mercredi 30 décembre 2020

Le MC5 par Wayne Kramer

 


James Dean restera toujours un beau jeune gars et Marilyn Monroe sera toujours une blonde voluptueuse. Nous ne verrons jamais un James Dean avec un début de calvitie, un gros bide et la peau du ventre qui tombe et nous ne verrons jamais Marilyn Monroe ressembler à... Liz Taylor (rires). Ils sont figés dans le temps et le MC5 l'est tout autant. 
 
 
Ces cinq cinglés arrogants de Detroit avec leur conception radicale du monde, leurs opinions politiques et leurs guitares saturées... ces mecs qui faisaient du free jazz avec des instruments électriques. Chaque nouvelle génération, quand elle commencera à s'intéresser aux origines de sa musique, nous redécouvrira et c'est quelque chose qui me remplit d'aise. Nous avons travaillé très dur à cette époque et on a pris des coups, alors je suis content que des gens puissent encore prendre ça en considération. (...)
C'est quelque chose qui me rend très humble.
Entretien publié dans Chéri-Bibi N°11
 
 
Le gars en 1972 (Ramblin' rose)

Et de nos jours (Revolution in Apt 29)



vendredi 25 décembre 2020

Cadeau de noël : Chucky chez les Belges

 

La même année à l'Olympia

Dans le cadre de la tournée européenne de 1965, 27 minutes de Chuck "Crazy legs" Berry à la RTBF le 2 juin devant une assistance qu'on dirait toute droit sortie du couvent des Oiseaux. Et pourtant le bougre s'est démené comme un beau diable. On n'ose même pas l'ambiance déclenchée par les blousons noirs bruxellois devant le studio si jamais ils ont eu vent de l'affaire.
Comme d'hab, ce radin de Chuck emploie des musiciens locaux capables de descendre un mi/la/si. Ici certainement une bande d'honorables jazzeux ramassés dans on ne sait quel club.
On a bien observé, c'est du vrai, son qui flanche en prime. Avec une pensée émue pour le gaffeur empêtré dans ses câbles
 

mercredi 23 décembre 2020

Mort d'un fils à Papa

 

Arriver à rendre cette crapule de Vidocq sympathique fallait le faire

Fils à Papa, on exagère, ça n'a pas du être joyeux tous les jours d'exister à l'ombre d'un tel cabotin de monstre. Il suffit de revoir Les yeux sans visage de Franju.

Le Claude Pierre Espinasse Brasseur n'a pas tourné que dans des grands films, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais avec lui, c'est encore une partie de notre jeunesse qui s'enfuit. Acteur finalement sympathique, il avait poussé la chansonnette en duo avec Anna karina dans Dragées au poivre de Jacques Baratier en 1963 en reprenant La vie s'envole de Rezvani.


Et en 1964 en duo avec Jean-Pierre Marielle pour un morceau plutôt pathétique. Heureusement que c'étaient eux.

lundi 21 décembre 2020

Bootboys

Skins en 1979 ? Non Slade en 1969

I’m a juvenile product of the working class, whose best friend floats in the bottom of a glass.
Satuday night's allright for fighting (Bernie Taupin / Elton John)
 
Habituellement on laisse la joie des organigrammes aux flics ou aux juges d'instruction. On va faire une exception sur ce coup là car le joyeux bordel dont il est ici question n'est rien moins que le chaînon manquant entre mods et skinheads.  
Si on en croit le dictionnaire de Cambridge, le bootboy est un cireur de godasses. Le très honorable dictionnaire semble ignorer qu'entre 1969 et 1974, de jeunes sujets de sa gracieuse majesté issus des classes prolétariennes se sont donnés ce sobriquet (on les appelait aussi hard mods ou smoothies par antiphrase) tout droit venu de leurs godasses d'embrouilleurs tout en se rasant la boule à zéro afin de se différencier de la masse des hippies. 
Comme le capitalisme et son serviteur, la mode, n'avaient pas encore revendus les fringues de chantier à dix fois leur prix aux petits bourges, les jeans et les Doc marteens coquées, si pratiques pour la baston, étaient de rigueur. De même le crâne d’œuf interdisait au flic ou à l'ennemi du moment de vous saisir par la tignasse. Un des premiers groupes à adopter ce look tout droit issu des bandes de hooligans furent une bande des Midlands managés par Chas Chandler (ex guitariste des Animals et importateur de Jimi Hendrix en Angleterre) les Slades pour envoyer un rock bruyant et sans prétention rattaché au courant glam rock
The shape of things to come (hommage non dissimulé aux Yarbirds)

 

Glam rock, le gros mot est lâché ! Car ces amateurs de rhythm'n blues et de soul pétaradante ont inondé le Royaume Uni du début des années 1970 de refrains à deux balles, limite vulgaires, qu'on a rattaché à ce courant. Mais attention, contrairement à la tendance sophistiquée représenté par Bowie ou Roxy Music, on ne sort pas des beaux-arts mais de l'usine et du pub du coin.
Lorsque ce n'est pas de la maison de correction pour mineurs, les sinistres borstals, comme les Fresh qui enregistrèrent un album sur le sujet entremêlant une musique funky à des témoignages de jeunes taulards. 
Il semble que même les Glimmer twins (Jagger et Richards) aient écrit un air pour ce disque qui nous change agréablement des opéras rock sur les sourds muets aveugles, par exemple. C'était huit ans avant les Sham 69.

 
 
Mais les hymnes de cette mouvance célébrant la vie entre potes ponctuée de virées au bar, au stade et au commissariat sur fond d'ambiguïté sexuelle furent sans doute Mott the Hoople des gallois (z'avez remarqué à quel point cette zique est la revanche des ploucs ?) menés par Ian Hunter, formés en 1969 et poussés par Bowie. Ils vont influencer une ribambelle de futurs punks de 1976 / 1977 en rythmant leur adolescence.
Une bonne définition des bootboys : One of the boys


À ce stade, le lecteur se demande ce qu'Elton John cité en exergue, vient foutre dans ce merdier. Ben, le petit gars du middlesex a eu sa période hooligan bien avant de faire dans un style sirupeux qui l’anoblira et son Saturday night's allright for fighting n'est rien d'autre qu'un hymne à la baston à la crade. 
Terminons la monstrueuse parade par quelques Écossais.
Les Iron Virgins (Tudieu ! Quel nom à la con !) ont débuté sur scène attifés en Orange Mécanique avant de se transformer en footballeurs américains équipés de ceintures de chasteté. Autant dire que ces gars n'avaient aucune chance de percer.

