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vendredi 20 juin 2025

On a chanté les narcos avec talent (il y a longtemps déjà)



Le film de 1978
 
Un des nombreux charmes du Mexique est la vivacité toujours réelle des corridos.
Équivalents à nos anciennes complaintes, ces chansons dont l'origine remonte à la colonisation espagnole sont des chroniques obéissant à quelques règles musicales qui narrent les faits divers, les bouleversements politiques, les faits glorieux, dérisoires ou catastrophiques parvenus dans le pays, la région, le quartier.
La longue tradition de banditisme mexicain a été bien entendu un des thèmes centraux de ces chansons populaires alors propagées toujours encore par des musiciens ambulants mais désormais popularisées par les radios, l'industrie du disque puis internet. 
Et voici l'entrée en scène du plus populaire des groupes de corridos, señores y señoras, j'ai nommé Los tigres del norte :

Bon goût typique du Nord

 Aussi incroyable que cela paraisse, cet ensemble de 
musique norteña, c'est à dire du Nord, avec accordéon omniprésent, fondé en 1968 au Sonora (État historiquement de narcotrafic) a dans le pays toujours une popularité seulement comparable ailleurs à Oum Kalthoum, Édith Piaf ou Johnny Cash.
Talentueux, non dépourvus d'une bonne dose de démagogie, les Tigres chantent, comme tout bons Mexicains la vie quotidienne, les amours malheureuses, la vie des migrants, les rapports conflictuels avec le voisin du dessus (présentement Trumpland) des saloperies politiques nationales et surtout... des histoires de voyous.
Coup de maître en 1974 : Contrabando y traición (contrebande et trahison) aventures d'un couple infernal qui s'achève par un meurtre amoureux (où c'est la femme qui flingue l'homme) dans une ruelle californienne. Cette chanson accouchera de deux suites en zizique (Ya encontraron a Camelia et El Hijo de Camelia), de trois romans, d'un film (Contrabando y traición, Camelia la Texana, 1975), d'un opéra (Únicamente la verdad) et de droits d'auteur qui auraient dus plonger le groupe dans une saine inactivité.
Mais en 1975, re-belote selon la même recette : La banda del Carro rojo va devenir le morceau qui tourera en boucle pour une trentaine d'années au moins.  
L'histoire (imaginaire) des frères Rodrigo y Lino Quintana et de leurs deux complices forcés par l'injustice sociale et les dettes à se convertir en trafiquants et qui en paieront le prix sera reprise par tous les groupes de baloches du pays.
Faut dire que le texte est assez habile pour poser une situation : Il paraît qu'ils venaient du Sud / dans une bagnole écarlate / chargée de 100 kilos de coke / en route vers Chicago... Ainsi le dit le mouchard / qui les avaient balancés.
Ou pour la conclure dignement : Et "Nino" Quintana disait / Ça devait arriver / mes copains sont morts / ils ne peuvent plus se mettre à table / et je le regrette, shérif / mais je ne sais pas chanter. 
Avec même la morale de rigueur : Des sept qui y sont passés / Il n'est resté que des croix / Quatre étaient de la bagnole rouge / les trois autres du gouvernement / Pour ceux-là, vous en faîtes pas / ils rejoindront Lino en enfer.


Évidemment, ça va donner un aimable nanard en 1978, réalisé par Rubén Galindo, un genre de Sam Peckinpah du pauvre.... 


Mais surtout ça va déboucher sur un certain nombre de reprises, y compris par des groupes de rock qui ne peuvent qu'être séduits par ces destins de hors-la-loi.
Et voici donc le type même de la reprise intelligente par La Barranca de Mexico sur un disque d'hommages aux Tigres en 2001.


Bon, inutile de préciser qu'au Mexique, le narcotrafic est devenu tout sauf folklorique depuis, qu'il a gangréné la société à tous les niveaux et que les chansons sont devenues vulgaires, grossières et à la gloire de parrains qui payent sans compter.
Au moins, les Tigres inventaient-ils leurs chroniques...

dimanche 1 janvier 2023

Un gars qu'a pas eu de chance

 

Commençons l'année par deux versions d'une chanson également aimables à nos oreilles, comme disait l'autre avant de se faire lourder. 
Frédo de Bernard Dimey fut crée par les Frères Jacques. Hubert Degex, le compositeur n'est autre que le pianiste habituel du quatuor que l(on voit en action ci-dessous.
Remarquons que les frangins avaient "oublié" le dernier couplet originel, peut-être un poil trop osé pour l'époque.
A côté des requins de la finance
Et des crabes du gouvernement,
Tous ces tarés qui règnent en France
A grand coup de gueule d’enterrement.
A côté de toutes ces riches natures
Qui nous égorgent à coup de grands mots !
A côté de toute cette pourriture
Il était pas méchant Frédo !

 

Oubli rectifié dans une version réactualisée par Riki de la Butte aux Cailles avec Captain Simard et Justine Jérémie.

jeudi 29 décembre 2022

Recherche des traces d'un chroniqueur disparu

Détective en 1957  (cliquer pour lire)

Toulousains, toulousaines et autres humains, avez-vous ouï du sieur André Dusastre, grand chroniquer de la vie locale ? Si oui, ce message par nous reçu et que nous nous faisons une joie de relayer est fait pour vous.
Si quiconque a des infos, nous ferons aussi tôt passer au camarade Maxou (JF Heintzen).
 
Bonjour. Je découvre ce site par un heureux hasard, en grattant le web à la traque de chansons, visiblement du genre de celles qui peuvent vous intéresser. Je lis que vous êtes implanté à Toulouse, donc je tente ma chance. 
Je bosse depuis quelques décennies sur les complaintes criminelles sur le territoire français. J'en ai déjà répertorié plus de 1250 entre 1870 et 1940 (https://complaintes.criminocorpus.org/), et je viens de pondre un pavé sur le sujet, Chanter le crime (https://www.bleu-autour.com/produit/chanter-le-crime/), mais je ne viens pas vers vous pour vendre ma soupe, c'est juste pour situer mes centres d'intérêt.

