mardi 30 mars 2021

Topor s'amuse

 

De Roland Topor (1938-1997), on connaît essentiellement ses dessins, peintures, affiches de cinéma. On sait aussi qu'il fut décorateur, poète, grand satrape du collège de pataphysique. 
L'homme était aussi chansonnier à ses heures. Il est piquant de constater que lorsqu'on va faire un tour sur les plateformes les plus cotées, on trouve essentiellement de charmantes comptines pour enfants, gentiment surréalistes, qui datent pour la plupart de ses années de télévision de la décennie 1980 avec son complice Jean-Michel Ribes. 
Évidemment, le joyeux drille ne se contentait pas d'écrire pour les marmots. On trouve de ses œuvres disséminées de ci de là, mélange de tendresse et d'érotisme discret et de désespoir déconnant.
Comme ce Sous mes draps par un Robert Charlebois qui cherchait à prendre le virage youp la boum de la décade qui s'annonçait  (album Heureux en amour ? de 1981) 
 

Quelques-uns mettent ses poèmes en musique comme Pasquale d'Inca pour sa balade Topor vous salue bien issu du spectacle Topor d'attache.


Finalement, à part François Hadji-Lazaro qui lui consacra un disque, l'interprète la plus régulière de Topor fut l’excentrique chanteuse japonaise Megumi Satsu ici dans une mignonne ode à la masturbation polluée par les synthés à la mode et tout simplement titrée Je m'aime.

jeudi 25 mars 2021

C'est ma tournée


                    Où on pige enfin le rapport entre épidémie et bistrot
 
Il fut un temps où aucun politicard, même le plus limité n'aurait osé "Dedans avec les siens, dehors en citoyen" comme slogan.
Au risque de jurer dans l'air du temps, on avoue que si on a quelques envies d'être dedans avec les nôtres, il s'agit juste là des créatures, nocturnes ou pas, qui hantent ces lieux de socialisation et de déchéance que sont les rades.
Réduits qu'on en est à soupirer sur des vieilleries de vidéos.
Quand Hannu Nurmio, largua ses études de droits à Helsinki pour se consacrer au blues et au rock, il s'affubla du surnom "Tuomari Nurmio" (en finnois, "Juge"). En 40 ans de carrière, le bougre a sorti 28 disques.

 

Plus nostalgique et moins Kaurismakien, on a déjà dit tout le bien qu'on pensait de Chris Bailey personnage mélancolique, amoureux de la bouteille et attachant au possible.
Après le bistrot finlandais, un petit tour en Australie pour un hommage aux vieux marins, Ghost ships, par la troisième formation des Saints (1984)

 

Un rappel pour finir, on a déjà passé cette vidéo il y a longtemps mais, comment dire, on a un certain regret des bistrots galiciens. Le punks humoristes de Siniestro Total dans Menea el bullarengue de leur disque Menos mal que nos queda Portugal (1984 aussi).

lundi 22 mars 2021

Dada peut tout

Un peu d'air frais.
Avant de se faire doubler sur sa gauche par des petits jeunes aux dents longues, Tristan Tzara avait foutu un beau bordel à Zurich en 1916 avec quelques amis (Hugo Ball, Hans Harp, Marcel Janco). On raconte que dans la salle du cabaret Voltaire, on trouvait un client assidu : Vladimir Ilitch Oulianov qui eut l'occasion d'appliquer les théories Dada à un vaste échelle. 
Débarqué en 1920 à Paris, Tzara mit quelques poèmes en musique, enfin quand on dit en musique...

 

Nos honorables lecteurs auront reconnu la Chanson Dada reprise par Nanard le Stéphanois au début des années 1970.
Depuis, des jeunes gens  ayant lu Greil Marcus ont décidé de revendiquer l'héritage. C'est tiré de l'album Dirty keupon de 2012

 

Et puisqu'on fait dans la nostalgie, une jolie vidéo de Mauser. On la croirait dessinée par Terry Gilliam.

