Et puisque les minables qui nous gouvernent et ceux qui prétendent nous canaliser se sont mis d'eux même au pied du mur, rêvons un peu avec cette interrogation des Ruts : Who's gonna rule when the government 'll fall ?
Que puisse encore être un tant soit peu, si ce n’est reçue comme crédible, mais déjà écoutée la parole d’État, 34 ans après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl et les mensonges sur le nuage radioactif contournant les frontières, laisse rêveur... même si des générations trop jeunes n’ont pas connu ce précédent.
La crise sanitaire permute des positions idéologiques provoquant une situation à fronts renversés : telle frange libertaire soupçonnant (sans doute à bon titre) un darwinisme social qui avance masqué - tri hospitalier des malades entre ceux en état d’être prolongés et ceux abrégés -, a tendance à surestimer la contagiosité par souci de protéger les plus fragiles, se retrouve proche d’un État maximisant la peur pour tenir les populations.
Tel philosophe italien critique, à juste titre, la tendance lourde à pérenniser l’état d’exception et se retrouve voisin, dans la minimisation de l’épidémie, d’un Bolsonaro, chef d’État du Brésil, partisan d’un État fort, et qui la considère être juste « une grippette ».
Je suis amené à formuler l’hypothèse suivante : la gestion des populations devient la problématique centrale qui renouvelle le rôle de l’État et sa configuration (depuis une dizaine d’années, l’intitulé nouveau d’une des administrations centrales de l’État comporte le terme de « cohésion sociale ») surtout en moments de crise (et comme ils ne cessent de se succéder...). Dans une société de classes, le dilemme des possédants est cruel car il leur faut
bien vivre dans la même société que les pauvres qui peuvent ruer dans les brancards : a fortiori quand la société étant unifiée dans les flux de marchandises, toutes les populations ont perdu leur mode de subsistance autonome (liquidation de la paysannerie) et deviennent de facto dépendantes d’une survie administrée : on peut même considérer que le salariat en est une des modalités depuis que l’économie ne peut plus intégrer tout le monde.
Le coup du monde numérique, comme on pouvait dire auparavant « coup d’État
militaire », a au moins ce côté vertigineux de la science fiction en acte. La généralisation du plexiglas, quant à elle, a un côté bricolage provisoire fait pour durer.
Pendant
que dès l'ouverture, le Décathlon connaissait son Black friday
(rayon casques de vélos et skate et lunettes de ski et plongée) les
gardes mobiles (GM) occupaient le haut de la rue Rémusat depuis 9h.
À
10h, plusieurs équipes de la BAC patrouillaient à Jeanne d'Arc
(épicentre de l'émeute du 1 décembre) fouillaient déjà les sacs
et palpaient les "suspects". Rappelons que l'appel à J.
d'Arc était pour 13h.
À
13h : déception. La manif maigrelette est entièrement maquée par
la gôche traditionnelle et syndicale qui ne voit aucun inconvénient
à être cernée de flics et dont la protestation consiste à se
mettre à genoux mains sur la tête à l'image des mômes de
Mantes-la-Jolie. Abject. S'ils jouent à terroriser des gamins, il
est de la responsabilité des "adultes" de ne pas, de ne
plus, prendre une pose de victimes. Z'êtes définitivement largués,
bureaucrates.
Bref,
cette manif se dirige vers Arnaud Bernard où est censée se trouver
la manif "climat" mais où on a la bonne surprise de
retrouver deux mille Gilets Jaunes plus "plébéiens",
prols et plus équipés (et qui viennent parfois de loin (fin fond du
Quercy, toute le Hte Garonne, etc.) Coté symbolique des cordons de
GM tentent d'empêcher la jonction des deux groupes et se font
dégager "en douceur".
Moment
statique et hésitant.
Et
les "climatiques " et autres militants partent vers Compans / St
Cyprien entraînant une partie de la manif alors qu'une autre ne voit
pas pourquoi on irait se perdre là-bas et pas vers le centre-ville
(sa magie de Noël). Les GM commencent à pousser au bouclier le
millier du rond-point d'AB alors que la tête de la manif
"officielle" atteignant la station de métro
Compans-Cafarelli se fait... copieusement grenader par les flics
massé dans toutes les rues à droite (vers le centre, donc).
Comme
dès qu'il s'agit de rosser les cognes tout le monde se réconcilie,
la manif aura donc désormais deux rythmes : une avant-garde autiste
qui marche vers le pont des Catalans et St Cyp et une arrière-garde
qui combat les schmidts avec les moyens du bord sur un des seuls
boulevards où il n'y a pas un putain de chantier ! Grenades, reculs,
contre-attaques, grenades etc. et les premiers blessés. Ainsi
jusqu'à la place Héraklés.