 Je traque depuis longtemps l'un des derniers chansonniers "de rue" écrivant des chansons sur les crimes du moment, les chantant et les vendant sous forme de feuilles ronéotypées. Il s'appelait André Dusastre, mort en 1960 à Toulouse, son lieu d'origine. Il a pas mal erré dans tout le sud-Ouest (Toulouse, Bordeaux, Montpellier, Béziers, Perpignan, Montauban...) et a produit des centaines de chansons, en grande partie perdues. Je vous joins un article de Détective qui l'évoque en action dans les rues de Toulouse en 1954, avec photos. Je peux vous faire passer aussi des scans de quelques-unes de ses chansons (certaines sont à la BNF, car il faisait le dépôt légal de certains de ses textes).

Évidemment je recherche des personnes ayant pu le connaître (ou des collectionneurs de vieilleries musicales ayant des feuilles de chansons de sa main), voire - miracle - contacter sa fille, visiblement née après la guerre si l'on en croit l'article de Détective. Habitant loin de votre sud-ouest, j'ai déjà contacté des potes toulousains, dans le monde des musiques trad' et populaires, j'ai eu un échange avec Claude Sicre, mais cela n'a pas débouché. (Tu m'étonnes! Ndr) Si cela vous intéresse, d'une manière ou d'une autre, on peut en discuter.
Merci de m'avoir lu.

On peut retrouver Maxou sur France Musique à ce lien et à celui-ci. Et en supplément, une complainte drolatique sur un fait-divers qui ce coup là est un suicide. Le pendu de Maurice Mac Nab par Chantal Grimm.

mardi 11 janvier 2022

Jesse James, populaire crapule

 

Jesse et Frank
 

L'Histoire joue parfois de drôles de tours à la postérité.
Ainsi, Jesse James, leader du gang James-Younger est-il devenu un des bandits les plus renommé des États-Unis, ce qui là-bas signifie un des plus chanté et des plus filmé. Et pourtant le bilan de ce "Robin des bois du Missouri" est loin d'être brillant. 
Fils de pasteur, deuxième d'un fratrie de trois, Jesse et son frère aîné Frank furent élevés dans une ambiance farouchement pro-sudiste. Bien avant le déclenchement de la guerre de Sécession, entre 1854 et 1861, deux états voisins, le Kansas et le Missouri connurent une série d'affrontements, de meurtres, d'émeutes, de fraudes électorales entre colons les peuplant ayant pour cause leur adhésion aux États-Unis et, de ce fait, la question d'y déterminer où l'esclavage était ou non légalisé. Même si la culture du coton y était inexistante, les colons sudistes du Missouri obtinrent dans un premier temps le statut d'état esclavagiste alors que le Kansas voisin et peuplé d'une forte minorité d'origine germanique était farouchement anti esclavagiste, favorisant les réseaux d'évasion vers le Nord (dit le "chemin de fer souterrain").    
Ayant grandi dans ces prémices de la Guerre civile, les frères James s'engagent chez les Sudistes dès que celle-ci est déclarée en avril 1861. 
Clement, Hendricks et Anderson

La ferme familiale étant ravagée par des irréguliers nordistes, James, à peine âgé de 16 ans va s'engager dans les troupes de William Quantrill, les bushwalkers, qui livrent une guérilla sans merci aux nordistes du Kansas qui répliquent avec d'autres francs-tireurs, les Red legs ou Jayhawkers. Et c'est parti pour deux années de massacres.     
C'est chez les écorcheurs de Quantrill que Jesse fait la connaissance de futurs associés tels "Bloody" Bill Anderson (collectionneur de scalps) Archie Clement ou Cole et Jim Younger tout en apprenant sur le tas ce qui assoira ensuite sa réputation. 
Le principal exploit de ces charmants jeunes gens sera le Massacre de Lawrence où après avoir occupé cette ville du Kansas, ils y exécutent 182 hommes et incendient 185 maisons. Inutile de préciser que dans cette guerre il n'y a pas de prisonniers et tout soldat nordiste capturé est assassiné. De même les soldats bleus se font un plaisir de pendre tout irrégulier du Sud sur lequel ils mettent la main. Le général fédéral Ewing fera même évacuer plus de 10 000 civils du territoire bordant la frontière du Missouri, rendant cette région désertique pour un bon moment. Traqués, harcelés, la bande de Quantrill s'en va piller le Texas, pourtant territoire confédéré. Puis,, vaincu, le Sud capitule.
Les soldats rebelles sont donc amnistiés sauf les irréguliers, ce qui est le cas de tous ces guérilleros. Qui n'ont aucun mal à se planquer dans le comté de Clay (Missouri) qui leur est acquis et où la haine du nordiste reste encore tenace jusqu'à nos jours. 
 
Dos au mur, les fugitifs du groupe Quantrill se reconvertissent dans les attaques de banques dès février 1866 avec celle de Liberty (60 000 dollars) Lexington (2000 dollars seulement) Richmond (trois citoyens tués et un bandit lynché), Russelville (1450 dollars) et Gallatin (500 ridicules dollars et un caissier flingué).
Bien entendu, s'en prendre aux banques n'est pas pour déplaire à une population de fermiers pressurés par ces agences. Le gang étend ses activités à l'Iowa et tâte du braquage ferroviaire, spécialité qui va les rendre à jamais célèbres. Et leur assurer une réputation de bandits d'honneur grâce à la stupidité et à la brutalité de l'Agence Pinkerton, chargée de les traquer qui assassinera le jeune John Younger (16ans) qui ne fait pas partie du gang, ainsi qu'Archie James, âgé de 8 ans et benjamin de la fratrie. On retrouvera des restes d'agents de la Pinkerton dans une auge à cochons.  
Cette légende dorée des James a été très vite fredonnée dans les campagnes. Les Lomax en ont tiré quelques enregistrements et même Woody Guthrie y est allé de son refrain.
 
 
Malgré une amnistie promise par plusieurs politiciens, le gang lance un raid sur le Minnesota et cette fois, tout va de travers. Le 7 septembre 1876, l'attaque de la banque de Northfield vire au désastre: les habitants tirent massivement sur la bande, deux outlaws sont tués et tous les autres plus ou moins gravement blessés. Divisés en deux groupes, le premier d'entre eux est ensuite exterminé tandis que les frères James s'enterrent un temps dans le Tennessee sous une fausse identité. Fin 1879, attaques de trains et de diligences reprennent. Mais règlements de compte (Jesse abat Ed Miller qui voulait quitter le gang) et chutes se multiplient simultanément au sein de la bande. Qui se trouve bientôt réduite aux frères James et aux frères Ford (Robert et Charlie) 
Le gouverneur du Missouri avait offert 10 000 dollars pour la capture ou la mort des concernés. Et comme dans toute belle histoire de bandit d'honneur c'est Bob Ford qui tiendra le rôle du dirty little coward qui tue Jesse James dans le dos alors qu'il époussette un tableau. Et ça donne une autre ballade avec en intro le début du film de Samel Fuller, J'ai tué Jesse James (1949). C'est Johnny Cash qui s'y colle.

