vendredi 31 décembre 2021

Un peu de poésie, que diable

Puisque ci-dessous, nous étions chez sa gracieuse majesté et sa tribu de parasites sociaux, restons-y encore un peu
Chatham (prononcer tchat-eum) s'est constituée autour d'un important arsenal sur la Medway au XVIIème siècle. Bien que l'arsenal ait depuis longtemps cédé la place à un quartier résidentiel et d'affaires, ses principaux bâtiments et hangars ont été préservés ; de sorte que, par delà ses fonctions urbaines modernes, l’importance historique de l’arsenal perdure.
Outre son caractère maritime, elle était aussi une ville de garnison : elle abritait plusieurs casernes, plusieurs forts du XIXème siècle censés protéger l'arsenal en cas d'invasion. Merci Wikipedia.
Précisons qu'outre ce glorieux passé militaire, Chatham est le cadre de vie de notre cher "Wild" Billy Childish, peintre, poète et musicien.  
Le bougre lui a même dédié un poème. Enfin plutôt un texte d'amour aux prolos et autres pauvres.
Qu'on s'envoie en guise de fin d'une année déplorable. Cheers, mates !
 



 

 


 


mardi 28 décembre 2021

Working class man

On vient d'apprendre la disparition de Thomas Mensforth aka Mensi, dernier membre original des Angelic Upstarts, groupe pionnier de la Oi monté à 1977 à South Shields, qui, comme son nom ne l'indique pas, est située à deux pas de Newcastle (ses usines, ses chômeurs, ses putains de groupes des années 1960...).
On confesse n'avoir guère suivi la carrière des Upstarts ces dernières années, pas tant par désintérêt pour ces groupes brits qui s'éternisent en renouvelant sans cesse le personnel (après tout, les anglais ne connaissent pas le statut d'intermittent et faut bien bouffer entre deux chantiers au noir) mais par l'impression, certainement fausse, que ces gars avaient déjà dit tout ce qu'ils avaient à dire. Ce qui est un peu injuste.
Comme la page wiki de la bande est bien foutue, on va pas broder sur le fait que encore un combo formé après avoir vu les Clash (thanks Joe!) que ces gars étaient d'authentiques porte_voix de la classe ouvrière de l'époque et que leur premier 45 tour The Murder of Liddle Towers (Rough Trade) narrant le tabassage à mort d'un gars par la police leur valut un boycott et un  harcèlement flicard qui, en même temps, assura leur renommée.

Traités de "parvenus" par tout ce que que la scène skin comptait de pénibles et de fafs, ils furent signés par Jimmy Pursey (t'en veux du parvenu ?) alors directeur artistique chez Warner, ce qui leur permit de cracher leur haine de Thatcher et sa clique en grande pompes. 
Preuve, cette ballade issue de l'album Power of the press (1986) célébrant l'attentat le plus connement raté par l'IRA provisoire : Brighton bomb.

 
Depuis, les uns et les autres s'en sont allés et Mensi était resté l'âme du groupe. Cette saloperie d'épidémie a eu sa peau. Encore un peu de notre jeunesse qui fout le camp avec lui. Un dernier hommage à son côté folkeux avec Solidarity. 
Que la terre te soit légère. 

mercredi 22 décembre 2021

Petula et les Kinks

Dans un précédent chapitre de ce foutoir, on a déjà abordé le cas d'une reprises improbable de l'indispensable groupe britannique de Muswell, The Kinks.
En voici une autre, bien plus logique.
Née en 1932, Petula Sally Olwen Clark , jeune fille d'Epsom (Surrey) débarque en France en 1957 et y entreprend une carrière en chanson bilingue en pleine période yé-yé. 
Comme en Angleterre elle est signée sur PYE, le même label qu'eux, on imagine qu'elle a eu toute facilité à reprendre en français cette chanson des frangins Davies. Satire de la classe moyenne conformiste, Well respected man fut enregistrée en 1965, période faste pour nos lascars. La voici filmée à l'émission de la BBC Beat club avec un son rachitique mais de vraies images qui bougent. Nos exigeants auditeurs ont une version plus écoutable .

 
La petite anglaise n'avait plus qu'à faire appel à Frank Gérald pour pondre une version conservant un mode ironique et néanmoins gentillet. On se demande même si les producteurs n'ont pas purement et simplement conservés la piste musicale originale des Kinks.
Elle aussi passait à la télévision mais en play-back.

Terminons le cas de Petula par une très méconnue de ses débuts. 
Comme elle avait été prise en main par Serge Gainsbourg, le premier mentor de celui-ci lui écrivit en écrivit une. J'ai nommé Boris Vian, of course, dans Java pour Petula.



vendredi 17 décembre 2021

Douglas, autre curiosité belge

 
 Allez, un petit conseil pour la période de libations obligatoires qui s'annonce doublé d'un coup de chapeau aux archéologues du label Caméléon records qui exhument les vinyles plus ou moins perdus du punk, hard, garage, new-wave, folk ou soul provincial ou francophone.
Ce qui nous a permis de découvrir un singulier personnage : Douglas, dont la vraie identité est Jean-Pierre Lauwers (allez faire carrière avec un blaze pareil à l'aube des années soixante, même en Belgique).
Résumons à gros traits ce qu'on sait et qu'on trouve en détail à cette adresse :
issu du monde de la nuit bruxelloise, Paul Deneumoustier, sévit dès 1962 comme compositeur et guitariste chez James Curtis & The Madisons qui ont laissé un petit tube : Madison go ! 
 
Arnaqué sur les droits d'auteur, Deneumoustier alias Paul Davera monta un groupe folk, les Dollars avec Lauwers au chant principal et Francis Jouaret. Ils ont laissé une paire d'EP 4 titres et un succès qui s'est fait attendre.
Un producteur décida alors de prendre en main le futur de Lauwers, rebaptisé Douglas en gardant Deneumoustier comme auteur.  
Il sortira deux EP en 1967 et 1968, le deuxième étant joué par des requins de studio excessivement côtés comme Jimmy Page, Alan Parker, Barry Morgan, Less Hurdle... 
Douglas sort un dernier 45 tour fin 1968.
D'après les gens de Caméléon, la face A, Les Anges Noirs ne vaut pas tripette.
Par contre, comme ça arrive parfois (prenez Be bop a Lula de Gene Vincent, par exemple) la face B, petit rock garage à tendance psyché, est beaucoup plus intéressante et a connu une postérité souterraine.
Elle évoque imanquableement quelques loustics de l'époque tels Évariste ou Jean-Bernard de Libreville.
Ça s'appelle tout simplement Si je buvais moins.
 

