lundi 30 novembre 2020

Odes à l'immortel gang Kelly

Le gang Kelly a dédicacé une carte postale 

 
Parmi les bandits d'honneur haïs par les puissants et chéris par le peuple, un de ceux qui a eu la plus belle postérité est l'Australien Edward Kelly, dit Ned Kelly, descendant d'Irlandais déportés sur l'île, né en 1854 à Beveridge (Victoria) et exécuté en 1880 à Melbourne. 
Né au sein d'une fratrie de huit, Ned est un bon élève qui, à 10 ans, sauve un autre gamin de la noyade, action pour laquelle il recevra l'unique récompense de son existence : une ceinture qu'il portera jusqu'à sa mort. Son père, Red, ayant été condamné aux travaux forcés pour avoir été soupçonné d'un vol de veau, Ned abandonne l'école à 11 ans pour nourrir la famille.
Terre à coloniser par des bagnards, l'Australie est alors peuplée de fermiers crevant de faim, souvent Irlandais ou Écossais (que les autorités britanniques aiment à déporter) qu'on force à renier leur religion catholique et qui doivent survivre sous le joug d'une poignée de propriétaires protégés par une puissante police.  
Évidemment, ce contexte est propice à la prolifération de bandits ruraux vengeurs, les bushrangers, comme le gang de Jack Donahue, dit des strip-teaseuses, qui n'aimaient rien tant que laisser les riches à poil.  
À 16 ans, le jeune Ned écope de trois ans fermes pour recel d'une jument "empruntée" par un de ses amis. Ses petits frères Jim et Dan connaissent alors de semblables déboires. 
Mais ce qui scellera sa destinée fut une perquisition menée par le policier Alexander Fitzpatrick en 1878, qui au passage avait tenté d'abuser d'une jeune sœur et avait été remis à sa place par leur mère, Ellen, à coups de pelle. Ellen est emprisonnée avec son dernier bébé, quant au père, Red, sa santé précaire n'a pas résisté à son dernier séjour en taule. 
Poursuivis par des flics sanguinaires, le noyau du futur gang Kelly, Dan et Ned, rejoints par leurs amis Joe Byrne et Steve Hart, descendent les quatre policiers et entament leur carrière de hors-la-loi. 
 

Et c'est parti pour deux années de hold-up et de redistribution aux populations locales, les caissiers de certaines agences bancaires n'hésitant pas à trinquer avec des braqueurs qui se sapent pour l'occasion et réservent leurs tirs aux miliciens et autres flics au service des propriétaires. La bande de Ned se spécialise dans l'autodafé des prêts hypothécaires récoltés dans ces mêmes agences, à la grande joie des fermiers. 
À Jerilderie, après avoir emprisonné les policiers et pris une trentaine d'habitants en otage plus ou moins volontaires, Ned veut faire imprimer une proclamation de son cru destinée à protester contre les injustices du gouvernement et appelant à la révolte. Trahi par l'imprimeur local, il remet son manifeste à un otage sympathisant en le chargeant de la diffuser. 
Tous les parents et amis de la bande sont alors sous les verrous à titre préventif. 
Et comme dans toute bonne légende rurale, vint l'apothéose et la chute. Le 27 juin 1879, le gang occupe la ville de Glenrowan et se retranche dans l'hôtel en embarquant 70 personnes avec qui ils feront la fête dans la nuit. Ils savent qu'une armée de miliciens arrivent par le chemin de fer et ont préalablement saboté la voie ferrée afin que la troupe déraille en beauté.
Mais ils sont trahis par un instituteur qui affirme être de leur côté et qu'ils laissent naïvement rentrer chez lui. Le cafard va au devant du train pour éviter la catastrophe et les flics cernent la ville. 

Tels des chevaliers errants, nos quatre gaillards font alors face aux forces de l'ordre affublés d'armures artisanales pesant plus de 40 kilos et censées les rendre invulnérables.
Mauvaise pioche : empêtrés dans leur ferraille, Joe Byrne est touché à l'artère fémorale, Dan Kelly et Steve Hart, cernés, se tirent une balle dans la tête et Ned, blessé aux jambes set embarqué. Il restera une sacrée image de leur dernier combat. 
Malgré une pétition de 32 000 signatures réclamant sa grâce, Ned est pendu le 11 novembre 1880, non sans avoir lâché "Ainsi va la vie" en guise de derniers mots. 
Il devient ainsi le Robin des bois australien, défenseur des pauvres et à jamais chevauchant dans le bush. Impossible de compter le nombre de balades qui lui est consacré, en plus de celle de l'inévitable Johnny Cash, qu'on a passé dans l'émission de février 2019. De 1906 à 2019, il est aussi le héros de cinq films dont celui de Tony Richardson (1970) avec Mick Jagger dans le rôle principal. 
Quelques unes de ces rengaines pour la joie et la mémoire. 
La Ballad of the Kelly Gang, recycle la vieille chanson des rebelles irlandais At the rising of the moon.


