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mercredi 12 mars 2025

Manu got his gun

 


Parfois, une citation vaut mieux qu'un long argumentaire :

« Si les haines, les mensonges de guerre, les instincts de la brute lâchée sous le casque et le masque déforment à nouveau le visage humain, il nous appartient de n’y point céder. De ne consentir à aucun aveuglement. De n’avoir en les pires jours que le souci essentiel de sauver ce que tout homme peut sauver par ses propres moyens de l’intelligence, de la dignité, de la vérité, de la solidarité des hommes… D’opposer un calme refus aux abdications de la pensée, aux fureurs fratricides, à la vaste conjuration des profiteurs de catastrophes. Cette ferme décision, si elle ne suffit pas à nous sauver du canon, nous dégage du moins de la complicité avec les seigneurs de la guerre. »
Victor Serge, 1938

Allez, une note optimiste pour la route



mardi 9 janvier 2024

Gesundheit über alles !

 


En guise de billet tardif de début d'année, on aurait pu faire un constat désabusé du monde tel qu'il ne va pas.
Ce ne sont pas les sujets qui auraient manqué, des colossaux massacres à Gaza que certains prolongent sous prétexte d'aide humanitaire (remember Sarajevo ?), d'une guerre où l'Occident est prêt à combattre l'impérialisme le plus ignoble jusqu'au dernier Ukrainien à condition que ça ne lui coûte pas trop cher, d'une loi abjecte passée par un gouvernement qui ne fait même plus semblant (on croit avoir touché le fond avant de constater qu'il n'y a pas de fond), de la multiplication de guignols atroces au service du capital devenant démocratiquement chefs d'État, etc. 
On aurait même pu trouver des raisons d'espérer lorsqu'une Kurde nommée Roya Heshmati donne une leçon de dignité à une bande de fascistes libidineux.
Mais non, on partage notre stupéfaction sur tout autre chose.
Ami des années 1990, vous vous souvenez de Rage against the machine (rebaptisés par les anti tech pyrénéens Ariège against the machine) ?
Mélange de heavy punk, de funk et d'un soupçon de hip hop, ces Californiens firent fureur chez les jeunes gens par un gauchisme parfois de bon aloi.
Ou comment faire un tube mondial sur une triste réalité : la flicaille flingue. 
 
 
Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir où va se nicher le refrain "Fuck you! I won't do what you tell me". 
Il semble que le petit père Kim Jong-Un goutte assez ce succès de 1992.
Aussi, le voir joué par un grand orchestre, devant un parterre de zombis en uniforme avec un fond de scène à base de symboles phalliques ravageurs, nous a laissé entre la jubilation la plus infâme et la tristesse la plus légitime.
Il faut dire qu'à Pyongyang, on swingue méchamment. Normal, une fausse note et te voilà au violon vite fait. 
On en est resté tellement baba qu'on se demande encore s'il s'agit d'un génial détournement à base de montage serré ou si cette séquence a vraiment existé, auquel cas, on le répète, il n'y a vraiment plus de fond à toucher.
Nous livrons l'objet de notre perplexité à votre sagacité.


Notre cher Kaurismaki, qui avait offert à la population d'Helsinki un concert des Leningrad Cowboys accompagnés par les chœurs de l'Armée Rouge peut aller se rhabiller. 
Allez, que l'année vous soit tout de même moins pénible que la précédente.


samedi 24 juin 2023

Tout se déroule selon le plan prévu

 

Tandis que des crapules s'étripent allégrement, on se remémore avec profit cette chanson d' Egor Letov (1964-2008) qui date déjà de 1989 Всё идёт по плану (Tout se passe comme prévu).
C'est fou ce que le temps passe.

mardi 2 mai 2023

Irlande, la "guerre des Tans"

Black and tans en action
 
Contrairement à certaine idée reçue, l'empire britannique a toujours eu une politique exquise pour traîter ses sujets des colonies et autres dominions.
Une chanson fort connue nous permet un petit éclairage sur un épisode de l'histoire irlandaise pas si connu malgré le nombre de groupes l'ayant joué ou de représentations cinématographiques.
Résumons en vitesse, En 1920 voilà plus ou moins trois siècle que l'île vit sous le joug anglais qui y a imposé des nobles et des colons, persécuté langue et religion, créé artificiellement une famine dont Staline reprendra la recette pour l'Ukraine et vidé l'Irlande d'un tiers de ses habitants contraints à l'exil. 
Après avoir fabriqué des martyrs à la pelle au cours de ces siècles, les nationalistes évoluant en républicains irlandais se lassent d'espérer un éventuel statut d'autonomie et une branche d'idéalistes et de socialistes déclenchent un soulèvement à Paques 1916, on vous a raconté ça en son temps.  
Suite à cette rébellion ratée, les Irlandais se soulèvent à nouveau en 1918, en adoptant ce coup-là des tactiques de guérillas urbaines et rurales grâce aux flying columns (colonnes mobiles) de leur organisation flambante neuve, l'IRA. 
IRA de Kerry nord