 

Quelques temps plus tard, le disque partit au pilon et l'auteur en racheta cinq exemplaires à Philips (ça a au moins servi à la réédition). Douglas redevint Lauwers, John tout de même, et s'embaucha à l'usine non sans persister à jouer du folk et du blues dans les troquets.
Fin de l'histoire belge du jour.

dimanche 12 décembre 2021

Bobby et Charlie chez François

En adaptant le roman de David Goodis Down there, devenu pour l'occase et par la grâce de la Série Noire Tirez sur le pianiste en 1960, François Truffaut en fit une aimable comédie se préoccupant plus de diverses variations au sujet de l'amour que d'intrigue policière. 
Mais ce film en noir et blanc à la superbe photographie ne manque pas d'une certaine truculence et d'un rythme fort enlevé, sans compter des gags un peu niaiseux mais passant assez bien dans l'ensemble d'un sympathique foutraque  (Je te le jure sur la tête de ma mère qui meurt à l’instant !)
Côté musique, la partition de Georges Delerue est un hommage jazzy au Paris nocturne des cafés-concerts. Car le tout est rythmé de chansons populaires.
Un des moments de respiration du film étant les performances de Bobby Lapointe en plein jeu d'épaules qui y exécute Marcelle et Framboise, passage pour lequel les producteurs exigèrent une transcription en surimpression qui vaudra au gars de Pézenas le titre de "seul chanteur sous-titré".

 

Premier rôle, Charles Aznavour tient à merveille le rôle d'Édouard Savoyan, ex virtuose traumatisé devenu un pianiste de bar timide embarqué malgré lui dans la galère par un insupportable frangin.   
Ce qui donne le morceau de bravoure ci-dessous. 
 

jeudi 9 décembre 2021

L'art du plagiat

 
Reconnaissons-le, la Mano Negra (groupe issu des Hot Pants, des Casse Pieds et des Dirty Districts) fut en son temps (1987-1994) un sacré groupe de scène doté d'un groove irréprochable.
Côté reproche, justement, on leur doit, à eux et à quelques autres, l'irruption du gros business dans un rock jusqu'alors plus confidentiel et familial, une certaine "Jacklanguisation" de la musique qui collait bien aux dernières heures du socialisme cotillon et surtout, surtout, une faiblesse avérée des paroles.
Même si ces gens eurent des intentions souvent estimables et avaient des choses à dire, ils les disaient trop fréquemment avec une naïveté confondante et une accumulation de mots formant une liste lassante. C'est d'ailleurs depuis la marque de Manu Chao. C'est pas parce qu'on chante en castillan qu'on est obligé d'être aussi sommaire.
Enfin, soyons juste, on aime bien aussi les Ramones qui, question texte se posent un peu là.
Non, ce qui a eu toujours du mal à passer, c'est que ces jeunes gens découvrant l'Amérique Latine n'hésitaient pas à pomper et à recycler des trucs entendus à la radio, ce qui n'aurait rien de blâmable en soi du moment qu'on cite sa source. 
Prenons un classique de la salsa new-yorkaise : Te están buscando, 45 tour sorti en 1981 chez Fania joué par le fabuleux duo Rubén blades / Willie Colon. Voici les mésaventures d'une guape du quartier que plus personne ne supporte et que tant la flicaille que les autres truands recherchent pour lui donner une bonne leçon:  

Et ensuite, écoutons Peligro, reggae tropical de la Mano dont voici la vidéo issue du documentaire Puta's fever.
 

 

Même sans posséder la langue de Cervantés et Julio Iglesias vous avez remarqué ? Ce sont quasiment les mêmes paroles. on se contente de remplacer les pénibles du quartier par la CIA et les forces de l'ordre. Après y'a plus qu'à balancer une accumulation de pays d'Amérique Centrale et le tour est joué !
Vous me direz qu'après tout, depuis Mozart (qui a pompé Salieri) et Muddy Waters (qui a pompé Robert Johnson), l'histoire de la musique n'est qu'une longue suite de plagiat.
certes. Mais ça fait longtemps que celui-là, on l'avait sur l'estomac !

jeudi 2 décembre 2021

Aller se faire vacciner chez les Grecs (parenthèse d'actualité)

 

Quiconque connaît l'alphabet grec ou a la curiosité d'aller sur la page wikipedia qui lui est consacrée ne peut que ressentir qu'un profond malaise face à l'apparition du variant o (Omicron).
Si malgré notre profonde lassitude on a un peu suivi l'affaire du virus qui cavale, comment a-t-on pu passer d'un variant δ (Delta) quatrième lettre, directement à la quinzième ? Où sont passées ε (Epsilon) θ (Thêta) ou λ (Lambda) pour ne citer que les plus connues ? Nous a-t-on caché une horde de variants ?
Enfin, on tout de même quelques explications quant à des lettres douteuses : l'OMS a tout simplement sauté la lettre µ (Mu) parce que les anglo-saxons n'arrivent pas à la prononcer (ça donnerait un truc comme "Miaou") et surtout la lettre ξ (Xi) parce que ça aurait pu être vexant pour le grand empereur de l'empire du Milieu. Vu que c'est son prénom et que la Chine aurait deux ou trois choses à se reprocher.
On frémit à l'idée de notre sort lorsqu'on aura épuisé les 24 lettres grecques. Faudra-t-il passer à l'alphabet cyrillique (l'alphabet chinois étant prohibé pour les raisons énoncées ci-dessus) ou faudra-t-il abattre le troupeau ?