 

Et comme dans toute bonne chanson de geste, les frères Ford ne profiteront guère de leur traîtrise : après avoir touché bien moins que prévu, Charlie se suicide en 1884 et Robert est tué dans un saloon en 1892 par un admirateur de Jesse James. Frank James, qui a négocié sa reddition, est acquitté à son procès et finira garde du corps du président Théodore Roosevelt. Bob Younger est mort en prison, Jim se suicide à sa sortie en 1902 et Cole devient prédicateur.
Une vraie histoire américaine !
Restent plus d'une quinzaine de films dont certains très recommandables, quelques BD (dont un excellent Lucky Luke) et un nombre effarant de chansons. Pas mal pour un petit gars somme toute plutôt sanguinaire. 
 

 

dimanche 29 août 2021

De Bertold Brecht à Ivà : le dernier truand

 

En 1928, en introduction de leur Dreigroschenoper, Bertold Brecht et Kurt Weill créèrent le personnage de Mackie Messer (Mackie le surineur) et le dotèrent d'une complainte qui fera le tour du Monde, Die Moritat von Mackie Messer.
Ici par Lotte Lenya, interprète préférée et un temps épouse de Weill.
 

 
Le personnage d'assassin est inspiré du bandit Macheat de l'opéra originel de John Gay, le Beggar's opera
Même si la pièce de Brecht ne connaît pas un succès immédiat, cette chanson sera l'objet d'innombrables reprises, particulièrement aux États-Unis (Armstrong, The Doors, Sinatra, Fitzgerald, etc.) Voici la première version gravée en français par Florelle.

Et le personnage va prendre un nouvel aspect, totalement inattendu.
L'Espagne avait elle aussi été contaminée par le tube berlinois, repris, entre autre, par José Gardiola.
Mais en 1986, le génial auteur de BD Ramón Tosas (1941-1993), mieux connu comme IVÀ (acronyme de tentative de variations artistique) invente un immortel personnage de braqueur philosophe et anarchisant : Makinavajas, el ulitimo choriso (Maki la lame, le dernier des truands). Au moment du boom de la bande dessinée péninsulaire (grâce à des revues comme El jueves) et d'un mouvement antimilitariste explosant dans la jeunesse, Ivà avait déjà créé Historia de la puta mili pour brocarder l'armée de sa majesté Juan Carlos. Il fallaitt une certaine dose de courage pour s'attaquer à l'institution militaire en Espagne. 
Maki et sa bande (Popeye dit Popi, Mustafá dit Mojamé ou Moromielda, tous réunis au bar "El Pirata" du barrio chino de Barcelone) s'attaquent non seulement aux banques, bijouteries et autres réservoirs de fric mais aussi à toutes les institutions du pays, politiciens, prisons, bourgeoisie catalane, immobilier, tourisme, salariat...

Dessinés grossièrement, les protagonistes valent surtout pour un vocabulaire incroyable, mixture d'argot gitan, de parler populaire du Barrio Chino et surtout, de néologismes et d'insultes inventés par l'auteur, le tout prononcé (vous avez bien lu) avec un tel accent qu'on conseille à ceux qui découvriront ça de d'abord lire à haute voix sinon on est vite paumés. Certaines expressions vont même passer à l'usage courant ("Cagontó !" ou “Po fueno, po fale, po malegro” par exemple).
Tout en menant un travail de destruction systématique de la corruption policière, du cinqcentenaire de la "découverte" de l'Amérique, de la trahison syndicale, des arnaques immobilières, du racisme, de la modernisation à outrance, en particulier de la ville de Barcelone en pleine transformation, de la politique carcérale et autres joyeusetés, les aventures de Makinaja vont connaître une popularité phénoménale. Peut-être parce qu'outre ses outrances verbales, le thème est avant tout la revanche des petites gens et l'évidence que des braqueurs de banque ne sont, au fond, que de petits criminels dans une société où tout le monde se rue sur le pognon. 
Le succès est tel que la BD sera adaptée au théâtre en 1989 avec musique du groupe flamenco rock Pata Negra, au cinéma pour deux films en 1992 (l'année des jeux Olympiques !) et 1993 et en série télévisée en 1994. 
Évidemment, malgré quelques acteurs flamboyants, toutes ces adaptations n'arrivent pas à la cheville de la BD.
Devenu, lui-même, une machine à générer du fric, Ivà n'avait plus qu'à disparaître dans un accident de circulation. 
Le générique de la série télévision où Maki était joué par Pepe Rubianes et la chanson par Cabecera.


Il ne reste plus qu'à vous souhaiter la lecture de l'intégrale qui est encore et toujours régulièrement rééditée. Après ça vous serez armés pour n'importe quelle situation dans une rue espagnole.
Et à s'arrêter sur un dernier hommage par le groupe punk et déconneur de Pampelune, Tijuana in Blue, sur son album de 1988, A bocajarro.

lundi 17 mai 2021

La légende des frères Quero

Paco, Pepe et Antonio en 1943
Puisque nous étions à Grenade la semaine dernière, prolongeons le séjour dans la perle d'Al Andaluz. 
Voici l'histoire d'une guérilla urbaine anti-franquiste qui possédait deux particularités : ses membres étaient anarchistes et elle était menée par trois, puis quatre frères.
Les frères Quero Robles étaient toujours tirés à quatre épingles, ils passaient dans le centre de la capitale andalouse en saluant leurs connaissances sans se dissimuler et poussaient leur bonne éducation à laisser de généreux pourboires dans les bars et restaurants accompagnés d'une note précisant "Ici se sont restaurés les frères Quero" ! Ces Robins des rues connaissaient comme leurs poches les quartiers populaires de l'Albaicín et du Sacromonte.
 
