exclusivement juifs. On se demande encore qu'est ce qui a pris à cette andouille de Joseph Kessel d'aller hurler avec les loups dans un roman abject.
Sur le sujet on peut toujours lire "Les cosaques de la liberté" réédité en Nestor Makhno : le cosaque libertaire, 1888-1934 ou La Guerre civile en Ukraine, 1917-1921,Alexandre Skirda, Paris, Éd. de Paris, 1999. Le formidable témoignage d'un makhnoviste : La makhnovchtchina, Pierre Archinov, Spartacus, (2000) Le larmoyant La révolution inconnue, de Voline Éditions Belfond, 1986, Éditions Tops-H. Trinquier, 2007 Ou si vous avez la chance de tomber sur la ressortie des mémoires de Makhno : Mémoires et écrits 1917- 1932, Ivréa 2010
En 1966 sort le premier disque 30cm de Jacques Marchais, (référence BAM C 419). A cette occasion, il est invité à l'émission "Vient de paraître" du 28 juin 1966, où il chante "Le vélo", paroles de Jean Moiziard, musique d'Hélène Martin, accompagnement de Jean-François Gaël et Bernard Pierrot. Cette chanson avait été créée par Hélène Martin elle-même dans son premier 30cm, paru chez Lucien Adès en 1964.
Voilà qui nous venge par avance du Tour de France et de ses pharmacies à deux roues.
On n'en a jamais fini avec les chansons de l'occupation et malgré notre aversion pour Louis Aragon, ce "patriote professionnel", (dixit Jean Malaquais) voici une belle chanson interprétée par notre cher Jacques Marchais, celui là même d'"On a chanté les voyous" et de "Pour en finir avec le travail" (articles respectivement au 25 avril 2013 et au 5 octobre 2012 sur ce même blog)
On y a déjà fait allusion au chapitre "Pour en finir avec le travail" mais on se permet d'insister.
J'ai personnellement connu ce merveilleux disque grâce à la BD de Frank et Golo, Ballade pour un voyou, où elle est abondamment citée et puis grâce au cd qui accompagnait le livre "Au pied du Mur" (765 raisons d'en finir avec toutes les prisons) paru chez l'Insomniaque.
C'est donc l'ami Jacques Marchais qui interprétera, de sa belle voix grave, ces magnifiques chansons qui vont du milieu du XIXème siècle jusqu'à la Belle Epoque (juste avant que Bonnot et ses potes ne viennent mettre un peu de sérieux là-dedans)
Né le 1er août 1935 à Tours, Jacques Marchais, fut successivement comédien, poète, musicien, chanteur, passant de Ronsard à Le Glou et Bruant.
Il a commencé à chanter à La Colombe comme tant d’autres ( Raymond Lévesque, Pia Colombo, etc.). Il obtiendra à plusieurs reprises le grand prix de l'Académie Charles Cros et fera de nombreuses tournées en Europe et aux Etats-Unis et fut une figure marquante de Saint Germain-des- Prés au cours des années 60, un des piliers du cabaret « La Contrescarpe». En 1973, Jacques Marchais enregistrera un disque de treize chansons du poète de Natashquam, Gilles Vigneault.
Il est mort en 2006 et nul n’a malheureusement, repris ou réédité, son imposante discographie.
A part quelques chansons de chansonniers démagos (comme Bruant) on découvre dans le disque : "Bifton aux potes", écrite en 1897 par le détenu Blaise, incarcéré à la Santé et reprise dans le cd de l'Insomniaque sous le titre "La dernière babillarde". "La Chanson de Jean Fagot" (ou la chanson du transporté) écrite par le bagnard Miet vers 1912 reprise par Dan et Pat (Patrick Denain, très honorable interprète de Mac Orlan). "A la Santoche", de 1907, écrite par un détenu anonyme – la prison de la Santé remplaçant celle de Mazas, démolie en 1900. "La Chanson des pègres" , écrite à la Grande Roquette par le prisonnier Abadie, dit le Troubadour, aux alentours de 1850. Une autre version par le détenu Clément qui en a détourné quelques vers afin de raconter sa propre histoire en 1879. Reprise par les Modest Lovers (voir lien à droite sur le site garagemoderne records) "Sur le ruban" fut écrite par Leca et publiée dans les Mémoires d’Amélie Hélie, la fameuse Casque d’Or, en 1902 réeditées il y a peu. Quant à"Raccourci", elle aurait été écrite en 1900 à la prison de Fresnes par un détenu anonyme.
