En entendant les commentaires de ce grand humaniste d'Édouard Philippe au sujet de la mort de Steve Maia Caniço on se dit que si on avait cru toucher le fond, on s'est encore gourré.
Il n'y a plus de fond.
Et on a immanquablement pensé à ce tube du "Chopin du piano", l'autre Jean-Pierre Kalfon, monsieur Hector qui est toujours vivant et est donc pour devenir premier ministre au prochain remaniement.
Visiblement, il a quelques dispositions.
- Remarque, je m'en fous du cinoche. Paris, c'est foutu depuis longtemps.
Il avait été coursier, poète, anar, journaliste, écrivain porno, amoureux. échoué dans ce quartier alors que ses humeurs le portaient plus vers le 13ème arrondissement (la construction des tours l'en avait chassé), il avait un peu tenté d'écrire un bouquin sur le quartier qui aurait pu s'appeler "La méprise de la Bastille" (Maleo adorait ce genre de jeux de mots). Il n'avait pas donné suite. Paris foutu, c'était sa rengaine.
- Faut être franc. Maintenant cette ville me dégoûte. J'ai plus le coeur à sortir. Je m'y retrouve plus. et puis, faut bien dire les choses : Paris, c'est Paris la nuit. Or, à l'âge que j'ai, tu vois, j'ai peur. Ne rigole pas. J'ai peur des loubards. des agressions.
Il avait été le copain de quelques poseurs de bombes, tenu de façon fort polémique une petite chronique de faits divers dans un journal mal-pensant. Maintenant, il était vieux, en général assez réac, sympathique.
- Quand tu seras très vieux, dit Jessica, définitivement catarrheux, perclus de rhumatisme et encore plus bougon que maintenant, tu te feras embaucher comme guide et tu expliqueras la ville aux jeunes générations. Tu feras ça très bien. Et je suis certaine que les vieilles dames nostalgiques t'écouteront avec beaucoup d'intérêt.
Les hors-la-loi de la Wild bunch (Horde sauvage) qui comptaient, entre autres membres, Butch Cassidy (Robert Leroy Parker), le Sundance Kid (Harry Alonzo Longabaugh) et la fascinante Etta Place ont ravagé le Wyoming de 1899 à 1901 en menant une vendetta sanglante contre les gros propriétaires de la région et en s'attaquant aux trains de l'union Pacific.
Leur geste a inspiré bien des films du Butch Cassidy et le Kid de Roy Hill (1969) à The Wild bunch de Peckinpah (1969).
Pour une fois, un des ultimes avatars de ce genre cinématographique fut une belle réussite. Blackthorn, de Mateo Gil,sorti en 2011 reprend l'histoire vingt ans après que Butch Cassidy et le Kid aient été abattus par l'armée bolivienne en 1908 à San Vicente. Un Cassidy vieilli (Sam Shepard), assagi, vit retiré sa vie d'éleveur de chevaux en compagnie de quelques autochtones lorsqu'il apprend la mort d'Etta Place, revenue aux États-Unis et décide de partir prendre soin de son enfant.
Il liquide donc ses biens et s'apprête à retourner au pays.
Évidemment, rien ne se passe comme prévu. À partir de sa rencontre avec un fugitif espagnol (Eduardo Noriega) une série de rebondissements aboutit à une chasse à l'homme digne des grands moments de la Horde sauvage.
On ne vous en dira surtout pas plus, particulièrement si vous avez la chance d'avoir raté ce western bolivien contemplatif à sa sortie.
Par contre, à la revoyure, on a été charmé par les talents de chanteur de Sam Shepard qu'on connaissait plutôt comme acteur, scénariste ou auteur de théâtre.
Non seulement il fredonne un air traditionnel une scène qui n'a rien d'anecdotique mais il reprend ce même Sam Hall durant tout le générique final en duo avec Eduardo Noriega sur les derniers couplets.
Comme un bonheur n'arrive jamais seul et que cette chanson fut interprétée en son temps par Johnny Cash, l'homme en noir a également sa place dans la BO du film avec un Ain't no grave de la fin de sa vie.
Ici la chanson est illustrée par quelques passages du film.
Le déménagement provisoire du tableau le plus encombré du Louvre nous offre le prétexte pour aborder le cas, pas banal, de deux chansons différentes dotées du même titre.