 

Dans un tout autre ordre d'idée, une réjouissante chronique ce matin même sur les ondes de FC. 
Voilà qui a le mérite de nous ramener à la fois aux plus belles heures de la guerre froide (au moins, on savait à peu près qui tirait sur qui) et à une bombe à neutrons qu'on imaginait remisée au hangar des arsenaux improbables.
Ainsi qu'un prétexte pour s'envoyer les Ramones de bon matin, ce qui a toujours du bon pour le moral.

lundi 29 novembre 2021

Souplex au cinoche

De Raymond Guillermain  alias Raymond Souplex (1901-1972) les téléspectateurs d'antan ont certainement retenu la réplique "Bon Dieu*, mais c'est bien sûr !" du feuilleton Les cinq dernières minutes
Avant de devenir le commissaire Bourrel, en 1957, le gars avait été essentiellement un chansonnier d'avant-guerre au Caveau de la République ou au Deux ânes, se spécialisant déjà dans un genre vieillot et quelque peu suranné en duo avec Jane Sourza. Outre la chanson rétro, Souplex devint une des premières vedettes radiophonique en interprétant un rôle de clochard philosophe sur Radio Cité en compagnie de Noël Noël.
 
Il passa une assez douce occupation entre présence au théâtre, sur Radio Paris et tournée en Allemagne au profit des travailleurs du STO. Il s'en tira avec un blâme à la libération avant d'entamer une carrière de second rôle au cinéma pour une quarantaine de films avant de faire sa renommée à la télévision jusqu'au début des années 1970.  
L'intérêt de la série, somme toute assez molle, Les cinq dernières minutes fut surtout d'y inviter pour des apparitions une brochette d'acteurs confirmés ou appelés à le devenir tels Pierre Brasseur, Marcel Bozzuffi, Ginette Leclerc, Françoise Fabian, Bernard Fresson, Jean-Pierre Cassel ou même Serge Gainsbourg.
Quant au chansonnier, le voilà dans son numéro de plouc à la ville avec Au cinéma. Vu l'intervention du début, on soupçonne cette séquence de s'être tenue sur Radio Paris et on frémit d'avance à la blague heureusement coupée.  
Voilà pour notre contribution du jour à la culture générale.

 

*"Bon sang !" c'était dans le Rubrique à Brac de Marcel Gotlib.

lundi 22 novembre 2021

Et naquit le blues

 
Entre autres réjouissances, un dossier long et passionnant dans le Chéri Bibi n°12, fanzine de 130 pages tout simplement intitulé Les femmes ont inventé le rock'n roll.
Le rock, on ne sait pas, même on trouve là une sacrée brochette de chanteuses, guitaristes, trompettistes ou autre productrices dont on avoue qu'une majorité nous était totalement inconnue.
Par contre, quelle ne fut pas notre surprise d'y apprendre que le tout premier enregistrement de blues répertorié fut une chanson de Mamie Robinson aka Mamie Smith (née en 1883 à Cincinnati et morte en 1946 à Harlem dans une profonde dèche).
Danseuse, chanteuse, meneuse de revue, elle brûla les planches dès l'âge de 10 ans et fit partie des Maids of Harlem. Elle enregistra dès le début 1920, à l'origine en remplaçant une autre chanteuse grippée. Elle entre dans l'histoire de la musique du Diable avec Crazy blues, écrit par perry Bradford et enregistré par le pionnier Ralph Peer en ce 10 août 1920.
L'excellente surprise réside dans le fait qu'outre son aspect précurseur, cette chanson est tout simplement épatante !
Écoutez voir cette voix et prêtez attention aux paroles, particulièrement au dernier couplet : Je vais me conduire comme un Chinois et prendre de l'opium, me procurer un flingue et me faire un flic ! J'ai rien que des mauvaises nouvelles. Et j'ai le Crazy blues....
 

 

Ce disque s'est vendu à 75 000 exemplaires en un mois. Pas mal pour une époque où tout le monde ne possédait pas un phonographe et où cette catégorie musicale estampillée Race music était réservée aux seuls considérés Noirs.
Suite à ce carton, Mamie Smith enregistrera une centaine de titres et fit de nombreuses tournées accompagnée de ses Jazz Hounds (Les clébards du jazz). Elle est également apparue dans une demi-douzaine de films dont Jailhouse Blues (tout un programme, ça vous rappelle rien ?), Paradise in Harlem ou Murder on Lenox Avenue.
On part donc immédiatement à la recherche de ces films !

vendredi 19 novembre 2021

Le blues du travailleur : bullshit jobs

 

La photo ci-dessus, trouvée le blog de M. Pop 9, nous a irrésistiblement attiré l’œil. On s'est d'abord demandé quel était le curieux instrument dans lequel soufflait la gaillarde. Heureusement, il y a une légende jointe, en anglais, qui donne à peu près ceci : Mary Pierce, "tambourineuse vers le haut" qui gagnait 6 pences par semaine en tirant des pois secs sur les fenêtres afin de réveiller les gens qui devaient aller bosser (East London, années 1930).
Franchement, connaissiez-vous beaucoup de boulots plus merdiques qu'aller réveiller autrui les bombardant des petits pois ? 
Quoiqu'à notre commentaire en ce sens, l'intéressé répondit : Tu m’étonnes. Mais faut aussi reconnaître qu’à l’époque, y avait des turbins bien pires que d’faire la tournée des popotes avec une sarbacane — et aujourd’hui, quand je regarde les jeunots qui font du vélo avec un sac à dos cubique pleins de sushis industriels et de pizzas lourdingues…
Notre camarade lorrain étant dans le vrai, on avoue qu'il y a eu et existe encore des métiers ô combien plus pénibles. On nage juste avec ce boulot entre l'absurde et le loufoque. 
Ce qui nous a évoqué cette chanson du premier album des Clash reprise sur leur triple disque Sandinista ! (1980).
Après tout, à l'origine, elle avait été écrite pour prévenir les gosses.
 
 
Dans le genre chagrins stupides ou délirants, le petit commerce possède des variantes illimitées. Prenez ces vendeurs d'attrape-mouches.
 
Ou ceux de dentiers d'occasion (devaient être confortables en bouche, tiens).
 

