samedi 29 février 2020

Les bons conseils de Madame Bolduc (parenthèse d'actualité)

Black Bloc allant à une auto-réduction ? No sir, corona virus...
Telle la Hordes d'or, le fléau a galopé depuis le fin fond des steppes d'extrême-orient pour frapper de stupeur et de trouille le monde entier.
Vous qui chopez une fièvre et toussotez, abandonnez tout espoir.
Vous qui cherchiez un exercice grandeur réelle de contrôle social total de votre population, réjouissez-vous mais gaffe, sait-on jamais où peut vous mener cette affaire. Déjà, les bourses font du toboggan.
Quant à nous, pauvres mortels, viandes à laboratoires, il nous reste malgré tout un futur.
Car oyez, oyez, braves gens, ça nous vient du grand Nord !
Mary Travers, impératrice du turlutage, lumière de Gaspésie, La Bolduc elle-même, nous redonne un peu d'espérance.
C'est d'autant plus remarquable que ça date d'environ 1939, autre année terrible.
Et ça s'appelle Tout le monde à la grippe.
Ô prophétesse soit remerciée.

Si vous venez qu'à rempirer
Frottez-vous avec de l'huile camphrée
Si vous avez mal au cœur
Prenez une dose de painkiller
Si vous avez peur de la mort
Prenez une dose d'huile de castor
Avec tous ces conseils-là
Vous aurez pas l'influenza


mercredi 26 février 2020

Les Maquis de l'autre côté (avant-première)

Membres du Regroupement de guérillas du Levant-Aragon
On sait généralement que la Guerre civile espagnole (1936-1939), marquée par une révolution sociale, une contre-révolution et le triomphe des réactionnaires a fait plus de 500 000 morts et, en gros, autant d'exilés.

Il est assez connu que la répression franquiste s'est prolongée bien après la fin officielle de la guerre, transformant le pays en prison et faisant environ 80 000 victimes supplémentaires. Il est beaucoup moins su que, dès la fin du conflit et jusqu'aux années 1950, la seule opposition réelle au régime a été constituée par des groupes armés qui ont continué le combat sur les deux tiers du territoire.

Il a fallu pour cela que des fugitifs intérieurs, certains bloqués dès l'origine dans des régions contrôlées par les fascistes, cessent de se dissimuler pour survivre et s'organisent pour établir, petit à petit, le seul et unique contre-pouvoir, particulièrement dans les régions les plus montagneuses.
Il a fallu aussi que des groupes de maquisards, issus de la Résistance en France, partent libérer l'Espagne en envahissant les Pyrénées, ce qui a eu des conséquences inattendues.
Il a fallu également que bon nombre de prisonniers évadés ou d'Espagnols persécutés par la police ou les phalangistes ne voient d'autre alternative que de monter au maquis. Il a fallu, enfin, que des régions entières passent du côté de la guérilla car, pour l'action d'un combattant, il faut en moyenne une dizaine de soutiens civils.


L'historien Segundino Serrano a déroulé cette histoire en détail, région par région. On y suit, entre autres choses, les débuts des premières guérillas autonomes, le rôle des services secrets anglais et américains durant la Deuxième Guerre mondiale, l'incertitude politique des années 1944-1946, les conséquences de la Guerre froide, le retour de l'état de guerre déclaré dans plusieurs régions, la fabrication de faux maquis par le régime, les nouveaux massacres qu'il va déclencher et l'incompétence criminelle des partis républicains en exil. Il y est aussi question des guérillas urbaines dont certaines, en Catalogne, vont perdurer jusqu'aux années 1960.

Cette histoire a été tue pour des raisons évidentes par le franquisme mais a été aussi volontairement oubliée pour des causes plus surprenantes par son opposition. Particulièrement par un Parti Communiste qui a pourtant été un bon moment la seule faction à s'engager franchement dans la voie des armes.

 
Vendredi 28 février, à 20h au local Camarades (54 bd Déodat de séverac, Toulouse) Projection d'un film (23 minutes) présentant l'ouvrage de Segundino Serrano, MAQUIS, et discussion avec le traducteur.

Un rap du groupe Mala Fama en honneur de Juanín (Juan Fernández Ayala) et Bedoya (Francisco Bedoya Gutiérrez), légendaires guérilleros des monts de Cantabrie tués en 1957.

lundi 24 février 2020

Vanneaux moustachus

Moustache avide à dollars
Accessoire indispensable de nos ancêtres les Wisigoths, du sabreur XIXème siècle, du dictateur chamarré, du pandore à l'ancienne, du bon goût méditerranéen, du mariachi et de pas mal de chanteurs d'avant le rock, cet appendice viril et néanmoins sub-nasal sera étudié dans la prochaine édition des Vanneaux de passage.