Comme il est frustrant de ne pas mettre de chansons, vous pouvez les retrouver chez notre très honorable collègue là :
"Les gouvernants érigent en loi ce qui leur sert. Le droit n'est rien d'autre que l'intérêt du plus puissant. Seuls les déments croient aux lois, l'homme illustre connait leur peu de valeur." (Platon)
Précision et réparation d'un oubli :
George Wilhem Ferdydurke Weaver nous communique
Je viens de lire votre bel hommage à l'injustement méconnu Jacques
Marchais et me permets de vous signaler que j'avais également proposé
sur mon blogue l'intégrale du disque "La Belle" qui accompagne le livre
de L'Insomniaque : http://lexomaniaque.blogspot.fr/2011/10/la-belle.html
Voilà, c'est rectifié. Merci à toi l'ami.
Pour en finir avec le travail, "Chansons du prolétariat révolutionnaire". Anthologie de la chanson française, EPM.
L'album, paru en 1974, introuvable depuis, était devenu un mythe : la seule trace discographique qu'ait laissée la mouvance situationniste, soit neuf chansons appelant toutes à une révolution violente, la plupart détournant un air connu, selon une des plus typiques pratiques du groupe situ (mais les chansonniers, en composant leurs chansons sur des airs en vogue étaient depuis toujours des situationnistes à la Monsieur Jourdain).
Depuis longtemps, les initiés se passaient le mot : la plupart des chansons de l'album étaient signées Jacques Le Glou, compagnon de route des situs, mais certaines " anonymes " auraient été écrites soit par Guy Debord, ou par Raoul Vaneigem... On murmurait aussi le nom de Roda-Gil, plus connu aujourd'hui pour ses activités dans le Top 50 qu'en tant qu'anar (même si une romance comme Il neige sur le lac Majeur, chantée par Mort Shuman, fait allusion à une célèbre anecdote de la vie de Bakounine).
Le Glou, devenu producteur. Plus besoin de jouer les analystes stylistiques pour "démasquer" les auteurs : pour cette réédition, les signatures sont accolées aux chansons. On retrouve sans étonnement dans la Java des bons enfants le laconisme sardonique de Debord, et dans la Vie s'écoule, le temps s'enfuit l'obsession temporelle récurrente chez Vaneigem. Le seul emprunt au passé est un anonyme daté de 1892, le Bon Dieu dans la merde, popularisé par Ravachol qui la chanta en montant à la guillotine... avant que le couperet ne l'empêche d'aller jusqu'au dernier couplet.
Vingt-cinq ans après, Jacques Leglou, qui fut la cheville ouvrière de Pour en finir avec le travail, reçoit à Paris, à la Butte aux Cailles, dans une jolie maison transformée en bureau. Aujourd'hui, il est exportateur de films français à l'étranger, producteur. Quand on croise son œil débonnaire, comment croire qu'il a pu signer des lyrics sanguinaires du genre "Les maquisards sont dans les gares / à Notre-Dame on tranche le lard"?
"...Les 403 sont renversées La grève sauvage est générale Les Ford finissent de brûler Les enragés ouvrent le bal..."
Fidèle au folklore situ, l'histoire commence par une exclusion: quand Le Glou est éjecté de la Fédération anarchiste à la suite du Congrès de Bordeaux de 1966. On lui reproche d'avoir titré en une du Monde libertaire à la mort d'André Breton : "Deux grands malheurs pour la pensée honnête en France : André Breton est mort et Louis Aragon est toujours vivant". De toute façon, lui et ses amis récusaient le Monde libertaire qui avait refusé des textes situs. Le Glou fonde une Internationale anarchiste, et prend ses premiers contacts avec les situationnistes.
En Mai 1968, il participe au Comité pour le maintien des occupations (CMDO), créé le premier jour de l'occupation de la Sorbonne, où l'influence de Debord et de ses proches est signifiante. Passionné de chansons, les événements l'inspirent : "Pour faire comme Jules Jouy pendant la Commune, j'écrivais une chanson par jour. En parlant avec Debord je me suis aperçu qu'il en avait aussi écrit beaucoup. Je lui ai présenté Francis Lemaunier, un musicien qui venait des rangs libertaires, ils ont travaillé ensemble".