De 1940 à 1947, on leur attribue l'exécution de nombreux phalangistes, policiers, gardes civils, collaborateurs du régime et délateurs, d'un colonel, d'un général ainsi qu'un nombre conséquent de braquages grâce auxquels ils ont alimenté tant leurs activités que les caisses de la CNT clandestine. 
Malgré quatre jours de combats dans l'Albaicín, Grenade était très vite tombée aux mains des fascistes le 23 juillet 1936. 
Fils d'un boucher du quartier, les frères Antonio et José parviennent à gagner la zone républicaine. Engagés dans la 78ème brigade mixte, ils combattent au sein des Fils de la nuit, guérilleros spécialisés en infiltration du territoire franquiste pour sabotages, évasions ou espionnage. 
À la fin de la guerre, Antonio et José sont internés à la prison de la Campana d'où ils s'évadent pour éviter les nombreuses exécutions sommaires menées par les phalangistes et mieux connues sous le charmant euphémisme de paseos (promenades). Ils rejoignent, dans la sierra, le maquis de l'anarchiste Juan Francisco Medina "Yatero". Reprochant à celui-ci un manque d'activité offensive, ils regagnent la ville pour monter leur propre groupe avec l'aide d'un autre frère, Francisco, et de quelques libertaires, dont Loquillo et Mecanico. Plusieurs membres de leur famille avaient été assassinés par les vainqueurs et, soumis à de nombreux tabassages, le benjamin, Pedro, qui était un de leurs agents de liaison, les rejoint dans la clandestinité en 1944.
Évidemment, tout ce que la région compte de flics et militaires est à leur trousse mais, couverts par les quartiers pauvres, ils échappent à tous les pièges, même si, encerclés dans une grotte du Sacromonte le jour de noël 1943, ils doivent s'échapper en fonçant dans le tas ou si en janvier 1945, la police doit dynamiter plusieurs maisons de la rue de la Cuesta pour abattre six membres du groupe. 
En juillet de la même année, Pedro, à nouveau cerné dans une grotte se suicide non sans avoir descendu deux flics. En novembre 1944, José avait été flingué dans le dos lors d'un braquage. Loquillo est abattu en janvier 1946 et Francisco en mars 1947, dans une maison assiégée de l'Albaicín. Le 22 mai 1947, Antonio est tué dans une planque du Camino de Ronda suite à une dénonciation. Les deux traîtres ont été ensuite exécutés par les ultimes survivants d'une bande désormais éteinte.
Depuis, les frères Quero sont devenus une légende et l'orgueil de la cité.Une bibliothèque porte même leur nom. 
Et c'est là que nous retrouvons les Lagartija Nick, dont il a été question précédemment. Voici un single tiré de leur album de 2017, Crimen, Sabotaje y Creación, tout simplement nommé La leyenda de los hermanos Quero.
Pour boucler la boucle, précisons que l'idée de faire cette chanson provient du défunt Morente, grand admirateur de ces indomptables. Viva el arte !

dimanche 4 avril 2021

Trompettes de la renommée : Dick Turpin

 

Le film de 1933

La notoriété joue parfois de drôles de tours.
Ainsi, Richard "Dick" Turpin (né en 1705, pendu en 1739) est-il un des bandits de grands chemins parmi les plus légendaires des îles britanniques alors que sa carrière de criminel fut, somme toute, assez médiocre. Fils de boucher, il devint braconnier de cerfs dans l'Essex (crime puni de pendaison dans l'Angleterre du XVIIIème) puis voleur de chevaux et détrousseur de diligences et d'autres voyageurs. 
 
Suite à l'arrestation de plusieurs membres de son gang en 1735, il fait profil bas pendant deux ans avant de réapparaître à la tête d'une nouvelle bande. 
Ayant tué Thomas Morris qui avait tenté de l'arrêter, il s'en alla vivre à York sous l'identité de John Palmer, nom sous lequel il fut emprisonné comme voleur de chevaux.    
Une simple lettre de prison envoyé à son beau-frère dévoilera le vrai patronyme du prisonnier. Le délateur qui avait mis la main sur la correspondance aurait été l'homme qui avait appris à écrire à Turpin. Ce cafard a touché la coquette somme de 200 £ du duc de Newcastle pour avoir permis de reconnaître le meurtrier de Morris.
Turpin fut jugé à York, non pour assassinat mais pour le vol de deux chevaux et fut pendu le 7 avril 1739.
Non sans avoir mis en scène son exécution : habillé de neuf, il paya cinq pleureuses pour suivre sa charrette funeste et salua aimablement le public sur le chemin de la potence. 
Grâce à cette fin si élégante, le bandit devint le héros de ballades, de pièces de théâtres, dont celle de Richard Bayes, écrite dès 1739, et d'un roman de William Harrison Ainsworth paru un siècle après sa mort. Et ça a continué avec plusieurs films, une série télévisée (Dick le rebelle) et un grand nombre de bande dessinées.
La complainte la plus populaire fut sans conteste Turpin hero, aussi nommée Turpin's valour, ici chantée Ewan Mc Coll (vous savez, le type qui avait écrit Dirty old town).



suivi d'ne fantaisie tirée d'un programme pour enfants de la BBC, Horrible Histories, aimable parodie de la vie et l’œuvre du légendaire Highwayman.

 



mardi 2 février 2021

Pour García Lorca (et Marie)

(José Guadalupe Posada)

On a toujours professé le plus grand respect pour les traducteurs et traductrices qui se sont risqués à s'attaquer à l'immense Federico García Lorca. On en a fréquenté une, figure libertaire et féministe bien connue du Toulouse des années 1960 à 1990. Marie L., atteinte d'une poliomyélite, abritait un merveilleux cerveau dans un corps torturé. C'était du temps ou même les plus incorrigibles pacifistes n'hésitaient pas à donner des coups de main à des camarades plus agités ou énervés non sans le regard mélancolique de rigueur. 
Mais revenons à ce cher Federico, touche-à-tout de génie foudroyé par des ordures un 19 août de l'année 1936.
Prenons, une chanson en apparence toute simple : la Canción del jinete, enregistrée par Paco Ibañez  la première fois en 1965.
 
Les deux premiers couplets sont 

En la luna negra de los bandoleros,

cantan las espuelas.
En la luna negra de los bandoleros,
cantan las espuelas. 
Ay, caballito negro, 
¿Dónde llevas tu jinete muerto? 
¿Dónde llevas tu jinete muerto? 

