vendredi 29 avril 2016

L'opéra de Quat' sous

« Un ancien chef de la police fera toujours un bon directeur de banque. »

 
 
  L’Opéra de quat’sous, (Die Dreigroschenoper) est le chef d’œuvre de Bertold Brecht et Kurt Weill, le premier s'étant largement inspiré du Beggar's Opera de John Gay (1728)
Son cadre est une lutte d’influences entre  mendiants, pègre et police de Londres. Une plongée dans les bas-fonds...

Sorti à Berlin en 1928, il ne sera joué en France qu'en...1939 !
Vu sa renommée, une version filmée est tournée en 1931. La Warner, qui produisit le film, choisit Georg Wilhem Pabst pour le réaliser. Il avait déjà une certaine réputation : La rue sans joie avec Greta Garbo ou Loulou avec Louise Brooks. Le film est grinçant: bourgeoisie, police, idéologie dominante sont passés à la moulinette et cet anarchisme primitif l'a fait censurer partiellement en France et descendre en flammes par des critiques de la presse de droite comme de gauche.
Chez les nazis (avec qui Pabst s'acoquinera pourtant par la suite) ce fut encore plus simple : Strecklich VERBOTEN !
Curieusement, deux versions ont été réalisées simultanément, l’une allemande et l’autre française. Il semble que ça se faisait à l’époque.
Préjean et Pabst

La partie musicale du film est prétexte à des scènes de transition entre les différentes parties. L'interprétation reste encore et toujours émouvante et burlesque (le chef de la Police particulièrement gratiné).
Une chanson est devenue mondialement connue, celle de l'ouverture goualée au théâtre par un musicien de rue : Die Moritat von Mackie Messer, en anglais Mack the knife et en Français La complainte de Mackie.
Ce sont surtout les immenses versions jazzy de Louis Armstrong puis d'Ella Fitzgerald qui la populariseront partout. 
Mais la première version fut bien évidemment celle de Lotte Lenya (à l'époque madame Kurt Weil). Et c'est Florelle (Odette Rousseau 1898-1974) qui se chargera du morceau en français et du rôle de Polly à l'écran.
Mais qui mieux que Damia pouvait interpréter ce morceau d'anthologie ?
La "tragédienne de la chanson" enregistra cette version pour la Columbia en 1931.




Une surprise : du temps giscardisme faisandé, à l'heure où, chaque dimanche, la France rotait et pétait avec Jacques Martin, on avait parfois, en guise de lot consolation, l'apparition de la grande chanteuse italienne Milva pour interpréter le rôle de Polly la serveuse, alias Jenny des pirates.



Mesdames et messieurs, ne reculant devant aucun sacrifice, la maison vous offre une rareté pour la fin : l'Ange Noir, l'Homme à la Cadillac, le loser absolu, le king du nunchaku, Vince Taylor, lui-même, reprend, en direct, la complainte de Mackie à la télévision le 28 avril 1962 !

mardi 26 avril 2016

Gribouille, étoile filante


Marie-Thérèse Orain nous a rappelé son existence dans Chanson Boum ! 
Triste histoire que celle de Marie-Françoise Gaite, dite Gribouille (1941-1968).
Elle a commencé à chanter très jeune au sein des diverses institutions où sa très catholique famille l'avait enfermée dans son Lyon natal (le pseudonyme Gribouille serait un emprunt au surnom d'une éducatrice). Une fois libre, elle file à la capitale pour y survivre en dessinant à la craie sur les trottoirs.

Une anecdote veut que l'ayant prise pour un joli garçon, Jean Cocteau l'aurait abordée pour la draguer avant de se rendre compte de sa méprise et d'aller la présenter au cabaret "Le Bœuf sur le toit" en guise de réparation.
Elle chantera ensuite des chansons écrites par Gérard Bourgeois, Charles Dumont, Jacques Debronckart, Georges Chelon.
Son physique androgyne, ses paroles ambiguës et sa voix grave, évoquant parfois celle d'Adamo, lui vaudront un public lesbien* ainsi qu'un un tombereau d'ordures balancées par les gardiens de la morale de la France gaulliste.
Officiellement, elle se suicide en 1968, d'après ses proches elle était simplement prématurément usée à vingt-six ans.
Elle qui chantait Mourir demain n'a pas eu le temps de vivre mai 68.
Elle a sorti neuf 45 tours et un seul album de son vivant. Trois autres verront le jour à titre posthume.
Un 45 tour de 1966

