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vendredi 10 juin 2022

Weill et Brecht par Pia Colombo

En 1969, Pia Colombo chanta plusieurs adaptations en français des chansons de Kurt Weill et Bertold Brecht dont bon nombre issues de L'Opéra de quat' sous. 
Ce répertoire fut l'objet d'un enregistrement au TNP pour un LP vinyle chez Disc'AZ.
Pourquoi, on y a pensé ? Allez savoir... Peut-être la proximité de certaines échéances électorales où l'obscène dispute au ridicule. 
Voyez ce titre qui semble fait pour notre leader maximo.

 

Et cette immortelle rengaine toute droit tirée du Dreigroschenoper.

dimanche 29 août 2021

De Bertold Brecht à Ivà : le dernier truand

 

En 1928, en introduction de leur Dreigroschenoper, Bertold Brecht et Kurt Weill créèrent le personnage de Mackie Messer (Mackie le surineur) et le dotèrent d'une complainte qui fera le tour du Monde, Die Moritat von Mackie Messer.
Ici par Lotte Lenya, interprète préférée et un temps épouse de Weill.
 

 
Le personnage d'assassin est inspiré du bandit Macheat de l'opéra originel de John Gay, le Beggar's opera
Même si la pièce de Brecht ne connaît pas un succès immédiat, cette chanson sera l'objet d'innombrables reprises, particulièrement aux États-Unis (Armstrong, The Doors, Sinatra, Fitzgerald, etc.) Voici la première version gravée en français par Florelle.

Et le personnage va prendre un nouvel aspect, totalement inattendu.
L'Espagne avait elle aussi été contaminée par le tube berlinois, repris, entre autre, par José Gardiola.
Mais en 1986, le génial auteur de BD Ramón Tosas (1941-1993), mieux connu comme IVÀ (acronyme de tentative de variations artistique) invente un immortel personnage de braqueur philosophe et anarchisant : Makinavajas, el ulitimo choriso (Maki la lame, le dernier des truands). Au moment du boom de la bande dessinée péninsulaire (grâce à des revues comme El jueves) et d'un mouvement antimilitariste explosant dans la jeunesse, Ivà avait déjà créé Historia de la puta mili pour brocarder l'armée de sa majesté Juan Carlos. Il fallaitt une certaine dose de courage pour s'attaquer à l'institution militaire en Espagne. 
Maki et sa bande (Popeye dit Popi, Mustafá dit Mojamé ou Moromielda, tous réunis au bar "El Pirata" du barrio chino de Barcelone) s'attaquent non seulement aux banques, bijouteries et autres réservoirs de fric mais aussi à toutes les institutions du pays, politiciens, prisons, bourgeoisie catalane, immobilier, tourisme, salariat...

Dessinés grossièrement, les protagonistes valent surtout pour un vocabulaire incroyable, mixture d'argot gitan, de parler populaire du Barrio Chino et surtout, de néologismes et d'insultes inventés par l'auteur, le tout prononcé (vous avez bien lu) avec un tel accent qu'on conseille à ceux qui découvriront ça de d'abord lire à haute voix sinon on est vite paumés. Certaines expressions vont même passer à l'usage courant ("Cagontó !" ou “Po fueno, po fale, po malegro” par exemple).
Tout en menant un travail de destruction systématique de la corruption policière, du cinqcentenaire de la "découverte" de l'Amérique, de la trahison syndicale, des arnaques immobilières, du racisme, de la modernisation à outrance, en particulier de la ville de Barcelone en pleine transformation, de la politique carcérale et autres joyeusetés, les aventures de Makinaja vont connaître une popularité phénoménale. Peut-être parce qu'outre ses outrances verbales, le thème est avant tout la revanche des petites gens et l'évidence que des braqueurs de banque ne sont, au fond, que de petits criminels dans une société où tout le monde se rue sur le pognon. 
Le succès est tel que la BD sera adaptée au théâtre en 1989 avec musique du groupe flamenco rock Pata Negra, au cinéma pour deux films en 1992 (l'année des jeux Olympiques !) et 1993 et en série télévisée en 1994. 
Évidemment, malgré quelques acteurs flamboyants, toutes ces adaptations n'arrivent pas à la cheville de la BD.
Devenu, lui-même, une machine à générer du fric, Ivà n'avait plus qu'à disparaître dans un accident de circulation. 
Le générique de la série télévision où Maki était joué par Pepe Rubianes et la chanson par Cabecera.