Las duras espuelas del bandido inmóvil

que perdió las riendas.
Las duras espuelas del bandido inmóvil
que perdió las riendas.
Ay, caballito frío,
¡Qué perfume de flor de cuchillo!
¡Qué perfume de flor de cuchillo!
 
Ce qui pourrait donner
Sous la lune noire des brigands
chantent les éperons (x2)
Ô petit cheval noir
où mènes-tu ton cavalier mort ?
 
Les solides éperons du bandit immobile
qui a lâché les rènes (x2)
Ô petit cheval noir
quel parfum de fleur de couteau !
 
On vous laisse imaginer le nombre d'autres formulations jouables. 
Et on s'écoute une autre merveille du maestro, le Romance de la Guardia Civil española, en référence au Corps  vert qui terrorisa son Andalousie durant des décennies. 
Elle est interprétée ici par Vicente Pradal.
 
 
Il semblerait qu'on manque un peu de ciel bleu et de murs à la chaux blanche, ces temps-ci. Et d'un fino en terrasse.
n la luna negra de los bandoleros,
cantan las espuelas.
En la luna negra de los bandoleros,
cantan las espuelas.
Ay, caballito negro,
¿Dónde llevas tu jinete muerto?
¿Dónde llevas tu jinete muerto?
 
Las duras espuelas del bandido inmóvil
que perdió las riendas.
Las duras espuelas del bandido inmóvil
que perdió las riendas.
Ay, caballito frío,
¡Qué perfume de flor de cuchillo!
¡Qué perfume de flor de cuchillo!
https://lyricstranslate.com
En la luna negra de los bandoleros,
cantan las espuelas.
En la luna negra de los bandoleros,
cantan las espuelas.
Ay, caballito negro,
¿Dónde llevas tu jinete muerto?
¿Dónde llevas tu jinete muerto?
 
Las duras espuelas del bandido inmóvil
que perdió las riendas.
Las duras espuelas del bandido inmóvil
que perdió las riendas.
Ay, caballito frío,
¡Qué perfume de flor de cuchillo!
¡Qué perfume de flor de cuchillo!
https://lyricstranslate.com
En la luna negra de los bandoleros,
cantan las espuelas.
En la luna negra de los bandoleros,
cantan las espuelas.
Ay, caballito negro,
¿Dónde llevas tu jinete muerto?
¿Dónde llevas tu jinete muerto?
 
Las duras espuelas del bandido inmóvil
que perdió las riendas.
Las duras espuelas del bandido inmóvil
que perdió las riendas.
Ay, caballito frío,
¡Qué perfume de flor de cuchillo!
¡Qué perfume de flor de cuchillo!
https://lyricstranslate.com

mercredi 6 janvier 2021

On a chanté la Veuve

Le 9 octobre 1981, Robert "les Gros sourcils" priva notre beau pays de l'outil qui, comme la Tour Eiffel ou le camembert, lui assurait une notoriété mondiale. Rassurez-vous, les socialos mettront vite en fonction des Quartiers d'isolement, des peines incompressibles et tout un attirail destiné à faire miroiter une mort lente aux voyous et autres malfaisants. Pour mémoire, le regretté Giscard d'Estaing doté "d'une aversion profonde à la peine de mort" avait fait raccourcir trois personnes et au moins quatre autres attendaient la visite matinale du coiffeur au 10 mai 1981. 
Auparavant, l'immonde joujou des Deibler (bourreaux de père en fils de 1853 à 1939) avait excité les imaginaires, surtout lors d'une "Belle époque" où il s'agissait de vivre vite et de laisser un beau cadavre. 
Anatole Deibler (400 exécutions au compteur) et deux apaches de la bande de Béthune dont il se chargea.
 
Rappel historique : dans un souci d'humanisme, d'égalité, de sérénité et d'abolition des privilèges (seule la noblesse avait alors droit à la décapitation) l'Assemblée nationale adopta la guillotine le 6 octobre 1791. 
Contrairement à la légende, cette loi n'est pas l’œuvre de Joseph Ignace "appelez-moi docteur" Guillotin mais des députés Lepeltier et Saint Fargeau. Le bon docteur s'était contenté de suggérer pour accompagner les exécutions équitables un instrument déjà populaire dans les pays germaniques depuis le XVIème siècle, visant "à supprimer des souffrances inutiles".
Son engin fut rebaptisé du nom de son promoteur qui sera assez vite écœuré par l'utilisation industrielle qu'on lui trouvera. Contrairement à la légende, Guillotin mourut dans son lit à 75 ans.
Mais l'enthousiasme des patriotes se traduisait déjà en chansons, dont une qui dut ensuite inspirer le Père Léon, La guillotine permanente, tube de 1793, ici repris par Catherine Ribeiro dans un disque commémorant le bicentenaire de la Révolution.

L'image d'Épinal veut que la béquillarde ait tourné à plein rendement lors de la Terreur robespierriste. Certes, Samson (ça ne s'invente pas) exécuteur des basses œuvres n'a pas chômé, pas plus que les pauvres rémouleurs chargés d'aiguiser la bête. Mais, contrairement à bien d'autres symboles, la Restauration ne se débarrassa pas d'un engin si ingénieux et durant tout le XIXème, la bascule à Charlot ravagera le pays. A l'instar du bagne, on y passait pour un oui ou pour un non, en témoigne le fameux Derniers jours d'un condamné que Victor Hugo a mis trois années à oser signer de son vrai nom. C'était l'époque des complaintes criminelles.
Pour les grandes occasions, l'État préférait tout de même les canons chargés à la mitraille et la troupe qui chargeait pour calmer les ardeurs du populo.
Au tournant du siècle, vint la mode du voyou faubourien, mi-romantique, mi-épouvantail à bourgeois, qui trouva son accomplissement avec la figure de l'Apache* de la soi-disant Belle époque. Malgré l'opposition déclarée à la peine de mort du débonnaire président Armand Fallières, les exécutions en public restèrent encore le spectacle gratuit devant lequel on s'indignait, voire on se bastonnait avec les sergots (comme celle de Liabeuf en 1910) lorsqu'on ne se réjouissait pas du balcon en sablant le champagne.
C'était l'âge d'or des cabarets et des chants d'apaches. Devant un tel déferlement, on vous en pose deux, l'inévitable décrivant les derniers instants d'un voyou, écrite par Bruant, À la Roquette, ici par Bromure, des skins parisiens (2017).