C'est en 1957 que la Mona Lisa de Léonard devint scie musicale grâce à Barbara (45 tour La chanteuse de minuit)
La belle indifférente contemple là ses visiteurs de son sourire ironique.
La Joconde fut également une chanson écrite par Mick Micheyl reprise par Patachou en 1965.
Sur un boléro de rue, une belle de jour prétend s'élever intellectuellement, prenant le temps de gamberger en attendant les éventuels 20 000 visiteurs de son modèle.
On aime bien Henri Calet.
Et voici que, grâce à l'excellent site À contretemps, on découvre combien on a eu raison d'estimer l'auteur de la Belle lurette. Surtout un lendemain de fête nationale.
Ci-dessous un texte écrit en janvier 1939. On reprend d'abord des extraits du chapeau introductif de la revue.
De l’autre côté
des Pyrénées, en terre de droits de l’Homme donc, le
radical-socialiste Édouard Daladier, chef du gouvernement, et les
radicaux Georges Bonnet, ministre des Affaires étrangères, et
Albert Sarraut, ministre de l’Intérieur, attendent, inquiets,
l’arrivée aux frontières de cette horde qu’ils sentent grossir
de jour en jour. Ils l’attendent et la redoutent d’autant qu’ils
n’ont pas la moindre idée de ce qu’ils vont en faire.
L’administration suivra ; elle est faite pour cela. Et, en
effet, elle fera ce qu’ont attendait d’elle qu’elle fît :
trier les hommes, séparer les familles, humilier un peuple qui avait
représenté le dernier espoir de l’Europe, entasser les réfugiés
sur des plages de mépris où rien n’avait été prévu pour les
abriter, les nourrir, les aider à reprendre des forces. Le scandale
fut total : une abjection française.
En ce début d’année
39 de tous les dangers, Henri Calet travaille comme correcteur à La
Lumière,
hebdomadaire « d’éducation civique et d’action
républicaine ». Il y écrit aussi, un peu, quand l’événement
l’exige. L’Espagne antifasciste, pour Calet, ce fut un combat,
l’un des rares peut-être auxquels il ne fallait pas, à ses yeux,
se dérober.(...)
Le court texte de lui
que nous donnons ici vaut témoignage, nous semble-t-il, d’une
volonté d’époque – qui fut certainement partagée à « gauche »
– d’accueillir le plus humainement possible toute la misère du
monde que les vaincus d’Espagne trimbalaient avec eux. Depuis, la
misère du monde a changé maintes fois de visage et de continent. Ce
qui n’a pas changé, en revanche – et qui remonte à dates fixes
des bas-fonds de l’âme humaine –, c’est la lâcheté de ceux
qui préféreront toujours leur sécurité à leur honneur.
Est-il possible qu’on renvoie à la mort les réfugiés d’Espagne qui demandent asile ?
Des bruits ont circulé ces derniers jours. Des bruits infamants.
Avant d’accepter l’entrée en France de quelques milliers d’enfants
espagnols, le gouvernement français aurait exigé le versement préalable
d’une importante somme d’argent. Nous ne retiendrons rien de cette
information que nous voulons tenir pour invraisemblable. Il ne se peut
pas qu’il y ait des hommes pour débattre les termes d’un tel marché –
« tant par tête à sauver… » Cela est impossible. Mais quoi qu’il en soit, aujourd’hui, demain, dans les heures qui
viennent, des réfugiés catalans afflueront et nous demanderont asile.
Nous voulons penser qu’aucune équivoque ne pèsera sur cette question et
que le gouvernement a pris déjà ses dispositions pour que soit accueilli
dignement, humainement et sans restriction, le douloureux exode. Le
devoir est strict, tout simple, sans mots, sans phrases. Devant les femmes et les enfants de Catalogne qui tentent encore
d’échapper à la mort, devant les veuves, les orphelins, les blessés,
devant ce deuil et ces douleurs, devant un peuple qui fuit l’oppression,
devant eux tous, la frontière doit s’ouvrir grande. L’Histoire montrera peut-être une France d’ombre, peureusement
calfeutrée et pratiquant la non-intervention dans une guerre injuste où
des hommes tombaient aussi pour elle. L’Histoire devra montrer une autre
France plus vraie. Une France apitoyée et secourable qui panse, qui
guérit, qui apaise. Nous y tenons pour notre honneur.
