mercredi 29 avril 2020

Un virus jusqu'ici inconnu des services de police

Dispensaire de test C19 de la préfecture
Il faut que ce qu'on appelle la police soit une chose bien terrible, disait plaisamment Mme de ..., puisque les Anglais aiment mieux les voleurs et les assassins, et que les Turcs aiment mieux la peste.
 Chamfort

Ces derniers jours de mai, animés par une saine émulation vis à vis de leurs congénères du 93, les policiers toulousains ont tabassé un gars qui sortait d'hôpital psychiatrique (plus exactement, se sont fait surprendre et filmer à tabasser, c'est à dire que là, on le sait) et blessé un homme dans le quartier de Croix-Daurade. Nos vaillants sergots ont également placé en garde à vue une femme ayant accroché à sa fenêtre une banderole libellée Macronavirus, à quand la fin ? Sur injonction d'un procureur dénué du sens de l'humour, il est vrai. 
La BAC de St Denis n'a qu'à bien se tenir pour revenir au score.

Et la fièvre monte dans le quartier en attendant l'heure de la sortie. 
Ici The Cramps



La sortie, parlons-en ! Les cyniques incapables qui nous gouvernent vont donc convertir notre ausweis de déplacement de 1 à 100 kilomètres* et interdisent tout rassemblement de plus de 10 personnes.
Par contre, vous pouvez toujours renvoyer vos mômes à l'école pour mieux aller au turbin. Enfin, de ce qu'on a compris de ce charabia. Et pratiquement, démerdez-vous !
À combien d'ordres, d'injonctions absurdes immergées quelques mesures de bon sens allons-nous nous soumettre ? Quel est le degré d'obéissance collective ?

Vous étonnez donc pas si les gamins ramènent une belle fièvre à la maison.
(Lee Perry et ses Upsetters chanté par Susan Cadogan)



Les locaux de la radio étant encore désertés, l'émission du 4 mai sera une rediffusion malheureusement toujours d'actualité : Tout le monde kiffe la police.

* Toulousains, Toulousaines, voici la carte de la zone nono à partir du 11 mai

Au vu de ce document, vous constaterez :
- que l'invasion foireuse d'octobre 1944 est vengée : le Val d'Aran est annexée à l'Espagne, pardon, à la Catalogne.
- et que vous n'être pas prêts de retrouver tranquillement la tata de Ste Livrade sur Lot ou le cousin de Lafranquie (voir cartes).

dimanche 26 avril 2020

Tranche de vie (familiale)



- Mon oncle était à Drancy, a dit Haymann d'un ton assez calme. Sa mère est morte pendant qu'il était à Drancy. Il a demandé, Seigneur, c'est vraiment formidable, il a bel et bien demandé qu'on le laisse sortir pour aller à l'enterrement, il promettait de revenir ensuite, écoutez bien, c'est pas là qu'il faut rire, c'est dans un moment. Tenez-vous bien, les types l'ont autorisé à sortir. tenez-vous encore mieux, il a passé trois jours en liberté et puis il est revenu, il est revenu, il est rentré à Drancy. Les types ont été sciés de le revoir, vou savez. Et on l'a envoyé en Allemagne. Et on l'a passé au crématoire, le con. Je préfère les Juifs de la génération suivante, vous voyez. Ceux qui ont des armes automatiques et de l'aviation et des barbelés. (il a ri doucement.) Purée, Tarpon, il n'y avait que dix ans de différence entre mon oncle et moi, mais je ne suis pas un mouton, vous savez, j'ai fait le coup de feu, sans doute ai-je tué des Allemands. Je sais me servir d'un fusil. J'ai même été marxiste. J'ai lu Le Rôle de la violence dans l'Histoire et je m'en souviens et je suis d'accord avec. Purée !
- Vous voulez vous arrêter sur le bas-côté, a demandé Charlotte,  et que je conduise ?
- Non merci. Ça va. Ça va aller.