Cette armée républicaine se double d'un gouvernement provisoire, le Dáil, qui va régner petit à petit sur des portions entières du pays.
Pauvrement armés mais redoutablement organisés par leur chef du renseignement, Michael Collins, ennemi des affrontement en rase campagne, les volontaires de l'IRA parviennent à établir un climat de terreur pour la police royale puis pour l'armée britannique.
Qui va donc appliquer d'efficaces méthodes de contre-insurrection.
Infiltration, retournements, tortures, exécutions sommaires, rien ne sera épargné aux rebelles. 
Mais l'arme de destruction massive des Anglais sera l'emploi d'une force auxiliaire de 16 000 hommes recutés chez les ancien combattants des tranchées, les Royal Irish Constabulary Special Reserve, plus communèment connus comme Black and tans (noir et fauves) en référence à leur uniforme de bric et de broc.
Force militaire d'occupation autonome incontrolée complètement coupée de la population, les "Tans" vont cristalliser la haine des Irlandais en leur rendant bien. Pillages, exécutions ciblées ou au petit malheur, viols, incendies de villages entiers, ces soudards se rendront célébre dans le monde entier par de nombreux articles de correspondants de presse étrangers. 
On leur doit, entre autre, le premier Bloody sunday, celui du 21 novembre 1920 à Dublin. En représaille à l'exécution par l'IRA urbaine de 14 mouchards et officiers des services secrets, les Black ans tans mitraillèrent le public d'un match de football gaélique laissant 14 morts et 65 blessés. 
Bien entendu, ils devinrent une cible privilégiée de l'IRA et dès la semaine suivante, à Kilmichael, le détachement de Tom Barry en descend 17 dans une embuscade.
Cette spirale de violence ne se calme que lorsqu'un traité est signé en mars 1921. Traité qui débouche sur un état libre, une partition de l'île et une guerre civile entre anciens frères d'armes en 1922. Mais c'est une autre affaire...
Donc, la chanson : il s'agit bien entendu de Come out, ye black and tans (Viens faire un tour dehors, black and tan). Elle fut écrite par Dominic Behan, frère de Brendan Behan, écrivain et membre de l'IRA, en 1928 comme un hommage à leur père, Stephen, qui avait combattu ces brutes les armes en main. La mélodie vient d'un traditionnel du XVIIIème, Rosc Catha na Mumhan également détourné par les loyalistes pour leur Boyne water.
Parmi les centaines de version, la plus connue est sans conteste celle des Wolfe Tones de 1972.
La voici avec des extraits des films Michael Collins de Neil Jordan (1996) et Le vent se lève de Ken Loach (The Wind that shakes the Barley, 2006)
 

 

Dans les paroles, un républicain se querelle avec un unioniste, se gaussant de la manière dont il a gané ses médailles dans les Flandres et de la déculotté que leur a fait subir l'IRA à Killeshandra (comté de Cavan) tout en le priant aimablement de venir "enfin se battre d'homme à homme". 
Non sans rappeler au soldat brit' comment ses semblables ont traité Zoulous et Arabes d'Aden en torturant et exécutant à tout va.

samedi 8 octobre 2022

La Russie qu'on aime

 

Comme le montre la carte ci-dessus, les centres de recrutements de l'armée russe ont une fâcheuse tendance à l'auto-combustion. 
Outre le nombre de ceux qui en ont les moyens ou la possibilité de quitter le pays, il semble que les manifestations contre la guerre et la conscription se multiplient, particulièrement dans les régions asiatiques, grandes pourvoyeuses de chair à canon.
Manifestations très majoritairement formées de femmes, leurs copains, frangins, fistons, etc. risquant de filer directement à la caserne en cas d'arrestation. 
Même si on ne se fait guère d'illusions (on se souvient que le rappel du contingent en France, pour la guerre d'Algérie ne s'est pas passé en douceur mais que ça n'a jamais arrêté ladite guerre) il se pourrait que la position du barbouze en chef soit plus que fragilisée. Peut-être vient-il même de commettre une bourde monumentale. 
Dans cette course vers la mort, il est au moins réjouissant que deux des régimes les plus autoritaires et impérialistes de cette planète se retrouvent à vaciller sous la pression de la rue.
Et question réjouissance, on se fait un plaisir de mettre en lien ce passionnant entretien avec des camarades Russes.
En Iran comme en Russie, il est désormais clair que la solution viendra de ceux de l'intérieur. Et qu'il serait immonde de les laisser seuls face à leurs bourreaux.   
 
