mercredi 31 octobre 2018

Hommage à nos morts

Mercredi 31 novembre.
Quoi de mieux, pour célébrer le prochain retour de la nuit de Samain chez les Celtes ou le culte de la déesse Mictecacihuatl chez les Nahuas qu'une bonne vieille rengaine mexicaine ?
Avec une pensée pour nos disparus, chez lesquels là-bas, on va gueuletonner en musique, on envoie aujourd'hui La Calaca (ce squelette si populaire au pays du nopal) qui rappelle que tous, politicards accrochés au pouvoir comme des chiens à la viande, commerçants escrocs, ouvriers crèves-famine ou militaires rutilants se retrouveront un jour au fond d'un trou.
C'est une évidence ? Mais que resterait-t-il pour nous rassurer, à nous-autres les pauvres ?
Entre ces anxieux d'Aztèques qui étripaient à tire-larigot pour éviter la fin du monde et de joyeux conquistadors espagnols amenant dans leurs fourgons leur toute baroque inquisition, les Mexicains ont été plutôt servis en matière de culte à la mort.
Comme l'écrivit ce cuistre d'Octavio Paz : L'indifférence du mexicain devant la mort se nourrit de son indifférence devant la vie. Jolie formule certes, mais ô combien démentie par l'histoire.
 
Amparo Ochoa (1946-1994) fut une des chanteuses les plus attachantes et talentueuses d'une région qui en est amplement pourvue. Éminente figure de la Nueva cancion des années 60, elle se consacra tant à la récupération des airs traditionnels populaires, aux corridos de la Révolution, aux luttes sociales, aux chansons enfantines, féministes et last but not least, interprète le rôle des munitions dans la cassette "Guitara armada", manuel de maniement des armes mis en vers et en musique destiné à une population illettrée d'Amérique Centrale en temps de guérilla.
Elle chantait dans les bars, sur les places, aux piquets de grève, dans les universités...
Elle aura au moins vu éclater une insurrection avant d'être emportée par la maladie et ce jour-là, une bonne partie du Mexique, celui qu'on aime, s'est sentie orpheline.
Ce faux traditionnel sur une musique de son huasteco peut aussi se chanter à plusieurs voix se répondant.



Fêtes de Chalma (État de Mexico)

samedi 27 octobre 2018

Démocratie et baston : retour outre-Pyrénées


On vous a raconté qu'après la mort d'un Franco gâteux de longue dâte, la démocratie, le sexe, la drogue et le rock'n roll ont régné sur la vieille Espagne. On vous a raconté que les Zarts et Lettres ont vécu une Movida de petits bourgeois madrilènes. On vous a raconté que les Ibères sont passé magiquement de la nuit au jour, la preuve : ils n'eurent même plus besoin d'aller faire la queue au ciné porno à Biarritz ou Perpignan.
Oubliez donc ce tombereau de racontars.
Voici une belle traduction des éditions du Soufflet d'un ouvrage de salubrité publique écrit par les protagonistes de la transaction démocratique de 1974-1982, en réponse à l'immonde film Salvador, transformant Salvador Puig Antich en christ catalaniste et le MIL en abrutis politiques.
Écrivez-leur :  editionsdusoufflet@riseup.net. C'est pas cher.


Au sommaire
* Genèse et apogée de l’Autonomie ouvrière en Espagne (1970-1976) - Miguel Amorós
* En plein dans le MIL (Mouvement ibérique de libération) - Ricard Vargas Golarons
* Discussion autour de la Copel (Coordination des prisonniers en lutte) - Daniel Pont Martín
* Introduction à une histoire du mouvement autonome et assembléiste au Pays basque - Emilio López Adán
* Les groupes autonomes à Valence pendant la seconde moitié des années 70
* Souvenirs d’un autonome de Valence
* Souvenirs et réflexions autour des Gari (Groupes d’action
révolutionnaires internationalistes) - Miguel Angel Moreno Patiño

Nos petits chéris, les furieux de Mondragon, les biens nommés RIP



Extrait du chapitre 1 :
Ce jour-là la ville se réveilla complètement paralysée. Lorsque les ouvriers se sont dirigés vers l'église de San Francisco, quartier de Zaramaga, la police est intervenue avec une brutalité extrême, matraquant la foule et tirant des grenades lacrymogènes. Les forces de l'ordre ont finalement reçu l'ordre de tirer à balles réelles et le bilan fut lourd : quatre morts et plus de cent blessés, dont un devait succomber quelques jours plus tard. (...) Le gouvernement et son ministre de l'Intérieur, Fraga, étaient décidés à en finir avec les "soviets" de Vitoria et "l'anarchie" qui régnait dans les usines. (...)
Les services de renseignement du gouvernement et de l'armée étaient convaincus qu'une insurrection ouvrière était sur le point d'éclater.