Vers 1972, sans aucune expérience, il décide de faire un disque avec tout ça. "On a enregistré quatre chansons, Pierre Barouh nous a prêté son studio. J'ai fait le tour des maisons de disques, personne n'était intéressé. J'ai trouvé 100.000 F pour produire l'album. La législation d'alors était plus dure pour les détournements : il fallait l'aval de l'éditeur, de l'auteur, du compositeur. Brassens, Ferré, Moustaki ont refusé. C'est Lanzmann et Dutronc qui les premiers ont permis qu'on mette "Paris s'éveille" à notre sauce. Pour A bicyclette, Barouh avait écrit le texte, alors ça ne posait pas de problème. Prévert a beaucoup ri de nos Feuilles mortes. Roda-Gil m'a laissé sa chanson sur les partisans de Makhno, il avait fait un passage au CMDO". Étienne Roda-Gil aime à rappeler que cette chanson remonte à 1961 : "Elle était chantée par les anars de l'AIT. Elle contribuait à la lutte antifranquiste en l'identifiant à la lutte antistalinienne" (les deux chansons de Guy Debord remontent elles aussi à cette époque, ndlr). Ravi que ce souvenir de jeunesse réémerge, Roda-Gil raconte : "J'ai rencontré Alice, elle m'a dit : "On va ressortir le disque et là on va mettre ton nom" (Alice Becker Ho, signataire d'une des chansons de l'album, est la veuve de Guy Debord. Ni elle ni Vaneigem n'accordent d'interviews).
Pour enregistrer l'album, Leglou avait choisi des musiciens de l'Opéra, afin de casser l'image des productions gauchos avec de la musique au rabais. Leglou était ami de Pia Colombo, il aurait voulu qu'elle chante, mais elle était malade. Sur le CD, la voix féminine est toujours créditée "Vanessa Hachloum", quand l'amateur reconnaît Jacqueline Danno. "Elle a eu peur devant les textes, c'était pas son public. On lui a trouvé son pseudo, Hachloum comme HLM". Aujourd'hui, Jacqueline Danno s'amuse encore de ce pseudonyme : "C'était si drôle, j'ai préféré qu'on le garde sur la réédition. En fait, j'étais sous contrat avec une maison de disques qui n'aurait pas du tout apprécié... C'est la même histoire que pour le film Lola : Jacques Demy m'avait demandé de chanter la chanson du film. C'était difficile, la scène avait déjà été tournée, je devais chanter en suivant les lèvres d'Anouk Aimée. J'étais sous contrat à cette époque, le disque est sorti dans une autre maison, sans mon nom. Récemment j'ai vu un CD avec la chanson de Lola où il y a écrit "avec la voix d'Anouk Aimée !"
"La voix masculine, c'est Jacques Marchais, fleuron de la chanson Rive Gauche (prix Charles-Cros 1966)* qui n'avait jamais connu les honneurs du laser." Je crois que Leglou est venu me chercher à la Contrescarpe, où j'ai chanté jusqu'en 1968. Je lui disais toujours "pour qui sonne Leglou !". Les textes m'ont tout de suite amusé. Il devait y avoir un second volume, et puis cela ne s'est pas fait. J'avais déjà travaillé quelques titres. Je me rappelle d'une "anarseillaise", ils avaient détourné Gatztibella, le poème de Hugo chanté par Brassens. Au lieu de "Il est des filles à Grenade" ça commençait par "Il est des filles à grenades / Il en est d'autres à bazooka". Après ce disque, Jacques Marchais se met à écrire ses propres chansons, qu'aujourd'hui encore des groupes bretons interprètent. Il a adapté la comédie musicale Cats en français, et puis "j'ai essayé de gagner ma vie en faisant des doublages, des dessins animés, de la pub : j'ai été la voix du capitaine Igloo, j'ai fait beaucoup de gros chiens".
*Sa discographie comprend une douzaine de 33 tours, dont le mythique On a chanté les voyous chez Vogue, à partir d'un répertoire de chansons de taulards de la belle époque.