Les trois masochistes qui sont encore là peuvent retrouver ces Benny Hill du rock'n roll avec cette sélection.
Amis du bon goût, bonsoir.

jeudi 17 décembre 2020

De l'amitié et de l'amour par Desnos

 

On nous a gentiment reproché un certain vague à l'âme pour ne pas dire une certaine noirceur, ces derniers temps.
Vu l'éventuelle mise hors d'état de nuire de certain haut personnage, la journée s'annonce belle.
On en profite pour célébrer un de nos chers disparus et des valeurs toutes connes auxquelles nous adhérons. Le tout interprété par des gens qu'on n'adore pas forcément (la grandiloquence des premiers, quant au second, on va pas vous faire un dessin sur son amour de Staline devenu amour de la crise) mais qui ont au moins eu le bon goût d'aller piocher dans les textes pas les plus connus du monsieur.     
Ladies, gentlemen and others, pour la première fois sur ce blogue, les Têtes Raides, en concert et en 2013 jouent On ne quitte pas son ami de Robert Desnos


Quant à Ivo Livi, alias Yves Montand, alias lou Papé, il reprit Coucher avec elle, qui demeurera comme une merveille de fausse simplicité


Une dernière image volante du sieur Ernest Pignon Ernest collée à l'ex camp de Terezin. 



lundi 14 décembre 2020

25 septembre 1985, terrorisme d'État à Bayonne

 

Les chiens galeux (1986)

L'Italie des mal nommées "années de plomb" n'a pas le monopole des manipulations barbouzardes, des attentats massacres ou de la stratégie de la tension. Pas plus que l'Irlande du Nord, d'ailleurs.
À l'aube des années 1980, le Pays Basque est en guerre : outre les conflits ouvriers dus à la restructuration, la vague antimilitariste et les bastons antinucléaire, on trouve sur ce territoire trois organisations armées (ETA militaire, ETA politico-militaire, en voie de reconversion civile, les Commandos autonomes anticapitalistes ) au sud de la frontière et une au nord (Iparretarak).
Comme l'a souligné un célèbre policier espagnol : "Le problème basque est facile à régler, c'est pas 200 000 mecs qui vont en faire chier 19 millions."
Dont acte. 
Fasciste ou démocrate, l'État espagnol a utilisé plusieurs faux nez paramilitaires pour mener sa guerre aux excités du Nord sous des pseudonymes divers : Bataillon basque espagnol, Alliance apostolique anticommuniste ou guérilleros du Christ roi. C'est l'arrivée au pouvoir des socialiste à Madrid qui va enclencher la vitesse supérieure. Le conflit génère un grand nombre de réfugiés du sud côté français et le gouvernement de Mitterand refuse obstinément de les livrer à celui de Felipe Gonzalez. Qu'à cela ne tienne, pour forcer la main des autorités françaises, une organisation baptisée GAL (Groupes antiterroristes de libération) va semer la terreur des deux côtés de la frontière mais plus particulièrement en France. Attentats à l'explosif, racket, mitraillages ou assassinats ciblés, enlèvements, les GAL ont fait au moins 34 morts. Présentés officiellement comme un ramassis de flics incontrôlés, de franquistes nostalgiques et de mercenaires, cette bande de tueurs était en fait téléguidée par le CESID (services secrets) la Garde civile et la police sous la coordination de ministres et députés socialistes. Ils n'ont pas hésité à recruter des truands ou des mercenaires ainsi qu'à jouir de la complicité de flics et politiques français, particulièrement utiles à "loger" les réfugiés ou à garder la frontière ouverte dans l'heure qui suit un attentat. Après tout, San Sebastian n'est qu'à 25 km d'Hendaye. Mais comme dans toute bonne manipulation, un flou volontaire (voir le film crapuleux) reste toujours entretenu sur pas mal d'aspects et responsabilités sur ces opérations destinées à isoler les réfugiés pour ouvrir la voie aux extraditions qui vont suivre.  
Fin du bref cadre historique, début de l'anecdote.
 

Le 25 septembre 1985, entre Adour et Nive, le quartier du Petit Bayonne connaît son animation habituelle : bandes de potes s'adonnant au potéo, aller de bar en bar au gré des rencontres. Dans ce quartier, tout le monde connaît les réfugiés. Le libraire et disquaire de la rue Pannecau, réputée pour ses bars, est lui-même un ancien guérillero. À 21h15, deux hommes pénètrent dans le bar de l'hôtel Monbar, au 24 de cette rue, et ouvrent le feu. Ils touchent quatre copains qui buvaient un coup et les achèvent chacun d'un tir à la tête. 
Les deux affreux n'iront pas loin. Cernés et désarmés par la foule avant d'atteindre le pont St esprit, ils sont pris en charge par les flics du commissariat voisin qui leur évitent ainsi un lynchage en règle. Tous deux sont des truands marseillais embauchés pour l'occasion. On sait qu'ils touchaient 50 000 francs par blessé et 200 000 par tué. 
 