Il ne reste plus qu'à vous souhaiter la lecture de l'intégrale qui est encore et toujours régulièrement rééditée. Après ça vous serez armés pour n'importe quelle situation dans une rue espagnole.
Et à s'arrêter sur un dernier hommage par le groupe punk et déconneur de Pampelune, Tijuana in Blue, sur son album de 1988, A bocajarro.

mercredi 7 août 2019

Lutte des classes ? No sir, Fantômas !



Qui est plus maléfique, plus puissant, plus dévastateur, plus élégant que Mesrine, Ben Laden, Mussolini et Al Capone réunis ? Fantômas, bien entendu !
Inventé par Pierre Souvestre et Marcel Allain en 1910, les exploits de ce dandy empereur du crime se déclinèrent sur 12 000 pages en 32 volumes, devenant le héros le plus populaire de la soi-disant Belle-époque.
La fameuse affiche du film

Bénéficiant des derniers progrès techniques, l'odieux personnage fut aussitôt porté à l'écran par le grand Louis Feuillade en cinq opus dès 1913.
Contrairement à beaucoup d'autres, cette crapule survécut à la Grande guerre et à la mort de son créateur, Souvestre, emporté par une congestion pulmonaire en 1914.
Allain reprit la suite en solitaire, dans un style encore plus "déplorable" (jugement de Max Jacob) à partir de 1926.
Dès avant la colossale boucherie, Guillaume Apollinaire, Blaise Cendrars, Max Jacob (qualifiant également ces romans de Nietsche pour bonniches) avaient déjà fondé la société des "Amis de Fantômas".
Désormais archétype du mal sans limite, enraciné dans la culture populaire, la chanson se fit écho de ses exploits.
L’inénarrable Robert Desnos écrivit La Complainte de Fantômas en 1933, année qui coïncide avec le procès du "réseau Fantômas" (espionnage dans les usines d'armement au profit de l'URSS). Exilé en France, Kurt Weill mit aussitôt cette complainte à l'ancienne (chronique et étalage de mauvaises actions) en musique pour Radio Paris. Hélas, il semble que Juve et Fandor courent encore après les enregistrements originaux, dérobés par une main maléfique.
Accompagnée par Jacques Loussier, Catherine Sauvage l'enregistra en 1961, conservant 13 couplets sur les 26 originaux. On peut retrouver cette plaisante interprétation .
Une version plus contemporaine dont la chanteuse n'est pas précisée se trouve sur Dailymotion.



On en dégotte encore une sur le net. Le chanteur possède un tonalité de parenté avec Guy Béart. Et pourtant on doute que ce soit lui.
Lectrices, lecteurs qui sont donc ces deux apologistes de la malversation ?



samedi 2 juin 2018

Pia Colombo, teigneuse méconnue


Par l'effet d'un manque d'imagination récurrent des médias, voici une chanteuse qui fut un temps pressentie pour prendre la place vacante d'Édith Piaf (décédée en 1963 et dont la grande Damia disait qu'elle lui avait tout piqué).
Mais ses positions très à gauche, une réputation "d'intellectualisme", de "réservée à la rive gauche" et, surtout, une censure fort vigilante firent chuter la Dame dans un certain oubli.
Fille du Nord née Éliane Marie Amélie Pia Colombo à Homblières (1934) et morte à Créteil en 1986, elle fut danseuse, comédienne et hanta les cabarets et meetings communistes.
Laissée à sa grand-mère, elle fut d'abord une grande adepte de l'école buissonnière, à tel point que sa famille considérait miraculeux qu'elle sache lire et écrire.
En 1946, ses parents l'ayant reprise en région parisienne, ils l'amenèrent au Châtelet où elle devint amoureuse de la danse.
Tombée malade à quinze ans, elle en restera très chétive et pourra faire une croix sur sa carrière de danseuse.