Fin 1973, le disque enregistré, Leglou en écrit les notules avec Guy Debord. Certains amis de 1968 sont devenus des ennemis, depuis que l'Internationale situationniste a scissionné l'année d'avant. On garde leurs chansons mais, pour les initiés, la notule sur la chanson de Vaneigem, qui fait allusion à son pseudonyme d'alors de "Ratgeb" sent le règlement de comptes. Le disque paraîtra sans nom, sauf celui de Leglou, et on brouille les pistes : "Pour la Java des bons enfants, on a attribué la chanson à Raymond Caillemin, le vrai nom de Raymond la Science, un membre de la bande à Bonnot; depuis, l'information a été reprise par des historiens "sérieux"
"Ils ont sorti 3500 disques, 500 cassettes. La critique était délirante :Delfeil de Ton nous encensait, le Monde me comparait à Renaud... La Fnac nous avait mis à l'entrée, en vue sur des pyramides. Tout s'est épuisé en quatre mois. Je suis revenu pour un autre tirage, mais entre-temps ils avaient vraiment écouté les textes : c'était devenu hors de question". C'est en apprenant le prix qu'atteignait aujourd'hui cet album aux puces, que Leglou a voulu le rééditer. "Quinze boîtes ont refusé. Finalement, j'ai appelé François Dacla à EPM : Il m'a dit: "Viens tout de suite !" Il était PDG de RCA en 1974 ! Mais cette fois, j'ai tenu à mettre le vrai nom des auteurs".
Propos recueilli par Hélène Hazera Article paru dans libération le 27 février 1999
Les titres des chansons, leurs "auteurs" & les commentaires tels qu'ils apparaissaient dans l'édition de 1974.
1 - L'Bon Dieu Dans La Merde [1892 - anonyme]
Cette chanson, très en vogue dans les milieux anarchistes de la fin du 19ème siècle, aété chantée par Ravachol motant à la guillotine le 11 juillet 1892, dans la prison de Montbrison. L'exécution interrompit Ravachol à la fin de l'avant-dernier couplet, qui est aussi le plus significatif. On y retrouve, à travers la référence au Père Duchesne et à Marat, l'évocation des revendications sociales des Enragés & des bras-nus de la première Révolution française. Les travailleursqui se dressent contre la sociètè de classes y désignent encore leurs ennemis, voués à la lanterne, sous les seules figures traditionnelles du propriétaire & du prêtre.
2 - La Java Des Bons Enfants [1912 - Raymond Callemin]
On connait le massacre causé dans le personnel du commissariat de police de la rue des Bons Enfants par la bombe anarchiste, du modèle classique dit "marmite à renversement", qui y explosa le 8 novembre 1892. Quoiqu'elle fût sans doute destinée à soutenir la grève des mineurs de Carmaux, une partie des ouvriers parisiens d'alors nièrent l'efficacité tactique de cette forme de critique sociale. On entend un écho de ces divergences ("les socialos n'ont rin fait...") dans cette java des Bons-Enfants, qui du reste n'est pas contemporaine de l'évènement. Exprimant une franche approbation de l'action directe, la chanson n'est en fait écrite que vingt ans plus tard parmi les anarchistes de la fameuse "Bande à Bonnot", quand celle-ci mène, à l'aide d'automobiles volées, la première de toutes les tentatives de "guérilla urbaine". Son auteur, guillotiné en 1913, est Raymond-La-Science, de son véritable blase Raymond Callemin.
3 - La Makhnovstchina [1919 - anonyme ukrainien]
On sait comment la révolution soviétique en 1917 a été vaicue par le parti bolchevik qui, saisissant le pouvoir étatique, constituaa sa propre bureaucratie en nouvelle classe dominate dans la société. Cette dictature totalitaire fût naturellement combattue par les travailleurs révolutionnaires, notamment les marins du soviet de Cronstadt et le mouvement anarchiste d'Ukraine, qui simultanément furent au premier rang dans la guerre civile contre les armées blanches de la réaction tsariste. L'armée anarchiste de Makhno, la Makhnovstchina, fut utilisée dans les phases critiques de la lutte contre les généraux blancs Dénikine et Wrangel par Trotsky, chef de l'armée rouge, lequel, une fois le péril écarté, exigea sa soumission à l'État renforcé et, ne pouvant y parvenir, l'anéantit par les armes.
Modernité à relever, c'est sur un air bolchevik (Chant des partisans) aussitôt détourné par les communistes-libertaires et les autogestionnaires d'Ukraine que cette chanson de la Makhnovstchina a été composée. Son attribution à Nestor Makhno lui-même n'est pas crédible et, pour diverses raisons, ne nous semble pas m^me mériter l'examen. Sans pouvoir trancher cette question, notons que les noms de Voline et, beaucoup plus vraissemblablement, d'Archinov, ont été souvent avancés.