Henri CALET La Lumière, 27 janvier 1939.
Avec une pensée pour ceux qu'on traque et qu'on parque, au Panthéon ou ailleurs, une chanson de 1978 pour conclure.
Chanteuse réputée dans les années soixante, Anne Vanderlove (née Anna Van der Leew) s'était fait discrète depuis 1972. Elle est morte tout aussi discrètement le 30 juin dernier.
De père hollandais, résistant déporté en 1943 et de mère bretonne, elle fut confiée à ses grands-parents dans le Morbihan dès son plus jeune âge.
Au début des années soixante elle est d'abord institutrice avant de passer à la chanson en 1965 en se produisant au cabaret de Saint Germain, Chez Georges.
En 1967, elle sort son premier album Ballade en novembre, aussitôt couronné du Grand prix de l’Académie de la chanson française
En mai 68, elle tourne dans les usines occupées en compagnie de Pia Colombo, Maurice Fanon, Francesca Soleville, Colette Magny, Isabelle Aubret et Dominique Grange avant de se brouiller avec son label, Pathé-Marconi.
Désormais, elle s'autoproduira.
Elle chante sur La mort d'Orion de Gérard Manset puis, en 1972, décide de ne plus apparaître que dans les écoles, prisons ou MJC.
Revenue en Bretagne, elle enregistre régulièrement des disques tout en se consacrant à l'éducation à l'environnement.
En 1993, elle écope d'une peine de sursis pour complicité à un hold-up mené par son compagnon de l'époque.
Surnommée la "Joan Baez française" dans ses premières années, elle n'a jamais cessé de se produire jusqu'à ces dernières années.
Vous direz que c'est pure vanité de ma part
qu'il est malvenu de maudire son sort
d'autant plus sur cette terre stérile
où le destin nous a oublié.
En vérité, il n'est jamais facile de s'habituer à la famine
et même s'il paraît que partagée par beaucoup
elle est moins pénible,
ici
nous sommes à moitié morts
et n'avons même pas
où trépasser.
À ce qu'on dit
le malheur nous revient de droit,
que rien ne sert de combattre ce nœud coulant
surtout pas.
Depuis que le monde est monde
notre nombril est collé à nos vertèbres
et nous nous accrochons au vent avec nos ongles.
On va jusqu'à nous disputer l'ombre
et pourtant nous sommes toujours là.
Assommés par ce maudit soleil
qui nous consume chaque jour un peu plus
de sa même piqûre
comme s'il voulait ranimer des braises.
Pourtant nous savons bien
que même en soufflant sur ces braises
notre chance ne s'enflammera pas.
Mais nous sommes obstinés
il existe peut-être une issue.
La monde est inondé de gens comme nous
de quantité de gens comme nous
et quelqu'un doit nous entendre
quelqu'un et d'autres encore
même si nos cris les exaspèrent ou les indiffèrent.
Nous ne sommes pas des insurgés
ni ne demandons la Lune
mais notre vie ne se résume pas à se terrer
ou à prendre le maquis
à chaque morsure des chiens.
Quelqu'un devra bien nous entendre.
Quand nous cesserons de bourdonner comme un essaim de guêpes
ou de tourner en rond
ou de nous évaporer sur cette terre
comme passent les morts
Alors
peut-être aurons-nous tous trouvé le remède.
Ni Johnny Cash, ni Vince Taylor, tout simplement Kalfon
Le désormais trop rare Jean-Pierre Kalfon était l'invité, pour clore la saison, de l'émissionMauvais genre sur France Culture
Voilà l'occasion de rendre hommage à cet acteur particulier, en rappelant qu'il fut un rocker incendiaire à ses heures.
N'épiloguons pas sur la carrière théâtrale ou cinématographique du gars de Genevilliers (né en 1938) et jetons un coup d’œil sur le musicien. D'abord danseur aux Folies Bergères, choriste chez le jeune Higelin, batteur de plusieurs formations, Kalfon sort son premier 45 tour dès 1965 sur le ton déjanté qui est sa marque de fabrique.