Si ce massacre est resté plus connu que d'autres, c'est peut-être parce que ce soir là, le jeune Fermin Muguruza, chanteur et guitariste du groupe qui monte, Kortatu, est lui aussi rue Pannecau. Venu visiter un vieux pote autonome planqué à Bayonne, il vient de terminer une partie de baby foot avec quelques uns des futurs assassinés et de changer de crémerie. 
Il raconte que leur groupe a été suivi par deux individus (on a l'habitude des filatures en cette région et cette époque) puis la bande se sépare, quatre vont au Monbar, les autres dans un autre troquet.
En entendant les coups de feu, ils sortent et butent sur les cadavres et les tueurs. 
Rentré chez le camarde qui l'héberge, Fermin, choqué, écrit à la hâte une chanson qui sera la première faite pour le deuxième album du groupe, El estado de las cosas*. C'est peut-être ce soir là et suite au fait qu'il aurait parfaitement pu y passer, qu'il s'est engagé franchement du côté nationaliste basque sans jamais renier ses engagements internationalistes ou son amour du désordre. 
La chanson est simplement intitulée Hotel Monbar. L'allusion aux recyclage des anciens combattants de la bataille d'Alger vient de sa surprise face à la quarantaine d'un des deux mercenaires. Quant à la vieille chanson de guerre, c'est l'Eusko gudarriak, (chant des guerriers basques) entonné aussitôt dans les rues. 
 
 
C'était notre rubrique "C'était pas mieux avant".
 
* Faudra revenir un jour sur le cas de cet album.

vendredi 11 décembre 2020

Bonnes fêtes et joyeux noël !

 
 
Et surtout la santé !
Afin de mieux protéger la population, des mesures appropriées et proportionnelle ont donc été prises. Mais il reste encore de bonnes vieilles recettes en réserve.
 

On s'excuse encore d'exhumer de joyeuses archives du bon vieux temps mais c'est pas nous qu'on a commencé. 
Que penser d'un pays où les seuls individus autorisés à circuler sans laisser-passer sont des flics? D'un pays où la seule occasion de rencontre dûment visée par les autorités est une célébration religieuse et familiale (et les cultureux rappellent à l'envie que pendant que les églises sont ouvertes, cinoches et théâtres sont hermétiquement clos, voilà qui devrait les rendre un peu lucides quant à leur importance) ? Que notre République vit d'abord sous le signe du Travail et de la Famille ? Vous voyez que ce sont eux qui cherchent...

Allez, sans transition, un clip à la gouache du temps d'avant, celui où on s'inquiétait d'un arsenal nucléaire civil et militaire aujourd'hui en pleine réhabilitation écologiste.
Amis collapsologues, Oberkampf dans Fais attention (1984).
Autres temps, autres dystopies...
 

 



mardi 8 décembre 2020

Gainsbourg fait son point Godwin à la télé

Nostalgie de la Giscardie. En 1975, après deux concepts albums flamboyants (Histoire de Melody Nelson et Vu de l'extérieur) un Serge Gainsbourg encore inspiré tente un provocation rock 'n roll grâce à un disque entièrement consacré au nazisme : Rock around the bunker.
Enregistré à Londres avec de solides tâcherons, l'album souffre principalement d'un son maigrelet digne d'un groupe de rock français. Le Lucien ne poussera pas la provoc' jusqu'au bout en retirant sa chanson Les silences du Pape (crainte des réaction des milieux cathos) et le scandale n'éclatera qu'une demi décennie plus tard avec sa Marseillaise. Hors quelques gauchistes dénués d'humour, la provoc' est tombée dans une indifférence générale et le disque s'est vendu honorablement.
Promotion oblige, un passage à la télévision s'imposait. On y découvre un pénible Bouvard, de pénibles choristes nippées en souris grises, une sono défaillante. On y apprend au moins qu'en 1975, la République Fédérale d'Allemagne n'allait pas tarder à poursuivre ses anciens nazis. Pour accélérer un peu le mouvement, deux ans plus tard, la RAF descendait le patron de Daimler-Benz, l'ex Obergruppenführer Hanns Martin Schleyer, ci-devant proche collaborateur de Reinhard Heydrich.

 

Malgré sa sonorité ratée, on aime bien cet album. Surtout ce titre, J'entends des voix off


samedi 5 décembre 2020

Bernadette Soubirou & ses Apparitions


Une des raisons qu'on a d'avoir quelque affection pour ce groupe tient à leur discrétion, à leur modestie et à cette absence d'envie de construire une renommée.
Voyez donc la bio affichée sur leur propre site :
Autour de 1976, le groupe Les Scandales entre dans l'univers punk rock. Il est composé de David (actuel batteur des Maximum Kouette) à la batterie, de Begos au saxo, de Kroll au chant, de Pierrot (clavier du groupe Les fêlés) à la basse et de Jean-Philippe R. dit Le Tueur à la guitare.
BSA apparaît dans les années 1980, au milieu de la scène underground (La Mano Negra, les Bérurier noir ou même Ludwig von 88). Le groupe est créé plus précisément en 1982 par Kroll. Ce groupe aux tendances rock alternatif alimente à l'époque les premières parties des concerts du groupe Les Scandales, mais ce dernier se dissout.
En 1992, un premier album intitulé Je vous salis ma rue sort.

Dix titres, dix huit minutes, on va pas s'en priver :


      

On se permet de rajouter que cette bande, qui se reforme occasionnellement, est évidemment originaire des Hautes Pyrénées.

lundi 30 novembre 2020

Odes à l'immortel gang Kelly

Le gang Kelly a dédicacé une carte postale 

 
Parmi les bandits d'honneur haïs par les puissants et chéris par le peuple, un de ceux qui a eu la plus belle postérité est l'Australien Edward Kelly, dit Ned Kelly, descendant d'Irlandais déportés sur l'île, né en 1854 à Beveridge (Victoria) et exécuté en 1880 à Melbourne. 
Né au sein d'une fratrie de huit, Ned est un bon élève qui, à 10 ans, sauve un autre gamin de la noyade, action pour laquelle il recevra l'unique récompense de son existence : une ceinture qu'il portera jusqu'à sa mort. Son père, Red, ayant été condamné aux travaux forcés pour avoir été soupçonné d'un vol de veau, Ned abandonne l'école à 11 ans pour nourrir la famille.
Terre à coloniser par des bagnards, l'Australie est alors peuplée de fermiers crevant de faim, souvent Irlandais ou Écossais (que les autorités britanniques aiment à déporter) qu'on force à renier leur religion catholique et qui doivent survivre sous le joug d'une poignée de propriétaires protégés par une puissante police.  
Évidemment, ce contexte est propice à la prolifération de bandits ruraux vengeurs, les bushrangers, comme le gang de Jack Donahue, dit des strip-teaseuses, qui n'aimaient rien tant que laisser les riches à poil.  
À 16 ans, le jeune Ned écope de trois ans fermes pour recel d'une jument "empruntée" par un de ses amis. Ses petits frères Jim et Dan connaissent alors de semblables déboires. 
Mais ce qui scellera sa destinée fut une perquisition menée par le policier Alexander Fitzpatrick en 1878, qui au passage avait tenté d'abuser d'une jeune sœur et avait été remis à sa place par leur mère, Ellen, à coups de pelle. Ellen est emprisonnée avec son dernier bébé, quant au père, Red, sa santé précaire n'a pas résisté à son dernier séjour en taule. 
Poursuivis par des flics sanguinaires, le noyau du futur gang Kelly, Dan et Ned, rejoints par leurs amis Joe Byrne et Steve Hart, descendent les quatre policiers et entament leur carrière de hors-la-loi. 
 