 


jeudi 18 mars 2021

La vocation de Marc Police

 

"Rockeur-agriculteur". Il paraît que, jeune adolescent, j’avais donné cette réponse à une conseillère d’orientation qui me demandait ce que je voulais faire plus tard. Personnellement, je n’en ai aucun souvenir. En revanche, je me souviens que ce souhait singulier m’a souvent été rappelé de façon peu charitable, voire carrément moqueuse. C’est embêtant de se faire charrier pour un événement qu’on a oublié. Je me suis même demandé s’il avait réellement eu lieu.
Une chose est sûre : il y avait bien des séances de sensibilisation à l’orientation professionnelle au collège. Dans un capharnaüm dantesque, la conseillère essayait en vain de nous projeter vers un futur qui nous semblait bien lointain. Et les pseudo-rebelles que nous étions ne manquaient pas de se lancer dans des déclarations intempestives. Toutefois, « rockeur-agriculteur », ça semblait sortir de nulle part. Dans les années 1980, les premiers étaient synonymes de "cool", les seconds de "plouc". À l’époque, je ne savais pas encore que le rock’n’roll étaient né chez les péquenots du sud des États-Unis. Il fallait donc chercher  ailleurs.
Et puis, ça m’est revenu. C’était dans le village de mon grand-père. Il y a quarante ans, la région entière était un océan de vignes, peuplé par ceux que les gens des montagnes tarnaises appelaient les Paybassols. Il y avait ce métayer, dont la famille avait traversé les Pyrénées, qui était affecté d’un bégaiement d’anthologie. Sa sœur disait qu’il était né de la rencontre d’un dialecte catalano-occitano-français et d’un instituteur sadique. Les conversations étaient souvent éprouvantes, et les parties de cartes frisaient le pagnolesque. Cependant, une fois par semaine, il enfilait un costume, coiffait une perruque, et montait sur scène pour s’asseoir derrière sa batterie et chanter dans son groupe qui tournait sur la côte. Évidemment, il le faisait sans bégayer, et cette transfiguration était incroyable.

 
Pour la petite histoire, le guitariste Marc Police, qui a œuvré au sein du groupe de rockabilly toulousain Jezebel Rock de 1979 à 1983, souffrait aussi de bégaiement. Ce qui ne l’a pas empêché de devenir un guitariste fort reconnu de la surf française. Puis il se fit sauter le caisson un jour de 1991. Il a joué essentiellement dans les Pasadenas et les Wampas.

Merci à l'ami Peponne pour sa vigilance sur les archives de Toulouse

Qui n'a rien à voir avec ce qui précède

Aujourd'hui, 18 mars, voici 150 ans que débutait la Commune de Paris et 100 ans qu'agonisait celle de Kronstadt. Mais, là-dessus, la gôche préfère cultiver une prudente amnésie.



lundi 15 mars 2021

La semaine des assassins

Surprenant à quel point, à l'occasion de son cent-cinquantenaire, la Commune de Paris fait recette et pas uniquement dans la presse de gauche et bien pensante. Ça prend même des airs d'enterrement qui ne sont pas sans nous rappeler d'autres commémoration d'il y a plus de trente ans, en 1989. 
Il semble que comme, par exemple, George Orwell, cette révolution écrasée serve de consolation à bien des bons bourgeois démocrates. 
Faut-il rappeler que ce sont parfois les mêmes qui adulent Jules Ferry, Gambetta, voire Clemenceau, qui viennent aujourd'hui verser une larme de crocodile sur le mur des Fédérés ?
Et que c'est bien la République qui écrasa la Sociale avec tout son savoir-faire.  
Mais journalistes policiers vomissant leur eau-forte et récupérateurs grouillent comme un tas de verrues sur la cadavre des vaincus (merci pour les images, Eugène).
Rappelons une réalité vue par un témoin :
Les gens du quartier commencent à sortir, ils vont prendre connaissance de ce qui se passe dehors. Ils reviennent avec des récits épouvantables. La berge du fleuve est parsemée de cadavres, les rues aussi. Dans certaines cours, des corps morts sont amoncelés. On emporte les carcasses par charretées pour les enfouir dans des fosses profondes qu'on recouvre de chaux vive. Ailleurs, on les asperge de pétrole  puis on les brûle. On a vu des convois de dix à douze omnibus remplis de débris humains.
Un ami qui nous apporte des renseignements montre les semelles de ses bottines imprégnées de sang.
Des deux côtés de la Seine, un filet rouge coule le long des berge.
Elisée Reclus La Commune de Paris au jour le jour (27 mai) 
 cité par Michèle Audin dans La semaine sanglante (Libertalia)