Une chanson anti-guerre du groupe punk Adaptatsiya, formé par Yermen Anti Erzhanov dans son Kazakhstan natal.

mercredi 29 juin 2022

Héros oubliés du rock 'n roll: TV Personalities

 

En 1977, en pleine révolution punk, le chanteur et poète Dean Tracy, amoureux de psychédélisme et de pop énergique, réunit ses potes de Chelsea, Joe Foster, Ed Ball et Jowe Head (ex Swell Maps) pour un groupe déconnant, subversif, irrégulier : Television Personalities.
Non seulement, ce combo relativement parodique, sera sujet à des changements constants de personnel autour de la figure de Tracy, mais il connaîtra une carrière en dents de scie, voire confidentielle, ce qui les mènera à intituler leur troisième LP Ils auraient pu être plus gros que les Beatles, en 1982. 
Influencé par les Pistols et le lunaire Jonathan Richman, Dean Tracy s'interdit d'établir une liste de morceaux en concert, préférant compter sur la spontanéité et l'inspiration du moment. Ce qui donne le meilleur et le pire.
Trente ans avant l'arrivée du personnage du Bobo ou du Hipster dans le paysage urbain, ils se payent un succès d'estime avec le très ironique 45 tour Part time punks (les punks à mi-temps) en 1978, rengaine débile et entêtante qui fait les beaux jours du DJ de la BBC, John Peel



Ce qui n'empêche pas Tracy d'emprunter du pognon à sa mère pour le 45 tour suivant dont la pochette est tirée à la photocopieuse. Vu la qualité des paroles, ils seront fortement soutenus par des gens aussi variés que Joe Strummer (des Clash) ou David Gilmour (du Pink Floyd). D'ailleurs le Floyd tentera de les embarquer en première partie d'où il se font jeter par un public déboussolé.
Leur côté je m'en foutistes ne les empêche pas d'aborder quelques sujets cruciaux sous le règne de Margareth de Fer, ainsi, en référence au titre original de docteur Folamour de Kubrick, How I learned to love the bomb (1986)

 

Comme pour beaucoup d'autres, la décennie 1990 sera pour eux assez désespérante et Tracy passe par une sérieuse dépendance à l'héro et des séjours en taule pour vol. Même si une nouvelle formation a vue le jour en 2006, la poisse persiste: Dean Tracy subit une grosse opération du cerveau en 2011 et reste hospitalisé pour des années. 
Alors pour la nostalgie, une Peel Session du premier septembre 1980 avec quatre titres : Silly Girl, A picture of Dorian Gray, La grande illusion et Look back in anger.

mardi 31 mai 2022

Rayon vieilleries : Noël de sang et de larmes


Un peu de nostalgie au sujet d'un succès décalé: un chant qui se voulut pacifiste en temps de crise des euromissiles et termina comme tube de Noël.
En 1980, John Lewis aka Jona Lewie, 33 ans dont une bonne partie à jouer du blues et du boogie (avec The Thunderbolts et en solo) vient de signer chez le mythique label punk et new wave Stiff Records et, pour fêter ça, obtient un succès d'estime avec la chanson à synthé You'll always find me in the kitchen at the parties.
L'année suivante, il décroche la timbale avec une parodie de La charge de la brigade légère (poème militariste de Tenysson suite à un haut fait d'arme aussi sanglant qu'inutile de l'armée britannique qui passait par la Crimée). Ce mélange de pompage de Mozart et Alfvén (merci Wiki) en fanfare mixé à du synthétiseur primitif narre le cafard d'un soldat fatigué qui ne souhaiterait rien tant que de retrouver son foyer pour Noël (d'où le carillon) non sans maudire un certain Winston Churchill qui l'a envoyé dans ce trou à rat.
Faite pour protester contre l'armement forcené du territoire européen, la chanson devint donc le chant de Noël de 1980 et de l'année suivante. Elle fut ensuite incluse à l'album Heart Skips Beat en 1982, ce qui permit au label d'en écouler quelques millions d'exemplaires supplémentaires.
Depuis, Jona Lewie s'est fait discret, il joue du blues, du ukulélé ou apparaît dans un trio avec un autre singulier personnage, Captain Sensible (ci-devant bassiste des Damned).
Quant à Stop the cavalery, à la revoyure, ça a finalement plutôt pas mal vieilli.
That's all folks.

vendredi 6 mai 2022

Tranche de vie (hivernale)

 

Je cours frapper à la porte d'une isba. J'entre.