Jean-Patrick Manchette Que d'os !

 

vendredi 24 avril 2020

Isolement et après

Solitude, Arcadia county, Virginia.
La fin de cette étape serait donc pour le 11 mai. Ben oui, ces cons là (nous, en l’occurrence) auraient été bien capables de faire n'importe quoi pour le premier mai et autant laisser passer le pont du 8, sinon ils allaient se précipiter au bord de l'eau, au vert, au drive du coin, que sais-je encore...
Une fois les marchés (non, pas ceux de plein vent) et le patronat rassurés, y'a plus qu'à bricoler le grand n'importe quoi habituel. Et on dirait que le dé-confinement est moins pénible au soleil. Si  ça se trouve, Alsaciens et Franc-comtois resteront coincés plus ou mieux que nous autres du sud-ouest, ou bien... en fait, on n'en sait rien.
Quant aux écoles, premières à fermer et premières à rouvrir, faut bien que les darons aillent au turbin. Heureusement, comme au bon vieux temps d'avant, nos vaillants syndicats seront prêts à cogérer pourvu qu'on leur laisse un strapontin.


S'il est bien trop tôt pour tirer le moindre bilan de la mise entre parenthèse de la populace, contentons-nous de constater plusieurs petits faits.
Nous ne pensons pas être les seuls à avoir remarqué que l'excitation des premiers jours du Grand confinement, la colère, la circulation d'idées a assez vite fait place à ce qui ressemble à une morne résignation. On rappelle qu'il y a tout de même un paquet de compte à régler. Et on espère que le fait de nous permettre une sortie sans ausweis ne nous rendra pas collectivement plus soumis par la peur d'y retourner. Ce qui est loin d'être exclu, vu que la deuxième vague nous attend au tournant. 
D'autre part, un indécrottable militant restant un indécrottable militant, chacun, chacune, voit dans les évènements en cours la confirmation de son idéologie préexistante : les décroissants décroissent, les partisans d'un État tout puissant rêvent d'une grande planification, de nationalisations, de plans quinquennaux... les radicaux postmodernes s'imaginent qu'il suffira d'une bonne poussée pour en finir le capitalisme. Vous vous souvenez du  coup du dynamitage des rapports sociaux, les gars ?
À de notables exceptions* près, la plupart des textes qu'on a vu circuler ne servent qu'à affirmer des positions déjà connues et à prêcher à des convaincus en circuit fermé, lorsqu'il ne s'agit pas d'un lyrisme de pacotille au service d'un millénarisme new look (on ne citera personne, on hait la délation).
Dernier constat, on n'en peut plus de tous ces menteurs patentés ou idiots utiles qui nous gonflent avec leur "monde d'après". Et à quoi veux-tu qu'il ressemble ton monde d'après, abruti ? Après qu'on ait érigé en héros des catégories sociales à qui on ne promet que quelques primes en guise de justice sociale. Après qu'on ait subitement dégotté "un pognon de dingue" qui soi-disant n'existait pas et qu'on met à disposition des classes moyennes ou basses afin qu'elles puissent consommer en attendant de rembourser le tout avec intérêt. Après que le télétravail ait été expérimenté massivement. Après que des drones, des réseaux de caméras, des traçages de téléphone aient été généralisés.
Oui, il va ressembler à quoi ton futur radieux, Ducon, lorsqu'on va nous passer la facture ?

Mais on s'énerve et malgré un blindage nicotinien soigneusement entretenu, on sait bien que le stress est mauvais pour les défenses immunitaires, surtout lorsqu'on est seul comme un con devant un putain d'écran. 
Alors, pour faire une pause, trois minutes et quelques de nostalgie avec cet extrait du film de Solanas, Tango, l'exil de Gardel. Solo interprété par Roberto "Polaco" Goyeneche.



Et encore un truc du monde d'avant. Messieurs dames, The Dirty Macs nous balancent Yer Blues. Les avez-vous reconnus ?



