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mardi 13 août 2019

Mistinguett : érotisme primitif



Avec sa collègue Arletty et bien avant le Môme Piaf, Mistinguett fut une de ces hirondelles du faubourg à devenir une immense vedette de la France de l'entre-deux guerres. Couronnée "Reine du Music-hall", Colette écrivit d'elle qu'elle était propriété nationale.
Née Jeanne Florentine Bourgeois en 1875, issue d'une famille plus que modeste comme ne l'indique pas son patronyme, Miss Hélyett puis Mistinguett débuta au Trianon en 1894.
Malgré un physique particulier, un talent limité de danseuse et chanteuse, elle profita de sa suite de revues, pièces de théâtre et même petits films d'un cinématographe débutant pour imposer sa gouaille coquine et une paire de gambettes qu'on disait les plus belles du monde.

Partenaire de Maurice Chevalier* dès 1911 aux Folies Bergère, elle connut la gloire après 1917 aux côtés de Harry Pilcer, Georges Guétary ou un petit jeunot qui promettait, Jean Gabin.

Si on se souvient surtout de Mon homme, Ça c'est Paris ou C'est vrai, on apprécie particulièrement son Il m'a vue nue, de 1926 (Pearly / Chagnon) dans lequel on mêle allégrement du littéraire un peu cuistre ( La lune soudain vint s'exhiber, /
J'allais lui dire : "Ta bouche, Phoebé !" / Quand j'entendis près d'moi / Un cri d'émoi)
à une raillerie toute populaire ( Il m'a vue nue / Toute nue / Sans cache-truc ni soutien-machins / J'en ai rougi jusqu'aux vaccins) avec une gaillardise parfaitement explicite : Et je pensais / Il va me rejoindre bientôt / Pourvu qu'il ne perce pas mon incognito.


 

Comme quelques autres, la Miss se fera plus discrète après l'Occupation. Elle est morte en 1956 à 81 ans.

* Côté gaillardise anecdotique, ces deux-là ont vécu une grande histoire d'amour durant une décennie. Mobilisé en 14, le Maurice avait offert une copie de son sexe à sa belle pour qu'elle patiente en attendant l'armistice.

vendredi 7 juillet 2017

Mistinguett, Arletty et le blues de la travailleuse

La Miss Gambettes

La valeur travail, tant magnifiée en notre ère stupide et barbare a été longtemps contestée, ridiculisée et raillée par la chanson populaire.

Parfaite illustration : cette rengaine dont les paroles sont d'Albert Willemetz et Georges Arnould sur une musique de Maurice Yvain dans laquelle une travailleuse se plaint non seulement de bosser pour des clopinettes mais d'une condition, assez fréquente, de femme délaissée ou cognée. Ou les deux, d'ailleurs.

Créée par Mistinguett (Jeanne Florentine Bourgeois 1875-1956) en 1922, cette chanson fut bientôt fredonnée par la France entière y compris par des hommes ou des socialos.
Si, si, on peut en témoigner.



Elle fut reprise par Arletty (Léonie Marie Bathiat 1898-1992) qui après avoir cherché un emploi, brille ici dans une version plus "charleston".

 

Et une belle gueule d'atmosphère

dimanche 3 novembre 2013

Java ?


Le Bal des Quatre-saisons, rue de Lappe, vers 1932, par Brassaï.

    "Qu'est-ce que la java, cette quintessence du populo de Paris ? Dans Du bouge... au Conservatoire, Louis Péguri se moque des alphonses, de ces messieurs les souteneurs qui, après quelques tours de valse, le naturel reprenant le dessus, se refusaient à tout effort supplémentaire au grand dam de ces dames... Le patron du Rat mort à Pigalle, que Péguri ne cite pas, avait remarqué que la clientèle féminine prisait fort la mazurka Rosina *, que les habitués valsaient à petits pas entrecoupés. Aussi, dès que les ardeurs faiblissaient, le taulier réclamait Rosina à l'orchestre et, accent de là-bas à l'appui, demandait : "Alors cha va ? cha va?" Et, un beau matin, Paris apprit qu'une nouvelle danse était née, "une danse qui tenait de la valse mais avec un pas plus crapuleux, plus canaille.- Cha va! Cha va !.. Ainsi naquit d'une déformation du parler auvergnat le fameux pas de java". Une fois encore on se rend compte du goût prononcé de Louis Péguri pour le mythe.
   L'origine du  mot java est-elle réductible à cette historiette ? Au hasard d'une chanson écrite plus tard pour Fréhel, Soi-même java, Francis Carco semble apporter de l'eau au moulin de Péguri :