Et c'est parti pour deux années de hold-up et de redistribution aux populations locales, les caissiers de certaines agences bancaires n'hésitant pas à trinquer avec des braqueurs qui se sapent pour l'occasion et réservent leurs tirs aux miliciens et autres flics au service des propriétaires. La bande de Ned se spécialise dans l'autodafé des prêts hypothécaires récoltés dans ces mêmes agences, à la grande joie des fermiers. 
À Jerilderie, après avoir emprisonné les policiers et pris une trentaine d'habitants en otage plus ou moins volontaires, Ned veut faire imprimer une proclamation de son cru destinée à protester contre les injustices du gouvernement et appelant à la révolte. Trahi par l'imprimeur local, il remet son manifeste à un otage sympathisant en le chargeant de la diffuser. 
Tous les parents et amis de la bande sont alors sous les verrous à titre préventif. 
Et comme dans toute bonne légende rurale, vint l'apothéose et la chute. Le 27 juin 1879, le gang occupe la ville de Glenrowan et se retranche dans l'hôtel en embarquant 70 personnes avec qui ils feront la fête dans la nuit. Ils savent qu'une armée de miliciens arrivent par le chemin de fer et ont préalablement saboté la voie ferrée afin que la troupe déraille en beauté.
Mais ils sont trahis par un instituteur qui affirme être de leur côté et qu'ils laissent naïvement rentrer chez lui. Le cafard va au devant du train pour éviter la catastrophe et les flics cernent la ville. 

Tels des chevaliers errants, nos quatre gaillards font alors face aux forces de l'ordre affublés d'armures artisanales pesant plus de 40 kilos et censées les rendre invulnérables.
Mauvaise pioche : empêtrés dans leur ferraille, Joe Byrne est touché à l'artère fémorale, Dan Kelly et Steve Hart, cernés, se tirent une balle dans la tête et Ned, blessé aux jambes set embarqué. Il restera une sacrée image de leur dernier combat. 
Malgré une pétition de 32 000 signatures réclamant sa grâce, Ned est pendu le 11 novembre 1880, non sans avoir lâché "Ainsi va la vie" en guise de derniers mots. 
Il devient ainsi le Robin des bois australien, défenseur des pauvres et à jamais chevauchant dans le bush. Impossible de compter le nombre de balades qui lui est consacré, en plus de celle de l'inévitable Johnny Cash, qu'on a passé dans l'émission de février 2019. De 1906 à 2019, il est aussi le héros de cinq films dont celui de Tony Richardson (1970) avec Mick Jagger dans le rôle principal. 
Quelques unes de ces rengaines pour la joie et la mémoire. 
La Ballad of the Kelly Gang, recycle la vieille chanson des rebelles irlandais At the rising of the moon.


 Le chanteur australien Lionel Long a consacré un disque aux bushrangers dont le plus célèbre d'entre eux.
 

 

Et le texan Waylon Jennings (1937-2002) y alla lui aussi de sa ritournelle

  

Cet article doit beaucoup au chouette chapitre Grandeur et chute des chevaliers du Bush, d'Émilien Bernard (Bandits & Brigands, l'Échappée 2020)

jeudi 26 novembre 2020

Joe Strummer raconte ses origines

En 2001
Y'a rien à faire, on a beau avoir quelques réserves au sujet de John Mellor (1952-2002) comme certaines injustices vis à vis de ses collègues ou une naïveté politique frisant parfois le ridicule, ce mec reste un des musiciens les plus attachants de son époque. Et tout le monde n'a pas eu le privilège de changer la face du rock. Ni de notre jeunesse, d'ailleurs.
Le voici, en 2001, période Mescaleros, glosant sur ses débuts avec un talent de conteur tout particulier.

Toujours en 2001 avec ses Mescaleros, dont son vieil ami de jeunesse Tymon Dogg au violon, dans Johnny Appleseed

 

Et en 1975, période pub rock, avec les 101ers, nom tiré de l'adresse de leur squat.

 

En 1975

lundi 23 novembre 2020

Patachou sexualité et censure vintage


On glose à tort et à travers sur la liberté ces temps-ci et les crânes d’œufs qui sont censés faire l'opinion paraissent singulièrement obsédés par la liberté d'expression. Au point d'ériger n'importe quel crobard en symbole national, au point de se fixer sur un article de loi au sujet d'images de policiers en faisant mine de négliger le tombereau d'articles répressifs qui l'accompagnent. 
Vu qu'on vient d'exprimer ce qu'on en pense, on ne va pas en rajouter.
Rappelons qu'en ce qui concerne le couple infernal censure / liberté, on trouve quelques spécimen étonnants.
Ainsi, dans la prude France de 1959 et du soi-disant grand Homme qui venait de revenir au pouvoir grâce à un coup d'État, cette innocente et à peine coquine bluette, Les ratés de la Bagatelle, interprétée par la très respectée Patachou fut-elle dûment interdite de radio. Et ce pays se permet de donner des leçons.
Cachez ce refrain que je ne saurais voir.


jeudi 19 novembre 2020

Suites polonaise


C'était il y a une trentaine d'années. Vautrés devant le magnétoscope, nous regardions le pachydermique film de David Lean, Docteur Jivago. Plus exactement, la scène de la manifestation de 1905 avec orchestre. Et l'amie Maria G. émit cette interrogation mémorables :
- Pourquoi les Popovs jouent-ils A las barricadas ?
- Parce qu'à la base, ça s'appelle La Varsovienne et que les Russes la chantaient aussi.
- M'enfin, c'est l'hymne de la CNT.
- Pas à l'origine. Varsovie n'est pas dans la péninsule ibérique, si je me souviens bien.
- Tu dis vraiment n'importe quoi ! C'est de chez nous, ça.
Si elle n'avait pas disparu, je crois qu'elle en serait encore persuadée. 
 
