lundi 28 février 2022

Java around the bunker

 

Passons sur le fait de savoir jusqu'à quel point Vladimir Poutine serait paranoïaque. À notre avis, cet état mental est une condition nécessaire à tout chef d'État se voulant un tant soit peu crédible. Il y a tout de même quelque chose de fascinant à cette mise en scène du pouvoir comme exercice absolu par l'humiliation télévisée de son propre chef des services secrets ou celle de son ministre de la guerre et son chef d'état-major placés devant un fait accompli.
Pour quelqu'un se piquant d'histoire, le gars a certainement été mal renseigné sur la fin de carrière de divers autocrates. Révisionnisme; quand tu nous tiens... 
Quoi qu'il en soit, les meilleurs stratèges du monde libre sont parés à toute éventualité (photo ci-dessous)
Remercions tout de même Vladimir Vladimirovitch de nous permettre de revoir le grand Serge Reggiani dans ce classique de 1955 écrit par Boris Vian et Alain Goraguer. Ces deux minutes trente trois de de détente (comme on disait à l'époque) vous sont offerte par Kremlin- Nato Ltd.

vendredi 25 février 2022

Invasion

Déjà en 1945, la propagande était obscène
 
Quand on entend une crapule prétexter une "dénazification" pour justifier son immonde guerre impérialiste, on hésite entre ricanements jaune et pleurs amers.
Parce qu'à propos de la guerre en cours en Ukraine, on n'a pas vraiment envie de rire.
Poutine est-il tombé dans le piège tendu par l'OTAN ou a-t-il damé le pion à cette organisation ? L'Ukraine est-elle une authentique nation ou une invention issue d'un micmac polono-lituanien et austro-hongrois mâtiné de russe ? À vrai dire, on s'en fout un peu. Tout ce qu'on constate est l'étendue d'un désastre annoncé. 
À part ces détails que sont les Ukrainiens et un certain nombre de chairs à canon russe l'autre grande victime sera la vérité. À commencer par ces idiots médiatiques qui osent mentionner "le retour de la guerre en Europe depuis la Seconde guerre mondiale" en oubliant au passage la longue agonie d'un pays nommé Yougoslavie. 
Disons que dans le genre propagande grossière, nostalgique comme on est, on préférait l'époque où les soviétiques nous la jouaient pacifistes, conformément à la ligne du parti. Хотят ли русские войны ? Autrement dit Les Russes veulent-ils la guerre (1961) musique d'Édouard Kolmanovski, paroles de Yevguéni Yevtouchenko.
En version sous-titrée pour le côté involontairement comique. Même si y'a vraiment pas de quoi... 
Notre affectueux salut aux Russes qui dénoncent cette "opération militaire".

lundi 21 février 2022

Qui sont les Hommes chats ?

 

Le maire de l'époque a reçu de nombreux individus et plus de deux cents appels téléphoniques. Il parlait aux journalistes, aux policiers, à la Maria Teresa Campos¹, aux émissions de la télévision basque et au président de la communauté autonome de Navarre. À un tas de gens connus. Il s'est pas mal affaibli. Il ne dormait presque plus. Mangeait peu. Il était sempiternellement entouré d'étrangers et répondait à deux téléphones portables en même temps. Une chose chassant l'autre.

Qui l’eut cru ? On avait vécu avec un collectionneur. Mais celui-là ne s'était pas passionné pour les timbres ou pour les images de footballeurs. Il se contentait de nettoyer la contrée de tous ceux qui rôdaient autour de son troupeau. Il les tuait et leur tranchait les mains. Aux voleurs de bétail. Pour les conserver ensuite dans le sel. Nous, on pouvait l'entendre. On doit défendre sa propriété envers et contre tous. Mais du monde extérieur, on n'a reçu que de la merde et du venin. Ce n'était que sauvageries incompréhensibles pour les esprits comme il faut.

Qu'avec les mains, il se faisait des attouchements pas catholiques. Je ne sais quoi encore à propos de fétiches. Qu'il était complètement cinoque. Que pendant des décennies, il avait terrorisé toute la région. Qu'il était impossible que les autres n'aient rien suspecté. Qu'on avait encore peur de parler alors qu'il était mort. Qu'on était complices. Par ce qu'on s'était tus et qu'on n'avait pas voulu alerter qui que ce soit. Qu'on entravait l'enquête. Que nous vivions en pleine folie. Que vivre éloignés du monde avait fait de nous des misérables. Que si ça se trouve, c'était nous, ses propres voisins, qui avions mis le feu pour nous libérer de ce fou. Que nous représentions l'Espagne Noire. Que nous étions tous coupables. Et je ne sais combien d'autres conneries.
Josu Arteaga Histoire universelle des Hommes-chats (Nouveau Monde) 

L'auteur ne dédaigne pas taquiner la muse du rock et la mythologie du western spaghetti made in Spain.
Avec ses deux complices de la Banda del abuelo.

 

Un village enchâssé dans les brumes des montagnes basques, non loin de la frontière française. Qui se maintient à l'écart d'un monde qu'il méprise et qui l'agresse.