* Le texte en lien est effectivement un constat mais on y aime assez une certaine lucidité bien trop rare de nos jours. Il n'est ici qu'à titre d'exemple, heureusement qu'il y a eu quelques autres écrits salutaires.

mardi 21 avril 2020

Les Brigades, lutte des classes et punk à l'anglaise


The Brigades : groupe parisien qui partit en trombe sur les rails posés par les Clash, Stiff Little Fingers, les Ruts et l'ensemble des groupes british punk rock reggae. Avec, pour ce qui concerne les paroles, une ligne guerre sociale, critique du salariat et fascination pour l'autonomie italienne .
De 1981 à 1989 ce groupe connut deux formations : la première avec Vlad Dialectics (paroles et chant) Saveriu Chatterton (basse) Kid Bravo, futur "Kid Loco" de la techno (guitare) et Tony Aigri (batterie). Les deux derniers seront remplacés, en 1984, par le toulousain à casquette Franck (guitare) et Miguel (batterie).
Dessin de Chatterton
Extrait de l'intéressant  entretien mené par Arno Rudeboy avec Vlad :
On était aussi attaché au côté critique sociale qui existait dans le punk anglais ou américain, et qui était absent, à quelques exceptions près, dans le punk français médiatisé à l’époque. Les Brigades ont toujours été un groupe de la classe ouvrière, avec un discours assez militant, sans pour autant donner des leçons… Mais plutôt donner des clés par rapport à la situation telle qu’on la vivait, et inciter les gens à se prendre en main (...)
On a réussi à être à la fois culturel,  musical et politique. À l’époque, on est comme notre propre organisation politique, on réfléchit par nous-mêmes, on va décider de participer à des concerts contre le travail.

Côté discographie, après une cassette auto-produite (My tailor is communist), les Brigades fondent leur propre label RRR (Rock radical Records) et produisent leur premier mini album en 1983, Bombs and blood and capital d'où est tiré ce State controlled paranoïa qui malgré un son approximatif donne une bonne idée de leur énergie


On chantait en anglais pour l’aspect rayonnement, pour pouvoir être compris au niveau international, et le second aspect concernait la musique des mots. L’anglais est plus favorable pour faire du rock. Je trouve ça plus beau, plus mélodique que le français qui est plus heurté.
On avait l’idée de toujours mettre nos paroles. Vu qu’on chantait en anglais, il nous apparaissait normal que tout le monde puisse comprendre ce qu’on racontait.
Ces précurseurs de la scène dite "alternative" vont jouer des dizaines de concert dans les squats parisiens, et tournent dans les petites salles du pays, avec de solides amitiés à Toulouse où on les a beaucoup vus. Ils parviennent à se produire en Angleterre (dont une tournée pendant la grève des mineurs) , en Pologne, Allemagne (dont une tournée en soutien aux prisonniers de la RAF) , Suisse avec le gratin de l'époque, des groupes comme les Redskins, Newtown Neurotics, Angelic Upstarts, Attila the .Stockbroker, Kortatu, Dezerters...

Entre-temps, RRR étant devenu Bondage Records (tremplin des Bérurier Noir), repris par kid Bravo et Marsu, les Brigades nouvelle formule montent Negative Records.
En 1986, We hate work de leur album Costa del dole. Les paroles viendraient d'un amérindien ayant dit "nous haïssons le travail, il nous empêche de rêver"


Épuisé par huit ans de concerts marquées par une reconnaissance plus marquée à l'étranger qu'en France, le groupe se saborde en 1989. C'est d'ailleurs l'année où les majors sautent sur cette scène alternative pour la saigner à blanc. Mais ça, c'est une autre histoire.
* À ne pas confondre avec une autre groupe nommé, lui aussi, les Brigades, formé la même année à Bordeaux qui a eu une carrière plus éphémère. 

samedi 18 avril 2020

Tranche de vie (mécanique)