Mais à évoquer ces allumeurs de réverbères et autres marchands d'Arlequins, offices d'un monde lui aussi disparu, on risque de glisser dans une nostalgie à tendance folklorique.
Il est donc temps de réitérer notre position vis à vis du salariat qui pour être théorique (ben oui, nous aussi on est allé gagner notre croûte) n'en est pas moins ferme.
On va l'illustrer par ce tube de Zoufris Maracas, groupe de variétoche des années 2010 à orientation poil à gratter.

mardi 16 novembre 2021

Johnny et Ray dans la dèche, Eddy en profite

 

Voici l'histoire d'un pauvre fermier dont ni les animaux ni la terre ne produisent de quoi nourrir sa famille. Même son frangin, tout aussi miséreux, ne peut rien pour lui. Qu'à cela ne tienne, au lieu d'exterminer sa maisonnée (conclusion classique des murder ballads, équivalent américain de nos complaintes) le gars finit par émigrer en espérant rejoindre une contrée plus clémente.
Depuis Les raisins de la colère, un thème familier repris par la chanson rurale, donc. 
Busted ou I'm busted fut écrit par le chanteur de country du Michigan, Harlan Howard, en 1962 et d'abord chantée par Burl Ives.
Mais elle fut surtout immédiatement, popularisée par Johnny Cash (album Blood, sweat and tears) et Ray Charles dans une version plus jazzy.
 
 
En argot étazunien, Busted a de nombreuses significations, on peut le traduire par "cassé", "lessivé", "au bout du rouleau" mais aussi par "gaulé par les flics", ou, en gros, "fait comme un rat".  
En 1964, Monsieur Eddy y alla de son adaptation, inspirée de la version Ray Charles, sur son album Toute la ville en parle. Les paroles sont du Schmoll lui-même.
 
Pour compléter ce petit panorama de la débine, ajoutons-y comme reprise en français, les Hou-lops. En allemand Volker Lechtenbricht a chanté un Ich bin pleite  mou à souhait( de la variétoche germanique des années 70, quoi) repris ensuite Johana von Koczian
En Italie, Sono un fallito taillera sa route entonné par Gino Santercole et par l'inévitable Adriano Celentano.
Quant aux multiples versions anglo-saxonnes, au rayon curiosité citons une parodie de Ben Colder, Busted n°2.
Et une autre, celle du regretté Andre Williams, disparu en 2019, qui fut à la fois chanteur de blues, de rock, de punk, et de bien d'autres choses encore...
 

vendredi 12 novembre 2021

Aphorisme du jour


Celui qui promet des récompenses est souvent dans une profonde affliction.
Celui qui impose des châtiments est souvent en difficulté.
Celui qui est d'abort excessivement brutal et qui, ensuite, craint les masses représente le summum de la stupidité.
Sun Tzu L'Art de la guerre

lundi 8 novembre 2021

Vous en reprendrez bien une tranche ?

 

La principale raison du Pass Sanitaire – plus importante que d’aider Big Pharma à accumuler des milliards, et en plus de la destruction de toute confidentialité en matière de santé et du serment d’Hippocrate – est l’intensification du contrôle social, du suivi et du traçage et l’acceptation croissante d’être surveillé en permanence “pour notre propre bien”. Ce qui, surprise, est pour le bien de nos gouvernants qui, si nous décidons de nous révolter alors que les choses empirent invariablement, auront considérablement intensifié leurs moyens de réprimer cette révolte. Et obtenu que les gens acquiescent à cette répression. Une expression anarchiste anglaise “La guerre est la santé de l’État” est devenue ‘La santé’ est la guerre de l’État”.

Extrait du pamphlet "À bas les manifs rituelles routinières"

mardi 2 novembre 2021

Un hymne sur un malentendu

 

Malgré un nombre respectable de films et de romans noirs, en particulier ceux de Dennis Lehane qui le démontrent, insistons ici sur le fait que Boston, Massachsetts, n'est pas qu'une cité coloniale de la haute réputée pour ces espaces verts, ses élites et son université, cette ville a aussi ses quartiers interlopes et son prolétariat vivant par communautés puisqu'elle est aux États-Unis. On dit aussi que c'est une des plus grandes villes irlandaise de la planète.
Or, à Boston, Noirs et Blanc, Latinos et Asiatiques, irlando-américains ou italo-américains, tout le monde se réconcilie non pas lorsqu'il s'agit de rosser les cognes mais plutôt d'entonner en chœur Dirty Water.
On sait que les chansons comportant le nom d'une ville dans leur titre ont en moyenne meilleur chance de faire carrière que d'autres mais le cas de celle-ci est assez curieux.
Les amateurs savent généralement qu'elle fut créée par un obscur groupe de Garage, The Standells, en 1965.    

  

On sait généralement moins que le groupe (Larry Tamblin, clavier et chant, Tony Valentino, guitare et chant, Jody Rich, basse et Benny Hernadez batterie et chant) est issu de Los Angeles, à l'autre bout du continent. Mieux, lorsque cette bande qui végéte sort d'abord la chanson au riff impeccable en 45 tour puis en album éponyme, les petits gars n'ont jamais foutu les pieds à Boston ! C'est leur manager, Ed Cobb, qui a effectué un séjour là-bas en galante compagnie et a écrit les paroles afin de se venger d'une cité où il a connu quelques émotions pas toutes agréables.
Car les paroles font référence aux bas quartiers irlandais près de la rivière Charles (aux eaux polluées) à l'étrangleur de Boston, à la frustration des étudiantes de l'université Simmons. Tu parles d'un dépliant de l'office de tourisme !
Tout en connaissant un succès d'estime et restant le tube (assez confidentiel) des Standells le morceau sera purement ignoré du côté de Boston. L'honorable groupe de rock aura quelques autres succès d'estime avant de se déliter autour de 1968. Sometimes good guys don't wear white, par exemple.
 
 
On aurait pu en rester là mais en 1972, Lenny Kaye, par ailleurs guitariste de Patti Smith, exhume des 45 tours oubliés des années 1964-1968, racines du rock garage et proto-punk des USA sous le nom de compilation Nuggets (pépites). Et le premier 33 tour de la série s'ouvre par Dirty Water, faisant aussi sec accéder le titre au statut de légende méconnue.
Toute une génération des années 1970 se fait les dents en reprenant les Nuggets, et les titres sont encore joués de nos jours dans les bistrots et autres salles confidentielles, devenant une école pour rockers débutants ou confirmés.
D'ailleurs, nous sommes quelques-uns à avoir d'abord connu ce truc repris par un honnête et énergique groupe de pub rock anglais, The Inmates, en 1979, sur leur premier album First offense. Ils avaient juste changé Boston par... London ! Commerce oblige.