 On ne saurait oublier l'impeccable Jacques Marchais dans son anthologie On a chanté les voyous un de nos disques de chevet, qui chanta une chanson de Desforges et Gueteville, créée par Reschal au cabaret l'Horloge, les confidences ironiques d'un futur guillotiné : Monte à regret
Ce qui n'est par ailleurs qu'un autre nom de la Veuve ou la rue de Limoges qui va de la taule à la place fatale.
Mais les beaux jours s'enfuient et le spectacle des exécutions au petit jour devient pénible à un public avide de happy ends avec l'arrivée du cinématographe.
 
Ainsi, vu le flou, le photographe qui prit le document ci-dessus devait être quelque peu ému ou frigorifié à l'occasion de l'ultime exécution publique, celle d'Eugène Weidmann, à l'aube du 17 juin 1939.
Désormais, on planquera les assassinats légaux derrière de hauts murs et la peine de mort se trimballera une réputation de plus en plus honteuse même si elle eut et a encore de chauds partisans. De 1968 à 1978, elle sera encore prononcée trois à quatre fois par an aux assiettes.
Mais on trouvait alors peu d'amateurs pour la braver ouvertement. et quelques indécrottables réacs pour la célébrer. Les années 1970 sont plutôt au chagrin et à la pitié.
On terminera donc ce tour d'horizon incomplet par un sympathique chanteur de variétoche, Julien Clerc, qui met en musique une chanson de Jean-Loup Dabadie en 1980, L'assassin assassiné.
 

 

* À creuser aux rubriques "Cabaret" ou "Bandits bien aimés" sur ce même blogue.

lundi 30 novembre 2020

Odes à l'immortel gang Kelly

Le gang Kelly a dédicacé une carte postale 

 
Parmi les bandits d'honneur haïs par les puissants et chéris par le peuple, un de ceux qui a eu la plus belle postérité est l'Australien Edward Kelly, dit Ned Kelly, descendant d'Irlandais déportés sur l'île, né en 1854 à Beveridge (Victoria) et exécuté en 1880 à Melbourne. 
Né au sein d'une fratrie de huit, Ned est un bon élève qui, à 10 ans, sauve un autre gamin de la noyade, action pour laquelle il recevra l'unique récompense de son existence : une ceinture qu'il portera jusqu'à sa mort. Son père, Red, ayant été condamné aux travaux forcés pour avoir été soupçonné d'un vol de veau, Ned abandonne l'école à 11 ans pour nourrir la famille.
Terre à coloniser par des bagnards, l'Australie est alors peuplée de fermiers crevant de faim, souvent Irlandais ou Écossais (que les autorités britanniques aiment à déporter) qu'on force à renier leur religion catholique et qui doivent survivre sous le joug d'une poignée de propriétaires protégés par une puissante police.  
Évidemment, ce contexte est propice à la prolifération de bandits ruraux vengeurs, les bushrangers, comme le gang de Jack Donahue, dit des strip-teaseuses, qui n'aimaient rien tant que laisser les riches à poil.  
À 16 ans, le jeune Ned écope de trois ans fermes pour recel d'une jument "empruntée" par un de ses amis. Ses petits frères Jim et Dan connaissent alors de semblables déboires. 
Mais ce qui scellera sa destinée fut une perquisition menée par le policier Alexander Fitzpatrick en 1878, qui au passage avait tenté d'abuser d'une jeune sœur et avait été remis à sa place par leur mère, Ellen, à coups de pelle. Ellen est emprisonnée avec son dernier bébé, quant au père, Red, sa santé précaire n'a pas résisté à son dernier séjour en taule. 
Poursuivis par des flics sanguinaires, le noyau du futur gang Kelly, Dan et Ned, rejoints par leurs amis Joe Byrne et Steve Hart, descendent les quatre policiers et entament leur carrière de hors-la-loi. 
 

Et c'est parti pour deux années de hold-up et de redistribution aux populations locales, les caissiers de certaines agences bancaires n'hésitant pas à trinquer avec des braqueurs qui se sapent pour l'occasion et réservent leurs tirs aux miliciens et autres flics au service des propriétaires. La bande de Ned se spécialise dans l'autodafé des prêts hypothécaires récoltés dans ces mêmes agences, à la grande joie des fermiers. 
À Jerilderie, après avoir emprisonné les policiers et pris une trentaine d'habitants en otage plus ou moins volontaires, Ned veut faire imprimer une proclamation de son cru destinée à protester contre les injustices du gouvernement et appelant à la révolte. Trahi par l'imprimeur local, il remet son manifeste à un otage sympathisant en le chargeant de la diffuser. 
Tous les parents et amis de la bande sont alors sous les verrous à titre préventif. 
Et comme dans toute bonne légende rurale, vint l'apothéose et la chute. Le 27 juin 1879, le gang occupe la ville de Glenrowan et se retranche dans l'hôtel en embarquant 70 personnes avec qui ils feront la fête dans la nuit. Ils savent qu'une armée de miliciens arrivent par le chemin de fer et ont préalablement saboté la voie ferrée afin que la troupe déraille en beauté.
Mais ils sont trahis par un instituteur qui affirme être de leur côté et qu'ils laissent naïvement rentrer chez lui. Le cafard va au devant du train pour éviter la catastrophe et les flics cernent la ville. 

Tels des chevaliers errants, nos quatre gaillards font alors face aux forces de l'ordre affublés d'armures artisanales pesant plus de 40 kilos et censées les rendre invulnérables.
Mauvaise pioche : empêtrés dans leur ferraille, Joe Byrne est touché à l'artère fémorale, Dan Kelly et Steve Hart, cernés, se tirent une balle dans la tête et Ned, blessé aux jambes set embarqué. Il restera une sacrée image de leur dernier combat. 
Malgré une pétition de 32 000 signatures réclamant sa grâce, Ned est pendu le 11 novembre 1880, non sans avoir lâché "Ainsi va la vie" en guise de derniers mots. 
Il devient ainsi le Robin des bois australien, défenseur des pauvres et à jamais chevauchant dans le bush. Impossible de compter le nombre de balades qui lui est consacré, en plus de celle de l'inévitable Johnny Cash, qu'on a passé dans l'émission de février 2019. De 1906 à 2019, il est aussi le héros de cinq films dont celui de Tony Richardson (1970) avec Mick Jagger dans le rôle principal. 
Quelques unes de ces rengaines pour la joie et la mémoire. 
La Ballad of the Kelly Gang, recycle la vieille chanson des rebelles irlandais At the rising of the moon.