Un village dont plusieurs habitants sont décrits comme correspondants à un félin particulier. D'où leurs surnoms d'Hommes Chats.

Un village dont une bonne partie de la population, traditionnellement catholique, a choisi le camp des vainqueurs durant la guerre civile mais autour duquel des guérilleros anti-franquistes ont longtemps rodé.

Un village qui cache de terribles secrets. Outre les jalousies, rivalités ou haines qui se résolvent de façon tragique ou cocasse, une rumeur persistante fait état de cadavres aux mains coupées, on ne sait par qui ni pourquoi.

Jusqu'à ce que le brouillard se lève sur la scène des crimes. 
 

¹ Maria Teresa Campos : animatrice de différents talk-show de la télévision espagnole.

 

mardi 15 février 2022

Curiosité : les Pingouins reprenaient les Coasters



Certains groupes ont laissé des traces pour des raisons n'ayant rien à voir avec leur empreinte réelle dans la musique. Ainsi, Les Pingouins, formés en 1962, n'étaient pas vraiment des précurseurs. Mais ce combo des débuts du rock hexagonal avait comme bassiste, le très jeune Dominique Blanc-Francard (dit "Mino" et au centre de la photo) qui fit ensuite une belle carrière de producteur et ingénieur de son au château d'Hérouville, propriété de Michel Magne.
Il fut également producteur d'une des très rare émission radio de rock sur une station du service public antérieure à l'invasion des radios libres.
Les Pingouins étaient par ailleurs composés de Louis Locatelli (dit "Lou Vincent") au chant, Christian Prunier et Alain Fournier aux guitares ainsi que Gérad Hugé à la batterie.
Ils laissèrent quatre maxi EP quatre titres entre 1962 et 1963 et furent ravagés par cette formalité qui tua tant de groupes, j'ai nommé le service militaire. D'ailleurs, l'armée française ayant déjà englouti leur chanteur, les deux derniers EP furent uniquement musicaux.
Curieusement, ils furent, à notre connaissance les premiers à reprendre le génial groupe de doo wop rigolo The Coasters. Deux ans avant Henri Salvador.
En l’occurrence, sur leur deuxième disque ils avaient pondu une version de Searchin' tout bêtement rebaptisée Cherche. Même si les paroles n'ont rien à voir, le côté surf de leur adaptation a au moins le mérite d'avoir cherché une certaine originalité.
Même si par rapport à l'original, y'a pas photo, comme on dit.

 



samedi 12 février 2022

Une heure avec Colette Magny

 


Si on a parfois reproché à Colette Magny (1926-1997) une certaine grandiloquence ou de se perdre à soutenir quelques satrapes rouges, on n'a jamais douté de sa sincérité d'écorchée vive.
L'émission Toute une vie de ce 12 février nous a permis de la retrouver pour une heure de témoignages croisées et d'archives. 
Comme c'était, somme toute assez émouvant, il n'y a aucune de raison de ne pas faire partager. Si l'affichage ne marche toujours pas malgré les bons conseils  de Tonton Djorge, il suffit de cliquer sur la date.

Extrait du disque Kevork, ou le délit d'errance, Quand j'étais gamine (1989) chanson dont on a pigé la signification profonde qu'à l'écoute de l'émission ci-dessus.

dimanche 6 février 2022

Le camarade Rachid Taha et une traduction mystérieuse

On l'a déjà dit ici même, on avait une réelle affection pour Rachid Taha. Qui a toujours professé des opinions pour le moins sympathiques.
Seulement voilà, ne causant pas l'arabe dans sa version algérienne dans le texte, on va quelques fois chercher des traductions sur forums ou sites dédiés. En évitant d'avoir recours à ces immondes traducteurs numériques plus artificiels qu'intelligents (essayez donc de leur faire traduire des expressions comme hell or black water ou comerse el marrón pour rire). Enfin, ces gadgets peuvent avoir une certaine utilité à l'occasion mais là n'est pas le problème.
Dernièrement, on a cherché une traduction de Barra barra, premier titre de l'album Made in Medina en 2000 (utilisé par Ridley Scott dans Black hawk down, film de guerre léger comme un panzer). 

 Et là, magie de la traduction, on tombe sur deux trucs complètement différents. La première version est tirée d'un article en ligne du quotidien algérien El Watan. Ça donne:
Dehors, dehors, la haine et le règne de l’arbitraire/ Dehors, dehors, la destruction, la tristesse, rien n’est fiable et sûr/Dehors, dehors, la soif et des gens qui portent la poisse/ Dehors, aucun respect, l’oppression et l’esclavagisme/ Dehors dehors, les rivières ont été asséchées et les mers ont ruiné tout/ Dehors dehors, les étoiles sont éteintes et le soleil s’est caché/Dehors, dehors, il n’y a plus d’opulence ni bonheur ni chance/Dehors, dehors, Il n’y a plus d’arbres et les oiseaux se sont tus/Dehors dehors, il n’y a plus ni nuit ni jour, que les ténèbres/Dehors, dehors, que l’enfer, il ne reste plus de beauté/Dehors, dehors, l’indigence augmente, il ne respecte plus(le peuple)/Dehors, dehors, il ne reste que des murs, des murs dressés/Dehors, dehors, la peur et les gens demeurent silencieux.
 