 "Quand l' gros Gégèn'
Soi-même
S'amène au bal musette
A petits pas il danse la java
Et tout's les poul's
Comm' saoul's
Lui riboul'nt des mirettes
Mais question de plat il leur répond
Ça va ! va ! va ! va!"



Bref ! A défaut d'autre explication, tous s'en contentent. Dans Images secrètes de Paris, en 1928, Pierre Mac Orlan consacre un beau chapitre à la java. Sur l'origine du mot, lui aussi n'avance qu'une hypothèse : "Cette danse fut consacrée par ceux que l'on appelait encore, il n'y a pas si longtemps, les apaches. Elle doit être un hommage à cet argot puéril que l'on nomme le javanais et qui n'est plus parlé que par des crétins incurables [sic!]." On le comprend, personne n'est en mesure de dire pourquoi la java s'appelle java. Il y a quelques années à Chamonix, un musicien d'origine rom avait une clé : dans une langue rom, dchjava est l'impératif d'un verbe signifiant aller. Donc "java" serait la transposition de dchjava, à savoir "vas-y". Pourquoi pas, d'autant que, dans Ils ont dansé le Rififi-Mémoires, Auguste Le Breton l'affirme : jadis, avec les Espagnols, les gitans étaient "les plus fins gambilleurs de la capitale."
    Sur cette danse, Péguri ajoute pourtant, sans rien apporter de précis : "Quant à sa dénomination elle peut être aussi une conséquence du retour à Paris de certains trafiquants de la route de Buenos-Ayres (sic), ayant ramené le pas glissé du tango Milonga qui a un certain rapport avec la marche glissée du pas de la java primitive, en réalité une valse au ralenti et à mouvement décomposé. Par évolution, la vraie java est devenue une valse musette et la vieille mazurka des faubourgs comme Rosina est restée cette vraie java dont Maurice Yvain a écrit musicalement le prototype avec Une petite belotte (sic) [...]Le succès de ce pas nouveau est extraordinaire. On danse la java même dans le grand monde." Incorrigible Louis Péguri et ses idées de grandeur !... Cela étant, Philippe Krumm me le confirme, la java est bien une mazurka massacrée. Après la guerre, Carco voyait en elle une "mazurka faite d'emprunts à toutes les danses" et la comparait à la belote qui, à l'image de la java sa contemporaine, "se complique de manille, de poker et d'inventions déterminées". La petite belote** d'Yvain, belote et java associées, est une photographie parfaite d'un certain Paris des années vingt. Mais attention, André Warnod l'a attesté au Bal des Gravilliers, la java date d'avant 1914 !

Claude Dubois, La Bastoche, Une histoire du Paris populaire et criminel.





  
   Concernant Claude Dubois, on pourra écouter ci dessous sa Nuit rêvée où l'on trouvera notamment une séquence sur le Balajo avec Francis Lemarque et Jo Privat en invités. Un grand merci à George qui nous a retrouvé cette archive.



  Concernant Philippe Krumm, spécialiste de l'histoire de l'accordéon, cité dans le texte de Dubois, nous vous conseillons vivement d'aller consulter son papier très fouillé (et richement illustré) sur les bals musettes et la rue de Lappe. C'est ici .




* Pour ce faire une idée de cette mazurka, un extrait par un groupe italien


** Le morceau en question, par Mistinguett