Ce sera le lundi 2 mars à 17h30 à Radio canal Sud (92.2fm).

Et ce qui nous donne l'occase de se remémorer un sympathique personnage qui vécut beaucoup dans l'ombre d'autrui.

François-Alexandre Galepides (1929-1987), dit Moustache, fut acteur, de cette cohorte de second rôles dont le cinéma français avait le secret, dans une soixantaine de films. Outre le grand écran, il trimballa son physique inoubliable derrière sa batterie en accompagnant dès 1948, Claude Luter ou Sydney Béchet. Dans les années cinquante il dirigea plusieurs formations de jazz dont les Sept Complices, les Gros Minets ou les Moustachus.
Il enregistra plusieurs paléo rock'n roll parodiques avec Boris Vian puis monta les Petits Français (comme son nom l'indique, il était aussi Grec) avec son vieux copain d'origine douteuse, Marcel Zanini.
Grand copain de Georges Brassens, il a gravé pas mal de reprises du moustachu sétois en les swingant.
Un de leurs titres en hommage à Simone, l'épouse de Moustache, danseuse du Vieux Colombier : Élégie à un rat de cave (1979).



vendredi 21 février 2020

Chantons au goulag

Du côté de Magadan
Port sibérien de la mer d'Okhotsk, Magadan est la capitale administrative de la région de la Kolyma.
Varlan Chalamov ou Alexandre Soljenitsyne ont rendu célèbre cette impasse finale que fut la contrée entre Magadan et Iakoutsk et sa célèbre "route des os" dont les cadavres des déportés furent directement incorporés à la chaussée.
Contrairement à d'autres camps recyclés fonctionnant déjà sous les Tsars, cette partie du Goulag (acronyme de Direction principale des camps de travail) comprenant les camps de la Kolyma ne fut ouverte que dans les années 1930, au temps du rouleau compresseur stalinien triomphant.
Entre 1932 et 1953, plus d'un million de Russes, Polonais, Baltes et d'autres nationalités jugées suspectes ou ennemies y furent envoyées.
Comme le communisme n'exterminait pas, il ne s'agissait là que de tuer les déportés à des travaux miniers par la faim ou l'épuisement.
Ce qui fut assez réussi.

Le thème du goulag, officiellement disparu en 1958 mais opportunément réaménagé jusqu'à la fin de l'URSS (on n'ose supposer que ces infrastructures aient été aujourd'hui bêtement abandonnées) ne peut évidemment être évoqué en Russie qu'avec des pincettes.
Qui d'autres que Vladimir Vyssotski ne pouvait mieux s'emparer du sujet dans une chanson ironique sobrement intitulée Magadan et dédiée à son ami Igor Kokhanovski ?

Extraits :
Mon ami part pour Magadan,
J'en reste sans voix, j'en reste sans voix !
Il part lui-même, volontairement,
Et pas sous convoi, et pas sous convoi.

Certains diront : « mais il est fou !
Comment un homme sain plaque-il tout à dessein ?
Là-bas y a des camps partout,
Pleins d'assassins, pleins d'assassins ! »

Il répondra : « On exagère beaucoup :
Il n'y en a pas plus qu'à Moscou. »
Fera sa valise tranquillement,
Puis partira pour Magadan.

Mon ami part sans vraie raison
Il en a ras-le-bol, il en a ras-le-bol
Mais il ne va pas en prison
Il est bénévole, il est bénévole...


Là où cette rengaine moqueuse devient franchement hilarante, c'est lorsqu'on apprend que, suite à son annexion de la Crimée, le gouvernement de Poutine a délivré à des milliers de nouveaux citoyens russes des permis pour s'installer dans les riantes contrées de Vorkuta ou Magadan dans la Kolyma.
Une centaine d'ex Ukrainiens auraient jusqu'ici consenti à tenter leur chance dans le Far-est.

mardi 18 février 2020

Micha

En Alexandre Jacob dans le film de Mathieu Mathurin
en 2015, il nous avait fait l'honneur d'une visite pour évoquer le cabaret la Colombe du début des années soixante et ses souvenirs en chanson.
Anarchiste inébranlable, dessinateur émérite, ami des arts et de la table, il va nous manquer.
Que la terre te soit légère, ami.
Un p'tit clin d’œil à ce fin pratiquant du jargon parigot tel qu'il fut.