L'air favori des autonomes du Pays Basque, Pakean utzi arte (Guerre à l'État, jusqu'à ce qu'il nous foute la paix) par Hertzainak, de Vitoria.




Pour enfoncer un dernier clou : un film indispensable pour accompagner cette saine lecture. 

mardi 23 octobre 2018

Les Gazoline, le FHAR, Marie-France et Bijou...

Marie-France (2ème à gauche), le rocker Johnny Trouble au centre, Hélène Hazera à droite
 
Les Gazolines étaient un mouvement informel, qui évoluait en marge du FHAR (Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire) dans les années 72-74, composé d'êtres androgynes comme Marie France, Hélène, Maud, Orla,... Elles ajoutaient une touche de glamour et de fantaisie aux mouvements gauchistes tristounets qui se prenaient très au sérieux. Elles faisaient un peu de provocation dans les manifs, ce qui entraînait parfois des incompréhensions de la part des militants purs et durs. Une de leurs revendications était : "Maintenant, c'est champagne, coke et falbalas !"
Tel est le résumé qu'on trouve sur le site Paris 70.

Bel exemple d'action "provocation entraînant des incompréhensions", Hélène Hazéra raconte, dans son À voix nue, comment les Gazoline montèrent un cortège de pleureuses aux funérailles de Pierre Overney afin de ridiculiser la grande cérémonie maoïste (vers 15 minutes sur l'émission).
Même l'historique Daniel Guérin, vieux trotskyste ayant viré anar et éminent membre du FHAR se désolidarisa de cette apparition.
Ajoutons que si le FHAR a été originellement fondé par des lesbiennes, les homos mecs ne tardent pas à se l'approprier, en particulier grâce au charisme de Guy Hocquengheim. Par ailleurs champagne, coke et falbalas n'auront aucun mal à se reconvertir dans l'infâme décennie suivante.

Mais revenons à nos chansons. Un étrange personnage, Alain Kan (on vous narre ses tribulations à cet article) lui aussi chez les Gazoline monte un groupe punk éponyme, parfois orthographié avec un S. On reconnaît sur la pochette du 45 tour quelques individus de la photo ci-dessus.


Autre personne trans bien connue de la bande de barjots, Marie-France, plutôt venue des folles nuits parisiennes. Copine de Bulle Ogier et de Bernadette Lafont, Marie-France Garcia, née à Oran en 1949, débuta par un numéro de fausse Marilyn à l'Alcazar à la fin des années soixante.
Outre quelques rôles au cinéma, elle tâte de la chanson dès 1976 dans Barocco d'André Téchiné.
Mais c'est avec l'appui des rockers du groupe Bijou en backing band qu'elle tente une réhabilitation du yé-yé au début des années 80. Hommage à Vince Taylor, notre loser national : cette reprise du Shakin' all over de Johnny Kidd sur son album 39 de fièvres (1981).


Dilettante de luxe de l'underground de la capitale, La Souris Déglinguée lui rend hommage dans un titre. Elle enregistre du Édith Piaf en 1993, puis un album avec Daniel Darc et Mirwais en 1997, puis fait un détour vers le rock garage pur et dur en 2003 avant de créer un spectacle hommage à Brigitte Bardot.
Jamais à court de relations luxueuses, elle commet ce titre Un garçon qui pleure, enregistré en 2011 avec Chrissie Hynde. Oui, celle-là même des Pretenders.

samedi 20 octobre 2018

Novembre : étrange et bizarres créatures

Le film maudit de Todd Browning (1932)
Que reste-t-il des croquemitaines de nos enfances, des fées, de Mélusine à queue de serpent, du basilic, des loups-garous ? De ces inquiétants personnages, des freaks qu'on croisait sur les chemins ou dans le quartier et sur lesquels, nous les gosses, faisions les suppositions les plus osées, donc les plus absurdes ? Juste un imaginaire mondialisé de dessin animé, de blockbuster d'après Tokien ? En tout cas, pas mal de chansons sur ces personnages plus ou moins légendaires, bénéfiques comme les dames blanches des Pyrénées ou amenant le malheur,comme les sirènes du vieil Homère.
Les Vanneaux de Passage du 5 novembre musardera donc dans le fantastique et l'être bizarre que l'on mettait en musique lorsqu'on ne l'exhibait pas chez Barnum. Ce sera à 17h30* sur Radio Canal Sud (92.2fm)
Pour se mettre en bouche, l'original d'un rockabilly immortalisé plus tard par les Cramps, le Goo Goo Muck de Ronnie Cook.