Examinons l'objet du délit.
Ce tube universel, Warszawianka serait né comme chant de révolte des internés anti tsaristes en 1893 et aurait été écrit par le poète Wacław Święcicki. À ne pas confondre avec la Varsovienne de 1831 qui se jouait sur l'air de la Marseillaise.
La chanson fut massivement entonnée par les révolutionnaires russes de 1905, puis de 1917, qui l'ont popularisée dans l'imaginaire des révoltés du Monde.
Ce qui fait que l'immortel pom pom popoom fut adapté dans différentes langues.
Contrairement à ce qu'affirme certaine encyclopédie en ligne, la version française ne vient pas des guérilleros espagnols de la Résistance. elle fut écrite par Stefan Priacel et Pierre Migennes. Et fut particulièrement populaire dans la mouvance communiste.
Une version par Catherine Ribeiro qui ne plaisante pas


Là où l'Histoire a de belles ironies et que l'amie Maria avait quelques raisons de sursauter, c'est lorsque cette scie, nationalisée en par les bolcheviques en URSS, fut adoptée par les anarchistes espagnols dans sa version écrite par Valeriano Orobón Fernández, publiée en 1933 dans la revue Tierra y Libertad
Ce qui en fit le chant de guerre de la CNT et son hymne officieux.


Donc, le chant résonna bien dans les maquis de France et aux barricades parisiennes. 
Et voilà encore une chanson partagée par des gens aux idées incompatibles. J'en connais même qui collectionnent les versions.
On avoue un faible pour celle qui ouvrait le deuxième maxi de La Souris Déglinguée en 1982. Sauvage plus que martiale, comme on aime, quoi.




dimanche 15 novembre 2020

Archives du scopitone (10) Hector

 

C'est dimanche, un peu de légèreté. Hector, né Jean-Pierre Kalfon en 1946, surnommé le "Chopin du twist", était un joyeux provocateur. 
Son plus haut fait d'arme reste d'être allé se mitonner un œuf au plat sur la tombe du soldat inconnu.
Autre fantaisie du galopin, ce scopitone de 1963 dans lequel il reprend le Whole Lotta Shakin' goin' on popularisé par le Killer Jerry Lee Lewis en adoptant la pose blasée du promeneur solitaire, sapant ainsi toute l'imagerie d'un rock 'n roll en pleine expansion. Ce mec ne respectait rien.

 

Que dire  après ça ?
Que la chanson fut écrite, en 1950, par Roy Hall et Dave Curly Williams. Qu'à la base c'était plutôt une ballade country mais que comme on l'a dit plus haut le pétulant Jerry Lee sut en tirer un grand profit.
À titre de contraste avec l'attitude du clown frenchie, le voilà dans le Steve Allen show en 1957. 

vendredi 13 novembre 2020

Nelly Kaplan 1931-2020

 
 
Comme il n'y a rien de plus injuste qu'une épidémie, après avoir successivement raté Johnson, Trump et Bolsonaro, le virus qui court a eu la peau de Nelly Kaplan hier, 12 novembre.
Joie des vocations, cette gamine agitée d'une famille bourgeoise de Buenos Aires fut envoyée très jeune et très régulièrement au cinéma par des parents qui voulaient souffler un peu.
Émigrée en France en 1953, elle y devint l'assistante d'Abel Gance pour sa Tour de Nesle et Austerlitz. C'était le début d'une merveilleuse amitié. Elle s'est également liée à Philippe Soupault et à André Breton. 
Entre romans et essais sur le cinéma, elle à commis une vingtaine de livres, une douzaine de scénarios et tourné six films.
Son coup d'essai fut son coup de maître: l'histoire d'une sorcière qui brûle les inquisiteurs, comme elle aimait à le résumer, magnifiant une Bernadette Lafont impériale, qui connut d'emblée un immense succès un peu aidé par une censure à la ramasse.
On fait, bien entendu, allusion à ce petit bijou de cinéma

 

Qu'on peut retrouver intégralement à ce lien

Et qui restera à jamais lié à cette chanson de Moustaki interprétée par Barbara

 

Même si ses autres œuvres ont été moins réputées, elle a suivi son sillon de joyeuse déconnade au film du temps, à titre d'exemple cet extrait du burlesque  Papa les p'tits bateaux où on retrouve un autre disparu de fraîche date.

 

Au revoir, madame. Que la terre vous soit légère, comme on dit chez nous.