Et une chanson à titre posthume



Gribouille - Mourir Demain par gusyverde
 
* Françoise Mallet-Joris disait d’elle « Elle était le désespoir sous la forme la plus séduisante qui chante avec des coups de gueule et d‘inattendus mouvements de tendresse qui l’étonnaient elle-même…. »

samedi 23 avril 2016

Loquillo : Brassens en rock et en castillan


José Maria Sanz Beltran est mieux connu outre-Pyrénées sous le pseudo de Loquillo.
La presse espagnole l'a parfois abusivement comparé à Johnny Hallyday, certainement à cause de sa longévité dans le milieu du rock national.
Sauf que... cette grande bringue à l'allure de cigogne a commencé sa carrière bien plus tard, à la fin des années 70 à Barcelone, loin des tendances variétoches et rumba de l'époque en mélangeant rockabilly et punk avec ses groupes d'alors, Los Intocables puis Los Trogloditas.
Même s'il est un plus posé depuis, imaginez-vous jamais ouïr un jour notre Johnny cacochyme se mettre à reprendre les Clash (reprenant eux-mêmes Bobby Fuller) ou les Stranglers du début ?
Ou chanter des hommages à Durruti, Puig Antich, aux miliciennes de 36 et à Sancho Panza !
Un rocker à l'ancienne donc, autoproclamé star, un peu voyou, un peu anar mais plutôt sympathique car ayant évité bien des grosses erreurs en plus de 35 ans.
Plus inattendu, il a aussi chanté Brassens, en reprenant les excellente paroles adaptées par Pierre Pascal (lui-même écrivain et chanteur en provençal et castillan) pour Paco Ibáñez sur le disque de 1979 Paco Ibáñez canta Brassens.
Évidemment, il a choisi la Mala reputacion pour y imprimer sa marque.

 
Pour rappel, on passe la "version originale" précédée d'une apologie de l'auteur toute en lyrisme désordonné.


mercredi 20 avril 2016

Émission de mai : du côté du salariat

Salut au poète !

Même si vous habitez, mettons, du côté de St Pierre et Miquelon, il ne vous a pas échappé que les crétins qui nous gouvernent ont réussi à s'accrocher une casserole de poids en sortant de leur chapeau une nouvelle loi sur le travail.
Lycéens en cours accélérés de savoir-vivre vite, syndicats qui ne vont jamais nous trahir, places occupées quelque part entre assembléistes et bureaucrates en devenir (si le prochain sujet historique du changement doit être un habitant non-violent et apolitique des centre-ville, on lui conseille le suicide au plus tôt), blocages divers, manifs non déclarées, il y a là comme un air de belle saison.
Quelque peu poussive...   
Comme, il semble qu'on chante sa condition sociale depuis l'invention de l'esclavage puis du salaire, l'Herbe Tendre ne pouvait que rajouter sa pierre à toutes celles qui volent, décrivant de gracieuses ellipses, dans les rues de nos cités et sous-préfectures.
Ce sera au lendemain de la "Prol pride" et au surlendemain du "jour international du sabotage"*, le lundi 2 mai à 18h sur le 92.2 de Radio Canal Sud.
Et comme les prolétaires n'ont pas de patrie, une chanson belge de bon aloi par les René Binamé.



Suivie d'une (déjà vieille) question d'actualité de notre dub poet préféré. Qui a dit que reggae et lutte des classes ne faisaient pas bon ménage ?

 

* Et oui, c'est bien le 30 avril, la veille de la messe syndicale. À bon entendeur...

dimanche 17 avril 2016

Marie-Thérèse Orain, le retour

(photo empruntée à Chantal Bou-Hanna)
Voilà l'histoire inattendue d'une chanteuse qui a débuté en 1961 pour enregistrer son premier disque* en ... 2014 après bien des détours, y compris par l'opérette.
On avait à peine fait allusion à la dame dans un court article de janvier 2013.
Hélène Hazera l'a reçue dans son émission, "Chanson Boum" du 5 janvier 2015.
Bonne occasion de chanter en direct et d'évoquer certaines figures comme son vieux complice d'alors, Jacques Debronckart, mais aussi Gribouille, Bernard Dimey ou Anne Sylvestre...
Elle est parfois agaçante, comme nous tous, souvent drôle ou émouvante et ça donne une heure de radio avec une rescapée qui pète le feu.


* Exception faite d'un 45 tours 4 titres d'après un conte d'Andersen (1974).

mercredi 13 avril 2016

Quand Chédid faisait son cinoche

Le sympathique Louis Chédid conçoit souvent ses chansons en réalisateur de film.
L'exemple le plus évident en est la chanson Ainsi soit-il :


A l'ère du vidéo clip triomphant sur les écrans de télévision, en 1984, il va s'amuser en invitant Claude Brasseur, Gérard Jugnot et Alain Souchon à réinterpréter en actes cette chanson, originellement parue en 1974 sur l'album "Nous sommes des clowns".  Pour ce faire, un concours de scénario avait été lancé dans un magazine télé.
On a beau préférer la première version de Hold-up, moins tchaka-poum, le clip reste assez enlevé.
Pour la petite histoire, son rejeton, M, en fera encore une version sur son album Mister Mystère en 2009.
C'était le temps des gangsters romantiques...


