mercredi 26 juin 2019

We the people / Delphine, la reprise inattendue



Encore une reprise complètement improbable.
We the people (En toute simplicité) fut un groupe garage à tendance psychédélique basé à Orlando (Floride). Le nom vient du fait que ses membres provenaient de différents combos, the Coachmen, the Trademarks, the Nation rocking shadows, the Offbeats et avaient décidé de former une sorte de super-groupe de luxe. Actifs de 1966 à 1970, ils ne connurent de leur vivant qu'un succès d'estime malgré le fait que leur chanson Mirror of Your Mind soit devenue un tube local le temps d'une saison.
Réapparus dans les compilations des années 1980, ils sont depuis repris par plusieurs groupes de revival garage.
Mais la chanson qui retient notre attention aujourd'hui est In the past (1966).



Comme on l'entend, We the People avait une arme sensée leur assurer la conquête des radios : un instrument fabriqué par le grand-père d'un de leurs proches. Baptisée «Octachord», cette curiosité, entre sitar et mandoline, produisait ce son accompagnant magnifiquement la vague psychédélique de 1966.
Par quels chemins tortueux, Delphine Bury, nom de scène Delphine, chanteuse originaire de Charleroi se retrouva-t-elle à adapter cette chanson en 1967 pour son troisième 45 tour quatre titres sorti par Decca en France et en Belgique ? Nul ne sait.
On constatera que des petits malins s'étaient procuré les bandes du groupe de Floride et avaient juste collé la voix de la jeunette par dessus.
Ce qui donne La fermeture éclair, chanson un chouïa moraliste destinée à mettre en garde les jeunes filles contre les appétits libidineux des ogres masculins.
Après tout vu l'état de la contraception à l'époque...



On s'en doute, Delphine ne connaîtra pas le succès.
Même en sortant un autre 45 tour qui reprenait Les prisons de sa majesté de sa collègue Clothilde, notoire déjantée dont on vous avait causé à l'époque.
On ne sait ce qu'elle est devenue depuis.

dimanche 23 juin 2019

Encore et toujours Kaurismaki. Mais avec qui ?


Sans la littérature russe, la littérature finlandaise n’existerait pas. Comme la Finlande a fait partie de la Russie pendant plus de cent ans, ces influences ont été si fortes qu’elles existent toujours. La littérature finlandaise est née quelque part entre Tolstoï, Dostoïevski, Tchekhov, Tourgueniev, Gogol d’un côté et Zola ou Victor Hugo de l’autre.                                                      Aki Kaurismaki

Pour mieux illustrer ses assertions, le premier film d'Aki Kaurismaki fut l'adaptation du roman de Fedor Dostoïevski Crime et châtiment (Rikos ja rangaistus, 1983) peut-être parce qu'il avait lu dans l'entretien d'Alfred Hitchcock avec Truffaut que le maître jugeait ce livre "trop compliqué, inadaptable*".
Tout Kaurismaki est déjà dans cet hommage à cet âge d’or où il suffisait d’un seul meurtre pour faire un film policier. Raskolnikov n'y est plus étudiant mais ouvrier dans un abattoir, l'usurière est devenue un ignoble homme d'affaire et le Finlandais se régale à filmer ce qu'il fait le mieux : des scènes de travail ou d'interrogatoire.
Un seul détail nous chiffonne. La musique est bien présente dans ce film, comme dans cette scène rythmée par une reprise tout à fait fidèle du Love her madly des Doors (LA Woman, 1970).
Comme on n'a pas été foutu de trouver qui interprète cette version ni dans le générique en finlandais, ni dans aucune fiche technique, nous voilà réduit à faire appel à notre distingué et érudit lectorat généralement plus malin que votre serviteur.
Mais qui donc est derrière cette honorable reprise ?



*Il existait déjà une mouture de Josef von Sternberg, de 1935 avec Peter Lorre.

jeudi 20 juin 2019

En juillet, les Vanneaux se feront la Belle

Une belle ratée, le Trou de Jacques Becker (1960)
L'ordre est à peu près rétabli, police et justice jouent au rouleau compresseur et la tourbe des honnêtes gens peut retourner à son smartphone.
Ça faisait belle lurette que la belle équipe des Vanneaux attendait la venue des chaleurs pour fuir cette belle époque.
Mais, faute de moyens, avant d'aller s'évader chez leurs belle-mères (ce qui vous fait une belle jambe) la dernière émission de la saison aura pour thème LA BELLE.
Ce sera le lundi 1 juillet à 17h30 sur les 92.2 de canal sud.