samedi 15 février 2020

Quand la Cavalerie se faisait étriller



Parmi les rapports aussi riches que variés qu'entretinrent les Amérindiens des États-Unis et le corps de cavalerie de l'US Army, on garde en mémoire la Little Big Horn (1876) où Sioux et Cheyenne donnèrent une leçon au 7ème de cavalerie ou la bataille de Fetterman (1866) au cours de laquelle un capitaine du même nom s'envoya, avec ses 80 hommes dans un piège tendu par les Sioux de Red cloud. Nul n'en réchappa.
On oublie souvent l'affaire de White Bird Canyon (1877) épisode de la guerre contre les Nez-percés.
Les Nez-percés étaient établis sur un territoire à cheval entre l'Idaho, l'Oregon et le Washington, au Nord-ouest des USA. Selon un traité passé en 1855, personne ne pouvait s'établir sur leurs terres. Et, comme d'habitude, suite à la découverte d'or dans leurs montagnes, un nouveau traité leur fut proposé, amputant leur terre de 90% de sa surface (1863-1871).

Conscient de l'inutilité d'une guerre contre les États-Unis, le porte-parole des Nez-percés, le jeune chef Joseph, Hin-mah-too-yah-lat-kekht de son vrai nom, (1840-1904) tente de remettre en cause la légalité du nouveau traité, avec un certain succès du côté des législateurs américains.
Six ans de négociations s'ensuivent. "Ne vous méprenez pas sur mon intérêt pour la terre. Je n'ai jamais dit que la terre était à moi pour en faire ce que je veux. Je réclame le droit de vivre sur ma terre et je vous accorde le privilège de vivre sur la vôtre." ou " Cette terre renferme le corps de mon père. On ne vend jamais les os de son père et de sa mère." (Joseph)
En juin 1876, suite au meurtre d'un Nez-percé par des colons, Joseph donne une semaine aux envahisseurs pour quitter la vallée de la Wallowa. La cavalerie s'interpose entre colons et Indiens dans un  premier temps.
Un an plus tard, le général Howard adresse un ultimatum aux Nez-percés les enjoignant de gagner la réserve prévue.
Un groupe d'environ 600 Nez-percés, dont les guerriers de White Bird (Peo-peo-hix-hiix) refuse de se soumettre et des jeunes mènent des expéditions vengeresses contre les colons.
Deux compagnies de cavalerie et une milice de citoyens mènent la chasse aux Indiens. Épuisant ses soldats en marches nocturnes aussitôt repérées par les guetteurs Nez-percés, le capitaine Perry, aventure ses 126 hommes dans le White Bird Canyon, véritable souricière.
Les militaires sont flanqués de quelques 70 tireurs amérindiens menés par Ollokot (jeune frère de Joseph) qui se postent sur les hauteurs. Éliminant d'emblée les clairons censés transmettre les mouvements, repoussant les tentatives des militaires de prendre les cimes, les Nez-percés leur causent 38 pertes, n'ayant à subir deux ou trois blessés dans leurs rangs et récupèrent un grand nombre de fusils.
La cavalerie finit par fuir en trois groupes, serrés de près par les guerriers d'Ollokot et de Two Moons. Les trois éclaireurs Nez-percés entrés au service de l'armée capturés sont libérés sous promesse de ne plus jamais rempiler.
Premier affrontement de ce qui sera nommé la "Guerre des Nez-percés", cette bataille est donc une cuisante défaite pour un corps d'armée traumatisé par la Little Big Horn l'année précédente.
Se sachant poursuivis par des forces écrasantes, les Nez-percés entament une course vers la frontière canadienne, ponctuée d'une dizaine de batailles au cours desquelles l'armée américaine est plusieurs fois humiliée.
Cerné dans le Montana à 70 kilomètres du Canada, Joseph, à la tête d'un groupe de 87 hommes, 184 femmes et 147 enfants finira par se rendre au général Miles.

Guidés par White Bird, quelques 300 Nez-percés passent au Canada et y demeureront en paix.
Suite à sa reddition, Joseph prononce un discours considéré comme un modèle du genre : " Je suis fatigué de me battre. Nos chefs ont été tués. (...) Tous les anciens sont également morts... Celui qui dirigeait nos jeunes gens, Ollokot, est mort. Il fait si froid et nous n'avons pas de couvertures. Nos petits enfants meurent de froid. (...) Écoutez-moi, dites au général Howard que je connais son cœur. Le mien est triste et tourmenté. À partir de ce jour, de l'endroit où se tient le soleil, je ne combattrai plus jamais !"
Déportés en Oklahoma, les Nez-Percés pourront regagner le Nord-est après des années de démarches de l'infatigable Joseph qui mourra, le cœur brisé, non sans avoir ramené les siens au pays. 

