Le gang Kelly a dédicacé une carte postale |
Parmi les bandits d'honneur haïs par les puissants et chéris par le peuple, un de ceux qui a eu la plus belle postérité est l'Australien Edward Kelly, dit Ned Kelly, descendant d'Irlandais déportés sur l'île, né en 1854 à Beveridge (Victoria) et exécuté en 1880 à Melbourne.
Né au sein d'une fratrie de huit, Ned est un bon élève qui, à 10 ans, sauve un autre gamin de la noyade, action pour laquelle il recevra l'unique récompense de son existence : une ceinture qu'il portera jusqu'à sa mort. Son père, Red, ayant été condamné aux travaux forcés pour avoir été soupçonné d'un vol de veau, Ned abandonne l'école à 11 ans pour nourrir la famille.
Terre à coloniser par des bagnards, l'Australie est alors peuplée de fermiers crevant de faim, souvent Irlandais ou Écossais (que les autorités britanniques aiment à déporter) qu'on force à renier leur religion catholique et qui doivent survivre sous le joug d'une poignée de propriétaires protégés par une puissante police.
Évidemment, ce contexte est propice à la prolifération de bandits ruraux vengeurs, les bushrangers, comme le gang de Jack Donahue, dit des strip-teaseuses, qui n'aimaient rien tant que laisser les riches à poil.
À 16 ans, le jeune Ned écope de trois ans fermes pour recel d'une jument "empruntée" par un de ses amis. Ses petits frères Jim et Dan connaissent alors de semblables déboires.
Mais ce qui scellera sa destinée fut une perquisition menée par le policier Alexander Fitzpatrick en 1878, qui au passage avait tenté d'abuser d'une jeune sœur et avait été remis à sa place par leur mère, Ellen, à coups de pelle. Ellen est emprisonnée avec son dernier bébé, quant au père, Red, sa santé précaire n'a pas résisté à son dernier séjour en taule.
Poursuivis par des flics sanguinaires, le noyau du futur gang Kelly, Dan et Ned, rejoints par leurs amis Joe Byrne et Steve Hart, descendent les quatre policiers et entament leur carrière de hors-la-loi.
Et c'est parti pour deux années de hold-up et de redistribution aux populations locales, les caissiers de certaines agences bancaires n'hésitant pas à trinquer avec des braqueurs qui se sapent pour l'occasion et réservent leurs tirs aux miliciens et autres flics au service des propriétaires. La bande de Ned se spécialise dans l'autodafé des prêts hypothécaires récoltés dans ces mêmes agences, à la grande joie des fermiers.
À Jerilderie, après avoir emprisonné les policiers et pris une trentaine d'habitants en otage plus ou moins volontaires, Ned veut faire imprimer une proclamation de son cru destinée à protester contre les injustices du gouvernement et appelant à la révolte. Trahi par l'imprimeur local, il remet son manifeste à un otage sympathisant en le chargeant de la diffuser.
Tous les parents et amis de la bande sont alors sous les verrous à titre préventif.
Et comme dans toute bonne légende rurale, vint l'apothéose et la chute. Le 27 juin 1879, le gang occupe la ville de Glenrowan et se retranche dans l'hôtel en embarquant 70 personnes avec qui ils feront la fête dans la nuit. Ils savent qu'une armée de miliciens arrivent par le chemin de fer et ont préalablement saboté la voie ferrée afin que la troupe déraille en beauté.
Mais ils sont trahis par un instituteur qui affirme être de leur côté et qu'ils laissent naïvement rentrer chez lui. Le cafard va au devant du train pour éviter la catastrophe et les flics cernent la ville.
Tels des chevaliers errants, nos quatre gaillards font alors face aux forces de l'ordre affublés d'armures artisanales pesant plus de 40 kilos et censées les rendre invulnérables.
Mauvaise pioche : empêtrés dans leur ferraille, Joe Byrne est touché à l'artère fémorale, Dan Kelly et Steve Hart, cernés, se tirent une balle dans la tête et Ned, blessé aux jambes set embarqué. Il restera une sacrée image de leur dernier combat.
Malgré une pétition de 32 000 signatures réclamant sa grâce, Ned est pendu le 11 novembre 1880, non sans avoir lâché "Ainsi va la vie" en guise de derniers mots.
Il devient ainsi le Robin des bois australien, défenseur des pauvres et à jamais chevauchant dans le bush. Impossible de compter le nombre de balades qui lui est consacré, en plus de celle de l'inévitable Johnny Cash, qu'on a passé dans l'émission de février 2019. De 1906 à 2019, il est aussi le héros de cinq films dont celui de Tony Richardson (1970) avec Mick Jagger dans le rôle principal.
Quelques unes de ces rengaines pour la joie et la mémoire.
La Ballad of the Kelly Gang, recycle la vieille chanson des rebelles irlandais At the rising of the moon.
Le chanteur australien Lionel Long a consacré un disque aux bushrangers dont le plus célèbre d'entre eux.
Et le texan Waylon Jennings (1937-2002) y alla lui aussi de sa ritournelle
Cet article doit beaucoup au chouette chapitre Grandeur et chute des chevaliers du Bush, d'Émilien Bernard (Bandits & Brigands, l'Échappée 2020)
Tiens, à ma connaissance ils n'en ont pas parlé dans CQFD de ce livre... Une discrétion à saluer, une belle résistance au copinage et à l'auto-promotion ! Pourtant on ne leur en aurait pas voulu... Peut-être dans le numéro de décembre...
RépondreSupprimerTout le monde n'a pas eu cette modestie. Mais comme on vomit la délation, on citera personne.
RépondreSupprimerOui, finalement ils l'ont chroniqué dans le numéro de décembre, page 22.
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