dimanche 29 août 2021

De Bertold Brecht à Ivà : le dernier truand

 

En 1928, en introduction de leur Dreigroschenoper, Bertold Brecht et Kurt Weill créèrent le personnage de Mackie Messer (Mackie le surineur) et le dotèrent d'une complainte qui fera le tour du Monde, Die Moritat von Mackie Messer.
Ici par Lotte Lenya, interprète préférée et un temps épouse de Weill.
 

 
Le personnage d'assassin est inspiré du bandit Macheat de l'opéra originel de John Gay, le Beggar's opera
Même si la pièce de Brecht ne connaît pas un succès immédiat, cette chanson sera l'objet d'innombrables reprises, particulièrement aux États-Unis (Armstrong, The Doors, Sinatra, Fitzgerald, etc.) Voici la première version gravée en français par Florelle.

Et le personnage va prendre un nouvel aspect, totalement inattendu.
L'Espagne avait elle aussi été contaminée par le tube berlinois, repris, entre autre, par José Gardiola.
Mais en 1986, le génial auteur de BD Ramón Tosas (1941-1993), mieux connu comme IVÀ (acronyme de tentative de variations artistique) invente un immortel personnage de braqueur philosophe et anarchisant : Makinavajas, el ulitimo choriso (Maki la lame, le dernier des truands). Au moment du boom de la bande dessinée péninsulaire (grâce à des revues comme El jueves) et d'un mouvement antimilitariste explosant dans la jeunesse, Ivà avait déjà créé Historia de la puta mili pour brocarder l'armée de sa majesté Juan Carlos. Il fallaitt une certaine dose de courage pour s'attaquer à l'institution militaire en Espagne. 
Maki et sa bande (Popeye dit Popi, Mustafá dit Mojamé ou Moromielda, tous réunis au bar "El Pirata" du barrio chino de Barcelone) s'attaquent non seulement aux banques, bijouteries et autres réservoirs de fric mais aussi à toutes les institutions du pays, politiciens, prisons, bourgeoisie catalane, immobilier, tourisme, salariat...

Dessinés grossièrement, les protagonistes valent surtout pour un vocabulaire incroyable, mixture d'argot gitan, de parler populaire du Barrio Chino et surtout, de néologismes et d'insultes inventés par l'auteur, le tout prononcé (vous avez bien lu) avec un tel accent qu'on conseille à ceux qui découvriront ça de d'abord lire à haute voix sinon on est vite paumés. Certaines expressions vont même passer à l'usage courant ("Cagontó !" ou “Po fueno, po fale, po malegro” par exemple).
Tout en menant un travail de destruction systématique de la corruption policière, du cinqcentenaire de la "découverte" de l'Amérique, de la trahison syndicale, des arnaques immobilières, du racisme, de la modernisation à outrance, en particulier de la ville de Barcelone en pleine transformation, de la politique carcérale et autres joyeusetés, les aventures de Makinaja vont connaître une popularité phénoménale. Peut-être parce qu'outre ses outrances verbales, le thème est avant tout la revanche des petites gens et l'évidence que des braqueurs de banque ne sont, au fond, que de petits criminels dans une société où tout le monde se rue sur le pognon. 
Le succès est tel que la BD sera adaptée au théâtre en 1989 avec musique du groupe flamenco rock Pata Negra, au cinéma pour deux films en 1992 (l'année des jeux Olympiques !) et 1993 et en série télévisée en 1994. 
Évidemment, malgré quelques acteurs flamboyants, toutes ces adaptations n'arrivent pas à la cheville de la BD.
Devenu, lui-même, une machine à générer du fric, Ivà n'avait plus qu'à disparaître dans un accident de circulation. 
Le générique de la série télévision où Maki était joué par Pepe Rubianes et la chanson par Cabecera.


Il ne reste plus qu'à vous souhaiter la lecture de l'intégrale qui est encore et toujours régulièrement rééditée. Après ça vous serez armés pour n'importe quelle situation dans une rue espagnole.
Et à s'arrêter sur un dernier hommage par le groupe punk et déconneur de Pampelune, Tijuana in Blue, sur son album de 1988, A bocajarro.