 

Et nos camarades toulousains de Skin & Wire ressortant la british légende de la Belle Polly. Encore une fille des bords de rivière qui vous entraîne vers le fond.



Hommage à nos volatiles chéris (merci à Henry).


mercredi 17 octobre 2018

Archives du scopitone (8) : pas le moral

En 1966, Gainsbourg enregistre une nouvelle version des Papillons noirs en duo avec Michèle Arnaud.
Elle avait été sa première interprète et même si ce duo n'apporte pas grand chose à la version originale, ce sera toujours un prétexte à mater un scopitone de la grande époque.


Les papillons noirs 1966 par le-pere-de-colombe

Ne reculant devant aucun sacrifice, la maison vous offre une autre version assez marrante et beaucoup plus récente par les Dead Brothers, groupe fanfaresque jazzy, bluesy à tendance rock monté en Suisse par Alain Croubalian, Jean-Philippe Geyser, Alain Meyer, Barbara Bagnoud et une vingtaine d'autres joyeux zigotos.   


On peut retrouver leur bio à cette page.



dimanche 14 octobre 2018

Peur sur la ville en chanson

Une intéressante émission d'Amaury Chardeau (Juke-box du 29 septembre dernier) consacrée à la trouille sociale engendrée par les bandes de jeunes.
Ça débute sur des faits-divers de 1959 au square Saint-Lambert dans le quinzième, ou à Bandol et ça remonte jusqu'aux fortifs peuplées d'Apaches.
Précisons que le blouson noir se revendiquant surréaliste du début n'est autre que l'écrivain René Fallet et que Vince Taylor n'a jamais été américain.



Dans le genre loubards de base, La Souris déglinguée, encore fréquentable à ses débuts. Et encore, ça se discute.





jeudi 11 octobre 2018

Colette Renard, polissonne de la chanson

Dans Irma la Douce (1956)
Selon les sources, elle est née en 1924, Colette Lucie Ringet ou Raget (joies d'internet).
Fille de menuisier et de couturière, elle a étudié le violoncelle et d'abord vécu de petits boulots (vendeuse, tricoteuse, coiffeuse) avant de gagner un radio crochet et se lancer ainsi comme chanteuse réaliste.
Remarquée par Breffort, celui-ci lui offre le rôle phare dans la comédie musicale Irma la Douce qu'elle jouera de 1956 à 1967.
Puis, elle a assuré seule ses récitals en province, tournant avec une bagnole dans laquelle elle avait entassé sa sono, ses accessoires, nécessaire à maquillage, deux robes de scène...
Refusant le play-back, elle se fit plutôt rare à la télévision. Toutefois, une trentaine de disques, des concerts à l'Olympia ou à Bobino (comme avec Brassens en 1976) lui ont assuré un joli succès.
Mais sa renommée vint surtout de sa spécialité dans les chansons lestes ou paillardes, la plus célèbre restant Les nuits d'une demoiselle (dont il existe divers enregistrements de versions plus ou moins édulcorées).
Un autre classique des salles de garde : la Femme du roulier (1960).


Elle a joué plusieurs rôles au théâtre, au cinéma dans des films assez mineurs, ou dans des séries télévisées et fait un retour en chanson en 1997. enregistrant jusqu'en 2002.
Elle est morte d'une longue maladie, en octobre 2010, à 85 ans.
Un autre petit bijou de parodie : Ça c'est d'la musique (1958)