- Vous réparer ?
- Oui frère. L'homme qui ne satisfait pas ces dames est une machine qui sait qu'elle est cassée mais ne peut pas être réparée faute de pouvoir s'examiner de l'extérieur. Je peux réparer n'importe quoi frère, n'importe quelle machine, tous les appareils que vous voudrez, mais j'ai besoin de regarder du dehors, de faire tourner dans mes mains, de les examiner pour comprendre comment elles fonctionnent. Ça, je ne peux le faire avec moi-même. J'ai essayé d'examiner ces dames, tenté de comprendre comment elles fonctionnaient mais j'en suis arrivé à me dire que ce n'étaient peut-être pas les dames qui étaient cassées, mais bien moi.
Je suis persuadé d'être capable de me réparer moi-même et il n'y a d'ailleurs que moi qui puisse le faire. Pourtant, la seule chose que je ne peux pas réparer c'est moi. Oui, frère. Et c'est bien dommage, ajouta Nekovar. J'aurais tant aimé me voir à l'écran.
- J'ai l'impression que dans cinq heures vous serez cassé pour de bon sans qu'aucune réparation ne puisse plus rien y faire, répliqua Mutz, et en disant ces mots à haute voix, il eut le pressentiment d'avoir scellé leur sort.

James Meek Un acte d'amour



Et pour accompagner ce texte, un petit film qui n'a rien à voir mais qui nous renvoie à notre condition de confinés malgré nous. Merci Pott'
La vie de village en temps d'épidémie. On peut foutre le nez dehors mais sans trop tirer sur la corde.

1km from Rezatova on Vimeo.


jeudi 16 avril 2020

Quand la flotte prend l'eau

Le Charles de Gaulle ralliant Toulon
On vous l'a dit et répété, "Nous sommes en guerre".
Et jusque là tout était dans l'ordre des choses : hospitaliers, éboueurs, routiers, caissières, et autres prolos fournissaient la chair à canon habituelle.
Mais il semble que le front soit en train de craquer là où on ne s'y attendait pas (là aussi rien que de très naturel).
En témoigne cet article de France Bleu du 15 avril qui recueille les confidences d'un petit gars de la Royale
"Alors qu'au moins 668 marins du groupe aéronaval (Charles-de-Gaulle et frégate Chevalier Paul) sont positifs au Covid-19 selon le Ministère des Armées, un des membres d'équipage témoigne, sous couvert d'anonymat, pour France Bleu Provence. L'homme se dit "en colère" : "L'armée a joué avec notre santé, notre vie."

On étouffe (c'est le moment, tiens) d'indignation.
L'armée jouerait donc avec la vie de nos matafs et de nos biffins  !
Et nous qui croyions bêtement qu'une guerre moderne correctement menée consistait à bousiller le plus possible de civils. 
Voilà-t-il pas que non seulement nos militaires sont atteints mais qu'en plus ils en éprouvent de l'amertume. Limite mutins de la Mer Noire, les gars...
Et si un porte-avion se métamorphose en hôpital flottant, on frissonne à l'idée de ce qui se produit chez les confinés de nos formidables sous-marins nucléaires.
Allons, vaillants matelots, ressaisissez-vous ! La Marine française a des traditions : ils s'agit de tenir avec panache. Comme à Trafalgar ! Comme à Mers el Kebir !
Rappelez-vous que la Nation vous regarde.
Et arrêtez de chanter des conneries...


Si on ajoute aux galères de notre flotte la perte d'un fleuron de notre aviation on frémit à l'hypothèse que la perfide Albion ne vienne profiter de notre désarroi pour nous piquer nos zones de pêches. Ou que les troupes luxembourgeoises n'aillent contourner le front en passant par la Belgique.
Définitivement, on n'est pas protégés.
Allez, pour la route, un classique d'un folkeux néo zélandais disparu il y a deux mois.