Il y a là des soldats russes. Prisonniers ? Non. Ils sont armés. Et ils ont l'étoile rouge sur leurs bonnets ! Moi, je tiens mon fusil. Pétrifié, je les regarde. Assis autour d'une table ils mangent. Ils se servent en puisant dans une soupière commune, avec une cuillère en bois. Et ils me regardent, la cuiller immobilisée à mi-chemin de la soupière. Je dis : « Mnié khocetsia iestj. » Il y a aussi des femmes. L'une d'elles prend une assiette, la remplit de lait et de millet à la soupière commune, avec une louche et me la tend. Je fais un pas en avant, j'accroche mon fusil à l'épaule et mange. Le temps n'existe plus. Les soldats russes me regardent. Les femmes me regardent. Les enfants me regardent. Personne ne souffle. Il n'y a que le bruit de ma cuillère dans mon assiette. Et de chacune de mes bouchées.

 « Spaziba », je dis en finissant.

La femme reprends l'assiette vide que je lui rends et répond simplement : « Pasa Usta »Les soldats russes me regardent sortir sans bouger. (...)
C'est comme ça que ça s'est passé. A y réfléchir, maintenant, je ne trouve pas que la chose ait été étrange, mais naturelle, de ce naturel qui a dû autrefois exister entre les hommes. La première surprise passée, tous mes gestes ont été naturels ; je n'éprouvais aucune crainte, ne sentais aucun désir de me défendre ou d'attaquer. C'était tellement simple. Et les russes étaient comme moi, je le sentais. Dans cette isba venait de se créer entre les soldats russes, les femmes, les enfants et moi, une harmonie qui n'avait rien d'une armistice. C'était quelque chose qui allait au-delà du respect que les animaux de la forêt ont les uns pour les autres. Pour une fois, les circonstances avaient amené des hommes à savoir rester des hommes. (...)

 Si cela s'est produit une fois, ça peut se reproduire. Je veux dire que cela peut se reproduire pour d'innombrables autres hommes et devenir une habitude de vivre.

Mario Rigoni Stern Le sergent dans la neige (1953)

mardi 5 avril 2022

Chant macabre

 

Rue de Boutcha
Rue de Boutcha

Il y a trois chemins. Au premier, tu perds la vie ; au second, tu trouves la mort ; au troisième, par le fer et le feu tu périras... 

Comptine ukrainienne

mardi 29 mars 2022

Un caillou dans la botte

 

Une évidence : il n'y a rien de plus contre-révolutionnaire qu'une guerre entre États. Ceci posé, dans le cas de la guerre entre Russie et Ukraine (entamée en 2014, faut-il le rappeler) la position du défaitisme révolutionnaire est inopérante et complètement larguée. Désolé, camarades gauchistes, nous ne sommes pas en 1914 !
Évidemment, nous n'avons pas plus de sympathie pour le gentil Zelensky que pour le méchant Poutine. Ce qui leur fait une belle jambe à tous deux !
Pour l'instant,nous nous contenterons de laisser la parole à quelques-uns des premiers concernés. Au cas où certains n'aient pas encore pris connaissance de ce texte produit par des camarades acculés qui n'ont de choix qu'entre des solutions merdiques, on le remet en lien. Extrait: Nous considérons que les slogans « Dites non à la guerre » ou « La guerre des empires » sont inefficaces et populistes. Le mouvement anarchiste n’a aucune influence sur le processus, donc de telles déclarations ne changent rien du tout.
Et désolé, camarades anarchistes, malgré tous ces riches enseignements, nous ne sommes pas en guerre d'Espagne en 1936 ! Pas plus qu'il n'y aurait, pour l'instant disions-nous, quoi que ce soit de comparable à l'émergence d'un mouvement de type makhnoviste. 
Ceci dit, il existe quelques motifs de réjouissance.
Les cheminots biélorusses ont mis un beau bordel dans les lignes approvisionnant l'armée occupante.
Un chef mécanicien sabote le yatch de son patron, oligarque russe, aux Baléares.
Un citoyen irlandais enfonce le portail de l'ambassade russe de Dublin (on sait, même si ça sent le pari au pub du coin, le geste n'en reste pas moins beau).
Saboteurs de tous les pays, unissez-vous !