lundi 8 octobre 2018

Los Carayos par Schultz


 
À cette époque, en 85, je commence à traîner vers Sèvres où il y a un squat qui s’appelle “Issue de secours”. Là-dedans, il y a la bande à cons, Manu Chao et son frangin qui jouent dans un groupe qui s’appelle les Hot Pants, et qui font du Wock’n’woll  ! Moi j’adorais ça, et j’allais régulièrement faire des bœufs avec eux, des petits bouts de concert, deux trois morceaux à la fin… 
À cette époque-là, l’asso Paris Bar Rock se créait. Comme son nom l’indique le but de la manœuvre, était de faire descendre la musique dans les rades, chose qui n’existait plus trop depuis le célèbre maréchal Pétain… Il reste encore un certain nombre de lois de la période vichyste, comme celles régissant le bruit après dix heures… que de Gaulle s’est empressé de ne surtout pas enlever à la fin de la guerre. 
On allait souvent dans un de ces bars, “Chez Jimmy” qui est situé près de “la Flèche d’or” qui à l’époque n’était qu’une gare de marchandises de la petite ceinture. Et un jour, un groupe n’a pas pu venir, et alors, qui est le premier monté sur scène, est-ce que c’est Manu, ou est-ce que c’est moi, mais on se retrouve tous les deux à jouer sur scène. Et on s’est dit  : tiens si on faisait un groupe ? Un truc vachement intellectuel, profond.

 
Manu et moi, on adorait tout ce qui était rock‘n’roll et rythm’n’blues. Alain aussi. Manu aimait bien les “espagnolades”, j’aimais aussi vachement le swing. Antoine, lui, il aimait bien être avec la bande de cons… Quand François arrive, lui c’est les “cajuneries”. Donc on met tout ça dans le truc et chacun amène son petit grain là-dedans… Et on se marre bien… C’est un peu ce que je recherche en faisant de la musique  : me faire plaisir en faisant plaisir aux gens. Ça fait vraiment partie de mon cahier des charges.

Los Carayos, on en avait causé à l'époque.
L'intégralité de l'entretien avec Schultz et Alain (venu des Wampas) se trouve sur ce site.
L'eau de feu, sorti uniquement en 45 tour



Dans l'Escalier chanté par Madame Gina


vendredi 5 octobre 2018

Disparition d'un bon acteur


Charles Aznavour est mort lundi dernier, il y a déjà quatre jours.
Tout et n'importe quoi a déjà été dit et, comme de bien entendu, ça c'est calmé depuis.
On se souvient qu'adolescent, il avait croisé au domicile familial Missak Manouchian ou Marcel Rayman.
Comme on l'a dit ailleurs il y a pas longtemps, si on l'aimait bien, on aimait surtout l'acteur. La preuve, cette excellente chose (1960) :


Ou bien celle-ci (1961)

 

Y'en a plein d'autres aussi.
Et un extrait de l'entretien de 2005 avec Hélène Hazera rediffusé cette semaine

lundi 1 octobre 2018

Les Vanneaux de passage au charbon

Galibots du Yorkshire 1974 (Nick Hedges)
Variante et enfant batard de l'Herbe tendre, les Vanneaux de Passage, pour leur première émission firent un p'tit tour au fond du puits à charbon.
Avec à la taille et au dynamitage :

Lee Dorsey                       Working in a coalmine
Richard Desjardin             Les Fros
Otomaru                            Tanko bushi
Édith Piaf                          Coup de grisou
La Polla Record                Los 7 enanitos
Victor Jara                        La cancion del minero
Woody Guthrie                  Ludlow Massacre
The Dubliners                   Song for the Molly Maguires
Coro Jabalon                     El pozo Maria Luisa
Billy Braggs                      Which side are you on ?
Mika                                  (Amis qui creusent le charbon)
Hazel Dickens                    Black lung
Mans de Breich                  Los carbonièrs de la Sala

Vous pouvez écouter cette "première" à ce lien.
Mineurs au soleil. Asturies 2012
En Transylvanie, quand les ouvriers avaient un problème avec la direction de la mine, ils confiaient au plus vieux, au plus silicosé d'entre eux, un bâton de dynamite, avec ordre d'aller chez le directeur. Se déroulait alors un rituel immuable. Le mineur lisait au directeur une revendication inscrite sur un petit papier. Le directeur, comme l'usage le commandait refusait tout en bloc. Le mineur remplaçait alors la cigarette qu'il avait à sa bouche par le bâton de dynamite. Il allumait et attendait. Neuf fois sur dix, tout le monde sautait. L'humour ne tenait aucune place dans ce cérémonial.
Philippe Ganier Raymond L'Affiche Rouge

Une petite merveille de Chavela Vargas, souvenir de la grève des mineurs de 1911 à Cananea (Sonora, Mexico)


Une comptine du Nord sur le jour de paie : al' quinzaine


Et un p'tit coup d’œil sur la BA du film de Martin Ritt The Molly Maguires (Traître sur commande en vf) 1970