Une chanson "dégagiste", comme dit ce néologisme, écrite dix ans avant la révolution tunisienne et la vague suivante nommée des printemps arabes, donc.
Là où ça se corse, c'est qu'en tombant sur un forum de discussions sur la musique, on découvre une version bien différente.
Dehors, dehors / Il y a la convoitise, le tourment et les youyous/ Dehors, dehors/   Le désordre règne, la désolation et l'insécurité/ Il y a la soif (de vivre) malgré le désarroi des gens / Il n'y a plus de respect, plus de dignité mais l'obscurantisme / Dehors, dehors / Les rivières se sont asséchées et les mers polluées/ Les étoiles se cachent pour laisser tomber le soleil/ Dehors, dehors / Il n'y a plus ni bien, ni joie, ni destin / Il n'y a plus d'arbres, les oiseaux ont cessé de chanter/ Il n'y a ni nuit, ni jour, (mais) plus que l'obscurité/ Dehors, dehors / Et l'enfer, plus rien n'est beau/ Il y a la débauche, il n'y a plus de respect/ Il y a la corruption, la guerre et le sang qui coule/ Dehors, dehors/ Il ne reste que des murs, des murs debout/ La peur règne et les gens se taisent/ Dehors, dehors/ Il y a de la convoitise, du tourment et les youyous/  Le désordre règne, la désolation et l'insécurité/ Les rivières se sont asséchées et les mers polluées/ Les étoiles se cachent pour laisser tomber le soleil.
 
Curieusement, vu notre méfiance maladive vis à vis d'une certaine presse, on aurait tendance à croire en la deuxième version. Mais on n'affirme rien. Si quelqu'un a une troisième option, on est preneur. 
La même en concert à Bruxelles (2001)

mercredi 2 février 2022

Deux reines du blues et une pochette de légende.

 
Le génial dessinateur américain Robert Crumb détestait et déteste toujours le rock, trop artificiel, trop commercial, trop récupéré par le show biz à son avis. Et pourtant, ce grand amateur de 78 tours qui illustra magistralement de nombreuses pochettes de blues, de hillbilly ou de folk confessait une admiration non dissimulée pour Janis Joplin, chanteuse se situant, pour lui, en ligne directe des pionnières du blues, à la fois respectueuse et novatrice. 
Par contre, il confessait ne pas comprendre pourquoi une aussi magnifique chanteuse était accompagnée par une bande de bourrins jouant aussi vulgairement (Big Brother and the holding company).
Si on commence par Crumb, c'est qu'il réalisa pour la dame une des pochette d'album parmi les plus marquantes de toutes les années 1960 : Cheap thrills.
En 1967, nourri quasi exclusivement au LSD, l'ayant mis à profit pour créer le scandaleux Fritz the Cat ou le gourou escroc Mr Natural, Crumb déménage de Cleveland à San Francisco. La ville est en pleine effervescence hippie et une scène musicale émerge.
Janis en 1968

Publiant pour quelques miettes dans une ribambelle de revues et fanzines, témoin du naufrage hippie, c'est un Crumb épuisé qui est contacté, en 1968, par une Joplin en pleine ascension. Ça tombe bien, c'est vraiment la seule qui trouve grâce à ses yeux (le bougon trouve même Dylan préfabriqué).
Janis et son groupe venaient de triompher au festival de Monterey et sa compagnie de disque, Columbia, exigeait un album rapide pour faire du pognon sur l'occasion. Originellement, la pochette en avait été confiée au photographe Richard Avedon pour une image de groupe, somme toute assez classique. La bande à Janis trouvait juste que ladite photo représentait plus le célèbre photographe de mode qu'eux mêmes. Columbia avait déjà refusé le titre de l'album qui devait être Dope, Sex and Cheap Thrills pour ne conserver que les deux derniers mots, qu'on peut traduire par "plaisirs bon marché". C'est alors que Dave Getz (batteur), James Gurley (guitariste) et Janis Joplin, tous trois habitant en communauté et friands des crobards de Crumb le contactent.
Pour 600 $, le dessinateur fou se gave de speed et livre un premier projet de pochette réalisé en une nuit. Une affaire qui roule...
Sauf que, charmé par un graphisme inattendu, les musiciens décident de se passer du dessin du groupe en action d'abord imaginé en recto pour basculer le verso de la pochette, avec la liste des morceaux et des musiciens, en exposition.
Dessinée comme une planche BD avec une case pour chaque chanson, la pochette ne fut pas pour rien dans le succès phénoménal que rencontra l'album à sa sortie en août 1968.
Et on gage que pour le dessinateur râleur, une pièce maîtresse en fur la reprise de Ball and chain de Big Mama Thornton.

Une version mythique de ce blues de 1953 avait été jouée par le groupe au Monterey Pop de juin 1967. 

À titre de comparaison, la même par Big Mama, la bougresse ne se contentait pas de beugler, elle maniait aussi la guitare. 

 

Et comme disait un animateur radio, depuis sacqué de l'antenne : "deux versions également aimables à nos oreilles".