mardi 22 mars 2022

Le massacre du printemps


La seule idéologie qui reste, ou peut rester vivante en Russie, c’est le chauvinisme grand-russien. Le seul imaginaire qui garde une efficace historique, c’est l’imaginaire nationaliste — ou impérial. Cet imaginaire n’a pas besoin du Parti — sauf comme masque et, surtout, truchement de propagande et d’action, de pénétration internationale. Son porteur organique, c’est l’Armée. […] L’Armée est le seul secteur vraiment moderne de la société russe — et le seul secteur qui fonctionne effectivement. 

Cornelius Castoriadis Devant la guerre (1981)
Cité par Temps critiques
 
La limite des analyses lucides, comme celle ci-dessus, produite du temps de l'URSS encore puissante, est qu'elles ont très peu d'effet sur la réalité.
Quant aux chansons prophétiques venues d'une époque où certains pensaient qu'on jouait à se faire peur mais au cours de laquelle il fallait être un petit occidental bien hypocrite pour s'imaginer vivre dans un monde en paix...
Le père Béranger en 1970 (album Tranche de vie)

lundi 7 mars 2022

Vissotsky : le retour du soldat


Dans le cadre d'un nouvelle semaine d'effort de guerre à l'Est et avec une attention toute particulière au moral des troupes, voici un chanteur qui fut à la fois marginalisé par le pouvoir et massivement admiré par les sentimentaux, les poètes, les ivrognes, les désespérés, les indécrottables rieurs, les amoureux des mots, les humbles, les voleurs et pas mal d'autres, en Russie, pardon, en URSS, j'ai nommé l'indispensable Vladimir Vissotsky.
Car ce n'est pas tout d'arriver à se taper une guerre prolongée où on vous a envoyé avec trois jours de rations et un demi plein de gasoil, il faut aussi tâcher de ne pas rentrer au pays dans un sac, pardon dans un cercueil en zinc (merci Svletana).  Il s'agit donc de revenir à peu près intact, oh pas psychologiquement faut pas rêver, mais sur ses deux jambes serait déjà pas mal. 
C'est ce que narre notre tovaritch la Déprime dans La chanson d'un soldat, ou Солдатская, balade joyeuse de 1974 dont on ne résiste à vous envoyer la traduction. Bienvenue chez toi, vaillant conscrit !
Tant qu'on y est, on est estomaqué de constater à quel point un billet d'il y a huit ans est encore d'actualité.
Dans toutes les batailles du monde entier, j’ai peiné, j’ai rampé avec mon régiment.
Puis on m’a ramené chez moi, malade, défait, sur un train spécial du Service de Santé.
Et d’un camion on m’a déposé devant chez moi, juste devant la porte.
Je l’ai regardée. J’étais étonné, stupéfait: une drôle de fumée montait de la cheminée.
Les gens aux fenêtres évitaient mon regard et la maîtresse m’a reçu comme un étranger.
Elle ne m’a pas serré dans ses bras, en larmes, seulement le geste, puis elle est rentrée dedans.
Les chiens hurlaient et mordaient la chaîne alors que je fendais la foule là dedans;
j’ai trébuché sur quelque chose qui n’était pas à moi, puis j’ai tâté la porte. Je suis entré, si faible, à genoux. 
Le nouveau maître de la maison, à l’air sombre, était assis à table, à ma place de tous les jours.
Une femme était assise à son côté, et c’est pour ça, et c’est pour ça que les chiens aboyaient si fort.
Donc - j’ai pensé - pendant que je faisais mon devoir sous le feu, en me passant de toute pitié ou sagesse,
ce type-là avait tout déplacé, chez moi, il avait tout changé à sa façon, comme il voulait.