mercredi 25 août 2021

He was Charlie


 Si on va, nous aussi, de notre petit coup de chapeau à Charlie Watts (1941-2021) fondateur et fondation des Stones, ce n'est pas seulement par nostalgie.
C'est surtout l'occase à écouter les bon conseils d'un éminent bluesman à un jeune batteur. En 1971, le bluesman déjà soixantenaire Howlin' Wolf est parti enregistrer à Londres en compagnie de quelques minots transis d'admiration (Eric Clapton, Steve Winwood, Bill Wyman et Charlie Watts). 
Il en reste les London Sessions sorties à Chicago chez Chess et en Grande-Bretagne chez Rolling Stones Records. 
On constate, à l'écoute du début de Who's been talking, (prise non retenue sur le disque) que le grand ancêtre du Mississipi savait exactement ce qu'il voulait.  

dimanche 22 août 2021

Un peu d'air frais


 Il y a ce pays de merde. Il y a une propagande incessante, une ambiance d'engueulade permanente au boulot, en famille, ailleurs. Il y a les profits obscènes et affichés de certains labos pharmaceutiques qui, pour fêter ça, augmentent les tarifs. Il y a tous ceux qui nous croient en dictature sans réaliser que chez Franco ou Ceaucescu on ne pourrait même pas en discuter là où on discute. Il y a une société de contrôle généralisé, de moralisme, d'hypocrisie (c'est quoi un gouvernement qui n'ose rendre un vaccin obligatoire mais transforme serveurs, ouvreuses, bibliothécaires, cheminots en flics ?) de trouille. Une société où ta compagnie téléphonique a accès à ton dossier médical, du moins en partie. Il y a que j'aimerais qu'on m'explique en quoi le pass serait indispensable en France et pas en Espagne ou en Belgique. Il y a, que vous le vouliez ou pas, que nous sommes tous des rats de laboratoire. Il y a des illuminés, des cathos intégristes, des fafs divers qui sont heureusement trop cons pour capitaliser politiquement (encore que, on verra...) Il y a qu'on ne peut plus douter sans être taxé de complotisme. Il y a des anarchistes patentés qui nous expliquent ce qu'est la responsabilité collective (merci les gars, on vous avait attendus et, vu votre bilan...) Il a des staliniens même pas repentis qui nous expliquent que ceux et celles qui protestent contre le flicage généralisé sont tous des individualistes crasseux, des antisémites, des hédonistes même pas drôles, des trumpistes, des hitlero-trotskistes mais que ça n'a rien, au grand jamais, à voir avec les Gilets Jaunes qui étaient, eux au moins, authentiquement subversifs (et furent donc taxés des mêmes qualificatifs en leurs temps). Il y a les abrutis qui crient "La police avec nous!" 

Il y a que le sujet d'une bonne partie du mécontentement n'est pas d'être vacciné ou pas (que chacun et chacune se détermine avec sa trouille et sa conscience) mais d'être fliqué, humilié (avec ou sans pass) infantilisé, méprisé. Il y a les salauds qui s'imaginent que la subversion consiste à cramer un centre de vaccination (essayez, je sais pas moi, une chambre patronale, une préfecture...). Il y a que tant que le chantage au pass ne concerne que de la consommation, ça peut encore être vivable mais que dire du train, de l'hôpital (et le serment d'Hypocrate, les mecs ?) des bibliothèques publiques (ça vous défrise pas, les cultureux ?) et salut à vous, bilbiothécaires de la Reynerie.
Il y a que si on peut supposer que les (lesquels au fait ?) vaccins protègent des formes graves, on est tout de même partis pour une troisième dose au variant Delta. Ce qui laisse imaginer une sixième au variant Kappa et une dixième au variant Upsilon. Mais non, je déconne. Il y a qu'on refourgue les doses d'Astrazeneca à certains pays plus pauvres comme on a refourgué des stocks contaminés en d'autre temps. Il y a cette citation qui revient en mémoire "Faire dire à l'esclave "je veux" au lieu de lui dire "tu dois", voilà tout l'art de gouverner". Il y a qu'on aimerait savoir en quoi certains vaccinés pour aller au restau ou au bistrot seraient moins égoïstes que ceux qui ont quelques préventions à l'égard du produit. Il y a Tchernobyl qui craque de partout (mais qu'est ce qu'il écrit?) et des bigots trafiquants d'opium qui s'emparent d'un pays. Pendant qu'un état d'urgence sanitaire est en passe de devenir un état permanent. Et qu'on s'étonne qu'une partie de la population n'ait aucune confiance envers un gouvernement qui a menti, s'est contredit et préfère mépriser, écraser que d'avouer son incompétence ou son ignorance.
Il y a enfin, que comme on a eu parfois quelque jalousie coupable vis à vis de ces superbes mannequins beaux et cons à la fois, on envie parfois les imbéciles heureux dotés de certitudes.
Les messages d'insultes sont à envoyer à l'adresse habituelle.
En attendant un bon conseil :