 Puisqu'on paraphrasait Pottier, son Jean Misère par Mouloudji (1971)


mercredi 10 mars 2021

Mac Orlan et les rues de Paris

 
On dirait que certains se réveillent. Non qu'on s'enthousiasme outre-mesure sur un mouvement naissant de théâtres occupés ou de sympathiques performances collectives dans des lieux publics (voir commentaire du post précédent) mais on ne pourrait que se réjouir si l'arrivée annoncée du printemps coïncidait avec la sortie d'une sombre léthargie. Mais nous ne sommes pas des plantigrades.
En attendant, une chanson du temps où les rues étaient peuplées de créatures non masquées et où on pouvait faire étape à l'abreuvoir du coin.
Non qu'on veuille magnifier un monde de misère et d'exploitation, mais il était naturel à certains des poètes de s'émerveiller de la rue parisienne en maniant la "langue verte".
C'est là qu'on retrouve ce bon vieux Mac Orlan avec une chanson posthume. Son poème, Les six éléments fut mis en musique sous le titre Les rues barrées (en voilà une idée qu'elle est bonne) par Monique Morelli et son complice, l"'accordéoniste Lino Léonardi en 1968.

  


dimanche 7 mars 2021

Girardot et Fresson en duo tendre

 

Il arrive assez souvent qu'on pose ici un air, une chanson, qui a attiré notre attention dans un film, soit parce qu'elle est un moment important d'icelui soit par ses qualités intrinsèque.
Le contraire est assez rare. L'amie Juliette nous a fait parvenir ce duo atypique entre Annie Girardot et Bernard Fresson issu du film Ursule et Grelu de Serge Kober (1974). 
Comme on ne l'a pas vue, on ne vous dira rien de l’œuvre qui a toute les apparences de la gentille comédie foutraque des années 1970 à tendance nanard. Mais sait-on jamais, il y a peut-être là un joyau méconnu. Si vous l'avez, n'hésitez pas à nous rassurer. Pendant qu'on se demande encore à quoi bon s'encombrer de ce putain de carton de VHS qui ne passent plus sur aucun appareil à portée de mains. 
Voilà donc l'objet du délit, la musique est d'Alain Goraguer, les paroles de Pierre Delanoë et le tout a un côté attendrissant. 
Et un peu, beaucoup, passionnément d'époque.

mercredi 3 mars 2021

Lettre à mon colonel

 