Elle tente alors le Cours Simon où elle est encouragée par un jeune professeur, Maurice Fanon, chez qui elle emménage en 1956.
Après divers refus sanglants, elle débute en chanson au cabaret l'Écluse cette année-là.
Elle y chante des chansons de Fanon, avec lequel elle se séparera quelques années après sans que jamais leur amitié ne soit remise en cause et sort ses premiers tours chez Versailles, puis chez Philips.
Au fil des années, elle sortira huit albums en studio, deux en public et treize EPs quatre titres.

Retrouvons-la dans un classique Fanon, l'Écharpe, filmée en 1963


À partir de 1958, elle fait des premières parties de Georges Brassens, se lie d'amitié avec Barbara, chante un débutant nommé Gainsbourg puis connaît la dèche médiatique due à l'irruption des yé-yés.
Se remettant à la vache enragée, elle passera aux Trois Baudets, à la Tête de l'art, à La Colombe et surtout à la Contrescarpe, en doublé avec Francesca Soleville.
Repérée par Roger Planchon, elle alterne scènes de théâtre et quelques brèves apparitions cinématographiques. Elle devient alors une grande interprète de Kurt Weill et Bertold Brecht comme dans ce Tango des matelots


Elle triomphe enfin dans l'opéra brechtien Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny, commentant à son propos "J'y ai tout appris. Avant je ne savais pas ce que c'était que chanter."
En 1967, elle enregistre Rue des Rosiers, de Sylvain Reiner et Maurice Holmès, sur la Rafle du Vel d'Hiv, puis tourne avec Aznavour, Alain Barrière, Marcel Amont....
 
En mai 1968, avec Jean Ferrat, Maurice Fanon, Francesca Solleville, Colette Magny, Isabelle Aubret et Dominique Grange, elle tente des tournées aux piquets des usines en grève avant que tout ce petit monde ne se fasse virer par une CGT inquiète de voir ses propres troupes lui échapper.
Puis elle remontera sur les scènes théâtrales, défendra l'écologie, se fera une autre spécialité à chanter Léo Ferré, tournera en Europe de l'Est et, pas rancunière, passera finalement en vedette à la Fête de l'Huma en 1973.
Rongée par le cancer, elle crée, entre 1979 et 1981, un spectacle autobiographique, Requiem autour d'un temps présent, écrit par le toujours fidèle Maurice Fanon.
Après quelques concerts et apparitions télévisées, le crabe finit par avoir sa peau en 1986.
Manière de rappeler que la sauvagerie policière ne date pas d'hier, un dernier pour l'émotion : Un Soir de mai, enregistré à l'Olympia en 1968 :


mercredi 19 juillet 2017

L'Opéra de quat' sous (2) Le bon vieux temps

Que font un flic et un truand lorsqu'ils se rencontrent ?
Dans une maison close de Turnbridge, ils se tombent dans les bras et évoquent leurs souvenirs de régiment. Et dans l'Opéra de Quat'sous, ils le célèbrent en chantant Der kanonen Song. Un duo entre le policier Brown et le truand Macheath (ou Mackie selon les latitudes) signé Weil / Brecht.
Extrait de l'Opéra joué à Francfort en 2007 par l'ensemble Modern (chef d'orchestre Nacho Paz)



Si on a choisi celle-ci de commencer par cette interprétation, c'est qu'en version française elle est souvent trop grandiloquente (on ne dénoncera personne) ou un peu molle à notre goût. Finalement, parmi toutes on préfère, encore l'originale, celle de Florelle, enregistrée en 1931. Notons au passage l'incontestable infériorité de l'adaptation en français de Steinhof et Mauprey par rapport aux paroles originelles en allemand utilement sous-titrées ci-dessus.