Et un supplément pour vous apprendre que ce n'est pas mieux ailleurs. Monsieur Pop Iggy, de Detroit, Michigan, nous chante Asshole rules the navy. On approuve ce message.


mercredi 15 avril 2020

Berthe Sylva s'arrache à la cambrousse

Dernière photo connue de Berthie
Puisque la saison est à l'auto-critique et que l'exemple vient de haut nous nous joignons au chœur des faux-culs.
Contrairement à ce que nous avions écrit là Berthe Faquet alias Sylva n'a pas commis que des chansons lacrymales. Anticipant de près d'un siècle la grande migration des urbains venus apporter leurs miasmes et autres postillons dans les campagnes, elle a chanté la fuite, loin de la capitale et de ses fêtes.
Même si la délurée ne crache pas sur une dernière tournée pour la route.
Adieu Paris, paroles de Lucien Boyer (1939).


Notre distingué lectorat aura, bien entendu, reconnu l'air de Adios muchachos, un des plus populaires tango du monde, écrit en 1927 par Julio César Sanders (musique) et par le poète argentin César Vedani qui avait improvisé ces quelques paroles sur un coin de table.
Détail piquant, la dictature militaire argentine de 1943 ayant prétendu éradiquer le lunfardo, cet argot des bas-fonds de Buenos Aires qui donnait une mauvaise image du pays, il avait fallu amputer, caviarder, les paroles. Ce qui n'a duré qu'un temps car tout le monde connaissait les originales par cœur.
Originellement enregistré par Agustin Magaldi, cette complainte du gars qui prend congé de ses potes de bringue et, au passage, de la vie fut "mondialisée" par l'inévitable Carlos Gardel.
Quitte à créer un incident diplomatique avec l'Uruguay qui le revendique, le petit Charles Romuald Gardès serait né à Toulouse en 1890. Ne reculant devant aucune attraction  touristique, la ville a même posé une plaque sur la maison où sa maman aveyronnaise aurait vécu avant d'émigrer à Buenos Aires deux ans plus tard.
La suite est connue : le petit voyou d'Almagro devint une idole internationale donnant ses lettres de noblesse à cette musique de bouges. Comme on dit couramment là-bas depuis sa mort à Medellin en 1935, il chante de mieux en mieux chaque année.




lundi 13 avril 2020

Tranche de vie (en temps de guerre)


Maréchal Ducono se page avec méfiance,
Il rêve à la rebiffe et il crie au charron
Car il se sent déja loquedu et marron
Pour avoir arnaqué le populo de France.
S’il peut en écraser, s’étant rempli la panse,
En tant que maréchal à maousse ration,
Peut-il être à la bonne, ayant dans le croupion
Le pronostic des fumerons perdant patience ?
À la péter les vieux et les mignards calenchent,
Les durs bossent à cran et se brossent le manche:
Maréchal Ducono continue à pioncer.
C’est tarte, je t’écoute, à quarante-trois berges,
De se savoir vomi comme fiotte et faux derge
Mais tant pis pour son fade, il aurait dû clamser

D'après Robert Desnos (l'âge ayant dû être adapté)



Ambiance grippe "espagnole" 1919.  L'histoire ne se répète pas. Paraît-il...

vendredi 10 avril 2020

Conseil aux confinés en bande


Notre guide suprême rechignant a s'exprimer, il laisse toutefois filtrer que notre enfermement est bien parti pour durer.
Ce modeste blogue se permet un conseil utile en temps de cohabitation  forcée quelque part entre le tutoriel de yoga, les cuistots d'occasion du tube, des has been dont on se fout royalement mais qui s'aventurent à donner un concert depuis leurs cuisines.
Il s'adresse avant tout aux familles nombreuses et entassées, aux amants à la dérive, aux ados qui rêvent d'ailleurs, aux colocataires qui se tapent la vaisselle des autres, à ceux et celles qui ne supportant plus les voix auto-tunées de la musique du grand, la gueule de l'autre au petit-déjeuner ou l'hypocondrie du conjoint, à ceux qui supputent le poids en héritage de la grand-mère gâteuse, à celui qui n'en peut plus du chien du voisin, à l'enfant, à la femme et aussi à l'homme humiliés et brutalisés. Et on en oublie mais ça fait déjà pas mal de monde.
S'il vous plaît, retenez-vous encore un peu. Ce serait trop bête.