Cette longue histoire est un prétexte à entendre le bel hommage qui lui fut rendu par Orchestre Rouge sur leur second LP More passion fodder (1983). Ça n'a pas pris une ride.

mercredi 12 février 2020

Archives vidéo, Jesse Garon



Il est des moments, où en musardant sur le ouèbe, on a quelques sujets d'étonnement.
Ainsi, devinerez-vous quel est l'auteur de La Poliorcétique des Anciens Hébreux, Paléographie Médiévale ou encore Introduction à la Bible Médiévale ?
Rien moins que Bruno Fumard, alias Jesse Garon (du nom du jumeau mort-né d'Elvis) rocker pur et dur toujours en exercice qui commit,en 1983, C'est lundi, un mini tube finalement assez marrant dont on ne résiste pas à vous rappeler sa vidéo plutôt bien tournée.
Pour tous les travailleurs déprimés et leurs collègues chômeurs.


dimanche 9 février 2020

Rachid et Mick


 Joe Strummer a toujours confessé qu'une de ses plus grands hontes remontait à 1991, le jour où le tube dance des Clash a été adopté par une armée américaine qui retapissait l'Irak de ses bombes (ce qui, une fois encore, constitue un superbe contresens vis à vis de paroles dans lesquelles des militaires finissent par désobéir à leurs ordres).
Petit génie de la reprise, Rachid Taha en fit une énergique version, Rock el Casbah, en 2004 (album Tekitoi). Ci-devant guitariste des ex-gloires du punk et d'après, Mick Jones avoua alors préférer la version de notre cher disparu à leur originale.
Il était donc logique que ces deux-là se retrouvent pour faire remuer une fois encore les popotins du public. C'était en 2006. 


Pour mémoire, la version originale, dont le batteur, Topper Headon a toujours revendiqué le riff de base au piano. S'étant fait virer du groupe quelques temps après pour toxicomanie, le gars sur la vidéo est le premier batteur du groupe, Terry Chimes, qui fut tardivement repris. Des Clash qui n'allaient pas tarder à se séparer, tués par leur propre gloire (LP Combat rock, 1982).


jeudi 6 février 2020

Spartacus 's not dead

Issur Danielovitch et Bernard Schwartz sur Spartacus (1960)

À 103 ans, ça faisait un bail qu'il ne tournait plus.
Il nous restera pour toujours nos émerveillements de mômes avec entre autres les personnages de Charles Tatum (1951), Jim Deakins (1952) le colonel Dax (1957), Einar (1958), Jack Burns (1962). Et on en passe, surtout des westerns.
Mais le film nous a fasciné, à 12 ans, alors qu'on n'avait pas encore entendu parler des Bagaudes, de Rosa Luxemburg, de Karl Liebknecht, de Dalton Trumbo, d'Howard Fast ni d'un certain nombre de club de football d'Europe de l'Est, fut le film peut-être le plus catho de Kubrick, le peplum de luxe, celui qui nous laissa en larmes, ce fut bien entendu le seul et unique Spartacus. Celui de 1960.
Salut l'artiste !

Et il semble que le bougre savait jouer, ou alors il faisait très bien comme si : Young man with a horn (1950)

mardi 4 février 2020

Les Vanneaux en exil

Quand les Irlandais se bousculaient pourfoutre le camp
Le déplacement de tout être humain ayant toujours été source d'espoir, de nostalgie, de cafard ou d'oppression, il n'y a plus qu'a choisir dans le florilège des chansons d'exil. Des aèdes grecs aux bluesmen du Sud, des bardes crevant la dalle aux mariachis passant le fleuve, ces migrations furent chantées.
Petit aperçu.

Dahmane el Harrachi                     Ya rayah
Phil Ochs                                         The ballad of William Worthy
La Rumeur                                      Le cuir usé d'une valise
Eugenio Bennato                             La riturnella
Mohamed Mazouni                          20 ans en France
G. Bithikotsis                                   To tragoudi ti Xenitias
Asian Dub Foundation                      Fortress Europe
Rusan Filistek / Hamid Elkamel       Tichoumaren
Richie Havens                                   Follow the drinking gourd
Christy Moore                                   Back home in Derry
Stiff Little Finger                              Gotta gettaway
Slimane Azem                                   Algérie, mon beau pays
The Melodians                                  River of Babylon
Amparo Ochoa                                  Jacinto Cenobio
Chico Buarque                                  La samba d'Orly
Choeur Jerzy Siemonov                    Pomniou, pomniou, pomniou ia
Ilda Simonian                                   Adana Ağıdı
Aziza Brahim                                    Lagi
Bronski beat                                     Small town

Pour écouter ou télcharger, c'est toujours en cliquant sur ce truc d'une autre couleur.