5 - La Vie S'écoule, La Vie S'enfuit [1961 - anonyme belge]
Sur un air qui évoque curieusement le folksong de l'Ouest américain, cette chanson mélancolique tire son origine de la grande grève sauvage de la Wallonie, au début de 1961. On y sent toute le tristesse d'un prolétariat une fois de plus humilié et vaincu. L'évocation assez conventionnelle, de "la violence" qui mûrira dans l'avenir, ne peut dissimuler la déception, la sensation poignante de devoir vieillir sans avoir pu atteindre ce que l'on s'était promis de la vie. C'est parmi les travailleurs de chez Ratgeb, à Linkebeek dans la banlieue bruxelloise, entreprise bien connue pour la radicalité & la fermeté constantes de ses luttes quotidiennes, qu'a été composée la chanson. On est amené à remarquer, une fois de plus, à propos de cette production où une indéniable maîtrise du langage sert un rythme délicat, combien de talents dorment, inemployés, dans la classe ouvrière; talents qui, chez des petits-bourgeois passés par l'université, se prostitueraient tout de suite dans le journalisme alimentaire ou parmi la valetaille des petits cadres de l'édition.
6 - Il Est Cinq Heures [1968 - Jacques Le Glou]
L'original de la chanson, interprétée par Jacques Dutronc, était un succès des premiers mois de 1968. Le moi de mai devait amener sa version détournée, plus concrète quoique encore prophétique. Chantée dans les rues, sur les barricades, elle a été de nombreuses fois ronéotypée dans les assemblées fièvreuses de ce temps-là, en particulier dans la "Salle Jules Bonnot" de la Sorbonne occupée.
Ce détournement, tout en retrouvant la fête de la Commune, avec sa colonne qui tombe, est visiblement une réponse aux urbanistes & autres policiers de l'époque gaulliste. Ce ne sont plus les Halles que l'on démolit, mais le Panthéon. Ce ne sont plus les quais que l'onravage, mais la place de l'Étoile. Cette critique préfigureles futures actions révolutionnaires pendant les émeutes, et après si elles ont réussi : détruire à tout jamais la laideur répressive et morale du pouvoir.
Si certains s'étonnent des violences qui menacent les bureaucraties syndicales ou le "parti dit communiste", il leur suffira de lire aujourd'hui les articles de l'Humanité du mois de mai 1968 pour en vérifier l'inoubliable ignominie. Il faudra évdemment d'autres Mai à la classe ouvrière afin qu'elle revendique elle-même son autonomie, ses propres organisations, sa propre autodéfense. Elle sait déjà qu'elle ne peut combattre l'aliénation par des moyens aliénés, et que la bureaucratie syndicale est son premier ennemi. En Italie comme en Angleterre, en Allemagne comme au Portugal.
"Après Paris, le monde entier..." Ce fut vite vérifié.
8 - La Mitraillette [1969 - Jacque Le Glou]
À paartir d'une bicyclette chantée par Yves Montand, cette chanson exprime le retour de l'extrémisme révolutionnaire dans la jeunesse d'aujourd'hui. On y retrouve sa sensibilité, les seuls héros du passé qu'elle veut reconnaître, et l'essentiel de ses projets d'avenir. On remarquera tout particulièrement l'importance accordée au thème de l'armement.
9 - Les Bureaucrates Se Ramassent À La Pelle [1973 - Jacques Le Glou]
Les Feuilles mortes de Prévert & Kosma, la plus connue peut-être des chansons de la fin des années 1940, la chanson de St-Germain-Des-Prés, voit ici son contenu détourné d'une manière significative. Dans le lyrisme d'un temps changé, la "grève sauvage" de l'avant-révolution a remplacé, comme référence centrale, les amours mortes d'après-guerre. L'internationalisme nouveau y rapproche la lutte des anti-péronistes d'Argentine et l'exemplaire grève antisyndicale des dockers d'Anvers. Surtout, on y trouve formulé le but révolutionnaire explicite des "loulous", des jeunes prolétaires des banlieues modernes : "Ne plus jamais travailler." Comme dans toute l'expression nouvelle qui se développe depuis mai 1968, la valeur libératrice de la pratique de l'érotisme est évoquée.