Et pour rappel une séquence du film de Georg Wilhem Pabst avec Albert Préjean et Jacques Henley, 1931 aussi :


mardi 14 juin 2016

Kurt Weill par Marianne Faithfull



Un peu d'élégance dans ce monde de brutes.
En 1933, Kurt Weill, tout juste exilé en compagnie intermittente de son épouse, la chanteuse Lotte Lenya, réside à Paris.
Son séjour n'est pas de tout repos. Les représentations des ses œuvres, (Mahagonny-Songspiel juin 1933) sont diversement accueillies. Le concert du 26 novembre 1933, à la salle Pleyel, est perturbé par Florent Schmitt qui après la chanson La Ballade de César (du Lac d'argent), s'écrie «Heil Hitler ! », sous les applaudissements d'une partie du public. Une partie de la presse prend le parti du compositeur et futur collabo : dans l'Action Française, Rebatet (pas encore le "Retenez-moi de Neuilly") vitupère contre ce « virus judéo-allemand ».
Mais durant sa période parisienne (1933-1936) Weill compose la musique d'un ballet chanté, Les Sept Péchés Capitaux, représenté en juin 1933 ; la musique de Marie Galante,  seulement jouée trois semaines, en décembre 1934 ; celle de Der Kuhhandel, représentée à Londres en juin 1935 sous le titre My Kingdom for a Cow.  il achève aussi une Deuxième symphonie et participe aussi une adaptation radiophonique de Fantômas avec Robert Desnos et Paul Deharme.
Puis, il déménage aux États-Unis.
Souvenir de son séjour parisien, "la Complainte de la Seine", paroles de Maurice Magre, enregistrée en octobre 1934 par Lys Gauty, puis Lotte Lenya.
Les enregistrements d'époque étant parfois assez déplorables, en voici une reprise par Marianne Faithfull.


vendredi 29 avril 2016

L'opéra de Quat' sous

« Un ancien chef de la police fera toujours un bon directeur de banque. »

 
 
  L’Opéra de quat’sous, (Die Dreigroschenoper) est le chef d’œuvre de Bertold Brecht et Kurt Weill, le premier s'étant largement inspiré du Beggar's Opera de John Gay (1728)
Son cadre est une lutte d’influences entre  mendiants, pègre et police de Londres. Une plongée dans les bas-fonds...

Sorti à Berlin en 1928, il ne sera joué en France qu'en...1939 !
Vu sa renommée, une version filmée est tournée en 1931. La Warner, qui produisit le film, choisit Georg Wilhem Pabst pour le réaliser. Il avait déjà une certaine réputation : La rue sans joie avec Greta Garbo ou Loulou avec Louise Brooks. Le film est grinçant: bourgeoisie, police, idéologie dominante sont passés à la moulinette et cet anarchisme primitif l'a fait censurer partiellement en France et descendre en flammes par des critiques de la presse de droite comme de gauche.
Chez les nazis (avec qui Pabst s'acoquinera pourtant par la suite) ce fut encore plus simple : Strecklich VERBOTEN !
Curieusement, deux versions ont été réalisées simultanément, l’une allemande et l’autre française. Il semble que ça se faisait à l’époque.
Préjean et Pabst

La partie musicale du film est prétexte à des scènes de transition entre les différentes parties. L'interprétation reste encore et toujours émouvante et burlesque (le chef de la Police particulièrement gratiné).
Une chanson est devenue mondialement connue, celle de l'ouverture goualée au théâtre par un musicien de rue : Die Moritat von Mackie Messer, en anglais Mack the knife et en Français La complainte de Mackie.
Ce sont surtout les immenses versions jazzy de Louis Armstrong puis d'Ella Fitzgerald qui la populariseront partout. 
Mais la première version fut bien évidemment celle de Lotte Lenya (à l'époque madame Kurt Weil). Et c'est Florelle (Odette Rousseau 1898-1974) qui se chargera du morceau en français et du rôle de Polly à l'écran.
Mais qui mieux que Damia pouvait interpréter ce morceau d'anthologie ?
La "tragédienne de la chanson" enregistra cette version pour la Columbia en 1931.




Une surprise : du temps giscardisme faisandé, à l'heure où, chaque dimanche, la France rotait et pétait avec Jacques Martin, on avait parfois, en guise de lot consolation, l'apparition de la grande chanteuse italienne Milva pour interpréter le rôle de Polly la serveuse, alias Jenny des pirates.



Mesdames et messieurs, ne reculant devant aucun sacrifice, la maison vous offre une rareté pour la fin : l'Ange Noir, l'Homme à la Cadillac, le loser absolu, le king du nunchaku, Vince Taylor, lui-même, reprend, en direct, la complainte de Mackie à la télévision le 28 avril 1962 !