 Le chanteur australien Lionel Long a consacré un disque aux bushrangers dont le plus célèbre d'entre eux.
 

 

Et le texan Waylon Jennings (1937-2002) y alla lui aussi de sa ritournelle

  

Cet article doit beaucoup au chouette chapitre Grandeur et chute des chevaliers du Bush, d'Émilien Bernard (Bandits & Brigands, l'Échappée 2020)

jeudi 26 novembre 2020

Joe Strummer raconte ses origines

En 2001
Y'a rien à faire, on a beau avoir quelques réserves au sujet de John Mellor (1952-2002) comme certaines injustices vis à vis de ses collègues ou une naïveté politique frisant parfois le ridicule, ce mec reste un des musiciens les plus attachants de son époque. Et tout le monde n'a pas eu le privilège de changer la face du rock. Ni de notre jeunesse, d'ailleurs.
Le voici, en 2001, période Mescaleros, glosant sur ses débuts avec un talent de conteur tout particulier.

Toujours en 2001 avec ses Mescaleros, dont son vieil ami de jeunesse Tymon Dogg au violon, dans Johnny Appleseed

 

Et en 1975, période pub rock, avec les 101ers, nom tiré de l'adresse de leur squat.

 

En 1975

lundi 23 novembre 2020

Patachou sexualité et censure vintage


On glose à tort et à travers sur la liberté ces temps-ci et les crânes d’œufs qui sont censés faire l'opinion paraissent singulièrement obsédés par la liberté d'expression. Au point d'ériger n'importe quel crobard en symbole national, au point de se fixer sur un article de loi au sujet d'images de policiers en faisant mine de négliger le tombereau d'articles répressifs qui l'accompagnent. 
Vu qu'on vient d'exprimer ce qu'on en pense, on ne va pas en rajouter.
Rappelons qu'en ce qui concerne le couple infernal censure / liberté, on trouve quelques spécimen étonnants.
Ainsi, dans la prude France de 1959 et du soi-disant grand Homme qui venait de revenir au pouvoir grâce à un coup d'État, cette innocente et à peine coquine bluette, Les ratés de la Bagatelle, interprétée par la très respectée Patachou fut-elle dûment interdite de radio. Et ce pays se permet de donner des leçons.
Cachez ce refrain que je ne saurais voir.


jeudi 19 novembre 2020

Suites polonaise


C'était il y a une trentaine d'années. Vautrés devant le magnétoscope, nous regardions le pachydermique film de David Lean, Docteur Jivago. Plus exactement, la scène de la manifestation de 1905 avec orchestre. Et l'amie Maria G. émit cette interrogation mémorables :
- Pourquoi les Popovs jouent-ils A las barricadas ?
- Parce qu'à la base, ça s'appelle La Varsovienne et que les Russes la chantaient aussi.
- M'enfin, c'est l'hymne de la CNT.
- Pas à l'origine. Varsovie n'est pas dans la péninsule ibérique, si je me souviens bien.
- Tu dis vraiment n'importe quoi ! C'est de chez nous, ça.
Si elle n'avait pas disparu, je crois qu'elle en serait encore persuadée. 
 
Examinons l'objet du délit.
Ce tube universel, Warszawianka serait né comme chant de révolte des internés anti tsaristes en 1893 et aurait été écrit par le poète Wacław Święcicki. À ne pas confondre avec la Varsovienne de 1831 qui se jouait sur l'air de la Marseillaise.
La chanson fut massivement entonnée par les révolutionnaires russes de 1905, puis de 1917, qui l'ont popularisée dans l'imaginaire des révoltés du Monde.
Ce qui fait que l'immortel pom pom popoom fut adapté dans différentes langues.
Contrairement à ce qu'affirme certaine encyclopédie en ligne, la version française ne vient pas des guérilleros espagnols de la Résistance. elle fut écrite par Stefan Priacel et Pierre Migennes. Et fut particulièrement populaire dans la mouvance communiste.
Une version par Catherine Ribeiro qui ne plaisante pas


Là où l'Histoire a de belles ironies et que l'amie Maria avait quelques raisons de sursauter, c'est lorsque cette scie, nationalisée en par les bolcheviques en URSS, fut adoptée par les anarchistes espagnols dans sa version écrite par Valeriano Orobón Fernández, publiée en 1933 dans la revue Tierra y Libertad
Ce qui en fit le chant de guerre de la CNT et son hymne officieux.