Dans les années 70, il monta plusieurs groupes : les
Crouille-Marteaux, Sugar Baby Bitch, Monsieur Claude et Kalfon Rock Chaud avec lesquels il se paya le luxe d'un concert au légendaire festival punk de Mont-de-Marsan en 1976 aux côtés, entre autres d'Eddie and the Hot Rods, des Damned, deLittle Bob, de Bijou, des Pink Fairies, etc.
Mais il a surtout crevé l'écran en 1968 dans le film de Marc'OLes idoles, charge sabre au clair sur la période yé-yé française, le show-biz et le spectacle en général.
On le retrouve dans 14 juillet en compagnie de ses complices de débauche, Pierre Clementi et Bulle Ogier.
Pour conclure ce chapitre au sujet de notre freak national, on ne résiste pas au plaisir de vous renvoyer à une brève biographie de monsieur Marc'O extrait d'un site bien connu paraissant le lundi au point du jour
Maquisard en
Auvergne à quinze ans, marlou de Saint-Germain-des-Près après la
guerre, programmateur au Tabou avec Boris Vian, introducteur de la
poésie lettriste, producteur du Traité de bave et d’éternité
d’Isidore Isou qu’il impose à Cocteau en 1951 à Cannes, éditeur
du premier texte de Debord dans la revue Ion financée par le
cagoulard Robert Mitterrand, animateur dès les années 1950 du
groupe et du journal « Le soulèvement de la jeunesse »
basée sur l’idée du prolétariat externiste (le prolétariat
déserte de plus en plus une classe ouvrière toujours plus intégrée
et se concentre chez les jeunes et tous ceux qui se vivent comme
étrangers à cette société), inventeur du théâtre musical et
d’un théâtre où le comédien n’est plus réduit à interpréter
des rôles, mais à créer la pièce elle-même, mentor de la jeune
troupe formée entre autres par Bulle Ogier, Jean-Pierre Kalfon,
Pierre Clémenti et Jacques Higelin, critique impitoyable des yéyés,
de la célébrité et de la télé-réalité (et quasi-inventeur du
style punk) dès 1966 avec Les idoles, pionnier de
l’occupation des théâtres dès 1967 à Reggio Emilia contre la
guerre du Vietnam, co-fondateur avec Monique Wittig et Antoinette
Fouque à la Sorbonne en mai 1968 du Comité Révolutionnaire
d’Action Culturelle (CRAC), ancêtre du MLF (Mouvement de
Libération des Femmes), passeur continu, avec Guattari, entre la
France et l’Italie des années 1970, présent à Bologne, toujours
avec Guattari, en septembre 1977 lors du fameux Congrès
international contre la répression, initiateur en 1979 de
l’opéra-rock Flashes rouges porté par la jeune
Catherine Ringer, chercheur dans les années 1980 autour des
nouvelles possibilités qu’ouvre pour l’image le développement
des techniques audiovisuelles, animateur dans les années 1990 avec
Cristina Bertelli des Périphériques vous parlent et de la jeune
troupe Génération Chaos, où officient des anciens de l’excellent
groupe de rock Witches Valley et qui ira jusqu’à faire des
premières parties de concerts de Noir Désir, et puis on s’arrête
là.
Les Vanneaux se cassent jusqu'à septembre. On souhaite à tous et à toutes d'en faire autant. Surtout à ceux qu'on enferme et qui ont survécu à la chaleur.
Quelques suggestions à ce sujet :
La Polla Record No mas presos
Johnny Cash Wanted man
Sham 69 Borstal breakout
113 Les évadés
Lucienne Boyer La belle
Tatyana Kabanova Odesskoga Kichmana
Albert Marcoeur Le fugitif
Belton Richard Cajun fugitive
Sanseverino La jambe de bois
Triptik Panik
Harry Belafonte Midnight special
Chumbawamba The smashing of the van
AC / DC Breakout
Los Chichos Libre quiero ser
Merle Haggard I'll Breach out again tonight
Catherine Sauvage La belle jambe
Dooz Kawa Me faire la belle
The Sound I can't escape myself
Vous pouvez vous faire la malle (d'Houdini) en écoutant tout l'été cette émission.
Un Gainsbourg qui servit en son temps de générique à la première série des Vidocq de l'ORTF, L'évadé.
Et un un autre classique irlandais, The auld triangle, cette fois par les ricains Punch Brothers.