 Le chanteur australien Lionel Long a consacré un disque aux bushrangers dont le plus célèbre d'entre eux.
 

 

Et le texan Waylon Jennings (1937-2002) y alla lui aussi de sa ritournelle

  

Cet article doit beaucoup au chouette chapitre Grandeur et chute des chevaliers du Bush, d'Émilien Bernard (Bandits & Brigands, l'Échappée 2020)

mardi 25 août 2020

Du rêve, des combats et de la misère sur les océans


Pochette d'après Marooned de Howard Pyle
Ce ne sont pas deux mois d'enfermement et un été ponctué de sauts de puces qui vont nous faire passer l'affection, bêtement romantique, qu'on porte aux gens de mer. On en fit même un thème d'émission du temps où nous nous préoccupions surtout de chansons en français.
Le dernier confinement et quelques kilomètres parcourus en zizique et en suivant nous ont donné l'envie d'exhumer les très recommandables disques conçus par le producteur américain Hal Willner : Rogue's Gallery, Pirates ballads, sea songs ans chanteys.
Un mot du bonhomme qui décéda du (ou de la ?) Covid-19 au mois d'avril dernier à son domicile new-yorkais. Né en 1956, de parents rescapés de justesse du grand massacre de la décennie précédente, Willner eut, à son catalogue de producteur de disques, des gens comme Lou Reed, Marianne Faithfull, Laurie Anderson, les Neville Brothers mais aussi William S. Burrough ou Allen Ginsberg. En 2006, il décida de ressusciter les chants de marins, pêcheurs, soldats et autres forbans des mers dans un premier double album : le Rogue's gallery (qui à l'origine désigne une collection de pièces à conviction judiciaire).
Là où l'affaire est surprenante c'est que le gars fit appel à un parterre improbable d'interprètes de folk, de country et de rock mélangeant artistes très connus dans leur spécialité et parfois tout à fait inattendus (Nick Cave, Bob Neuwirth, Lou Reed, Bryan Ferry, Marianne Faithfull, Sting (si !) Richard Thompson, Martin Carthy, etc.) avec d'autres beaucoup plus confidentiels.
Et l'ensemble, un double album de 43 titres marche plutôt bien vu que la majorité des interprètes semblent s'être pris au jeu et donc, s'être mis au service de leur chanson plutôt que le contraire.
Ça a tellement bien carburé qu'il y eut une suite en 2013, logiquement intitulée Son of Rogue's gallery dans laquelle il fit appel à d'autres pointures comme Tom Waits, Iggy Pop, Shane Mc Gowan, Todd Rundgren, Robyn Hitchcock, Dr John, etc.
Mais c'est une autre histoire, petit aperçu du premier volume :
Richard Thompson dans Mingulay boat song, complainte de pêcheurs des années 1930 tirée d'un vieil air gaélique, Òran na Comhachaig.


Nick Cave, très en jambe pour ce Fire down below, chant de cabestan où on bossait en insultant ses propres officiers, pratique tolérée dans toutes les marines, même militaires. 



Et les très insolites Jack Shit, trio californien formé de Beau, Pete et Shorty Shit reprenant un classique de la Royal Navy, Boney was a warrior, hommage moqueur et dérisoire à Napoléon Bonaparte, surnommé Boney the Bogeyman, fils de Lucifer et bouffeur de gamins.



lundi 27 juillet 2020

Vie et mort de Bobby Fuller, loser réputé



Il y a beaucoup de Buddy Holly chez le rocker texan Bobby Fuller. À telle enseigne que son titre phare, celui qui restera à jamais, I fought the law, fut écrit par Sonny Curtis, des Crickets, groupe du génial binoclard. LA chanson avec laquelle Bobby est entré dans l'histoire est donc une reprise.
Basé à El Paso, alors bled frontalier de taille moyenne, Robert Gaston Fuller (1942-1966) embauche son frère Randy comme bassiste dans un quatuor qu'on ne nomme pas encore Garage band suite à l'onde de choc créée par Elvis Presley et suit les traces style de son paisano Buddy Holly.
Après s'être nommé Bobby Fuller & The Fanatics, le gars rebaptisera son groupe Bobby Fuller Four. On y a vu défiler pas mal de personnel mais la rythmique la plus stable fut tenue par Jim Reese (guitare) et Dalton Powell.
Boudés par les labels locaux, les petit gars sortent un 45 tour à succès limité :   It’s Love, come what may. Ils sont signés chez Del-Fi, puis Mustang Records, de Los Angeles.



En 1964, ils empruntent donc un autre titre au groupe de feu Buddy Holly, disparu en février 1959 dans un crash aérien, I Fought The Law, génial résumé de la cavale d'un braqueur ayant dû abandonner sa chérie pour finalement se faire  capturer par la loi qui l'envoie casser des cailloux en plein cagnard.
Loin de faire un tube instantané, ce titre va néanmoins devenir petit à petit un refrain de mauvais garçons jusqu'à accéder au top 10 en 1966.


C'est aussi l'année où on retrouve, le 18 juillet, Bobby Fuller tabassé à mort et asphyxié à l'essence dans sa voiture sur le parking de sa résidence californienne. Une légende tenace veut qu'il aurait fricoté avec la copine d'un chef de gang de bikers. Une autre, avec la bonne amie d'un mafieux du cru. On est même aller jusqu'à soupçonner un Charles Manson qui avait pourtant un alibi de taille : il effectuait un séjour en taule.
Toujours est-il qu'avec son habituel sens de la poésie surréaliste, la police locale conclue à un suicide. Même si le gars n'a pas eu une grande carrière, on peut affirmer qu'avec sa sortie il a fait preuve d'un certain savoir-mourir.
Le petit frère, Randy tenta bien de maintenir le groupe mais il était loin d'avoir une voix convenable et n'eut qu'une existence éphémère.
Tout ce petit monde tomba donc dans l'oubli.
Jusqu'à ce qu'en 1978, les Clash Mick Jones et Joe Strummer, de passage à San Francisco pour les overdubs de leur second album, tombent sur le 45 tour chez un collectionneur de juke-box. Scotchés par la puissance évocatrice du titre, les londoniens en route vers la gloire, incluent une énergique version à leur EP The cost of living (mai 1979). Et le transforment immédiatement en classique pour toute une génération de punks et de rockers.
Ici en concert dans le film de Rude Boy de Jack Hazan.