En guise de bande annonce, un peu de cinoche.
Un Ovidi Montllor assez peu ressemblant à l'original joue le rôle d'Oriol Solé Sugranyes, du MIL, dans cette séquence du film La fuga de Segovia (Amaia Zuribia 1981). Oriol s'embarqua avec 27 autres militants (basques de l'ETA PM et membres du FRAP) au cours de la tragique évasion du 5 avril 1976.



Et l'inévitable Patrick Mac Gohan dans le générique de la mère de toutes les séries, le sublime The prisoner (1967)
Un agent secret britannique démissionne brutalement de son poste et rentre chez lui au volant de sa Lotus. Alors qu'il fait ses valises pour partir en vacances, un gaz anesthésiant est diffusé dans son appartement londonien. À son réveil, il est dans un autre lieu, le Village...



lundi 17 juin 2019

Raina RaÏ, aujourd'hui classiques

Djilali, Kada, Hachemi, Lofti et les autres
C'était en 1984. Notre environnement sonore banlieusard à base de rock, punk et reggae s'enrichit d'un nouveau son. Après un bouche à oreille au sujet d'Algériens qui swinguaient salement, il suffisait de se pointer chez le boucher hallal (ou ne l'était-il pas encore ?) du coin et, au lieu de côtelettes, de demander "Z'auriez pas la cassette Hagda de Raïna Raï ?" Les plus affranchis ajoutant, "Ceux de Sidi bel-Abbès, pas les autres". Et de repartir avec cette bande auto-produite qui coûtait quinze balles, avait un son approximatif et nous ouvrait des horizons infinis faits de nonchalance, d'une dose de je m'en foutisme de bon aloi et d'une pincée de sensualité. Putain, mais elle sortait d'où cette guitare ?



Le Raï (qu'on peut traduire à sa guise par point de vue, opinion, voire libre choix) n'était pas nouveau. Cette musique à mauvaise réputation, qui fut même un temps prohibée, serait née au début du siècle dans l'Oranie. Les copains de là-bas connaissaient déjà Reinette l'Oranaise ou Cheikha Remitti (moi-ça, patron !)
Du rock ou du rhythm'n blues en provenance d'Algérie ou du Maroc, quoique confidentiel, il y en avait plus que ce qu'on croit. Mais là, cette bande mélangeait allégrement tout ça et tapait directement dans des refrains obsédants fabriquant aussi sec des classiques.
Issus des Aigles Noirs et des Basiles, Lotfi Attar (génial guitariste), Mohamed Ghebbache, dit Kada (chant) remplacé ensuite par Djilali Armana (voix éteinte définitivement en 2010) Tarik Naïmi Chikhi (claviers), Kaddour Bouchentouf (percussions), Hachemi Djellouli (batterie, chant) et Mohamed Ghrici (basse) fondent Raïna Raï fin 1980 à Paris où ils galèrent en rupture de bled.
Et ça va aller assez vite pour eux. L'utilisation de deux titres de Hagda (en gros "c'est comme ça et pas autrement") par Claude Berri dans son film Tchao Pantin n'y fut pas pour rien.
Un autre coup de maître : Ya Zina


Contrairement à la ribambelle de Chebs (Khader, Mami, Hasni, Sahraoui, etc.) qui émergèrent dans ces années raï, Raïna était un vrai groupe, une formation plus proche d'un combo de rock classique que de ces chanteurs à musiciens variables. Et là où les synthés envahissaient la musique, eux restaient fidèles à leurs influences musicales des années 1970.
Revenu triomphalement en Algérie, le groupe se sépara en 1987 après avoir gravé deux albums avant de se reformer sous la houlette du producteur Rachid Baba Hamed. Mais quelles que soient les qualités de leur travail, la légende retient surtout leurs débuts et ce n'est pas un hasard si des groupes obscurs comme des groupes à succès (Orchestre National de Barbés, Gnawa Diffusion) ont toujours quelques une de leurs chansons à leur répertoire.
Taïla en concert :

 
Pas un hasard, non plus s'ils sont entrés de plein pieds dans la culture populaire algérienne comme on peut le constater dans cet extrait du très plaisant film de Karim Moussaoui, En attendant les hirondelles (2017) dans lequel malgré le play-back, on croit reconnaître l'inoxydable Lofti Attar sur la scène.