À l'ex lieutenant-colonel de la Bénémérite Antonio Tejero 

Permettez que je vous appelle mon colonel
 
Voilà maintenant quarante années que vous vous couvrîtes de ridicule en déboulant dans la Chambre des Cortés avec votre escouade, le 23 février 1981.
Voilà quarante ans que vous avez tenu votre pauvre rôle dans une tragi-comédie dont on ne vous avait pas communiqué le dénouement.
Après votre pathétique position dans la conspiration Galaxia en novembre 1978, qu'aviez-vous en tête pour jouer le rôle de l'idiot utile et servir non seulement à sauver la démocratie mais à la plus gigantesque entreprise de blanchiment que l'Espagne ait connu lors de ces quatre dernières décennies ?
On ne parle pas là, des rares députés pris en otage sous les caméras de télévision qui ont refusé de se coucher comme le sénile général Gutiérrez Melado (votre supérieur hiérarchique) cette vieille crapule stalinienne de Santiago Carillo qui savait passer devant le peloton d'exécution si votre putsch d'opérette réussissait ni du premier ministre, ex-franquiste, méprisé par tous et reconverti en bâtisseur de la démocratie, Adolfo Suárez
.  
Non, on fait bien allusion au véritable coup d'État qui s'abritait derrière vos poses de matamore et que vous avez saboté en balançant des rafales en direct à une heure de grande écoute et en jouant au fasciste intransigeant. 
Car le problème des documents déclassifiés est qu'on sait aujourd'hui que votre fanfaronnade devait servir à amener au pouvoir le général Alfonso Armada avec une bande d'ex-ministres conseillers du roi (Luis María Ansón, Villar Mir, Pérez de Bricio) de financiers (Valls Taberner, Escámez, Carvajal) et de patrons (Silva Muñoz, Rosell) liste non exhaustive.
Mais il a fallu que, comme votre collègue, cette baderne de général Milans del Bosch qui fit sortir ses blindés dans les rues de Valence, vous jouiez au forcené.
Et envoyiez paître le général Armada qui avait tout ficelé et qui restera le grand perdant de la farce. Alors, on vit le roi en grand uniforme apparaître en sauveur de la démocratie et redonner une virginité miraculeuse (Virgen del Pilar, ora pro nobis) à sa dynastie.
 
 
Et vous êtes resté comme un con au milieu d'un hémicycle dévalué.
Car vous êtes un con, mon colonel, terriblement con, au point d'aller porter le tricorne pour les autres, oh pas trop longtemps : treize ans de taule.
Il ne restait plus qu'à appeler un écrivaillon à la rescousse pour avaliser l'histoire officielle et glorifier les politicards nommés plus haut. 
Tout ça pour un scandale refroidi dont maintenant tout le monde se fout...
Et maintenant, vous pouvez toujours aller manifester, avec d'autres couillons de votre espèce, pour empêcher le transfert de la charogne qui vous tint lieu d'inspiration.
Mais dormez tranquille, vous avez pas mal d'héritiers dans la péninsule, et pas seulement chez VOX. 
Mon colonel, je vous crache à la gueule.
 
Et comme tout finit par des chansons, Juan palacios, Tanguillo del golpe.

lundi 1 mars 2021

Félix, Charles et l'héritage

Querelle familiale chez Kurosawa (Ran, 1985)
 
Les psychanalystes, juges pour enfants et curés confesseurs, lorsqu'on en trouve encore, le savent bien, la famille est un des plus beaux endroits de l'épanouissement humain. Et comme telle, elle possède ses rites et ses riches heures.
Un de ses grands moments suit généralement un épisode tragique (voire, le précède parfois). Ainsi, lorsqu'advient le décès d'un ancêtre, on peut souvent observer les descendants éplorés calculer un retour sur investissement ou désinvestissement affectif en terme d'espèces sonnantes et trébuchantes, de terrains bâtissables, de parpaings assemblés ou de simples bibelots.
Cette coutume de l'héritage tout droit issue de notre grande Révolution et de son inaliénable droit bourgeois à la propriété privée a souvent réjoui poètes et chansonniers.
Ainsi, Félix Leclerc en fit-il ses choux gras dans un 45 tour de 1957 (Epic 1071)

 
Chroniqueur des familles heureuses, Charles Trenet se devait d'en remettre une couche. Le voici sur scène à Bruxelles, en février 1965, dans L'héritage infernal.
S'il avait soupçonné à quel point sa cousine, son neveu, son ex-chauffeur et un fils prétendument adultérin iraient se poursuivre devant les tribunaux, peut-être aurait-il plutôt chanté les vertes routes ou les flots bleus.