 

La chanson poursuit donc son bonhomme de chemin, devenant de plus en plus connue et en 1995, l'équipe de hockey de Boston l'adopte comme hymne, aussi tôt imitée par les supporters des Red Socks, équipe de base-ball nationalement classée. Du coup, tout Boston se met à chanter cet air dédicacé aux eaux crades, même les citoyens écolos s'en servent pour leurs campagnes de dépollution. Et voilà comment un relativement obscur single de 1965 s'est retrouvé beuglé par une capitale de 700 000 habitants.
Entre-temps, Dodd et Tamblyn ont remonté une nouvelle mouture des Standells. Et dans les années 2004-2006, les californiens se verront jouer leur désormais succès aux ouvertures des matchs de Boston.
Surtout, ne jamais désespérer !  
Allez, une dernière par des gloires locales, les Dropckick Murphys.


mercredi 27 octobre 2021

Magali chez Fellini

 

En 1973, Federico Fellini sort un film mêlant souvenirs d'enfance, nostalgie d'un temps loin d'être innocent et anecdotes fantasmées, Amarcord (je me souviens).
Cette chronique d'une adolescence rurale tantôt comique, tantôt acide, attendrie ou angoissante est une des œuvres majeures du maestro.
Mais outre des prises de vues assez somptueuses, on garde aussi en mémoire le thème musical entêtant écrit par l'indispensable Nino Rota.
Curieusement, le rôle de la femme fatale qui fait cavaler tout ce que la contrée compte de mâles mais qui finit épousée par le plus improbable est tenu par une Magali Noël déjà quarantenaire et étonnamment sobre dans son jeu.
La regrettée alla chanter le thème du film dûment doté de paroles françaises à la télévision suisse en 1976. 
L'occase de la retrouver dans un aspect assez inattendu.  

jeudi 21 octobre 2021

Sur la route de Memphis

 


On ne dira jamais assez de bien du label STAX, de Memphis pour son apport au monde la zizique. Rappelons qu'à la base il s'agissait d'un magasin de disque auquel on accola un studio d'enregistrement et les sessions passaient en direct dans la rue grâce à des enceintes. Ce qui permettait de savoir comment une chanson était reçue et a provoqué quelques beaux attroupements. Imaginez la tête des lycéens sortant de l'école et ayant Otis Redding en direct sur le trottoir ! 
Le 12 mars 1968, Rufus Thomas grava le 45 tour Memphis train en profitant, comme son habitude pour inventer un nouveau pas de danse. 
Ils s'étaient mis à trois pour écrire ça : Rufus lui-même, Mack Rice et Willie Sparks.
 
Jarmush rend un hommage appuyé à cette chanson dans son Mystery train dans lequel le vieux soulman apparaît au milieu d'une belle brochette de collègues de légende. 


 
Les adaptations de standards du rhythm 'n blues ou de soul en français sont généralement catastrophiques. Même s'il existe de notables exceptions.
Dont celle qui suit et qui en son temps nous avait été aimablement signalée par le sieur Wroblewski.
La Québecoise Jenny Rock (Jeanine Bellefeuille de son véritable nom) eut son heure de gloire dans la catégorie variétoche yé-yé des années soixante.
Ce qui ne l'empêcha pas de faire une honorable reprise. Même si c'est du mot à mot et du note à note, il y au moins là du groove.

dimanche 17 octobre 2021

Tranche de vie (christianophobe)

J’apprécie le parc du Singe Charli. C’est le territoire de mon enfance et de mon adolescence. J’y ai fumé mes premières clopes, maté mes premières revues pornos, bu mes premiers litrons… À l’époque, il s’appelait encore parc du Généralissime1. Je me souviens quand on a emménagé Charli, dans un recoin du jardin. Et quand on l’a enlevé. Charli était enfermé dans une grande cage. Il devint célèbre dans tout Jamerdana parce qu’il se masturbait sans aucun pudeur devant tout le monde, comme par vengeance contre l’enfermement. Il aimait bien aussi voler des lunettes et mordre les enfants. Et il fumait. Nous-autres, les gamins, on lui passait des Fortunas (ce singe sybarite n’appréciait que les blondes) et il se les liquidait en deux ou trois bouffées anxieuses. Parfois, il les fumait tout en les réduisant en morceaux. Il disparut subitement, du jour au lendemain, sans que personne ne donne la moindre explication. Mais il était clair qu’il avait été victime d’une purge idéologique.

Quelques années plus tard, quand la municipalité proposa la béatification du fondateur de l’université catholique de Jamerdana, nous, les punks, avons alors exigé celle du singe Charli qui, à notre avis, avait été bien plus utile à la cité. C’était au temps des campagnes d’apostasie et processions athées2. Je me souviens qu’au cours d’une de ces processions, nous avons croisé la vraie, en pleine semaine sainte, et qu’une confrérie nous a attaqué à coup de cierges géants et de crucifix pendant que nous bombardions de canettes le passage de la Dolorosa, argumentant que c’était la meilleure manière d’adorer une Vierge dotée d’un pareil nom. (...)

En ce qui concerne le parc, quelques années plus tard on a changé son nom, il est passé de Généralissime à Constitution même si personne, en ville, ne l’a jamais appelé comme ça et que tout le monde le connaît comme parc du singe Charli avec plus de dévotion que pour n'importe quel saint.

Patxi Izurzun Tratado de Hortografia

 

1Francisco Franco

2Dans les années 1980, de nombreux charivaris anti-cléricaux furent organisés dans les villes basques. Affiche ci-dessus

mercredi 13 octobre 2021

Cecilia Roth déclame du tango

/
Avec Fito Páez

Si on a un faible pour l'actrice argentine Cecilia Roth, ce n'est pas seulement parce qu'elle est devenue une des actrices favorites de Pedro Almodovar (elle joue dans sept de ses films) suite à son exil familial à Madrid afin d'échapper à une des dictatures les plus meurtrières de la décennie 1970/1980.
C'est aussi parce qu'elle a eu une carrière impeccable après avoir regagné son pays en 1990. On ira même jusqu'à considérer Un lugar en el mundo d'Adolfo Aristarain (1992) comme un des films les plus émouvants jamais tournés dans l'histoire du septième art.
Elle a toujours fréquenté des musiciens et a même été la compagne de Fito "el Flaco" Páez qui lui dédia une chanson de son disque Enemigos intimos (avec Joaquin Sabina).
On la retrouve également dans un des disques du trio Gotan Project* (Eduardo Makaroff, Christoph Müller et Philippe Cohen Solal) récitant un très beau poème de Juan Gelman Confianzas. Ça se trouve sur l'album Inspiración-Espiración (2004).