Donc, le chant résonna bien dans les maquis de France et aux barricades parisiennes. 
Et voilà encore une chanson partagée par des gens aux idées incompatibles. J'en connais même qui collectionnent les versions.
On avoue un faible pour celle qui ouvrait le deuxième maxi de La Souris Déglinguée en 1982. Sauvage plus que martiale, comme on aime, quoi.




dimanche 15 novembre 2020

Archives du scopitone (10) Hector

 

C'est dimanche, un peu de légèreté. Hector, né Jean-Pierre Kalfon en 1946, surnommé le "Chopin du twist", était un joyeux provocateur. 
Son plus haut fait d'arme reste d'être allé se mitonner un œuf au plat sur la tombe du soldat inconnu.
Autre fantaisie du galopin, ce scopitone de 1963 dans lequel il reprend le Whole Lotta Shakin' goin' on popularisé par le Killer Jerry Lee Lewis en adoptant la pose blasée du promeneur solitaire, sapant ainsi toute l'imagerie d'un rock 'n roll en pleine expansion. Ce mec ne respectait rien.

 

Que dire  après ça ?
Que la chanson fut écrite, en 1950, par Roy Hall et Dave Curly Williams. Qu'à la base c'était plutôt une ballade country mais que comme on l'a dit plus haut le pétulant Jerry Lee sut en tirer un grand profit.
À titre de contraste avec l'attitude du clown frenchie, le voilà dans le Steve Allen show en 1957. 

vendredi 13 novembre 2020

Nelly Kaplan 1931-2020

 
 
Comme il n'y a rien de plus injuste qu'une épidémie, après avoir successivement raté Johnson, Trump et Bolsonaro, le virus qui court a eu la peau de Nelly Kaplan hier, 12 novembre.
Joie des vocations, cette gamine agitée d'une famille bourgeoise de Buenos Aires fut envoyée très jeune et très régulièrement au cinéma par des parents qui voulaient souffler un peu.
Émigrée en France en 1953, elle y devint l'assistante d'Abel Gance pour sa Tour de Nesle et Austerlitz. C'était le début d'une merveilleuse amitié. Elle s'est également liée à Philippe Soupault et à André Breton. 
Entre romans et essais sur le cinéma, elle à commis une vingtaine de livres, une douzaine de scénarios et tourné six films.
Son coup d'essai fut son coup de maître: l'histoire d'une sorcière qui brûle les inquisiteurs, comme elle aimait à le résumer, magnifiant une Bernadette Lafont impériale, qui connut d'emblée un immense succès un peu aidé par une censure à la ramasse.
On fait, bien entendu, allusion à ce petit bijou de cinéma

 

Qu'on peut retrouver intégralement à ce lien

Et qui restera à jamais lié à cette chanson de Moustaki interprétée par Barbara

 

Même si ses autres œuvres ont été moins réputées, elle a suivi son sillon de joyeuse déconnade au film du temps, à titre d'exemple cet extrait du burlesque  Papa les p'tits bateaux où on retrouve un autre disparu de fraîche date.

 

Au revoir, madame. Que la terre vous soit légère, comme on dit chez nous.

lundi 9 novembre 2020

Ciné club du lundi : Sur les docks du Havre

Eut-il été italien que ce film aurait aussitôt gagné sa classification de néo réaliste.
Un homme dans la ville de Marcel Pagliero (1949) a été tourné en extérieur dans une ville du Havre dévastée par les bombardements, entre tas de gravats et terrains vagues alors que des immeubles tout moches sont édifiés de l'autre côté du bassin. 
L'intrigue n'a pas grande importance. Le cadre, si. Sans arriver au talent de Carné dans Le jour se lève, on pige tout de suite que le travail est la malédiction de ces hommes qui boivent, qu'ils soient dockers ou ouvriers au chantier naval.
Même si l'argument est faiblard, la fin est brutale et noire à souhait.
Et les acteurs s'en tirent tout à fait honorablement, que ce soit Ginette Leclerc en garce (abonnée qu'elle était à ce genre de rôle) mal mariée, Robert Dalban en docker aigri et alcoolo, Yves Deniaud en impayable tenancier de bistrot, Jean-Pierre Kerien, le régional de l'étape, en Casanova des quais et du pauvre, André Valmy en flic placide mais juste et on a la surprise de retrouver notre Fréhel en marchande de sommeil entassant des Noirs dans un taudis.
Vous l'aurez compris, à part des acteurs méritants, ce film vaut surtout pour son ambiance et ses scènes de boulot dans des conditions tout à fait lamentables. 
Ce qui n'a pas empêché le PCF de dénoncer ce film où "on traîne une catégorie de travailleurs dans la fange" et qui dépeint "des ivrognes paresseux et brutaux, préoccupés surtout de bagarres et de coucheries", dans le but aussi de "discréditer les dockers et le combat pour la paix, par tous les moyens".
La campagne communiste fera retirer le film du Havre au bout de six mois et tentera de la faire interdire ailleurs. 
Encore bravo, camarades censeur. Si on picole sec et qu'on se fout sur la gueule à l'occasion, on a la faiblesse de penser que la vie quotidienne de 1949 ressemblait plus à ça qu'à un film d'Eisenstein.
Allez, on vous l'envoie pour que vous vous fassiez une idée par vous même  

vendredi 6 novembre 2020

Une heure à Memphis (Ten.)