Rubén Blades, éminente voix des latinos de new-York en a eu un jour ras-le-bol d'être trop loin de son Panama natal, il n'avait plus qu'à faire La Maleta.

  


dimanche 2 février 2020

Les grèves d'Harlan County



Le comté d'Harlan (Kentucky) est logé dans les bassins miniers des Appalaches.
De 1931 à 1939, une série de grèves, les Harlan county war, vont voir s'y produire la mort d'un nombre indéterminé de mineurs et de flics, une douzaine d'occupation des bourgades par l'armée fédérale ou la Garde nationale, l'émergence d'un syndicat teigneux ainsi qu'une chanson promise à une belle postérité.

En 1931, sous prétexte de Grande dépression, l'Association patronale des mines de réduire les salaires de 10% et de virer, au passage les mineurs membres du syndicat traditionnel UMW (united Mine Workers).
Dans cette région où la vie ne vaut pas grand chose, l'immense majorité des travailleurs part en grève sauvage avec dynamite et bagages. S'ils sont 6 000 à bloquer les puits, quelques centaines de jaunes persistent à tenter de forcer les piquets.
Dans un premier temps, les grévistes doivent affronter les vigiles des compagnies minières qui se permettent légalement d'intervenir hors des murs des entreprises. Face aux corrections infligées à ces vigilantes, un autre acteur intervient dans le conflit, le shériff J.H. Blair qui ne fait aucun mystère de son allégeance au patronat minier ni de sa haine des "rouges".
Outre la chasse aux grévistes, le brave homme se charge d'escorter des briseurs de grèves amenés par camions entiers. Le 5 mai 1931, c'est la "bataille d'Evarts" au cours de laquelle les mineurs prennent ces véhicules de "renards" en embuscade à l'arme automatique. Quatre flics et jaunes ne s'en rélèveront jamais.
Grévistes Blair Mountain (1921)

Trouille des autorités due au souvenir de la grève de Blair Mountain (1921) dans la partie virginienne des Appalaches, au cours de laquelle 10 000 mineurs du UMW, noirs, blancs, immigrés récents avaient affronté les milices patronales en armes et où l'armée fédérale avait été dépêchée pour bombarder les grévistes au canon ? Toujours est-il que le Kentucky envoie la Garde nationale qui gaze copieusement les piquets et le shériff déclare l'état d'urgence.
Face aux baïonnettes, la grève de 1931 échoue.

Un épisode restera dans les mémoires. Une nuit, les tueurs du shériff Blair font irruption au domicile de Sam Reece, éminent membre du UMW, dans l'intention de l'assassiner. Prévenu de cette descente, Reece évite le lynchage en se trouvant planqué hors de chez lui. Les sbires ne trouvent donc rien de mieux à se mettre sous la dent que de ravager son domicile et tourmenter sa femme, Florence, et ses enfants durant des heures.
Loin d'être terrorisée, Florence Reece écrit aussi sec une chanson (en collant ses paroles sur l'hymne baptiste Lay the Lily low) qui deviendra un classique* des chants prolétaires américains puis anglais ou australiens : Which side are you on ? Elle sera également l'hymne officieux du UMW.
Ici par les Almanac Singers ( Woody Guthrie, Pete Seeger, Josh White, Cisco Houston, Lee Hays...)


Le comté d'Harlan verra des grèves armées se multiplier durant toute la décennie avec l'irruption d'un syndicat plus combatif, le NMU (National Miners' Union) d'obédience communiste, et les troupes occupent la région en 1932, 1935 et 1939.
En 1973, au cours d'une nouvelle grève, Florence Reece est filmée dans le documentaire de Barbara Kopple, Harlan County, USA, où elle chante dans une AG (j'ai écrit ça dans les années trente...).



Piquet de grève face aux jaunes, 1973


On finit sur un hommage de Bob Dylan à la Dame de Harlan dans Desolation row (1965)
Everybody's shouting, "Which side are you on?!" 
And Ezra Pound and T.S. Eliot fighting in the captain's tower...




* De Pete Seeger à Billy Braggs, d'Ella Jenkins aux Dropckick Murphys, plus d'une quarantaine de versions recensées.