 

vendredi 14 juin 2019

Du côté du Chat Noir (10) Erik Satie s'amusait

En 1909
Grand seigneur du piano, reconnu par son inventivité comme un ancêtre du surréalisme et de la musique répétitive, surnommé Ésotérik Satie par Alphonse Allais, qualifié par Claude Debussy de musicien médiéval et doux, égaré dans ce siècle, et de mélancolico-rigolo par Marcel Gotlib, Erik Satie naquit à Honfleur en 1866 pour aller mourir à Paris en 1925 suite à une longue carrière de buveur d'absinthe et une dèche récurrente, sa dignité lui interdisant d'aller taper ses connaissances plus fortunées.
Pour survivre, ce proche de Debussy ou de Stravinsky se fit artiste de cabaret, écrivant des mélodies qualifiées par lui-même de "rudes saloperies", sur des textes où l'absurde dispute à l'ironie. 


Parodiant la Marche funèbre de Chopin, rebaptisée Embryons desséchés pour l'occasion, traitant un célèbre critique musical de Trou du cul, mais un cul sans musique, Satie n'hésitait pas à se moquer allègrement de sa corporation ou de lui-même. 
Ci-dessous un extrait de Mémoire d'un amnésique lu par Oliver Alain Christie. C'est le sixième texte : L'Intelligence et la Musicalité chez les animaux.



Mémoires d'un amnésique fut une série de six articles que Satie rédigea sur deux ans, publiés dans "La Revue musicale S.I.M." (Société Internationale de Musique) d'avril 1912 à février 1914.
Autre intermède, cet extrait du spectacle Cabaret Satie, La Journée du musicien lu par Philippe Nesme . La Musique, Sonatine bureaucratique, premier et deuxième mouvements, est jouée par Carmen Martinez-Pierret.

mardi 11 juin 2019

En rêvant de la mer du Nord

Il pleut sur la ville.
Ce qui nous renvoie immanquablement au classique créé par Léo Ferré en 1960, écrit par Jean-Roger Caussimon qui l'interpréta lui-même dans son premier album en 1970.
En 1996, c'était au tour d'Arno de s'attaquer à Comme à Ostende (1996)




Il avait été précédé par Catherine Sauvage en 1965.


vendredi 7 juin 2019

Setting songs par the Jam


Qu'est ce qu'un album historique ? Peut-être à la fois un disque qui vous accompagne à tout jamais et le reflet quasi parfait d'un lieu, d'une époque et d'une sous-culture devenue depuis culture dominante pour consommateurs plus ou moins nostalgiques.
C'était en 1979 et ce 33 tour nous a d'abord échappé. Au Royaume ravagé par la Thathcher, la presse spécialisée rapportait que deux groupes rivalisaient : The Clash et The Jam, rééditant les concurrences artificielles Beatles / Stones. Et l'année fut dominée par la bande à Strummer qui accoucha du magnifique London calling avant d'aller changer la face de la musique mondiale aux USA sur lesquels ils avaient tant craché.
Tout aussi productifs, les Jam, catalogués d'abord à part sur la scène punk puis enfermés dans le revival Mod, ont depuis 1977 sortis trois albums, deux assez classiques et prometteurs In the city et This is the modern world, tout en nervosité puis All mods cons qui comportait déjà quelques tubes majeurs.
Et d'août à octobre 1979, ils enregistrent ce qui restera comme leur chef d’œuvre : Setting songs. Et comme de bien entendu, il a fallu quelques temps pour l'apprécier à sa juste valeur, l'apprivoiser.

À commencer par la pochette*. Côté pile une statue de 1918, The St John's Ambulance Bearers, représentant un soldat blessé soutenu par deux brancardiers.
Côté face, un pliant aux couleurs de l'Union Jack posé sur une plage type Brighton seulement peuplée par... un bouledogue.
Là où les Clash avaient misé sur une sauvage photo de concert en noir et blanc, Weller, Foxton et Buckler firent dans un kitch à la limite du nationalisme le plus abject. Un authentique repoussoir !
Mis à part qu'à l'instar des Clash, ils eurent l'intelligence (enfin, pour nous pauvre froggies) de mettre les paroles dans la pochette intérieure dissipant ainsi la moindre ambiguïté.
Et puis, Setting songs est un album par défaut, une ébauche, une frustration, une ambition ratée. À l'origine, un concept album, une histoire entière développée en opéra rock : celle de trois inséparables amis d'enfance qui se retrouvent après une guerre indéterminée et contemplent les ruines de leurs vies, de leur pays et de leur amitié. Métaphore d'une Angleterre en décadence dont on refourgue encore les lustres impérialistes passés alors que sa classe ouvrière se fait laminer.
Vic Coppersmith-Heaven, producteur de l'album
Pourquoi l'opéra originellement souhaité ne vit-il pas le jour ? Refus et sabotage de la maison de disque, Polydor ? Crainte de ringardise, d'être assimilé à tous ces disques pompiers et indigestes des années 70 ? On ne sait au juste.
Mais les dix morceaux de l'album original constituent à la fois un tout cohérent et un ensemble de chansons toutes aussi surprenantes que ciselées.
Mis à part la reprise finale d'un classique de Martha and the VandellasHeat Wave, repris en son temps par les Who et les renvoyant au passage à leur cher passé, tout le reste brosse un portrait cauchemardesque d'existences sacrifiées.
Paul Weller a ici rejoint son maître, Ray Davies des Kinks, un des meilleurs auteurs britanniques capable de vous poser et développer une situation en deux minutes trente.
On s'est longtemps envoyé la face B avant la face A.
Juste pour entamer l'écoute par le très orwellien Burning sky. Orwellien, car on a toujours imaginé que ce ciel en feu au-dessus de deux ex-amis vivant une rencontre manquée, celui qui s'est élevé socialement ayant le cynisme d'expliquer la vie à l'autre, est une référence directe à un passage du livre d'Orwell Coming up for air (Un peu d'air frais, 1939)