 Autrement dit par Rodolphe Burger dans Rien ni personne


mercredi 8 avril 2020

Tranche de vie (s'armer contre la justice)




Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s'ouvraient tous les cœurs, où tous les vins coulaient.
     Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes genoux. Et je l'ai trouvée amère. Et je l'ai injuriée.
     Je me suis armé contre la justice.
     Je me suis enfui. Ô sorcières, ô misère, ô haine, c'est à vous que mon trésor a été confié!
     Je parvins à faire s'évanouir dans mon esprit toute l'espérance humaine. Sur toute joie pour l'étrangler j'ai fait le bond sourd de la bête féroce.
     J'ai appelé les bourreaux pour, en périssant, mordre la crosse de leurs fusils. J'ai appelé les fléaux, pour m'étouffer avec le sable, le sang. Le malheur a été mon dieu. Je me suis allongé dans la boue. Je me suis séché à l'air du crime. Et j'ai joué de bons tours à la folie.

  Et le printemps m'a apporté l'affreux rire de l'idiot.
     Or, tout dernièrement m'étant trouvé sur le point de faire le dernier couac ! j'ai songé à rechercher la clef du festin ancien, où je reprendrais peut-être appétit.
     La charité est cette clef. − Cette inspiration prouve que j'ai rêvé !
     "Tu resteras hyène, etc...," se récrie le démon qui me couronna de si aimables pavots. "Gagne la mort avec tous tes appétits, et ton égoïsme et tous les péchés capitaux."
     Ah ! j'en ai trop pris :  − Mais, cher Satan, je vous en conjure, une prunelle moins irritée ! et en attendant les quelques petites lâchetés en retard, vous qui aimez dans l'écrivain l'absence des facultés descriptives ou instructives, je vous détache ces quelques hideux feuillets de mon carnet de damné.


Arthur Rimbaud
Une saison en enfer

 

Et à propos de haine et de justice, on lira avec profit les arguments légaux d'un avocat connu dans une célèbre revue hebdomadaire.
On ne vous dira jamais assez de ne pas raquer les amendes reçues pour la simple cause d'avoir été au mauvais endroit au mauvais moment mais de les contester. Enfin, en général...

lundi 6 avril 2020

Variations confinées


Allez puisque aujourd'hui les nouvelles ne sont pas QUE mauvaises : baisse (provisoire ?) des morts et des hospitalisations en Italie, Espagne et France, manifestation à Berlin, premier ministre britannique à l'hosto, armée espagnole conspuée au Pays Basque, on va enfin se permettre un peu d'auto apitoiement sur notre "prison*" qui est loin d'être un royaume.
En italien, le confinement a été beaucoup employé dans la période pendant la double décennie 1922, 1943. Il consistait à isoler les individus déplaisant au Duce et à sa clique dans des endroits hostiles et, si possible, paumés après une bonne tournée d'huile de ricin.
En anglais, le solitary confinment fut d'abord une punition pratiquée par les quakers consistant à boycotter un membre de la communauté en guise de châtiment. Par extension, le terme est devenu une torture carcérale classique, la mise à l'écart d'un prisonnier privé de tout contacts humains.
Il est devenu au figuré symbole la solitude urbaine et sociale.