lundi 9 novembre 2020

Ciné club du lundi : Sur les docks du Havre

Eut-il été italien que ce film aurait aussitôt gagné sa classification de néo réaliste.
Un homme dans la ville de Marcel Pagliero (1949) a été tourné en extérieur dans une ville du Havre dévastée par les bombardements, entre tas de gravats et terrains vagues alors que des immeubles tout moches sont édifiés de l'autre côté du bassin. 
L'intrigue n'a pas grande importance. Le cadre, si. Sans arriver au talent de Carné dans Le jour se lève, on pige tout de suite que le travail est la malédiction de ces hommes qui boivent, qu'ils soient dockers ou ouvriers au chantier naval.
Même si l'argument est faiblard, la fin est brutale et noire à souhait.
Et les acteurs s'en tirent tout à fait honorablement, que ce soit Ginette Leclerc en garce (abonnée qu'elle était à ce genre de rôle) mal mariée, Robert Dalban en docker aigri et alcoolo, Yves Deniaud en impayable tenancier de bistrot, Jean-Pierre Kerien, le régional de l'étape, en Casanova des quais et du pauvre, André Valmy en flic placide mais juste et on a la surprise de retrouver notre Fréhel en marchande de sommeil entassant des Noirs dans un taudis.
Vous l'aurez compris, à part des acteurs méritants, ce film vaut surtout pour son ambiance et ses scènes de boulot dans des conditions tout à fait lamentables. 
Ce qui n'a pas empêché le PCF de dénoncer ce film où "on traîne une catégorie de travailleurs dans la fange" et qui dépeint "des ivrognes paresseux et brutaux, préoccupés surtout de bagarres et de coucheries", dans le but aussi de "discréditer les dockers et le combat pour la paix, par tous les moyens".
La campagne communiste fera retirer le film du Havre au bout de six mois et tentera de la faire interdire ailleurs. 
Encore bravo, camarades censeur. Si on picole sec et qu'on se fout sur la gueule à l'occasion, on a la faiblesse de penser que la vie quotidienne de 1949 ressemblait plus à ça qu'à un film d'Eisenstein.
Allez, on vous l'envoie pour que vous vous fassiez une idée par vous même  

vendredi 6 novembre 2020

Une heure à Memphis (Ten.)

 

Même si on en a plein le c... des USA et de leur cirque électoral, on ne va pas se priver de ce que ce pays a produit de meilleur : une heure d'indispensable musique. 
Faut dire qu'Amaury Chardeau, producteur de Juke box sur France Culture, a joué sur du velours. Une émission sur Memphis Tenessee, l'autre ville du blues avec Chicago et la New Orleans, impossible de se planter. 
On y apprend tout de même pas mal de choses sur ce centre de la ségrégation doté d'un maire indéboulonnable haut en couleur (blanche), sur la vie et la décadence des labels Stax et Sun Records et sur la gloire, l'abandon puis le retour de Beale street (photos ci-joint) désormais vouée au tourisme.
Et puis une émission qui débute par Johnnie Taylor pour s'achever par Tav Falco ne peut avoir que notre sympathie.

 
Comme toujours, il en manque une.
Charles "Chuck" Berry n'était pas de Memphis mais de Saint-Louis (Missouri) et enregistra chez Chess à Chicago. Par contre, il a commis ça:
 

Et puis, puisqu'on cause de l'assassinat de Martin Luther King Jr dans l'émission, ne nous privons point de celle qui lui avait dit "Je vous préviens, je ne suis pas non violente". Certes, a priori, Mississipi goddam' (1964) ne cause pas du quartier. Et pourtant, si, Nina Simone excédée fait également allusion à des saloperies en cours en Alabama et au Tenessee. Et ça colle à merveille avec le sujet.

Une dernière vue de Beale Street et d'un groupe connu.


 

 

 


mercredi 4 novembre 2020

Reprises d'avant la fermeture des bistrots

Puisqu'il fait si froid dehors et que la grande loterie étazunienne encombre nos radios, un titre de la (pas si) lointaine époque où même les filles perdues pouvaient s'asseoir à côté d'un inconnu dans les bars sans devoir se passer les mains au gel.
Cadeau d'adieu du jeune Giuseppe Mustacchi, dit Moustaki (dit Monsieur 2 volts) à son amante, la môme Piaf, cet archétype du mélo, mis en musique par Marguerite Monnot, se vendit à plus de 400 000 exemplaires, en 1959, rien qu'en France et assura à son auteur des années de loyers pour son appartement de l'île St Louis.
On dit même que De Gaulle l'entonna en plein conseil des ministres.
Curieusement, ce titre ne fut pas si repris hors de nos frontières.
On vous avait déjà envoyé l'honorable version de Cher.
Plus surprenant, le crooner new-yorkais Bobby Darin la chanta en français en 1964. Ce rocker raté, amoureux de Kurt Weill tient ici le premier rôle, transformant l'objet de ses sollicitations en Ma p'tite.


À ce stade, impossible de faire l'impasse sur "la panthère de Goro", la flamboyante Milva (Maria Ilva Biocalti) qui fit de la version italienne de Milord son premier 45 tour en 1960.
La voici en 1983, accompagnée par le toujours fringuant et séducteur auteur.

dimanche 1 novembre 2020

Un crooner disparait

Le dernier roi d'Écosse
On n'a aucun problème à avouer que James Bond, on s'en fout. Tonton Sean était peut-être le meilleur interprète de la barbouzerie britannique mais on n'a jamais goûté cette série. Par contre, on lui rend volontiers hommage vu le choc qu'on a ressenti en découvrant successivement The Offence (1973) La colline des hommes perdus (1965) ou Le dossier Anderson (1971) tous de Sydney Lumet et tous produits par ce "métis" de prolo catholique irlandais et de prolotte protestante écossaise qui en avait marre de jouer les séducteurs de sa Majesté.
Passons sur les indispensables The Molly Maguires, Le Nom de la rose et autres films où l'ex footballer fit notre ravissement pour souligner que le cher disparu cachait un crooner assez respectable.
Exemple, cette séquence de Darby O Gill and the little people où il chante Pretty Irish girl.
 

 

Et en plaisanterie, cette reprise du tube de Simon and Garfunkel qu'il envoie avec un accent de Glasgow à couper à la claymore.



samedi 31 octobre 2020

Tranche de vie (héroïque)

 