 

Et avant chaque assaut, nous priions Dieu que son feu de couverture ne rate pas le coup...
Mais ce coup, plus mortel, m’était lâché dans le dos et transperçait mon cœur comme la trahison.
Comme un paysan, j’ai fait de grandes révérences, j’ai fait appel à toute ma volonté pour murmurer:
«Pardonnez-moi ma faute, bon, je repars, c’est pas la maison juste, mes amis, c’est comme ça.» 
Je voulais dire ça: Que la paix et l’amour règnent chez vous, que vous ayez toujours du bon pain à cuire...
Mais lui, bon, il n’a levé pas même ses yeux comme si tout ce qui s’était passé était normal.
Le plancher, tout décapé, a branlé fort, mais je n’ai pas claqué la porte, comme autrefois.
Je suis parti. Les fenêtres se sont rouvertes et on m’a lancé de loin des regards coupables.
Traduction Riccardo Venturi

lundi 28 février 2022

Java around the bunker

 

Passons sur le fait de savoir jusqu'à quel point Vladimir Poutine serait paranoïaque. À notre avis, cet état mental est une condition nécessaire à tout chef d'État se voulant un tant soit peu crédible. Il y a tout de même quelque chose de fascinant à cette mise en scène du pouvoir comme exercice absolu par l'humiliation télévisée de son propre chef des services secrets ou celle de son ministre de la guerre et son chef d'état-major placés devant un fait accompli.
Pour quelqu'un se piquant d'histoire, le gars a certainement été mal renseigné sur la fin de carrière de divers autocrates. Révisionnisme; quand tu nous tiens... 
Quoi qu'il en soit, les meilleurs stratèges du monde libre sont parés à toute éventualité (photo ci-dessous)
Remercions tout de même Vladimir Vladimirovitch de nous permettre de revoir le grand Serge Reggiani dans ce classique de 1955 écrit par Boris Vian et Alain Goraguer. Ces deux minutes trente trois de de détente (comme on disait à l'époque) vous sont offerte par Kremlin- Nato Ltd.

vendredi 25 février 2022

Invasion

Déjà en 1945, la propagande était obscène
 
Quand on entend une crapule prétexter une "dénazification" pour justifier son immonde guerre impérialiste, on hésite entre ricanements jaune et pleurs amers.
Parce qu'à propos de la guerre en cours en Ukraine, on n'a pas vraiment envie de rire.
Poutine est-il tombé dans le piège tendu par l'OTAN ou a-t-il damé le pion à cette organisation ? L'Ukraine est-elle une authentique nation ou une invention issue d'un micmac polono-lituanien et austro-hongrois mâtiné de russe ? À vrai dire, on s'en fout un peu. Tout ce qu'on constate est l'étendue d'un désastre annoncé. 
À part ces détails que sont les Ukrainiens et un certain nombre de chairs à canon russe l'autre grande victime sera la vérité. À commencer par ces idiots médiatiques qui osent mentionner "le retour de la guerre en Europe depuis la Seconde guerre mondiale" en oubliant au passage la longue agonie d'un pays nommé Yougoslavie. 
Disons que dans le genre propagande grossière, nostalgique comme on est, on préférait l'époque où les soviétiques nous la jouaient pacifistes, conformément à la ligne du parti. Хотят ли русские войны ? Autrement dit Les Russes veulent-ils la guerre (1961) musique d'Édouard Kolmanovski, paroles de Yevguéni Yevtouchenko.
En version sous-titrée pour le côté involontairement comique. Même si y'a vraiment pas de quoi... 
Notre affectueux salut aux Russes qui dénoncent cette "opération militaire".

lundi 31 janvier 2022

La guerre Froide d'antan (parenthèse d'actualité)

 

Cluster sous contrôle

Près de trente années après le naufrage de l'URSS où en sommes-nous ?
Autour de l'Ukraine, l'Otan et l'armée russe jouent à qui a la plus grosse division dans une mise en spectacle qu'aucun parc d'attraction n'a les moyens concurrencer.
La crise du Covid se double d'une crise géopolitique en attendant une éventuelle énième crise financière. La crise permanente comme gouvernance, en quelque sorte.
On a l'air de se moquer mais ce genre de gesticulation nous évoque irrésistiblement d'autres crises comme celle dite des "euromissiles" dans laquelle il s'agissait de saupoudrer l'ensemble du territoire européen de fusées balistiques destinées à réduire la région d'en face en poussière plus ou moins radioactives.
À l'époque où le "camp d'en face" en faisait rêver certains, le camarade Linton Kwesi Johnson résumait assez bien la querelle inter impérialistes par cette chanson tirée de son album Making history (1983) Di eagle an' di bear.
Pas grand chose de neuf depuis.

lundi 16 août 2021

Bons baisers de Kaboul (Actualités)

 

Un polémiste bien connu a affirmé que l'histoire se répétait d'abord comme tragédie puis comme farce.

Nous en déduirons que dorénavant, après vingt années d'une guerre si joliment menée, les Afghans sont condamnés à mourir de rire.

 C'est tout.