The Members fut un groupe formé en 1976 à Camberley (banlieue londonienne). Ses membres les plus stables de leur grande période furent Gary Baker et JC Caroll à la guitare, Chris Payne à la basse, Adrian Lillywhite (le frangin du producteur punk) à la batterie et Nicky Tesco (Marcel Monop' en français) au chant et aux paroles. On l'a croisé depuis dans un film de Kaurismäki.
Forçats du circuit des pubs de la capitale, ils ont accédé à la force du poignet à une place d'honneur en deuxième division du punk rock, comprenez, ces mecs qui ne seront jamais des stars ni ne feront du fric mais pour qui tous les amateurs ont estime et affection.
En 1979, un peu tardivement donc, sort leur album historique At Chelsea night club qui se clôt par ce qui aurait pu être un tube : Solitary confinment, histoire d'un prolo venu d'une cité de banlieue, attiré par les lumières de la capitale où il n'a trouvé qu'une solitude virant à la claustration.


L'isolement moral menant logiquement à la misère sociale, un autre combo de banlieusards, férus de Clash et de Ramones, le power trio Newton Neurotics donna une nouvelle jeunesse à la chanson sous le règne de bloody fuckin' Thathcher en narrant la misère du chômeur immigré dans la grande ville pour des nèfles.
Ça s'appela donc Living with unemployment (sur le live de 1987, Kickstarting a backfire nation) 



À son tour repris, ces dernières années par les skins antifascistes et Gallois de Oppressed dans une version un peu plus Oï. La boucle est bouclée.



* n'exagérons rien, on a une pensée pour les "vrais" taulards qui peuvent toujours courir dans leur cellule. 

vendredi 3 avril 2020

Peur sur les villes

Ces deux-là n'ont pas leurs attestations

Extrait d'un courrier envoyé depuis Madrid le 2 avril
Et oui, la dystopie avance à pas de géants. Ici de facto, nous sommes en État d'exception avec soldatesque et flics dans les rues qui alignent les gens, faut avoir le sauf-conduit, etc.  
Les entreprise de téléphonie mobile ont accepté de refiler les données des mouvements des abonnés aux autorités, soi-disant anonymement et juste pour des statistiques pour le contrôle sanitaire de la pandémie (OUARF ! OUARF ! OUARF !).
L'autre jour, le ministre de l'intérieur a causé de "possibles sanctions pénales" pour plusieurs contaminés qui s'étaient barrés des hôpitaux sans avoir l'autorisation médicale (ce qui ne me surprend pas, vu ce que me racontait X qui y a passée trois semaines) et la flicaille a été à leur domicile pour les choper et les ramener à l'hosto. J'hallucine ! Voilà t-il pas que l'assistance sanitaire devient un devoir et plus un droit ! Voyons voir, si je décide de rentrer chez moi me guérir seul (ou mourir) en restant confiné, quel est le problème pour la santé publique ?
Enfin, tout ça est biiiiieeeen pire que ce qu'on déguste avec ce microbe de merde. On va avoir pas mal de boulot à faire dans les rues quand on aura fini notre peine, frangin. 

Quant aux prisons sur lesquelles tu m'interrogeais l'autre jour, ils ont renvoyé chez eux les prisonniers en semi-liberté. Jusqu'à maintenant, que je sache, il n'y a pas eu de grosses émeutes sauf dans les CIES (camps de concentration pour migrants). Certains les ont purement et simplement ouverts et les détenus se sont libérés eux-mêmes. Mais en ce qui concerne les taules, ça ne va pas tarder à péter.
 

L'Espagne ayant à peu près une semaine d'avance sur la France, on jure que ceci n'est pas destiné à ruiner le moral du lectorat mais à l'inviter à en tirer les conclusions qui s'imposent. 

En 1346, les gentes dames filaient la quenouille pour payer les rançons des chevaliers captifs des godons après Crécy. En 1917, les marraines de guerre tricotaient des chaussettes pour les vaillants poilus englués dans la gadoue. En 2020, on coud des masques artisanaux pour le personnel médical dépourvu du minimum vital.
Après tout oui, on est peut-être en guerre. Le point commun de ces trois situations étant la nullité crasse du haut commandement.