Le reste déroule de désespérantes vies quotidiennes de prolos (Saturday's kids, le fabuleux Private hell, Girl on the phone) et le stupéfiant Smithers-Jones composé par le bassiste Bruce Foxton, certainement son meilleur morceau. Bosse, bosse et bosse jusqu'à en crever, écrivit-il en référence à son propre père qui venait d'être licencié. La version du disque est avec quatuor à cordes. Il existe une autre version , plus classique, qui aurait été une idée du batteur, Rick Buckley.


Le reste n'est que loyauté envolée (Thick as thieves) et illusions perdues sur les champs de massacre : le symphonique Little boy soldiers, une des plus cruelles chansons jamais écrites sur l'idée de mourir pour des intérêts opposés à sa classe et l'apocalyptique Wasteland paysage en ruine qu'on peut aussi bien imaginer après-guerre qu'être un instantané d'une guerre sociale en cours.
Et puis il y a ce Eton rifles qu'on croirait écrit par ... the Clash, sorti en 45 tours par Polydor avant l'album.
Un chômeur à court de ressources y déroule ses envies de meurtre en songeant au très huppé collège privé du Berkshire et à son très aristocrate corps de cadets. Sup up your beer and collect your fags, there's a row going on down near Slough entame Weller en référence à sa participation à une manifestation du  SWP trotskyste qui était passée devant cette école de snobs.



Tous les morceaux non exhibés sont en lien. Sur ce, je me le remets sur la platine.

* Peut-être n'est-il pas inutile de préciser aux jeunes générations que les pochettes de 33 tours étaient une carte de visite destinée à attirer l'amateur.  Certaines étant considérées comme de pures œuvres d'art, qu'elle fussent prétentieuses, vulgaires, démagos, choquantes, nostalgiques ou obscures.

PS : So long, Malcolm Mac Rebennac, bon Docteur. On y reviendra.

lundi 3 juin 2019

Les Vanneaux en couleurs de juin

La (toujours) jeune garde rouge
Il fallait s'y attendre, ces galopins de Vanneaux ont insisté sur certaines couleurs. On espère avoir été aussi décalés. Sur la palette ce soir :

The Marks                                     Greensleeves
Léo Ferré                                       L'affiche rouge
Banda Bassotti                              Luna rossa
Mark Benes                                   Tyomanaja noch
Judy Collins                                    Bread and roses
Hamish Imlach                               Black is the color
Maurice Chevalier                          Le sous-marin vert
Ken Boothe                                    Black, gold, green
Nick Drake                                     Pink moon
José de Molina                                Salsa...roja
Fluo Royal                                       Gilets jaunes, gilets fluos
François Béranger                          Chanson bleue
A clockwork orange                        Intro
Noir Boy George                             Enfonce-toi dans la ville
Jimi Hendrix                                    Purple haze
The Equals                                       Blackskin, blue eyed boy
Bérurier Noir                                  Noir les horreurs 
Slidin' Clyde Roulette                     Red man blues
Ragga sonic                                    Bleu, blanc, rouge


Comme d'hab, àa se télécharge ou s'écoute en cliquant sur ce lien

Du Rouge et du Bleu pour terminer, entre élucubrations de Sanseverino


et un contrepoint à l'intro de Clockwork Orange, une merveille de début de film : Hard working man de Captain Beefheart (qu'on retrouve dans la scène d'ouverture ici) dans ce chef d’œuvre de Paul Schrader, qu'est Blue collar (Cols bleus, en 1978).