 

"con este poema no tomarás el poder" dice 
"con estos versos no harás la Revolución" dice 
"ni con miles de versos harás la Revolución" dice 
y más: esos versos no han de servirle para 
que peones maestros hacheros vivan mejor 
coman mejor o él mismo coma viva mejor 
ni para enamorar a una le servirán (...)
 
* Qui accompagne occasionnellement Catherine Ringer ou Brigitte Fontaine.

vendredi 8 octobre 2021

La grande escroquerie du documentaire

 

Chroniquer un film ou un album récemment sorti n'est pas la coutume de ce bouzin. Mais là, vous pourrez pas dire qu'on vous aura pasprévenu.
On avait pourtant la crainte de se faire avoir en allant voir Crock of gold, documentaire de Julian Temple consacré à la gueule cassée du (post ?) folk rock irlandais, Shane MacGowan, ci-devant chanteur et auteur compositeur de The Pogues. Le réalisateur, biographe habitué du show-biz plus ou moins punk, étant avant tout un monteur qui fait défiler des séquences à toutes blinde, on espérait au moins quelques archives savoureuses. Même si le même réalisateur a la détestable habitude d'inviter dans ses films deux ou trois personnalités bling-bling ayant peu à voir avec le sujet mais susceptibles d'attirer une chronique dans la presse qui, soi-disant, compte.
Soyons juste, il y a bien quelques séquences dignes et toute l'enfance édifiante du personnage dans une ferme plus que modeste du comté de Tiperrary est l'occase d'un agréable dessin animé. C'est désormais classique lorsqu'on manque d'images et c'est bien mieux réussi, plus modestement, dans le film de Jarmusch sur les Stooges.
Mais là où Temple passe les bornes, ce sont lors d'interminables séquences avec un Shane McGowan tellement abîmé qu'un malaise s'installe assez vite devant une  exhibition faisant fi de toute dignité. Et puisqu'on parle de personnalités à la con, non seulement le réalisateur est infoutu de s'entretenir avec d'ex membres des Pogues (si, si, il reste quelques survivants) ou des proches ayant bossé avec eux (Costello, les Dubliners...) mais il convoque des guignols comme Johnny Depp (ok, c'est lui qui a payé le film) ou pire, un vieux politicard retord comme Gerry Adams pour transformer ce pauvre Shane, réduit à l'état de loque, en patriote héros de la cause irlandaise. A touch of revisionism !
Précisons au passage que notre antipathie vis à vis du leader de Sinn Feinn s'étend largement, voire en pire, à ceux du camp d'en face, ça c'est fait.
Restent l'histoire d'un incurable inadapté social et quelques bons mots : Tout le monde s'était mis à écouter de la World Music et je me suis dit ben, on va vous en donner. Et vous méprisez les Paddy ? On va vous remettre un couche de Paddy!
Et la plus belle, la plus cafardeuse, des chansons de Noël, en duo avec KIrsty McColl (elle-même fille d'Ewan, auteur de Dirty old town)

  

Un film qu'on peut ne pas aller voir. Ça nous apprendra...
De toutes façon, les cinoches sont déserts.

lundi 4 octobre 2021

Béranger chez les Belges

 

On a découvert cette captation de 1975 accompagnée d'un commentaire pertinent sur Le journal de Jane. Et on se fait une joie de relayer.
L'émission Flon flons de Tom Goldschmidt à la RTBF avait enregistré, au moins en partie, un concert à Charleroi à une fête du MOC (Mouvement ouvrier chrétien).
Malgré des conditions sonores un peu limite et un public un peu trop éloigné de la scène, ce bougon de Béranger n'hésite pas à se montrer assez déconnant.
Par contre, on dirait que le groupe s'emmerde un peu par moments. Ils étaient l'inévitable Jean-Pierre Alarcen à la guitare, Gérard Cohen à la basse, Jean-Lou Bossenne à la batterie et Claude Arini au claviers. 
Ils interprètent quelques classiques :  La fête du temps, Le tango de l'ennui, Le monde bouge, Tranche de vie (un peu lente), Magouille blues (particulièrement indiquée cette année) et Manifeste. Avec, en sus, quelques entretiens, toujours aussi sympas, entre les morceaux.
Quarante-neuf minutes de nostalgie...

mercredi 29 septembre 2021

MAQUIS


Groupe "Roberto" sierra de Grenade, 1948
 
La mort est omniprésente. Maladies, affrontements avec les forces de l'ordre et dangerosité des actions économiques posent un cadre de vie hautement précaire. Le guérillero est un mélange d'audace, de courage et de fatalisme. Évoquant « Machado », Victorio Vicuña signale « Je me souviens qu'il se disait courageux, car il savait qu'il allait se faire tuer. Et que ça lui était bien égal que ça lui arrive aujourd'hui ou demain ». On le constate, la montagne n'est pas le lieu le plus approprié pour les lâches. Dans tous les témoignages des survivants, on rencontre une plus grande appréhension pour la blessure ou l'arrestation que pour la mort elle-même. La détention est particulièrement redoutée, la condition de prisonnier de guerre n'étant pas reconnue, son sort et sa vie dépendent alors exclusivement de l'attitude de ses gardiens. 
À partir de 1947, il est clair qu'être arrêté équivaut à une mort certaine précédée de tortures en tous genres induisant le risque de dénoncer ses compagnons et les agents de liaison. En connaissance de cause, de nombreux guérilleros préfèrent se suicider plutôt que de tomber aux mains de la Garde civile. Ou ils mènent une attaque désespérée en sachant que l'issue leur sera fatale.
 
Maquis. Histoire des guérillas anti-franquistes. Secundino Serrano.

Le livre de l'historien Secundino Serrano, étude complète et surprenante sur les maquis et la résistance active dans l'Espagne post-guerre civile sort enfin en français (édition Nouveau Monde). Cette petite vidéo* de 23 minutes présente plusieurs aspects de l'ouvrage. On peut trouver une version courte de 6 minutes à ce lien.

 

Et pour quelques traces laissées dans l'imaginaire populaire, un rap de Mala Fama en mémoire des deux derniers guérilleros de Cantabrie, Juanin  et Bedoya.