-Halte ! Sac à terre !
- Qui a crié, demanda le général d'un air sombre.
C'était un soldat de liaison du 2ème bataillon de la 7ème compagnie qui, à la croisée de deux sentiers, prévenait les détachements suivants qu'ils devaient s'arrêter. Les éclaireurs avaient besoin de temps pour reconnaître les sentiers et indiquer lequel il fallait suivre. L'un d'entre eux venait d'être tué et les autres ne devaient pas s'aventurer sur le terrain avant qu'il n'ait été reconnu. Il ne faisait qu'obéir aux ordres. Ce que le capitaine Zavattari, commandant la 6ème compagnie, rapporta au général.
- Faites fusiller ce soldat, ordonna le général. 
Faire fusiller un soldat ! La capitaine Zavattari était un officier de réserve. Dans la vie civile, il était chef de division au ministère de l'Instruction publique. C'était le plus vieux capitaine du régiment. L'ordre de faire fusiller un soldat était une absurdité inconcevable. En pesant ses mots, il trouva le moyen de le dire au général qui répliqua sans une seconde d'hésitation:
- Faites-le fusiller sur-le-champ.
Le capitaine s'éloigna et revint auprès du général un instant plus tard. il s'était rendu à la bifurcation et avait personnellement interrogé le soldat de liaison.
- Vous l'avez fait fusiller ?
- Non, mon général. Il n'a fait qu'obéir aux ordres. Il ne lui est jamais venu à l'esprit qu'en criant "Sac à terre!" il émettait un cri de lassitude ou d'indiscipline. il venait d'y avoir un mort chez les éclaireurs, la halte était nécessaire le temps de reconnaître le terrain.
-Faites-le fusiller quand même, répondit froidement le général. Il faut faire un exemple !
-Mais comment puis-je faire fusiller ce soldat sans la moindre procédure alors qu'il n'a commis aucun crime ?
Le général n'avait pas la même mentalité juridique. ces argumentations, ce respect des lois l'irritèrent.
- Faites-le immédiatement passer par les armes, cria-t-il, et ne m'obligez pas à faire intervenir mes carabiniers contre vous aussi.
Il était suivi par deux carabiniers au service du commandement de la division. 
(...)
- Oui mon génral, répondit le capitaine sans hésitation.
- Exécutez mon ordre et venez m'en rendre compte aussi tôt.
Le capitaine rejoignit de nouveau la tête de sa compagnie qui attendait ses ordres. Il demanda à un groupe d'hommes de décharger leurs fusils contre un tronc d'arbre et ordonna aux brancardiers d'étendre sur une civière le corps de l'éclaireur tué. L'opération terminée, il se présenta, suivi de la civière, devant le général. Les autres soldats, ignorant le macabre stratagème, se regardaient les uns les autres abasourdis.
- Le soldat a été fusillé, dit le capitaine.
Le général vit la civière, se mit au garde-à-vous et salua fièrement. il était ému.
- Saluons les martyrs de la patrie! En temps de guerre, la discipline est douloureuse mais nécessaire. Honorons nos morts !

Emilio Lussu* Les hommes contre.

 
 
Une bande annonce du film de Francesco Rosi (1970)

 

* Engagé volontaire en 1914, écœuré par le massacre, Emilio Lussu fut membre des groupes de choc antifascistes puis du collectif révolutionnaire Giustizia e Libertà. Il a écrit, entres autres, Les hommes contre, La Marche sur Rome, et une Théorie sur l'insurrection.

lundi 26 octobre 2020

Banalités de base et avenir radieux

 

Nous ne vivons ni la fin du monde ni la fin d’un monde. La pandémie renforce l’ordre existant : comme d’habitude, en tant que classe, les bourgeois font preuve d’assez bonnes défenses immunitaires. (...)

Du coronavirus, tout le monde sort confirmé. La femme de gauche en conclut qu’il faut de vrais services publics, le néo-libéral que l’État fait la preuve de son incompétence, l’électeur d’extrême-droite qu’il faut fermer les frontières, l’écolo des petits pas qu’il faut les multiplier, l’écologiste de gouvernement qu’il faut rallier toute force politique susceptible d’œuvrer pour le climat, le trans-humaniste qu’il est temps d’aller vers une humanité augmentée, la chercheuse que la recherche a besoin de crédits, l’activiste qu’il est urgent d’impulser les luttes, le résigné que tout nous échappe, le collapsologue qu’il faut s’habituer au pire… Et le prolétaire ? De quoi sort-il confirmé? En tout cas, il pense et pensera ce que ses actes et ses luttes l’amèneront à comprendre.

Le texte intégral de ce long article se trouve ici.
 
Ce vieux et regretté râleur de Lou Reed à propos d'un virus qui sévit toujours, Halloween Parade (1989).

 



 

jeudi 22 octobre 2020

Archives du scopitone (9) Les Escrocs

 


Tandis que couvre-feu s'étend sur le territoire, on se réfugie lâchement dans le passé et une certaine insouciance
Un faux scopitone à la mode rétro qui nous vient tout droit de 1994. 

Mobs et bistrots, java et cuirs, marques aujourd'hui disparues, c'était l’œuvre des Escrocs dans La mobylette.

 
Pour mémoire, ce groupe fut formé, en 1993 d'Éric Toulis (chant, guitares, basse, banjo, trompette) d'Hervé Coury (chant, claviers, accordéon, flûte, clarinette) et de Didier Morel (chant, percussions) issus des défunts Waka Waka.
Honorable ensemble de variété faisant dans le swing, la java, la tango ou le reggae funky, ils eurent dès leurs débuts la chance d'obtenir un tube monstrueux sur un rythme de bossa cynique, le fort sympathique Assedic.
Rappelons à la jeunesse que cet organisme, ancêtre de Pôle emploi était censé nous rémunérer les chômeurs.


Plus ou moins mise en sommeil en 1998, la bande s'est reformée en 2015 en s'adjoignant quelques complices.

dimanche 18 octobre 2020

Les Chihuahuas, les méconnus de la bande

Dans le fouillis du début des années 80, il est un groupe qui malgré quelques fortes personnalités en son sein n'est aujourd'hui jamais cité ou presque.
S'inspirant, non de la ville poussiéreuse du nord mexicain mais de l'irrésistible chanteuse de cabaret qui s'y produisit dans la série des Blueberry, le combo est fondé par Napo Romero (guitare, chant) Rikki (basse) et Red Creek (batterie) vite rejoints par Emmanuel Cabut (guitare et chant) futur prince de la chanson déprimée et mieux connu comme Mano Solo. Les deux guitaristes avaient auparavant officié au sein des Gutter Rats.
C'est logiquement au sein des squats parisiens et des concerts Rock against police que la bande fait ses premières armes. 
Mélange de rock énergique, de chanson patrimoniale et d'espagnolades dues aux origines de certains de ses membres, transformant le public en congrès de pois sauteurs les Chihuahua se coulent à merveille dans leur époque et sont vite signés chez Boucherie productions
Et apparaissent dès 1986 sur la compilation Hot Chicas en compagnie des Carayos et des Hot Pants (et là, on se met à supputer que ces deux groupes se ressemblent furieusement et qu'il y a donc du monde sur la corde à linge).
Extrait du disque, Tchak Rock, du nom du nouveau multi instrumentiste arrivé en renfort