C'est
sur le pont des Amidonniers que les contre-attaques reprennent de la
vigueur et vont enfin durer. Enfin de quoi bloquer les rues et
quelques incendies sous les tirs des GM postés au canal de Brienne.
La manif est alors complètement mixte écolos / GJ / lycéens¹
/ étudiants / ruraux / urbains...
Parenthèse
esthétique : quiconque a aimé Ran ou Kagemusha n'a pu
qu'être frappé par cette foule plus ou moins jaune affrontant les
hommes en noir sous les nuages et sur ce pont : on l'aurait cru filmé
par Akira Kurosawa mais en plus beau : c'était enfin vrai.
Infos
arrivant sur les (quelques) portables présents : pendant que ça
fritte aux Amidonniers, il y aurait des affrontements entre François
Verdier / Wilson et autour de Jeanne d'Arc.
À
partir de là (il est 16h30 environ) vont exister plusieurs fronts.
Un
bon millier de GJ / lycéens / divers vont occuper la place du
Capitole. Face à face tendu avec des GM venus du côté Donjon qui,
ayant ordre de ne pas grenader sur le marché de Noël et les
terrasses de luxe vont mener quelques charges mollassonnes face à des
gens qui ne reculent plus. Hélico au-dessus de la foule. Résultat,
malgré leur équipement, ils finissent par reculer jusqu'au métro
Capitole, laissant la place aux mains des insurgés dans une ambiance
tout à fait joyeuse.
Au
même moment, la grosse manif a passé le pont des Catalans et grâce
à la rénovation urbaine il y a enfin de quoi se mettre sous la dent.
L’îlot en chantier face aux Abattoirs est désossé et finit en
barricades et projectiles. Incendies.
Parenthèse
en hommage : les équipes de Street medics (secouristes) ont fait un
boulot formidable. Précisons pour avoir échangé avec eux que ce
sont tous des travailleurs de la santé (internes, pompiers,
infirmiers) , qu'ils refusent de soigner les keufs qui sont assez
bien pris en charge comme ça ("je veux bien lui pisser dessus
pour désinfecter" dixit un medic) et qu'ils avaient ouvert une
infirmerie dans un appartement pour que les blessés ne
se fassent pas ramasser. À 17h, ils en comptaient plus de 40 (tête,
mains, jambes). Chapeau à eux et elles !
La
nuit est tombée. Rive gauche, l'émeute, rejointe par les lascars
des cités, va osciller entre St Cyp / Patte d'Oie / Arènes pour
revenir rue de la République après 20h.
Rive
droite, des groupes épars bordélisent mais moins que le 1 décembre,
les magasins sont fermés, plus rien à foutre des courses de fin
d'année.
Chose
vue vers 19h : une vingtaine de GJ, tendance darons / daronnes
bloquent tranquilou une voie des allées Jean Jaurès. Six bagnoles
de flics déboulent, gazent, la BAC tabasse copieusement et les duls
repartent en laissant tout le monde à terre. Peut-être en
embarquant un mec, tout le monde, n'a pas vu la même chose selon où
il était. Ce passage à tabac n'était que frustration, rage et
sauvagerie impuissante. Combien d'autres saloperies ailleurs ?
Alors
question de base : si, ce 8 décembre, où brûlaient Bordeaux,
Toulouse, Marseille, St Étienne, Le Puy, etc toutes les forces de
l'ordre étaient mobilisées, il reste quoi ? Les paras ? La Légion
? Pourquoi ne pas faire appel à Blackwater ?
Saluts d'une ville qui redevient vivable.
ps
: Dans la nuit de vendredi, grosse émeute à Athènes. Les révoltés
se mettent au gilet jaune (ce qui est stupide, de nuit d'ailleurs, ça
fait une belle cible). En Serbie et en Irak, les manifestants contre
la vie chère enfilent des gilets. Comme disait ce réac d'Audiard (père)
"Depuis qu'en France, on a appris la liberté aux autres en
trucidant la moitié de l'Europe, on peut plus s'en empêcher". On plaisante, bien entendu.
ps
politique : Bien entendu qu'il y a là-dedans des fafs. L'ironie
serait qu'après avoir été les "crétins utiles du Capital",
ils deviennent les idiots utiles à la Sociale. Mais nous en sommes
loin. Quoique tout va si vite de nos jours. À commencer par la joie
qu'ont de parfaits inconnus à se parler ou s'entre-aider.
¹Lycéens qui sont partis en manif sauvage à Toulouse lundi,
mardi, mercredi, jeudi, vendredi...