 

Même si on en a plein le c... des USA et de leur cirque électoral, on ne va pas se priver de ce que ce pays a produit de meilleur : une heure d'indispensable musique. 
Faut dire qu'Amaury Chardeau, producteur de Juke box sur France Culture, a joué sur du velours. Une émission sur Memphis Tenessee, l'autre ville du blues avec Chicago et la New Orleans, impossible de se planter. 
On y apprend tout de même pas mal de choses sur ce centre de la ségrégation doté d'un maire indéboulonnable haut en couleur (blanche), sur la vie et la décadence des labels Stax et Sun Records et sur la gloire, l'abandon puis le retour de Beale street (photos ci-joint) désormais vouée au tourisme.
Et puis une émission qui débute par Johnnie Taylor pour s'achever par Tav Falco ne peut avoir que notre sympathie.

 
Comme toujours, il en manque une.
Charles "Chuck" Berry n'était pas de Memphis mais de Saint-Louis (Missouri) et enregistra chez Chess à Chicago. Par contre, il a commis ça:
 

Et puis, puisqu'on cause de l'assassinat de Martin Luther King Jr dans l'émission, ne nous privons point de celle qui lui avait dit "Je vous préviens, je ne suis pas non violente". Certes, a priori, Mississipi goddam' (1964) ne cause pas du quartier. Et pourtant, si, Nina Simone excédée fait également allusion à des saloperies en cours en Alabama et au Tenessee. Et ça colle à merveille avec le sujet.

Une dernière vue de Beale Street et d'un groupe connu.


 

 

 


mercredi 4 novembre 2020

Reprises d'avant la fermeture des bistrots

Puisqu'il fait si froid dehors et que la grande loterie étazunienne encombre nos radios, un titre de la (pas si) lointaine époque où même les filles perdues pouvaient s'asseoir à côté d'un inconnu dans les bars sans devoir se passer les mains au gel.
Cadeau d'adieu du jeune Giuseppe Mustacchi, dit Moustaki (dit Monsieur 2 volts) à son amante, la môme Piaf, cet archétype du mélo, mis en musique par Marguerite Monnot, se vendit à plus de 400 000 exemplaires, en 1959, rien qu'en France et assura à son auteur des années de loyers pour son appartement de l'île St Louis.
On dit même que De Gaulle l'entonna en plein conseil des ministres.
Curieusement, ce titre ne fut pas si repris hors de nos frontières.
On vous avait déjà envoyé l'honorable version de Cher.
Plus surprenant, le crooner new-yorkais Bobby Darin la chanta en français en 1964. Ce rocker raté, amoureux de Kurt Weill tient ici le premier rôle, transformant l'objet de ses sollicitations en Ma p'tite.


À ce stade, impossible de faire l'impasse sur "la panthère de Goro", la flamboyante Milva (Maria Ilva Biocalti) qui fit de la version italienne de Milord son premier 45 tour en 1960.
La voici en 1983, accompagnée par le toujours fringuant et séducteur auteur.

dimanche 1 novembre 2020

Un crooner disparait

Le dernier roi d'Écosse
On n'a aucun problème à avouer que James Bond, on s'en fout. Tonton Sean était peut-être le meilleur interprète de la barbouzerie britannique mais on n'a jamais goûté cette série. Par contre, on lui rend volontiers hommage vu le choc qu'on a ressenti en découvrant successivement The Offence (1973) La colline des hommes perdus (1965) ou Le dossier Anderson (1971) tous de Sydney Lumet et tous produits par ce "métis" de prolo catholique irlandais et de prolotte protestante écossaise qui en avait marre de jouer les séducteurs de sa Majesté.
Passons sur les indispensables The Molly Maguires, Le Nom de la rose et autres films où l'ex footballer fit notre ravissement pour souligner que le cher disparu cachait un crooner assez respectable.
Exemple, cette séquence de Darby O Gill and the little people où il chante Pretty Irish girl.
 

 

Et en plaisanterie, cette reprise du tube de Simon and Garfunkel qu'il envoie avec un accent de Glasgow à couper à la claymore.