 
Mais tout se déroule encore entre gentlemen et, rejoints par une section de cuivre: Peter et Mamak aux saxos et Tonio Chao à la trompette, ils délivrent leur 33 tour, Fiesta de la mort dès l'année suivante.
Démarque du Je vends des robes de Nino Ferrer, ce Ça sent la mort, longue suite d'insulte à l'armée. N'oublions pas qu'en ces temps là, le service militaire rythmait la vie des jeunes gens.

Et puis, les majors se jetant sur ces groupes de "rock alternatif" comme la vérole sur le bas-clergé et la légion sur Kolwezi,  nos gaillards signent chez Epic pour un Nomad land sans grand intérêt avant de disparaître en 1990.
Caramba : Encore raté !
Ensuite ? Mano Solo a fait la carrière que l'on sait avant de percer dans l'underground au Père Lachaise, Napo l'a suivi dans les Frères Misère avant de monter Flor del fango, Tonio a rejoint la Mano Negra.

mercredi 14 octobre 2020

Watching you

Hommage à la Catalogne  

Y'a pas, on est gâtés : pour célébrer la publication de George Orwell dans la prestigieuse Pléiade et le passage de ses droits d'auteur dans le domaine public (mais quels radins chez Gallimard) notre Big Brother au petit pied nous annoncerait ce soir un couvre-feu.
Passons sur les déplorables problèmes de traduction des écrits du camarade Blair, causés par des considérations purement mercantiles et intéressons-nous au casse-tête que vont renconter les Kommandantür du Gross Paris et des métropoles.  
Rappelez-vous, au mois de mars, on nous a déjà fait le coup de "nous sommes en guerre". Et effectivement, on n'a pas été tout à fait déçus. En vrac, pénurie de vivres et de matériel, hausse des prix de certaines denrées menant à une forme de marché noir, sauf-conduit pour sortir de chez soi, passage à une "zone libre" distante de 100 kilomètres, occupation des rues par une armée de bleu vêtue, délation massive. Qui a dit que l'histoire ne se répétait point mais qu'elle bégayait, déjà?
Alors que sera notre vie en temps de couvre-feu ? La patrouille fera-t-elle d'abord preuve de pédagogie (novlangue usuelle) avant de tirer à vue ? Faudra-t-il aller au ravitaillement en rasant les murs ?
 

 
Voici donc et en avant-première, quelques recommandations aux noctambules prodiguées, en septembre 1940, par un artiste talentueux et drôlatique qui avait ses entrées chez les touristes régnant alors, j'ai nommé le très regretté Georges Guibourg dit Georgius.
 


 PS : bien entendu, cet article n'est que le fruit d'un mauvais esprit, qui plus est nostalgique. Aller soupçonner que le pouvoir profiterait d'une épidémie pour accentuer le contrôle social, franchement, mon cher, vous êtes à la limite du complotisme ! Allez, rendez-vous ce soir à 20h au cirque politico-médiatique.

lundi 12 octobre 2020

Aller danser

L'ambiance mortifère, un trouillomètre médiatiquement organisé, le black-out imposé à 22h qui vire à la fin décrétée de toute vie sociale, les contrôles incessants, des voisins vigilants délateurs (les Espagnols ont inventé la très efficace expression chivatos de balcon), une certaine puanteur d'ordre moral, le fait de ne plus avoir droit à de la musique vivante qu'au fin fond de la cambrousse dans des arrières granges privées, bref, une véritable morosité ambiance nous a remis en mémoire ce texte de Paul-Louis Courier : Pétition pour des villageois qu'on empêche de danser. 
 
Nous sommes en 1822, la contre-révolution triomphe en France. Dans un village de Touraine, un curé veut commander à tout et prétend qu'on n'y doit plus danser. Sachant que la liberté de penser commence avec celle de danser, Paul-Louis Courier réplique avec légèreté par un mordicant plaidoyer pour la gigue et le rigodon, choses qui ne s'accommodent jamais bien de l'ombre écrasante de Dieu (extrait de la quatrième de couverture)  
Brillant polémiste, Courier adresse ce pamphlet à la chambre pour dénoncer censure, église et monarchie "parlementaire". Il fut poursuivi en justice puis relaxé.
 
Les gendarmes se sont multipliés en France ; bien plus encore que les violons, quoique moins nécessaires pour la danse. Nous nous en passerions aux fêtes du village, et à dire vrai ce n’est pas nous qui les demandons : mais le gouvernement est partout aujourd’hui, et cette ubiquité s’étend jusqu’à nos danses, où il ne se fait pas un pas dont le préfet ne veuille être informé, pour en rendre compte au ministre. De savoir à qui tant de soins sont plus déplaisants, plus à charge, et qui en souffre davantage, des gouvernants ou de nous gouvernés, surveillés, c’est une grande question et curieuse, mais que je laisse à part, de peur de me brouiller avec les classes, ou de dire quelque mot tendant à je ne sais quoi.
 
Un firman du préfet, qu’il appelle arrêté, naguère publié, proclamé au son du tambour, Considérant, etc., défend de danser à l’avenir, ni jouer à la boule ou aux quilles, sur ladite place, et ce, sous peine de punition. Où dansera-t-on ? nulle part ; il ne faut point danser du tout. Cela n’est pas dit clairement dans l’arrêté de M. le préfet ; mais c’est un article secret entre lui et d’autres puissances, comme il a bien paru depuis.
 
Pétition pour des villageois qu'on empêche de danser (l'Insomniaque)
 
Le texte intégral du pamphlet est lisible à cette adresse.
Et une gigue du monde d'avant (1967)