Depuis, la complainte du hors-la-loi malheureux a été reprise par Hank Williams (Junior), les Dead Kennedys, Green Day, la Mano Negra, Schultz, Bruce Springsteen et une infinité d'autres, y compris les forces d'invasion yankees au Panama en 1989 (encore un truc que le père Strummer a dû adorer).
Pas si mal pour un petit gars méconnu qui avait la poisse. 

mercredi 6 mai 2020

Tranche de vie (Ibérique)


Le pire est que le système consistant à arracher des aveux de culpabilité aux innocents n'était pas seulement utilisé avec les prisonniers politiques mais aussi et, je le crains, de façon plus généralisée, avec les délinquants de droit commun.
Mais eux, personne ne prend leur défense, les héros sont les activistes politiques, les ouvriers et les étudiants, personne ne parle de la pauvre andouille qu'on arrête, à qui on essaie de coller le délit d'un autre et qu'on massacre de la même façon. Personne ne demande la libération des voleurs qui ont souffert plus que tout autre du système policier, judiciaire et pénitentiaire franquiste, ils en ont certainement souffert plus, parce que le traitement qu'ils subissaient ne faisait pas scandale comme celui des prisonniers politiques, ils ne soulevaient aucune protestation internationale, ne provoquaient ni grèves ni manifestations, ils n'avaient pas d'avocats prestigieux en mesure d'arracher pour eux un minimum de garanties dans le déroulement d'un procès.
Quelqu'un devrait écrire l'histoire de la petite délinquance sous le franquisme car de nombreux escrocs minables mériteraient une plaque commémorative ou au moins une tombe décente, étant donné ce qu'ils ont souffert. Un jour on videra les barrages et remonteront à la surface les voleurs de poules qui sont entrés un soir dans un commissariat ou une caserne et n'en sont pas sortis vivants, ceux que personne n'a réclamé.
Isaac Rosa La mémoire vaine


samedi 18 janvier 2020

Collectif Mary Read


Le collectif Mary Read (du nom de la célèbre pirate) s'est formé il y a un peu plus d'une quinzaine d'années à St Étienne.
Monté par deux MC, Calavera et Trauma qui avaient sorti des démos dès 2001, ce duo est devenu collectif en étant rejoint par Nergal et Mina en 2002 et 2006.
Issus tout autant du rock que du hip-hop, ils sont partis écumer les petites scènes en restant proche de la mouvance punk / DIY*
Ils avaient pour habitude, lors de leurs concert à l'étranger (Pologne, Espagne, Allemagne) de traduire leurs paroles et de les distribuer imprimées.
Aux dernières nouvelles Mina serait retournée au chagrin et Calavera à son bistrot.
N'hésitez pas à reprendre la route, camaros...
Une chanson en hommage aux gueux des mers.



* Do It Yourself : autoproduit, quoi.

lundi 23 décembre 2019

Vidalie : on a chanté les affreux

Vidalie par Doisneau (1960)
C’est pour moi l’auteur le plus important que j’ai eu la joie d’interpréter  
(Serge Reggiani)

En ces jours de bons sentiments, retrouvons un prolifique auteur que fut Albert Vidalie (1913-1971). Pour mémoire, ce dilettante grand connaisseur d'argot et pilier de bistrot émérite, écrivit une dizaine de romans, une demi-douzaine de pièces et une douzaine de scénarios pour le cinéma ou la télévision, on l'a déjà abordé.
Auteur de chansons, il fut surtout reconnu pour Les loups sont entrés dans Paris  (1967) qui, outre devenir LE succès de Reggiani, connut une grosse popularité en mai 68. 
Amoureux des marginaux et des faits-divers croustillants, il reprit à son compte la tradition des complaintes criminelles (allez donc écouter son chef d’œuvre qu'est La complainte du Bon Pasteur) en y brossant une galerie humaine digne des grands romans du XIXème. 
S'appropriant le tragique du soldat déchu des refrains post-napoléoniens, il n'hésita pas à mettre en scène un mercenaire dans Les Affreux  (musique de son complice Louis Bessières) ici par Reggiani en 1968 à Bobino


Plus immonde personnage, il donna à  Germaine Montero La complainte de Sir Jack l'éventreur (1958) ici accompagnée par l'ensemble de Philippe Gérard.


vendredi 8 novembre 2019

Gilles Bertin 1961-2019


Il aura gagné trois ans de vie publique. Et vingt huit ans de fuite en 1988, suite au très propre braquage de la Brink's de Toulouse.
La longue maladie dont parlent les journaux sans la nommer (comme si le sida était encore une infection  honteuse) aura fini par avoir la peau de Gilles Bertin. Il est mort hier à Barcelone.
Déclaré officiellement "disparu", puis administrativement décédé, privé de papiers d'identité, on n'a pu retenir un sourire en songeant à l’embrouillamini administratif qui va résulter de la disparition de ce sympathique emmerdeur.
Notre ex bassiste et chanteur de Camera Silens avait raconté sa propre version dans un livre plein d'humour et totalement dénué de frime Trente ans de cavale, Ma vie de punk (qui aurait dû s'appeler Pour la gloire mais, que voulez-vous, les éditeurs ont de ces idées de titres à la con...)


À tous les pisse-copies l'ayant qualifié de "repenti", nous nous bornerons à rappeler qu'en termes judiciaire un repenti est une balance et qu'il reste encore deux individus mêlés au bracos de la Brink's qui n'ont jamais été identifiés. Quoi qu'il en soit, tout ça est aujourd'hui prescrit.
Jurant qu'il n'y aurait au grand JAMAIS de reformation de Camera Silens, Bertin avait été approché par l'industrie cinématographique et ça le faisait bien rire.
On a donc une pensée affectueuse pour cet homme attachant et on s'envoie une chanson de circonstance et de rhythm 'n blues, sa passion musicale de ces derniers temps.

 

Concernant son livre, un intéressant entretien de Gilles Bertin avec Tatane et Caroline dans l'émission Dans le désordre insolite. C'était le 19 mars dernier.