 

 

* Montage réalisé avec des extraits de Los ultimos guerilleros de José Vicente Viadel et Los del monte de Reyes Ramos.


samedi 25 septembre 2021

Dutronc chez les Helvétes

 
Il est communément admis que c'était le temps où, en France, on ne savait pas jouer de rock 'n roll, pas plus qu'on n'était foutu de sonoriser un concert correctement. En France, je ne sais pas, pour tout dire j'étais pas au Golf Drouot, mais en Confédération Helvétique, il semble qu'on ait su organiser un concert proprement.
La preuve: on tombe par hasard sur cet enregistrement de Jacques Dutronc capté à Yverdon-les-Bains, riante station thermale vaudoise, en 1966. 
Miné par le service militaire obligatoire, le groupe originel, El Toro et les Cyclones, s'est séparé l'année précédente et le beau Jacquot s'est acoquiné avec Jacques Lanzmann pour entamer une carrière solo.
Des Cyclones, il reste ici Hadi Kalafate à la basse (un pote de jeunesse qui accompagnera ensuite Chamfort et Dick Rivers en tâtant du cinoche) et on trouve aussi Jean-Pierre Alarcen à la guitare (futur grand complice de François Béranger) et Alain Chamfort (lui-même) à l'orgue.
Si les gars avaient l'air aussi à l'aise sur scène, c'est que cette année là, ils se sont enquillés la bagatelle de 200 concerts (Little Bob doublé!). 
Outre, les désormais classiques du duo dynamique, ils font ici deux reprises, une de Michel Polnareff et l'autre de... Mireille Mathieu !
Ils envoient donc : 
01 - Mini, mini, mini 02 - Sur une nappe de restaurant 03 - On nous cache tout, On nous dit rien 04 - Les gens sont fous, les gens sont flous 05 - La Compapadé 06 - Qu' elle est belle 07 - L'Amour avec toi 08 - La fille du Père Noël 09 - L'Espace d'une fille 10 - Les cactus 11 - Les playboys 12 - Et moi, et moi, et moi.
Et crac, boum hue !

mardi 21 septembre 2021

Quelques mots sur un mur

 

Sans méchanceté gratuite, on croit pouvoir avancer que Philippe Labro ne marquera pas la littérature ou le cinéma d'une empreinte indélébile.
Le vieux dandy s'était également essayé à être parolier avec des poids lourds du temps comme Claude Moine ou Jean-Philippe Smet.
En 1975, il écrivit la majorité des couplets du troisième album de Jane Birkin, Lolita go home, qui fut un succès d'estime.
On y trouve néanmoins quelques véritables réussites comme ce French Graffiti dont Gainsbourg assure bien entendu la musique.
Toute une époque. Celle où les services municipaux n'auraient pas encore éradiqué la grotte de Lascaux à coup de Karcher. 

 



jeudi 16 septembre 2021

Un poème de Cara Quemada

 

Je veux que ma tombe 
se trouve loin des champs consacrés,
là où il n'y a ni blouses blanches
ni caveaux dorés.
Loin de ces lieux trompeurs
où les gens passent une fois l'an
déposer leurs pleurs.
Je veux être enterré
en haut de la montagne
près de ce pin blanc
qui ne pousse qu'au fond du ravin.
Ma tombe sera
entre deux galets  
et mes compagnons seront
couleuvres multicolores et lézards verts.
À mon enterrement, je ne veux 
ni curés laïques ni romains
et les fleurs seront
un bouquet de chardons acérés.
Je ne veux pas plus
de discours ou de psaumes,
de drapeaux ou de gerbes,
oripeaux du monde civilisé.
Pour oraison, les croassements
des corbeaux et des corneilles
le glapissement du vieux renard
aveugle et abandonné.
Pas de lumière de cierges,
éclairant l'effroi.
Je serai illuminé
par les rayons du soleil et les éclairs.
Que ma tombe soit recouverte
de hautes épines,
de ronces épaisses,
de chardons sauvages
et que pousse autour
de l'herbe pour le bétail
pour que se repose à son ombre 
le chien noir fatigué.
Je veux que mon corps repose,
loin du tapage humain,
contre le plus haut pin du ravin solitaire.
Trad. maison

 

Le vœu de Ramon Vila Capdevila, dit "Cara quemada" (visage brûlé) dit "Pasos largos" (grands pas) dit "Capitaine Raymond" dans les FFI, ne fut jamais exaucé. Il dut se contenter d'un enterrement à la sauvette dans une tombe anonyme, ce qui est presque aussi beau. Il fut l'ultime maquisard de sa génération en activité en territoire espagnol. Mineur anarchiste de la CNT, volontaire de la colonne de Fer en 1936, guérillero jusqu'en 1939, héros de la résistance française ayant refusé la légion d'honneur, il continua la guerre contre la dictature jusqu'au 7 août 1963 où il tomba dans une embuscade de la Garde civile qui le laissa se vider de son sang six heures durant sans oser l'approcher. Il avait 55 ans.  

dimanche 12 septembre 2021

Mettre Baudelaire en musique


 Léo Ferré tire le premier en 1957 (album Les fleurs du mal)  

Serge Gainsbourg réplique en 1962 (album N°4)

 

Gainsbourg vainqueur aux points.

mercredi 8 septembre 2021

Facteur sauvage et la légende de Willy Wolf

Willy Wolf était un ouvrier ajusteur polonais exilé à Nantes. Champion du monde de plongée autoproclamé, il vendait aussi des cartes postales à son effigie avec un étrange slogan ; "Achetez, l'homme qui va mourir !"
Il portait d'ailleurs un costume frappé à l'effigie de la tête de mort des pirates.
Le dimanche 31 mai 1925, il entra dans la légende.
Devant 50 000 personnes, il escalada le pont transbordeur de Nantes, haut de 53 mètres.
Là-haut, il se livra à une suite d'acrobatie. Il comptait faire le grand saut avec une moto enflammée mais on lui avait refusé l'engin. Il enflamma donc son écharpe (ou sa ceinture selon certains) et devint comète se jetant dans la Loire.
Il mourut ainsi en direct, filmé par les caméras de la Gaumont, qui s'était déplacée pour l'occasion. 
Le trio Facteur Sauvage (Laurent Paris, batterie, Mathieu Sourisseau, basse et Daniel Scalliettt à la voix) se définissant comme "anomalie musicale" s'est emparé de cette histoire. Ils l'expliquent ainsi : "Mais Willy Wolf est-il mort ce jour-là ? Ou s’est-il engouffré dans d’autres aventures sous-marines ? Pour Facteur Sauvage, il ne reste pas de cette histoire un simple fait divers. Le spectacle de la mort importe peu. C’est l’élan de ce fils d’immigré polonais, ajusteur de son métier, acrobate rêveur, brailleur sur les marchés, qui interpelle. Il nous raconte autre chose. Un petit homme se dressant devant sa condition d’homme. Une histoire à colporter toujours. Un rêve défrisant le monde du réel."
Don't sleep until you die en est, entre autre, le résultat. 