  

vendredi 11 juin 2021

Tranche de vie (claustrophobe)


(Prison de Strangeways)
La plupart des types qui étaient avec moi étaient des Anglais à peu près de mon âge, bien qu'il y eut un ou deux détenus plus vieux (...)
Tous ces types étaient considérés comme les durs de la 8ème Armée, les "Rats du Désert", et ils étaient là pour avoir descendu leurs officiers et je dirais même qu'à voir leur mine, ils auraient bien pu en descendre quelques autres en plus.
Quant à moi, je peux dire que je n'ai jamais rencontré de mecs plus convenables de ma vie. C'étaient des hommes très bien, très honorables et j'ajouterai même qu'ils étaient de très bons citoyens anglais. Quelques-uns s'étaient battus pendant deux ou trois ans contre les Allemands ou les Italiens dans le désert et ils avaient mené une vie terriblement dure.
Lorsque de jeunes blancs-becs de dix-huit ou dix-neuf ans débarquèrent de Sandhurst* au beau milieu d'une campagne et s'avisèrent d'user de la badine sur le dos de ces vétérans, ou de les faire tout le temps chier d'une manière ou d'une autre, ces intrépides compagnons du désert ripostèrent en collant une balle dans la peau de certains d'entre eux. Et connaissant quelques officiers de l'IRA, je dois dire que je ne les blâme pas. Pour autant que je sache, ces officiers anglais étaient bien courageux mais dès qu'il s'agissait d'hommes, ils se montraient bornés et ignorants.  
Brendan Behan Confession d'un rebelle irlandais
Mémoires truculentes d'un Irlandais grande gueule et hâbleur (mais n'est-ce pas naturel ?) membre de l'IRA, taulard, pilier de pub, chanteur, chroniqueur, poète et écrivain mort d'épuisement à 41 ans. Réédité chez l'Échappée. 
Une chanson de prison écrite par son frère Dominic.

 

Un hommage des Dubliners

* Académie militaire britannique.

samedi 31 octobre 2020

Tranche de vie (héroïque)

 



-Halte ! Sac à terre !
- Qui a crié, demanda le général d'un air sombre.
C'était un soldat de liaison du 2ème bataillon de la 7ème compagnie qui, à la croisée de deux sentiers, prévenait les détachements suivants qu'ils devaient s'arrêter. Les éclaireurs avaient besoin de temps pour reconnaître les sentiers et indiquer lequel il fallait suivre. L'un d'entre eux venait d'être tué et les autres ne devaient pas s'aventurer sur le terrain avant qu'il n'ait été reconnu. Il ne faisait qu'obéir aux ordres. Ce que le capitaine Zavattari, commandant la 6ème compagnie, rapporta au général.
- Faites fusiller ce soldat, ordonna le général. 
Faire fusiller un soldat ! La capitaine Zavattari était un officier de réserve. Dans la vie civile, il était chef de division au ministère de l'Instruction publique. C'était le plus vieux capitaine du régiment. L'ordre de faire fusiller un soldat était une absurdité inconcevable. En pesant ses mots, il trouva le moyen de le dire au général qui répliqua sans une seconde d'hésitation:
- Faites-le fusiller sur-le-champ.
Le capitaine s'éloigna et revint auprès du général un instant plus tard. il s'était rendu à la bifurcation et avait personnellement interrogé le soldat de liaison.
- Vous l'avez fait fusiller ?
- Non, mon général. Il n'a fait qu'obéir aux ordres. Il ne lui est jamais venu à l'esprit qu'en criant "Sac à terre!" il émettait un cri de lassitude ou d'indiscipline. il venait d'y avoir un mort chez les éclaireurs, la halte était nécessaire le temps de reconnaître le terrain.
-Faites-le fusiller quand même, répondit froidement le général. Il faut faire un exemple !
-Mais comment puis-je faire fusiller ce soldat sans la moindre procédure alors qu'il n'a commis aucun crime ?
Le général n'avait pas la même mentalité juridique. ces argumentations, ce respect des lois l'irritèrent.
- Faites-le immédiatement passer par les armes, cria-t-il, et ne m'obligez pas à faire intervenir mes carabiniers contre vous aussi.
Il était suivi par deux carabiniers au service du commandement de la division. 
(...)
- Oui mon génral, répondit le capitaine sans hésitation.
- Exécutez mon ordre et venez m'en rendre compte aussi tôt.
Le capitaine rejoignit de nouveau la tête de sa compagnie qui attendait ses ordres. Il demanda à un groupe d'hommes de décharger leurs fusils contre un tronc d'arbre et ordonna aux brancardiers d'étendre sur une civière le corps de l'éclaireur tué. L'opération terminée, il se présenta, suivi de la civière, devant le général. Les autres soldats, ignorant le macabre stratagème, se regardaient les uns les autres abasourdis.
- Le soldat a été fusillé, dit le capitaine.
Le général vit la civière, se mit au garde-à-vous et salua fièrement. il était ému.
- Saluons les martyrs de la patrie! En temps de guerre, la discipline est douloureuse mais nécessaire. Honorons nos morts !