lundi 11 avril 2016

Reprise yougo par Bratsch


Šaban Bajramović (1936 / 2008) est une des grandes figure musicale des Balkans.
Chanteur Tzigane Serbe, il fut surnommé "Le roi des Rroms" ou "le Frank Sinatra des Rroms" mais aussi "la Panthère noire" au cours de ses cinq ans d'emprisonnement, pour désertion, dans les années 50.
Précisons que là-bas, comme partout ailleurs, on aime surtout les Rroms de loin, à la broche ou lorsqu'ils jouent de la musique pour noces et banquets.
Outre Djelem, djelem, hymne officieux du peuple sans patrie ni frontières, il a écrit environ 700 chansons avant de finir dans une pauvreté logique.
Un autre classique, Opa Cupa, chanson de fête de perdant et de jeteur de sort dans la grande tradition.
La traduction donne à peu près ceci :  Je suis allé faire la fête, tout le monde dansait et s'amusait. Une belle jeune fille dansait et riait tout le temps. Toutes les autres filles ont dansé avec moi, sauf celle-là. S'il te plaît, viens et danse avec moi, sinon je te jette une malédiction.

   

Une version française fut enregistrée par le groupe Bratsch qui s'est séparé fin 2015, après 43 ans de carrière. Ce groupe à influence tzigane, yiddish, arménienne, russe et de tout ce qui se lève à l'Est en général, était formé de Dan Gharibian (guitare, bouzouki, chant), Bruno Girard (violon, chant) Théo Girard (contrebasse), Nano Peylet (clarinette, chant) et François Castiello (accordéon, chant).
Cette reprise gouailleuse, jouée avec la Rue Kétanou, se trouve sur leur album Sans Domicile Fixe de 1990 sous le titre Au bar est barré Papa.

vendredi 8 avril 2016

Casseurs et terroristes (Espagne)


Incontrôlés asturiens (octobre 1934)
Balance la bombe 
qui crache la mitraille
Pose des explosifs,
empoigne un "Star"*
Propage tes idées
révolutionnaires
jusqu'à gagner
la liberté.

Accourrez anarchistes,
armés de vos flingues
jusqu'à en mourir.
Avec du pétrole et de la dynamite
tout gouvernement
sera combattu et détruit. (...)

 

La tradition orale veut que cette apologie du terrorisme ait été composée par un anarchiste aragonais, un certain Aznar, dans les geôles du Commissariat Supérieur de Police de Barcelone en réponse à un tabassage particulièrement soigné. On était en 1932. Cette chanson devint très vite un hymne de la CNT et un des refrains les plus populaires de la guerre civile.

* Pistolet Star : arme de poing la plus populaire espagnole (manufacture Bonifacio Echverria S.A., Eibar, Gernika)

mardi 5 avril 2016

Émission d'avril : fleurs du trottoir


Manif de prostituées à Mexico sous le slogan "La rue à celles qui la travaillent" (c'est là-bas une tradition se réapproprier l'endroit où on bosse depuis ce cher Zapata)
S'il est un métier qui a inspiré moult chansons (comportant à l'occasion leur pesant de vulgarité ou de condescendance), c'est bien le "plus vieux de monde". En voici un bref florilège :

Colette Renard                   Si le mot putain vous gène
Barbara                              De jolies putes, vraiment !
Jacques Marchais               Le ruban
Catherine Sauvage             Nana's lied
Brassens                             De place en place
Monique Morelli                 Les progrès d'une garce
Yvette Guilbert                    La pierreuse
Bobby Lapointe                   L'ange
Patachou                              La Joconde
Nicolas Bacchus                  La Pierrette à Pigalle
Fréhel                                  Sous le pont 
Eddy Schmoll                      La fille aux yeux menthe à l'eau
Philippe Nicaud                   Le cul de ma sœur
Alain Leprest                       Dans le sac à main de la putain
Arletty                                  Si vous étiez un coquin

L'émission se trouve donc à l'endroit habituel.

Et puisque une auditrice nous l'a réclamé, un petit twist en supplément.


On en profite, au passage, pour rappeler que la prostitution est toujours soumise à l'impôt. Traiter l'État de maquereau n'est donc que l'énoncé d'une piètre réalité.

dimanche 3 avril 2016

Andrex, Arletty, Michel Simon font la java à l'écran

Circonstances atténuantes est film de Jean Boyer (1939) avec Michel Simon, Arletty, Suzanne Dantès, Andrex, Dorville, Mila Parély…
Synopsis :
En allant à Plombières, un ancien procureur de la République, surnommé Le Sentencier, et son épouse s’arrêtent dans un petit bistrot, suite à d’une panne de voiture.
Cet arrêt intempestif va créer un quiproquo car le couple de bourgeois tombe dans un repaire de truands, qui prennent Le Sentencier, dit "La Sentence", pour un des leurs.
Et c'est encore parti pour une festival de malentendus entrecoupés de javas.

Basée sur une situation classique de confusion des rôles, cette œuvre est loin d'être inoubliable. Mais heureusement, comme dans beaucoup de films populaires de cette époque, il y avait toujours une chanson qui elle, au moins, restait bien accrochée dans les têtes.
Il nous en reste donc pour l'éternité la rengaine « Comme de bien entendu » (Paroles Jean Boyer – Musique Georges Van Parys).
Elle est goualée, à tour de rôle, par les divers protagonistes du film.


Comme de bien entendu par gilou