 

Dance wiyh my bones également, ici filmé en 2019 dans un bistrot de Tarbes

vendredi 3 septembre 2021

Rimbaud (6) vers sa fin

Arthur à gauche et à Aden (1880)

Il y a du romanesque pathétique dans la fin d'un brillant jeune homme en colère qui révolutionna l'art poétique et termina son existence dans la peau d'un trafiquant d'armes. 
Encore que certains anti-colonialistes pourront toujours se réjouir que le ci-devant poète, devenu trentenaire, ait eu comme client le Ras Ménélik, futur souverain éthiopien et grand vainqueur de l'armée italienne à Adoua. 
Mais selon certaines sources, certes discutables (Edmond Goncourt) notre Arthur aurait viré mystique (ce qui n'est pas si étonnant, vu l'exaltation du personnage) et décrit sa jeunesse comme "une vaste fumisterie".
Le reste est connu, l'homme aux semelles de vents n'en posséda finalement plus qu'une et mourra dévoré par le cancer, à peine rentré à Marseille.
Dans son album Météo für nada, de 1986, Hubert Félix Thiéfaine fut un des rares à magnifier une fin d'existence somme toute assez paradoxale
Ça s'appelle tout simplement L'affaire Rimbaud
 
 

Un petit retour aux origines avec la mère Patti Smith, éternelle admiratrice du poète, qui phantasme un Rimbaud en Allemagne lors d'un concert à Stuttgart en 2010. C'était l'année où des manifestants tentaient de protéger un parc contre la boulimie urbaine.  
 

dimanche 29 août 2021

De Bertold Brecht à Ivà : le dernier truand

 

En 1928, en introduction de leur Dreigroschenoper, Bertold Brecht et Kurt Weill créèrent le personnage de Mackie Messer (Mackie le surineur) et le dotèrent d'une complainte qui fera le tour du Monde, Die Moritat von Mackie Messer.
Ici par Lotte Lenya, interprète préférée et un temps épouse de Weill.
 

 
Le personnage d'assassin est inspiré du bandit Macheat de l'opéra originel de John Gay, le Beggar's opera
Même si la pièce de Brecht ne connaît pas un succès immédiat, cette chanson sera l'objet d'innombrables reprises, particulièrement aux États-Unis (Armstrong, The Doors, Sinatra, Fitzgerald, etc.) Voici la première version gravée en français par Florelle.

Et le personnage va prendre un nouvel aspect, totalement inattendu.
L'Espagne avait elle aussi été contaminée par le tube berlinois, repris, entre autre, par José Gardiola.
Mais en 1986, le génial auteur de BD Ramón Tosas (1941-1993), mieux connu comme IVÀ (acronyme de tentative de variations artistique) invente un immortel personnage de braqueur philosophe et anarchisant : Makinavajas, el ulitimo choriso (Maki la lame, le dernier des truands). Au moment du boom de la bande dessinée péninsulaire (grâce à des revues comme El jueves) et d'un mouvement antimilitariste explosant dans la jeunesse, Ivà avait déjà créé Historia de la puta mili pour brocarder l'armée de sa majesté Juan Carlos. Il fallaitt une certaine dose de courage pour s'attaquer à l'institution militaire en Espagne. 
Maki et sa bande (Popeye dit Popi, Mustafá dit Mojamé ou Moromielda, tous réunis au bar "El Pirata" du barrio chino de Barcelone) s'attaquent non seulement aux banques, bijouteries et autres réservoirs de fric mais aussi à toutes les institutions du pays, politiciens, prisons, bourgeoisie catalane, immobilier, tourisme, salariat...

Dessinés grossièrement, les protagonistes valent surtout pour un vocabulaire incroyable, mixture d'argot gitan, de parler populaire du Barrio Chino et surtout, de néologismes et d'insultes inventés par l'auteur, le tout prononcé (vous avez bien lu) avec un tel accent qu'on conseille à ceux qui découvriront ça de d'abord lire à haute voix sinon on est vite paumés. Certaines expressions vont même passer à l'usage courant ("Cagontó !" ou “Po fueno, po fale, po malegro” par exemple).
Tout en menant un travail de destruction systématique de la corruption policière, du cinqcentenaire de la "découverte" de l'Amérique, de la trahison syndicale, des arnaques immobilières, du racisme, de la modernisation à outrance, en particulier de la ville de Barcelone en pleine transformation, de la politique carcérale et autres joyeusetés, les aventures de Makinaja vont connaître une popularité phénoménale. Peut-être parce qu'outre ses outrances verbales, le thème est avant tout la revanche des petites gens et l'évidence que des braqueurs de banque ne sont, au fond, que de petits criminels dans une société où tout le monde se rue sur le pognon. 
Le succès est tel que la BD sera adaptée au théâtre en 1989 avec musique du groupe flamenco rock Pata Negra, au cinéma pour deux films en 1992 (l'année des jeux Olympiques !) et 1993 et en série télévisée en 1994. 
Évidemment, malgré quelques acteurs flamboyants, toutes ces adaptations n'arrivent pas à la cheville de la BD.
Devenu, lui-même, une machine à générer du fric, Ivà n'avait plus qu'à disparaître dans un accident de circulation. 
Le générique de la série télévision où Maki était joué par Pepe Rubianes et la chanson par Cabecera.


Il ne reste plus qu'à vous souhaiter la lecture de l'intégrale qui est encore et toujours régulièrement rééditée. Après ça vous serez armés pour n'importe quelle situation dans une rue espagnole.
Et à s'arrêter sur un dernier hommage par le groupe punk et déconneur de Pampelune, Tijuana in Blue, sur son album de 1988, A bocajarro.