Emilio Lussu* Les hommes contre.

 
 
Une bande annonce du film de Francesco Rosi (1970)

 

* Engagé volontaire en 1914, écœuré par le massacre, Emilio Lussu fut membre des groupes de choc antifascistes puis du collectif révolutionnaire Giustizia e Libertà. Il a écrit, entres autres, Les hommes contre, La Marche sur Rome, et une Théorie sur l'insurrection.

vendredi 31 juillet 2020

Reprise d'été : trente glorieuses et commentaires


Du temps du 45 tour et des juke-box triomphants, il arrivait assez souvent que la face B, qui n'était censée être que du remplissage, soit une démarque de la face A, censée être le tube. Dans le rhythm'n blues américain, on se mit parfois à mettre au verso la version musicale de la chanson recto. Technique abondamment reprise en Jamaïque qui donna naissance au dub et au toast des disc jockeys.
La face B ne constituait qu'exceptionnellement une suite de la A, d'autant plus dans l'industrie du disque francophone.
Ou alors il fallait avoir beaucoup ce choses à exprimer.
Ce qui fut précisément le cas de François Béranger, ex ouvrier à Billancourt, ex appelé en Algérie qui sortit en 1970 son premier album Tranche de vie, titre qui couvre les deux faces de son premier 45 tour.  Il a alors 33 ans, ce qui est un peu âgé pour faire twister la jeunesse mais qu'à cela ne tienne, à l'aube de cette décennie, tout paraît encore possible.
Cette chronique d'une vie de prolo en onze couplet étant trop dense pour contenir dans le format des trois minutes, la solution du camarade bougon fut donc de chanter six couplets en face A, de lancer C'est pas fini ! et... de terminer la chanson en face B. Tout y passe : l'exode rural, les services sociaux, l'usine, la petite délinquance, la guerre coloniale, les manières exquises des flics et des juges et la taule Et le titre fit un carton, permettant ainsi au grand François de s'alimenter grâce à son art.
La chanson sans interruption filmée par la tv suisse en 1972.


Une honorable reprise : celle d'Hubert-Félix Thiéfaine, trouvée sur l'album hommage à Béranger, Tous ces mots terribles, conçu par sa fille Emmanuelle en 2008.
Un arrangement un peu plus rock, un ralentissement du tempo qui rallonge le morceau d'une minute et l'affaire est dans le sac.
Puisqu'on vous dit que c'était pas toujours mieux avant.


mardi 14 juillet 2020

Tranche de vie (de l'été pourri)


J'ai marché dans les bois.
J'avais perdu tout ce qui faisait de moi un homme ! On m'avait mis en guerre contre des bombes, contre des balles, contre des chars blindés qui avaient foncé sur moi !
Je n'avais rien vu, que des éclaboussures. Rien vu ! Rien !
De toute toute cette guerre immonde où l'on pouvait me tirer comme un simple gibier, où l'on m'avait visé à balle, bombardé, chargé au monstre blindé, je n'avais rien vu et rien à raconter. Rien !
Dans tout ce qu'on avait prétendu me faire faire, je n'avais rien compris ! Rien partout : Je savais seulement que j'étais devenu quelque chose d'insignifiant, de négligeable, qu'on pouvait tuer comme un moucheron ou une fourmi !
Mais je revendiquais aussi ma part de pauvre héros dans ce conflit où je n'avais rien vu, rien compris et où je l'étais seulement mis là où l'on m'avait dit.
Et j'avais la haine ! Oh oui, la haine ! La haine risible, impuissante et tragique, contre tous ces grands qui n'avaient pas fait leur métier.
On ne les avait pas mis là pour nous faire guerroyer mais pour nous donner du bonheur ! Je les haïssais ! C'était farouhe et furieux ! Ça me taraudait le cœur.

J'ai tourné le dos au soleil pour aller vers la Suisse. C'était fini pour moi !

Jean Meckert La Marche au canon