vendredi 20 août 2021

Gabin en clodo

Honnête artisan du cinéma français d'après guerre, Gille Grangier (dont on vous recommande Le rouge est mis, Gas-oil, ou Le cave se rebiffe) fut dans les années soixante vilipendé par les jeunes gens prétentieux de na Nouvelle vague qui lui accolèrent, à lui comme à d'autres, le label infamant de "qualité française". Au moins, à l'époque, on savait insulter.
Si on a écrit "prétentieux" c'est d'abord parce que certains films de Grangier ont bien mieux passé l'épreuve du temps que ceux de la plupart de ses détracteurs. Et aussi parce que l'intérêt de ses films, comme ceux de Duvivier par exemple, est que le gars n'avait pas attendu Godard ou Truffaut pour aller tourner dans la rue.
Ce qui fait que grâce à lui, on peut voir la gueule qu'elle avait il y a soixante-dix ans.
Ainsi cette comédie de 1959, par ailleurs assez anecdotique, Archimède le clochard, est l'occase de passer des immeubles en construction de Maison-Alfort, à la plage de Cannes et surtout dans le ventre de Paris, autour des Halles.
Prétexte à nous envoyer cette séquence dans laquelle Gabin cabotine à souhaits. Les autres sont Albert Dinan, en patron de restau, Philippe Mareuil, en jeune con et Dary Cowl, en clodo.   

  
Une 'tite dernière pour la route avec Bernard Blier.

lundi 16 août 2021

Bons baisers de Kaboul (Actualités)

 

Un polémiste bien connu a affirmé que l'histoire se répétait d'abord comme tragédie puis comme farce.

Nous en déduirons que dorénavant, après vingt années d'une guerre si joliment menée, les Afghans sont condamnés à mourir de rire.

 C'est tout.

  

vendredi 13 août 2021

Tranche de vie (alimentaire)


Ce matin je suis allé faire les courses. Je hais les courses. Par dessus tout le moment de passer en caisse. Les caisses de supermarchés sont le plus parfait résumé du capitalisme : nous on y fait la queue, on place sur le tapis roulant des blancs de poulet, des préservatifs, des canettes de bière, il n’y a pas de temps à perdre, faut sortir les cartes bancaires, la carte d’identité, la carte de fidélité… et la caisse enregistreuse fait cling cling, au suivant, la fête ne s’achève jamais, c’est le blues des codes barres, hey, presse-toi, y’en a qui attendent, hey, tranquille, laisse-moi trente secondes, laisse-moi choper le sac et mettre les congelés là où ils n’aplatiront pas le pain de mie.



Je hais le supermarché. Le niveau de violence d’un film de Tarentino n’arrive pas à la cheville de la scène où quelqu'un compare les étiquettes des barquettes de viande dans les allées afin d’acheter la moins chère, de la pire qualité, celle qui va le tuer à petit feu, lui obstruer les artères et celles de ses gosses parce qu’il ne peux rien te payer de mieux, de plus sain. Nous les pauvres, mourons en un holocauste lent et silencieux que nous finançons au passage. Morts de froid dans nos domiciles qu’on ne chauffe pas. Rendus barjots par des maladies mentales que la sécurité sociale ne couvre pas…
Patxi Irurzun Tratado de Hortografia
(Una novela sobre el Rock Radical Vasco) 
 

lundi 2 août 2021

Variations à Ostende

 

Cluster flamand
De Gribouille on a écrit ailleurs que cette jeune fille scandaleuse à la carrière abrégée possédait voix rauque évoquant parfois Adamo.
Ça tombe bien, ils ont tous deux chantés la Mer du Nord et ses abords.
Juste qu'elle était bien moins rigolarde et trimballait sa nostalgie dans la "Reine des plages". La musique est de Ch. Fontane, les paroles de Gribouille, le 45 tour quatre titres sortit en 1968.
Chanson idéale pour temps gris.
 
Impossible de ne pas penser à l'autre chanson sur Ostende ni d'y voir comme un hommage à Comme à Ostende, chanté par Léo Ferré en 1960, repris ensuite par son auteur, persuadé de ne posséder qu'un timbre médiocre qui se décida tout de même à prendre le micro en 1970.
Voici donc la version de Jean-Roger Caussimon sur son premier album.

 

Les amateurs de plage et brouillard peuvent retrouver deux autres aimables versions en cliquant là.
Sur ce, on se casse quelque temps (en Belgique ?).