mardi 9 mai 2023

Le seul juge supportable



Au cas où notre honorable lectorat en douterait, nous avons toujours eu des rapports exécrables, dans le meilleur des cas empreints de méfiance, avec l'institution judiciaire.  
Le seul magistrat qui trouve gâce à nos yeux est Finlandais. 
Hannu Juhani Nurmio, aka Tuomari Nurmio (juge Nurmio) alias Judge Bone est né à Helsinki en 1950 et doit son bizarre surnom à son doctorat en droit (thème de sa thèse "Abolition de la torture en droit international") dont il ne s'est jamais servi professionnellement. Par contre, il est un des auteurs compositeurs interprètes les plus respecté de son pays et ses premiers albums sont reconnus comme des classiques maniant un finnois poètique et populaire (enfin dixit les connaisseurs, parce que le finnois, pour notre part...)
Amoureux de blues, country, bluegrass et autres musiques du Diable, le gars se lance d'abord dans de la zizique en anglais avec les Dusty Ramblers. Nurmio a repris cette veine en devenant Judge Bean (en référence à Roy Bean, juge atrabilaire autoproclamé de Langtry) puis Judge Bone associé à Joe Hill, son batteur favori, Markku Hillilä de son vrai nom. Un troisième LP est prochainement attendu.
les voici dans Dry Bones

Nurmio est aussi membre d'un groupe de folk qui accompagne divers chanteurs de passage en Finlande et le gars apparaît avec le groupe de métal Korpliklaan.
Mais il reste avant tout apprécié pour ses chansons à la gloire des prolos et autres oiseaux de nuit. On se demande encore comment ça se fait qu'on ne l'ai pas vu apparaître dans un film de Kaurismäki, allez savoir...
Tonnin Stiflat, de 1999 variation poètique sur une errance de bars en bars avec une tonne de cafard est un très bel exemple de son talent. Allez, la cour vous refile un non-lieu mais n'y revenez plus.

mardi 2 mai 2023

Irlande, la "guerre des Tans"

Black and tans en action
 
Contrairement à certaine idée reçue, l'empire britannique a toujours eu une politique exquise pour traîter ses sujets des colonies et autres dominions.
Une chanson fort connue nous permet un petit éclairage sur un épisode de l'histoire irlandaise pas si connu malgré le nombre de groupes l'ayant joué ou de représentations cinématographiques.
Résumons en vitesse, En 1920 voilà plus ou moins trois siècle que l'île vit sous le joug anglais qui y a imposé des nobles et des colons, persécuté langue et religion, créé artificiellement une famine dont Staline reprendra la recette pour l'Ukraine et vidé l'Irlande d'un tiers de ses habitants contraints à l'exil. 
Après avoir fabriqué des martyrs à la pelle au cours de ces siècles, les nationalistes évoluant en républicains irlandais se lassent d'espérer un éventuel statut d'autonomie et une branche d'idéalistes et de socialistes déclenchent un soulèvement à Paques 1916, on vous a raconté ça en son temps.  
Suite à cette rébellion ratée, les Irlandais se soulèvent à nouveau en 1918, en adoptant ce coup-là des tactiques de guérillas urbaines et rurales grâce aux flying columns (colonnes mobiles) de leur organisation flambante neuve, l'IRA. 
IRA de Kerry nord

Cette armée républicaine se double d'un gouvernement provisoire, le Dáil, qui va régner petit à petit sur des portions entières du pays.
Pauvrement armés mais redoutablement organisés par leur chef du renseignement, Michael Collins, ennemi des affrontement en rase campagne, les volontaires de l'IRA parviennent à établir un climat de terreur pour la police royale puis pour l'armée britannique.
Qui va donc appliquer d'efficaces méthodes de contre-insurrection.
Infiltration, retournements, tortures, exécutions sommaires, rien ne sera épargné aux rebelles. 
Mais l'arme de destruction massive des Anglais sera l'emploi d'une force auxiliaire de 16 000 hommes recutés chez les ancien combattants des tranchées, les Royal Irish Constabulary Special Reserve, plus communèment connus comme Black and tans (noir et fauves) en référence à leur uniforme de bric et de broc.
Force militaire d'occupation autonome incontrolée complètement coupée de la population, les "Tans" vont cristalliser la haine des Irlandais en leur rendant bien. Pillages, exécutions ciblées ou au petit malheur, viols, incendies de villages entiers, ces soudards se rendront célébre dans le monde entier par de nombreux articles de correspondants de presse étrangers. 
On leur doit, entre autre, le premier Bloody sunday, celui du 21 novembre 1920 à Dublin. En représaille à l'exécution par l'IRA urbaine de 14 mouchards et officiers des services secrets, les Black ans tans mitraillèrent le public d'un match de football gaélique laissant 14 morts et 65 blessés. 
Bien entendu, ils devinrent une cible privilégiée de l'IRA et dès la semaine suivante, à Kilmichael, le détachement de Tom Barry en descend 17 dans une embuscade.
Cette spirale de violence ne se calme que lorsqu'un traité est signé en mars 1921. Traité qui débouche sur un état libre, une partition de l'île et une guerre civile entre anciens frères d'armes en 1922. Mais c'est une autre affaire...
Donc, la chanson : il s'agit bien entendu de Come out, ye black and tans (Viens faire un tour dehors, black and tan). Elle fut écrite par Dominic Behan, frère de Brendan Behan, écrivain et membre de l'IRA, en 1928 comme un hommage à leur père, Stephen, qui avait combattu ces brutes les armes en main. La mélodie vient d'un traditionnel du XVIIIème, Rosc Catha na Mumhan également détourné par les loyalistes pour leur Boyne water.
Parmi les centaines de version, la plus connue est sans conteste celle des Wolfe Tones de 1972.
La voici avec des extraits des films Michael Collins de Neil Jordan (1996) et Le vent se lève de Ken Loach (The Wind that shakes the Barley, 2006)
 

 

Dans les paroles, un républicain se querelle avec un unioniste, se gaussant de la manière dont il a gané ses médailles dans les Flandres et de la déculotté que leur a fait subir l'IRA à Killeshandra (comté de Cavan) tout en le priant aimablement de venir "enfin se battre d'homme à homme". 
Non sans rappeler au soldat brit' comment ses semblables ont traité Zoulous et Arabes d'Aden en torturant et exécutant à tout va.