Pour d'évidentes raisons d'isolement, Radio Canal Sud rejoint Radio Paris en gavant son ordinateur de rediffusions. 
Pas de Vanneaux d'avril donc, mais les amateurs de direct auront droit à l'Herbe Tendre de décembre 2015. Actualité oblige.

mercredi 1 avril 2020

Tranche de vie (antique)



Cette année-là, de l'aveu général, la population avait été particulièrement indemne de toute maladie ; mais toutes celles qui sévissaient aboutissaient à ce mal. En général on était atteint sans indice précurseur, subitement en pleine santé. On éprouvait de violentes chaleurs à la tête ; les yeux étaient rouges et enflammés ; à l'intérieur, le pharynx et la langue devenaient sanguinolents, la respiration irrégulière, l'haleine fétide. A ces symptômes succédaient l'éternuement et l'enrouement ; peu de temps après la douleur gagnait la poitrine, s'accompagnant d'une toux violente ; quand le mal s'attaquait à l'estomac, il y provoquait des troubles et y déterminait, avec des souffrances aiguës, toutes les sortes d'évacuation de bile auxquelles les médecins ont donné des noms. Presque tous les malades étaient pris de hoquets non suivis de vomissements, mais accompagnés de convulsions ; chez les uns ce hoquet cessait immédiatement, chez d'autres il durait fort longtemps.
Au toucher, la peau n'était pas très chaude ; elle n'était pas livide non plus, mais rougeâtre avec une éruption de phlyctènes et d'ulcères ; mais à l'intérieur le corps était si brûlant qu'il ne supportait pas le contact des vêtements et des tissus les plus légers ; les malades demeuraient nus et étaient tentés de se jeter dans l'eau froide ; c'est ce qui arriva à beaucoup, faute de surveillance ; en proie à une soif inextinguible, ils se précipitèrent dans des puits. On n'était pas plus soulagé, qu'on bût beaucoup ou peu. L'on souffrait constamment du manque de repos et de sommeil. Le corps, tant que la maladie était dans toute sa force, ne se flétrissait pas et résistait contre toute attente à la souffrance.
La plupart mouraient au bout de neuf ou de sept jours, consumés par le feu intérieur, sans avoir perdu toutes leurs forces. Si l'on dépassait ce stade, le mal descendait dans l'intestin ; une violente ulcération s'y déclarait, accompagnée d'une diarrhée rebelle qui faisait périr de faiblesse beaucoup de malades. Le mal, qui commençait par la partie supérieure du corps et qui avait au début son siège dans la tête, gagnait ensuite le corps entier et ceux qui survivaient aux accidents les plus graves en gardaient aux extrémités les traces. Il attaquait les parties sexuelles, l'extrémité des mains et des pieds et l'on n'échappait souvent qu'en perdant une de ces parties ; quelques-uns même perdirent la vue. D'autres, aussitôt guéris, n'avaient plus dès lors souvenir de rien, oubliaient leur personnalité et ne reconnaissaient plus leurs proches.

Thucydide La guerre du Péloponnèse livre II

Une pensée solidaire pour des oubliés parmi les oubliés (à l'exception notable de ce reportage du 27 mars sur FC) : les prisonniers. Car ça commence à tomber comme à Gravelotte à l'intérieur. Contrairement à ce qui a ét annoncé, la chancellerie s'est contentée de doubler par décret le temps de détention provisoire. Les détenus ont déjà bloqués de nombreuses promenades avant de s'en prendre plein la gueule. Leurs revendications ? Des mesures sanitaires et la sortie des courtes peines. 
Une pensée aussi pour le camarade Olivier, disparu il y a trois jours. 
C'est le premier avril et on a très moyennement envie de rigoler.
Un classique du rebetiko repris en rock par les Villagers of Ionnanina City. Ça envoie des mots doux au forces de l'ordre.